CAA de NANCY, 3ème chambre, 8 avril 2020, 18NC01792, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 3e ch., 8 avr. 2020, n° 18NC01792
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 18NC01792
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Besançon, 23 avril 2018, N° 1800075
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041989352

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E… G… et M. A… C… ont demandé au tribunal administratif de Besançon d’annuler la décision du 12 septembre 2017 par laquelle le maire de Besançon a refusé d’inscrire leur fille auprès du service public de restauration scolaire de la commune, ensemble la décision du 7 décembre 2017 portant rejet de leur recours gracieux formé par courrier du 26 octobre 2017.

Par un jugement n° 1800075 du 24 avril 2018, le tribunal administratif de Besançon a annulé les décisions des 12 septembre et 7 décembre 2017 et a enjoint au maire de Besançon de réexaminer la demande d’inscription adressée par les requérants dans un délai de quinze jours suivant la notification de ce jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2018, et un mémoire complémentaire, enregistré le 5 février 2020, la commune de Besançon, représentée par Me H…, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1800075 du tribunal administratif de Besançon du 24 avril 2018 ;

2°) de rejeter, en toutes ses conclusions, la demande présentée par Mme G… et M. C… devant le tribunal administratif de Besançon ;

3°) de ne pas admettre l’intervention volontaire de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques ;

4°) de mettre à la charge de Mme G… et de M. C… la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – l’intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves de l’école publique n’est pas recevable, dès lors, d’une part, que l’association intervenante ne justifie pas d’un intérêt à agir et, d’autre part, que sa présidente n’a pas qualité pour la représenter en justice ;

 – Mme G… et M. C… ne sauraient utilement invoquer, par la voie de l’exception, l’illégalité de l’article 10 du règlement des accueils périscolaires de la commune de Besançon pour l’année scolaire 2017/2018 au regard de l’article L. 131-13 du code de l’éducation, dès lors que les dispositions en cause ne s’appliquent pas au service de restauration scolaire à l’école maternelle ;

 – elle pouvait légalement opposer à Mme G… et à M. C… l’absence de places disponibles pour refuser d’inscrire leur enfant auprès du service public communal de restauration scolaire ;

 – ni la lettre de l’article L. 131-13 du code de l’éducation, ni l’intention du législateur, telle qu’elle résulte des travaux parlementaires, n’imposent aux communes, qui ont choisi de créer un service de restauration scolaire pour les écoles primaires, dont elles ont la charge, d’adapter et de proportionner le service afin de garantir à chaque élève le droit d’y être inscrit ;

 – une telle obligation, s’agissant d’un service public facultatif, serait contraire au principe de libre administration des collectivités territoriales et lui imposerait, à court terme, des contraintes techniques et financières excessives ;

 – les dispositions de l’article L. 131-13 du code de l’éducation résultent d’un amendement parlementaire, qui visait à retranscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil d’Etat, interdisant aux communes, sur le fondement du principe d’égal accès des usagers au service public, d’exclure dans le règlement des cantines scolaires les élèves dont les parents ne travaillent pas ;

 – la décision en litige était justifiée au regard des limites de capacité d’accueil du site concerné, induites par les dispositions combinées des articles L. 227-4 et R. 227-1 du code de l’action sociale et des familles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2018, Mme E… G… et M. A… C…, représentés par Me F…, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Besançon d’une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens invoqués par la commune de Besançon ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 13 septembre 2018, la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, représentée par Me F…, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Besançon de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens invoqués par la commune de de Besançon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de l’éducation ;

 – la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 ;

 – l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B…,

 – les conclusions de Mme Seibt, rapporteur public,

 – et les observations de Me D…, pour la commune de Besançon.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E… G… et M. A… C… ont emménagé à Besançon le 1er septembre 2017, à la suite d’une mutation. Par courrier du 31 juillet 2017, ils ont sollicité l’inscription de leur fille, alors âgée de trois ans et demi et scolarisée à l’école maternelle « Paul Bert », aux services publics communaux de restauration scolaire et de l’accueil périscolaire. Confronté à un manque de places disponibles, le maire de Besançon, par une décision du 12 septembre 2017, a refusé de faire droit à leur demande d’inscription au service de restauration scolaire. Mme G… et M. C… ont formé contre cette décision, le 26 octobre 2017, un recours gracieux, qui a été rejeté le 7 décembre 2017. Ils ont saisi le tribunal administratif de Besançon d’une demande tendant à l’annulation des décisions du 12 septembre et du 7 décembre 2017, en tant qu’elles refusent d’inscrire leur enfant au service public communal de restauration scolaire. La commune de Besançon relève appel du jugement n° 1800075 du 24 avril 2018, qui annule les décisions des 12 septembre et 7 décembre 2017 et enjoint au maire de réexaminer la demande d’inscription de Mme G… et de M. C… dans un délai de quinze jours suivant sa notification.

Sur l’intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques :

2. Il ressort des pièces du dossier que la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques, fondée en 1947, est un établissement reconnu d’utilité publique par décret du7 août 1951. Il résulte de l’article 1er de ses statuts, adoptés en dernier lieu lors de son congrès national des 18, 19 et 20 mai 2013, que cette association se donne notamment pour objectifs d'« apporter aide et soutien aux parents d’élèves des établissements publics et aux élèves qui les fréquentent » (7°), de « dénoncer et combattre l’exclusion sociale ou culturelle des personnes en état de grande pauvreté ou en raison de leur situation familiale (…) ayant un lien avec les activités scolaires et périscolaires mises en oeuvre par les ministères et/ou par les collectivités territoriales » (8°). Dans ces conditions, et alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que son champ d’action territorial serait trop large au regard de l’enjeu du présent litige, la Fédération des conseils des parents d’élèves des écoles publiques justifie d’un intérêt à intervenir au soutien des conclusions de Mme G… et de M. C….

3. Il résulte, toutefois, du troisième alinéa de l’article 10 des statuts que « toute intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques dans une procédure judiciaire ne pourra résulter que d’une délibération du conseil d’administration national, qui mandatera le président (…) à cet effet ». Or, en l’absence de production par la partie intervenante d’une telle délibération, la présidente en exercice de la Fédération des conseils des parents d’élèves des écoles publiques ne justifie pas de sa qualité pour intervenir en appel au nom de la Fédération. Par suite, cette intervention n’est pas recevable et elle ne peut, en conséquence, être admise.

Sur le bien-fondé du jugement :

4. D’une part, aux termes du premier alinéa de l’article D. 311-10 du code de l’éducation, relatif aux « cycles d’enseignement à l’école primaire et au collège » : " La scolarité de l’école maternelle à la fin du collège est organisée en quatre cycles pédagogiques successifs : 1° Le cycle 1, cycle des apprentissages premiers, correspond aux trois niveaux de l’école maternelle appelés respectivement : petite section, moyenne section et grande section ; 2° Le cycle 2, cycle des apprentissages fondamentaux, correspond aux trois premières années de l’école élémentaire appelées respectivement : cours préparatoire, cours élémentaire première année et cours élémentaire deuxième année ; 3° Le cycle 3, cycle de consolidation, correspond aux deux années de l’école élémentaire suivant le cycle des apprentissages fondamentaux et à la première année du collège appelées respectivement : cours moyen première année, cours moyen deuxième année et classe de sixième ; 4° Le cycle 4, cycle des approfondissements, correspond aux trois dernières années du collège appelées respectivement : classes de cinquième, de quatrième et de troisième. ". Il résulte de ces dispositions que l’école primaire regroupe l’école maternelle, de la petite à la grande section, et l’école élémentaire, du cours préparatoire au cours moyen deuxième année.

5. D’autre part, aux termes de l’article L. 131-13 du code de l’éducation, créé par l’article 186 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté : « L’inscription à la cantine des écoles primaires, lorsque ce service existe, est un droit pour tous les enfants scolarisés. Il ne peut être établi aucune discrimination selon leur situation ou celle de leur famille ». Ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant précédé l’adoption de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, instituent le droit pour tous les enfants scolarisés à l’école primaire d’être inscrits à la cantine dès lors que le service de restauration scolaire a été créé par la collectivité territoriale compétente. Il s’ensuit que lorsqu’elle a créé un tel service, la collectivité territoriale est tenue de garantir ce droit d’inscription à chaque enfant scolarisé dans une école primaire dès lors qu’il en fait la demande, sans que puisse être opposé le nombre de places disponibles.

6. Il n’est pas contesté que la décision refusant d’inscrire la fille de Mme G… et de M. C… à la cantine scolaire a notamment été prise sur le fondement des dispositions de l’article 10 du règlement des accueils périscolaires établi par la commune de Besançon pour l’année scolaire 2017-2018, aux termes desquelles : « Aucun enfant n’est admis à un service périscolaire sans que sa demande d’inscription n’ait été validée par une attestation d’inscription. / La demande d’inscription est acceptée lorsque : (…) / – le nombre de places disponibles est suffisant (…) ». Il résulte de ce qui a été dit précédemment que de telles dispositions, qui subordonnent l’inscription d’un enfant scolarisé auprès du service de restauration à l’existence de places disponibles, méconnaissent l’obligation énoncée à l’article L. 131-13 du code de l’éducation. Pour se délier d’une telle obligation, la commune de Besançon ne saurait utilement se prévaloir des contraintes techniques et financières auxquelles se heurterait sa mise en oeuvre, non plus que de l’atteinte qui serait ainsi portée au principe constitutionnel de la libre administration des collectivités territoriales, alors qu’il n’appartient pas au juge administratif d’apprécier, même de façon indirecte, la constitutionnalité d’une loi.

7. La commune de Besançon fait encore valoir que la décision en litige était justifiée au regard des dispositions du dernier alinéa du 1° du II de l’article R. 227-1 du code de l’action sociale et des familles, dans sa rédaction alors applicable, aux termes desquelles : « L’accueil de loisirs périscolaire est celui qui se déroule les jours où il y a école. L’effectif maximum accueilli est celui de l’école à laquelle il s’adosse. Lorsque l’accueil se déroule sur plusieurs sites ou lorsqu’il regroupe des enfants de plusieurs écoles, l’effectif maximum accueilli est limité à trois cents ». Toutefois, à supposer même que les dispositions en cause soient applicables aux cantines scolaires, elles ont pour objet de prévoir l’effectif maximum accueilli dans le cadre d’un accueil de loisirs périscolaire en fonction du mode d’organisation choisi par la collectivité, mais n’ont pas pour objet de fixer un seuil maximal pour l’accueil des mineurs bénéficiant d’un service de restauration scolaire. La commune de Besançon, à qui il incombait de prendre les mesures nécessaires pour garantir le droit énoncé à l’article L. 131-13 du code de l’éducation, ne saurait dès lors utilement soutenir que ses capacités d’accueil étaient limitées à trois cents places au motif que le bâtiment accueillant le service public communal de restauration accueillait les enfants de plusieurs établissements d’enseignement.

8. Il résulte de ce qui précède que, les dispositions de l’article 10 du règlement des accueils périscolaires étant illégales, la décision refusant d’inscrire la fille de Mme G… et de M. C… à la cantine scolaire est elle-même illégale. Par suite, la commune de Besançon n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision, ainsi que celle rejetant le recours gracieux formé par les intéressés.

Sur les frais de justice :

9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de Mme G… et de M. C…, qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, la somme réclamée par la commune de Besançon au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la requérante le versement aux défendeurs de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


D E C I D E :

Article 1er : L’intervention de la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques n’est pas admise.

Article 2 : La requête de la commune de Besançon est rejetée.

Article 3 : La commune de Besançon versera à Mme G… et à M. C… la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Besançon et à Me F… pour Mme E… G… et M. A… C… et la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques en application des dispositions de l’article 13 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.


N° 18NC01792 2



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