CAA de NANCY, 1ère chambre, 2 février 2023, 20NC00987, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 1re ch. - formation à 3, 2 févr. 2023, n° 20NC00987
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 20NC00987
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Strasbourg, 23 février 2020, N° 1802980 et 1806228
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 4 février 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000047090483

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CSS Station a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par une requête enregistrée sous le n° 1802980, d’annuler l’arrêté du 16 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné la réalisation d’un diagnostic environnemental du site des installations de la société Stevauto à Haguenau et prescrivant des mesures concomitantes.

La société CSS Station a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, par une requête enregistrée sous le n° 1806228, d’annuler l’arrêté du 24 juillet 2018 du préfet du Bas-Rhin la mettant en demeure de réaliser dans un délai de deux semaines les travaux prévus par les arrêtés des 11 juillet 2017 et 16 février 2018.

Par un jugement n°s 1802980 et 1806228 du 24 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ces deux recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 24 avril 2020, la société CSS Station, représentée Me Maamouri demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 24 février 2020 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 16 février 2018 par lequel le préfet du Bas-Rhin a ordonné la réalisation d’un diagnostic environnemental du site des installations de la société Stevauto à Haguenau et prescrivant des mesures concomitantes ;

3°) d’annuler l’arrêté du 24 juillet 2018 par lequel le préfet du Bas Rhin l’a mise en demeure de réaliser dans un délai de deux semaines les travaux prévus par les arrêtés des 11 juillet 2017 et 16 février 2018 ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

( sur la régularité du jugement du 24 février 2020 :

— les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen tiré de la méconnaissance du principe de contradictoire ;

— les premiers juges n’ont pas visé ce moyen ;

( sur la légalité de l’arrêté du 16 février 2018 :

— cet arrêté est entaché d’incompétence ;

— la motivation est irrégulière faute de lui avoir communiqué l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques du 10 janvier 2018 ;

— il est entaché d’erreur de fait et d’une erreur manifeste d’appréciation ; il a méconnu le principe du contradictoire.

( sur la légalité de l’arrêté du 24 juillet 2018 :

— cet arrêté est entaché d’incompétence ;

— il est entaché d’un vice de procédure ;

— il est entaché d’une erreur d’appréciation dès lors qu’il est matériellement impossible de respecter le délai d’exécution imposé par l’administration.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 févier 2022, la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société CSS Station ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’environnement ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Sibileau, premier conseiller,

— et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. Des odeurs d’hydrocarbures ayant été détectées à l’occasion de travaux de terrassement effectués à proximité de la station-service sise au , exploitée par la société Stevauto désormais dénommée société CSS Station, les installations classées de cette dernière ont fait l’objet d’une visite d’inspection le 28 mai 2015. La société Stevauto s’est alors vu notifier deux arrêtés du préfet du Bas-Rhin. Le premier, en date du 11 juillet 2017, lui a prescrit la mise en place d’un programme d’auto-surveillance dont les résultats devaient être transmis à l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement, tandis que le bilan de cette surveillance devait être adressé au préfet. Le second, en date du 16 février 2018, lui a prescrit de réaliser un diagnostic environnemental afin de déterminer l’origine de la pollution, d’en limiter la propagation et de dépolluer le site. En l’absence d’exécution de ces décisions par la requérante, le préfet du Bas-Rhin, par un arrêté du 24 juillet 2018, l’a mise en demeure de se conformer, dans un délai de deux semaines, aux prescriptions prévues par les arrêtés du 11 juillet 2017 et 16 février 2018. Par un jugement n°s 1802980 et 1806228 du 24 février 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté les recours formés contre les arrêtés du 16 février 2018 et du 24 juillet 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l’article L. 121-1 du code des relations du public avec l’administration : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. ». Aux termes de l’article L. 512-20 du code de l’environnement : « En vue de protéger les intérêts visés à l’article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en oeuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d’un accident ou incident survenu dans l’installation, soit les conséquences entraînées par l’inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités. Ces mesures sont prescrites par des arrêtés pris, sauf cas d’urgence, après avis de la commission départementale consultative compétente. ». La procédure au terme de laquelle le préfet peut imposer des prescriptions complémentaires à l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement, en particulier en application de l’article L. 512-20, est précisée par l’article R. 181-45 de ce code, qui dispose dans sa rédaction en vigueur au 16 février 2018 que : " Les prescriptions complémentaires prévues par le dernier alinéa de l’article L. 181-14 sont fixées par des arrêtés complémentaires. / [] / Le préfet peut solliciter l’avis de la commission ou du conseil mentionnés à l’article R. 181-39 sur les prescriptions complémentaires ou sur le refus qu’il prévoit d’opposer à la demande d’adaptation des prescriptions présentée par le pétitionnaire. L’exploitant peut se faire entendre et présenter ses observations dans les conditions prévues par le même article. Le délai prévu par l’alinéa précédent est alors porté à trois mois. « . En vertu du dernier alinéa de l’article R. 181-39 de ce code dans sa rédaction en vigueur au 16 février 2018 : » Le préfet peut également solliciter l’avis de la commission ou du conseil susmentionnés sur les prescriptions dont il envisage d’assortir l’autorisation ou sur le refus qu’il prévoit d’opposer à la demande. Il en informe le pétitionnaire au moins huit jours avant la réunion de la commission ou du conseil, lui en indique la date et le lieu, lui transmet le projet qui fait l’objet de la demande d’avis et l’informe de la faculté qui lui est offerte de se faire entendre ou représenter lors de cette réunion de la commission ou du conseil. « . L’article R. 181-40 du même code dans sa rédaction en vigueur le 16 février 2018 précise que : » Le projet d’arrêté statuant sur la demande d’autorisation environnementale est communiqué par le préfet au pétitionnaire, qui dispose de quinze jours pour présenter ses observations éventuelles par écrit. « . Enfin, dans le cas où sont mis en œuvre les pouvoirs de contrôle confiés à l’inspection des installations classées par les articles L. 171-1 et suivants, l’article L. 514-5 du code de l’environnement dispose que : » L’exploitant est informé par l’inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L’inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l’exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations. ".

3. D’une part, il résulte des dispositions citées au point 2 ci-dessus, que préalablement à l’édiction de prescriptions complémentaires prises sur le fondement de l’article L. 512-20 du code de l’environnement, l’exploitant d’une installation classée pour la protection de l’environnement doit être destinataire du rapport du contrôle le cas échéant réalisé par l’inspection des installations classées, des propositions de l’inspection tendant à ce que des prescriptions complémentaires lui soient imposées et du projet d’arrêté du préfet comportant les prescriptions complémentaires envisagées. D’autre part, il résulte de la combinaison des mêmes dispositions que l’exploitant doit être mis à même de présenter des observations et d’obtenir également communication, s’il le demande, de celles des pièces du dossier utiles à cette fin.

4. A l’appui de sa demande, la société CSS Station soutenait notamment que l’arrêté du 16 février 2018 a été pris au mépris du principe du contradictoire tel que prévu par les dispositions précitées. Le tribunal ne s’est pas prononcé sur ce moyen, qui n’était pas inopérant. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu’il rejette les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 16 février 2018.

5. Il y a lieu pour la cour de se prononcer immédiatement sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 16 février 2018 du préfet du Bas-Rhin par la voie de l’évocation et de statuer par l’effet dévolutif de l’appel sur les autres conclusions présentées par la société CSS Station tant devant le tribunal administratif de Strasbourg que devant la cour administrative d’appel.

Sur la légalité de l’arrêté du 16 février 2018 :

6. En premier lieu, M. Yves Séguy, secrétaire général de la préfecture du Bas-Rhin, a reçu, par arrêté préfectoral du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de l’Etat dans le Bas-Rhin, délégation de signature aux fins de prendre les mesures de la nature de celles contenues dans l’arrêté attaqué. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire de l’acte litigieux doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l’arrêté contesté, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. Contrairement à ce que soutient la société CSS Station, la circonstance que l’arrêté du 16 février 2018 vise l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques du 10 janvier 2018 sans que ce dernier ne soit joint à la décision attaquée, n’est pas de nature à remettre en cause la régularité formelle de la décision du 16 février 2018.

8. En troisième lieu, pour ordonner la réalisation d’un diagnostic environnemental du site des installations de la société Stevauto à Haguenau et prescrivant des mesures concomitantes, le préfet du Bas-Rhin s’est fondé sur la circonstance qu’une pollution des eaux souterraines aux hydrocarbures a été mise à jour le 27 mai 2015 lors de travaux de terrassement au droit de la maison d’habitation sise au et vis-à-vis de la station-service de l’exploitant, que les installations de distribution de liquides inflammables sont souvent à l’origine de pollutions des sols et des eaux souterraines par des hydrocarbures, que le sens d’écoulement des eaux souterraines dans le secteur montrent que les installations exploitées par la requérante sont en amont direct par rapport à la zone de pollution découverte.

9. Tout d’abord, contrairement à ce que soutient la société CSS Station, il ne résulte pas de l’instruction que le préfet du Bas-Rhin ait estimé que la maison d’habitation évoquée ci-dessus soit située vis-à-vis de la station-service de l’intéressée. Il ressort au contraire des termes mêmes de l’arrêté attaqué que le préfet a en réalité défini ainsi la zone affectée par une pollution des eaux souterraines aux hydrocarbures. Ensuite, il est constant que le rapport de l’inspection des installations classées pour la protection de l’environnement du 15 juillet 2015 n’envisage pas l’hypothèse selon laquelle les pollutions trouveraient leur origine dans l’activité du garage GMA actuellement appelé « Europe Auto ». Toutefois, cette circonstance ne suffit pas à établir que telle serait en réalité l’origine des phénomènes constatés. Enfin, la société CSS Station soutient qu’il ne ressort pas des constatations de l’inspecteur des installations classées que sa station-service soit à l’origine des pollutions. Toutefois, il résulte de l’instruction que les pollutions se situent vis-à-vis de la station-service exploitée par la requérante qui, contrairement au garage GMA, stocke des hydrocarbures. Par ailleurs, il ressort du rapport du 15 juillet 2015 et n’est pas contesté, que nonobstant le respect de la réglementation, l’exploitation d’une telle station-service peut être à l’origine de pollutions des sols ou des eaux souterraines en raison de fuites faibles et indétectables. Par suite, la société CSS Station n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée repose sur des faits matériellement inexacts.

10. En quatrième et dernier lieu, la société CSS Station se plaint de ne pas avoir été destinataire du projet d’arrêté du préfet après la réunion du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques qui s’est tenue le 10 janvier 2018. Toutefois, par un courrier du 29 décembre 2017 reçu le 30 décembre 2017, le préfet du Bas-Rhin a informé la société CSS Station de la tenue du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques et lui a communiqué l’avis de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement et le projet d’arrêté. Contrairement à ce que soutient la société CSS Station, les textes cités au point 2 ci-dessus n’imposent pas au préfet du Bas-Rhin de transmettre une seconde fois son projet d’arrêté, dont il n’est d’ailleurs ni établi ni même allégué qu’il aurait subi des modifications. Par suite, le moyen doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 16 février 2018 doivent être rejetées.

Sur la légalité de l’arrêté du 24 juillet 2018 :

12. Aux termes de l’article L. 514-5 du code de l’environnement : « L’exploitant est informé par l’inspecteur des installations classées des suites du contrôle. L’inspecteur des installations classées transmet son rapport de contrôle au préfet et en fait copie simultanément à l’exploitant. Celui-ci peut faire part au préfet de ses observations. ».

13. Il résulte de ces dispositions que le rapport de l’inspecteur des installations classées, qui sert de fondement à la mise en demeure, doit être transmis à l’exploitant, lequel peut faire part au représentant de l’Etat de ses observations. Par suite, alors même que le préfet a compétence liée pour édicter une mise en demeure dès lors que l’inspecteur des installations classées a constaté l’inobservation par l’exploitant d’une installation classée des conditions légalement imposées à cette installation, les circonstances que le rapport de l’inspecteur constatant les manquements n’ait pas été préalablement porté à la connaissance de l’exploitant ou que l’exploitant n’ait pas été mis à même de présenter ses observations sont de nature à entacher d’irrégularité la mise en demeure prononcée.

14. L’administration, sur laquelle pèse la charge de la preuve, n’établit pas par la seule existence d’une mention en ce sens sur le rapport du 10 juillet 2018 que celui-ci ait effectivement été transmis à la requérante conformément aux dispositions précitées. Par suite, la société CSS Station est fondée à soutenir que la décision du 24 juillet 2018 est entachée d’un vice de procédure qui l’a privée d’une garantie. L’arrêté attaqué doit donc être annulé, sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête.

Sur les frais d’instance :

15. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société CSS Station présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1802980 et 1806228 du 24 février 2020 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu’il a rejeté les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 16 février 2018.

Article 2 : La demande présentée par la société CSS Station tendant à l’annulation de l’arrêté du 16 février 2018 est rejetée.

Article 3 : L’arrêté du 24 juillet 2018 du préfet du Bas-Rhin est annulé.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d’appel est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société CSS Station et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin

Délibéré après l’audience du 12 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Wallerich, président de chambre,

— M. Goujon-Fischer, président-assesseur,

— M. Sibileau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 février 2023.

Le rapporteur,

Signé : J.-B. SibileauLe président,

Signé : M. A

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

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