CAA de NANCY, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 23NC00009, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nancy, 1re ch. - formation à 3, 28 sept. 2023, n° 23NC00009
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nancy
Numéro : 23NC00009
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, 2 novembre 2022, N° 2001439
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 30 septembre 2023
Identifiant Légifrance : CETATEXT000048122918

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A D et Mme C B ont demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d’annuler l’arrêté du 27 mai 2020 par lequel la préfète de la région Grand Est a décidé de mettre en œuvre une fouille archéologique préventive préalablement à l’exploitation d’une carrière sur des parcelles cadastrées section AE n° 118, 135, 137, 139, 184, 199 et 201pp, sises lieu-dit « Les terres blanches » à Courteranges.

Par un jugement n° 2001439 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’arrêté de la préfète de la région Grand Est du 27 mai 2020.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 janvier 2023, la ministre de la culture demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 3 novembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A D et Mme C B devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

La ministre soutient que :

— le tribunal a commis une erreur de droit en ne faisant pas application de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 au délai prévu par l’article R. 523-19 du code du patrimoine ;

— le non-respect du délai de trois mois prévu par la convention conclue entre l’Inrap et la société Patrim’Aube n’est pas de nature à emporter l’annulation de l’arrêté du 27 mai 2020.

La requête a été communiquée à M. D et Mme B qui n’ont pas présenté de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code du patrimoine ;

— l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des mesures pour cette même période ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Barrois, première conseillère,

— et les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D et Mme B sont propriétaires de terrains situés au lieu-dit « Les terres blanches » à Courteranges dans l’Aube, cadastrés section AE n° 118, 135, 137, 139, 184, 199 et 201pp. Un diagnostic archéologique a été prescrit par la préfète de la région Grand Est par un arrêté du 16 avril 2019 dont le rapport a été déposé le 7 février 2020 et transmis le 28 février suivant à l’autorité préfectorale. Par un arrêté du 27 mai 2020, notifié le 2 juin 2020 à la société Patrim’Aube, la préfète de la région Grand Est a prescrit la mise en œuvre d’une fouille archéologique préventive préalablement aux travaux d’aménagement prévus sur ces terrains. La ministre de la culture relève appel du jugement du 3 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé cet arrêté.

Sur le moyen d’annulation retenu par le tribunal :

2. D’une part, aux termes de l’article R. 523-1 du code du patrimoine : « Les opérations d’aménagement, de construction d’ouvrages ou de travaux qui, en raison de leur localisation, de leur nature ou de leur importance, affectent ou sont susceptibles d’affecter des éléments du patrimoine archéologique ne peuvent être entreprises que dans le respect des mesures de détection et, le cas échéant, de conservation et de sauvegarde par l’étude scientifique ainsi que des demandes de modification de la consistance des opérations d’aménagement. », de l’article R. 523-4 de ce code, " Entrent dans le champ de l’article R. 523-1 : / 1° Lorsqu’ils sont réalisés dans les zones prévues à l’article R. 523-6 et portent, le cas échéant, sur des emprises au sol supérieures à un seuil défini par l’arrêté de zonage, les travaux dont la réalisation est subordonnée : () / b) A un permis d’aménager en application de l’article L. 421-2 du même code ; () / 3° Les opérations de lotissement régies par les articles R. 442-1 et suivants du code de l’urbanisme, affectant une superficie supérieure ou égale à 3 hectares () « et de l’article R. 523-19 du même code, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, disposait : » Le préfet de région dispose d’un délai de trois mois à compter de la réception du rapport de diagnostic complet pour notifier le contenu des prescriptions postérieures au diagnostic. / La date de réception du rapport de diagnostic complet est notifiée par le préfet de région à l’autorité qui instruit la demande d’autorisation et à l’aménageur. / Dans le cas où le diagnostic a déjà été réalisé en application de l’article R. 523-14, le délai de trois mois court à compter de la réception du dossier par le préfet de région dans les conditions prévues aux articles R. 523-9 et R. 523-10 ou de la confirmation par l’aménageur de son intention de réaliser les aménagements, ouvrages ou travaux projetés. / A défaut de notification dans ce délai, le préfet de région est réputé avoir renoncé à édicter de telles prescriptions ".

3. D’autre part, aux termes de l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, « I. ' Les dispositions du présent titre sont applicables aux délais et mesures qui ont expiré ou qui expirent entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus », de son article 6, « Le présent titre s’applique aux administrations de l’Etat, aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics administratifs ainsi qu’aux organismes et personnes de droit public et de droit privé chargés d’une mission de service public administratif, y compris les organismes de sécurité sociale ». Et de son article 7, « () les délais à l’issue desquels une décision, un accord ou un avis de l’un des organismes ou personnes mentionnés à l’article 6 peut ou doit intervenir ou est acquis implicitement et qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 sont, à cette date, suspendus jusqu’à la fin de la période mentionnée au I de l’article 1er. / Le point de départ des délais de même nature qui auraient dû commencer à courir pendant la période mentionnée au I de l’article 1er est reporté jusqu’à l’achèvement de celle-ci. / () ».

4. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de diagnostic du 7 février 2020 a été transmis à la préfète de la région Grand Est le 28 février 2020 et que cette autorité avait initialement jusqu’au 28 mai suivant pour édicter un arrêté de prescription de fouilles en application de l’article R. 523-19 du code du patrimoine. Toutefois, il résulte des dispositions précitées de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 que le terme du délai pour prescrire la mise en œuvre d’une fouille archéologique préventive a été suspendu jusqu’au 24 juin 2020. Par suite, l’arrêté du 27 mai 2020, notifié le 2 juin 2020 à la société Patrim’Aube, n’a pas méconnu les dispositions de l’article R. 523-19 du code du patrimoine, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif, et la préfète de la région Grand Est ne pouvait être regardée comme avoir renoncé à édicter des prescriptions sur le fondement des dispositions citées précédemment du code du patrimoine.

5. Il résulte de ce qui précède que la ministre de la culture est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 523-19 du code du patrimoine pour annuler l’arrêté préfectoral du 27 mai 2020.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. D et Mme B devant le tribunal administratif.

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 27 mai 2020 :

7. D’une part, aux termes de l’article L. 523-7 du code du patrimoine, « Une convention, conclue entre la personne projetant d’exécuter des travaux et l’établissement public ou la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales dont dépend le service archéologique territorial chargé d’établir le diagnostic d’archéologie préventive, définit les délais de réalisation des diagnostics et les conditions d’accès aux terrains et de fourniture des matériels, équipements et moyens nécessaires à la réalisation des diagnostics. Les délais courent à compter de la mise à disposition des terrains dans des conditions permettant de se livrer aux opérations archéologiques. Sous réserve des dispositions du troisième alinéa applicables en cas d’un dépassement de délai imputable à l’opérateur, la convention détermine les conséquences pour les parties du dépassement des délais. Faute d’un accord entre les parties sur les modalités de l’établissement de la convention, ces délais sont fixés, à la demande de la partie la plus diligente, par l’Etat. Dans ce cas, lorsque l’Etat ne s’est pas prononcé dans un délai fixé par voie réglementaire, la prescription est réputée caduque. Lorsque, du fait de l’opérateur, le diagnostic n’est pas achevé dans le délai fixé par la convention, la prescription de diagnostic est réputée caduque à l’expiration d’un délai fixé par voie réglementaire. Dans ces cas, les dispositions des articles sont applicables aux découvertes faites sur le terrain d’assiette de l’opération. Les mesures utiles à leur conservation ou à leur sauvegarde sont prescrites conformément aux dispositions du présent titre. Les conclusions du diagnostic sont transmises à la personne projetant d’exécuter les travaux et au propriétaire du terrain ».

8. D’autre part, aux termes de l’article 4-3 de la convention conclut entre l’INRAP et la société Patrim’Aube le 26 juin 2019, « D’un commun accord, les parties conviennent que le délai de remise du rapport de diagnostic de l’Inrap au préfet de région est fixé à trois mois à compter de la fin de l’opération de travaux. Le préfet de région portera ce rapport à la connaissance de l’aménageur et du propriétaire du terrain », de l’article 4-2 de cette convention, « Lorsqu’il cesse d’occuper le terrain, l’Inrap dresse un procès-verbal de fin de chantier dans les conditions précisées à l’article 8-1 de la présente convention », de son article 8-3, « Lorsqu’il cesse d’occuper le terrain constituant l’emprise du diagnostic, l’Inrap dresse un procès-verbal de fin de chantier, de façon contradictoire en présence d’un représentant de l’aménageur, en deux exemplaires originaux dont l’un est remis à l’aménageur », de son article 9-1, « En application de l’article R. 523-31-4° du code du patrimoine, le dispositif de pénalités de retard s’applique : (..) – en cas de dépassement par l’Inrap du délai fixé à l’article 4-2 ci-dessus » et enfin de l’article 9-2, « La pénalité due par l’Inrap sera de 10 euros par jour de retard au-delà du délai prévu à l’article 4-2 ».

9. Il est constant que le diagnostic a été réalisé sur le terrain d’emprise les 24 et 25 septembre 2019 et que le rapport afférent, déposé le 27 février 2020, a été transmis au pétitionnaire le lendemain soit au-delà du délai de trois mois prévu à l’article 4-3 de la convention. Toutefois, il ne résulte d’aucune disposition légale ou réglementaire, ni même au demeurant des stipulations de la convention relative à la réalisation du diagnostic d’archéologie préventive conclue entre l’Inrap et la société Patrim’Aube, que le non-respect du délai contractuel de trois mois prévu à son article 4-3 entacherait d’illégalité l’arrêté de prescription de fouilles archéologiques préventives du 27 mai 2020 de la préfète de la région Grand Est faisant suite au rapport de diagnostic. Par suite, le moyen présenté en ce sens est écarté.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la ministre de la culture est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a annulé l’arrêté du 27 mai 2020.

D É C I D E :

Article 1er: Le jugement n° 2001439 du 3 novembre 2022 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D et Mme B devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture, à M. A D et à Mme C B.

Copie en sera adressée à la préfète de la région Grand Est.

Délibéré après l’audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Wallerich, président de chambre,

— M. Sibileau, premier conseiller,

— Mme Barrois, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

La rapporteure,

Signé : M. BarroisLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

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Textes cités dans la décision

  1. Code de l'urbanisme
  2. Code du patrimoine
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