Cour administrative d'appel de Nantes, 3e chambre, du 4 février 1999, 98NT00207, publié au recueil Lebon

  • Décisions pouvant ou non faire l'objet d'un recours·
  • Biens des collectivités territoriales -immeubles·
  • Interdiction des emblèmes à caractère religieux·
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  • Cultes -emblème à caractère religieux·
  • Conséquences de la laïcité de l'État·
  • Actes législatifs et administratifs·
  • Mesures d'ordre intérieur -absence·
  • Différentes catégories d'actes·
  • Actes a caractère de décision

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La délibération par laquelle un conseil municipal refuse d’abroger la décision d’apposer un crucifix dans la salle du conseil et de célébration des mariages de la mairie est susceptible de porter atteinte à la liberté de conscience des administrés. Par suite, cette délibération constitue, non une mesure d’ordre intérieur, mais une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir.

Il résulte des dispositions combinées des articles 1er et 28 de la loi du 9 décembre 1905, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé son adoption, que l’apposition d’un emblème religieux, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi, à l’extérieur ou à l’intérieur d’un édifice public communal autre que destiné au culte, constituant une sépulture, à caractère funéraire ou de musée, méconnaît à la fois la liberté de conscience et la neutralité du service public à l’égard des cultes. Par suite, est illégale la délibération d’un conseil municipal refusant d’abroger la décision d’apposer un crucifix dans la salle du conseil et de célébration des mariages lors du transfert de la mairie dans ses nouveaux locaux en 1987.

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 4 févr. 1999, n° 98NT00207, Lebon
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 98NT00207
Importance : Publié au recueil Lebon
Type de recours : Recours pour excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 15 décembre 1997, N° 96-1006
Textes appliqués :
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel L8-1

Loi 1905-12-09 art. 1, art. 28

Dispositif : Annulation
Identifiant Légifrance : CETATEXT000007529171

Sur les parties

Texte intégral


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 février 1998, présentée par :
 – l’Association civique Joué Langueurs, dont le siège est à la Salle polyvalente à Joué-sur-Erdre (44440), représentée par son président en exercice ;
 – Mlle Rachel B…, demeurant … de Charette à Joué-sur-Erdre ;
 – M. Daniel Z…, demeurant … à Joué-sur-Erdre ;
 – M. André A…, demeurant au Gouderie à Joué-sur-Erdre ;
 – Mme Odile X…, demeurant … à Joué-sur-Erdre ;
 – Mlle Marie Y…, demeurant au Château à Joué-sur-Erdre ;
Les requérants demandent que la Cour :
1 ) annule l’ordonnance n 96-1006 du 16 décembre 1997 par laquelle le Président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l’an-nulation de la délibération en date du 5 février 1996 du conseil municipal de Joué-sur-Erdre décidant de maintenir le crucifix apposé dans la salle du conseil ;
2 ) annule pour excès de pouvoir ladite délibération ;
3 ) condamne la commune de Joué-sur-Erdre à leur verser une somme de 1 000 F au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code des communes ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience,
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 janvier 1999 :
 – le rapport de M. MILLET, premier conseiller,
 – les observations de Me MARTIN-BOUHOURS, substituant Me PITTARD, avocat de la commune de Joué-sur-Erdre,
 – et les conclusions de Mme JACQUIER, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de l’ordonnance attaquée :
Considérant que, par délibération du 5 février 1996, le conseil municipal de Joué-sur-Erdre a refusé d’abroger la décision d’apposer un crucifix dans la salle du conseil municipal et de célébration des mariages ; que cette décision, susceptible de porter atteinte à leur liberté de conscience, constitue non une mesure d’ordre intérieur mais une décision faisant grief aux membres de l’Association civique Joué Langueurs et aux autres requérants, qui étaient, par suite, recevables à demander son annulation au juge de l’excès de pouvoir ; qu’ainsi, l’ordonnance du 16 décembre 1997 par laquelle le président du Tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande des requérants comme dirigée contre une décision insusceptible de recours doit être annulée ;
Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par les requérants devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur les fins de non-recevoir opposées par la commune de Joué-sur-Erdre, à la demande en tant qu’elle a été présentée par l’Association civique Joué Langueurs :
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 3 du titre 1er de ses statuts, l’Association civique Joué Langueurs a pour objet de « développer le sens civique pour l’information en suscitant la réflexion et l’expression de tous sur l’ensemble des sujets concernant la vie de la commune » ; que la liberté de conscience, assurée par la République, figure au nombre des intérêts collectifs que l’Association civique Joué Langueurs s’est donnée pour mission de défendre ; que, par suite, la commune de Joué-sur-Erdre n’est pas fondée à soutenir que ladite association n’aurait pas intérêt lui conférant qualité pour agir contre la délibération litigieuse du conseil municipal du 5 février 1996 ;
Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier que, par délibération en date du 21 février 1998, l’assemblée générale ordinaire de l’Association civique Joué Langueurs a autorisé son président à ester en justice aux fins d’obtenir l’annulation de la délibération litigieuse du 5 février 1996 ; que la production de cette pièce est de nature à régulariser la demande qu’elle a présentée le 1er avril 1996 devant le Tribunal administratif de Nantes ;
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 5 février 1996 :

Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public » et qu’aux termes de l’article 28 de la même loi : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions » ; qu’il résulte de ces dispositions combinées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé son adoption, que l’apposition d’un emblème religieux, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 9 décembre 1905, à l’extérieur comme à l’intérieur d’un édifice public communal méconnaît à la fois la liberté de conscience, assurée à tous les citoyens par la République, et la neutralité du service public à l’égard des cultes quels qu’ils soient ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’un crucifix en plâtre, installé depuis 1945 au secrétariat de la Mairie de Joué-sur-Erdre, a été accroché au mur de la salle du conseil municipal et de célébration des mariages en 1987 lors du transfert de la Mairie dans ses nouveaux locaux ; que l’apposition de ce symbole de la religion chrétienne dans cet édifice public a ainsi méconnu les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905, sans que la commune puisse utilement se prévaloir de l’existence d’un usage local ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la demande, l’Association civique Joué Langueurs et les autres requérants sont fondés à demander l’annulation de la délibération du 5 février 1996 par laquelle le conseil municipal de Joué-sur-Erdre a refusé d’abroger la décision d’apposer le crucifix litigieux dans la salle du conseil et de célébration des mariages de ladite commune ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel :
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner la commune de Joué-sur-Erdre, qui succombe à l’instance, à verser globalement aux requérants la somme de 1 000 F qu’ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, les conclusions présentées par la commune de Joué-sur-Erdre, sur le fondement des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, ne peuvent qu’être rejetées ;
Article 1er  : L’ordonnance du Président du Tribunal administratif de Nantes en date du 16 décembre 1997 et la délibération du conseil municipal de Joué-sur-Erdre en date du 5 février 1996 sont annulées.
Article 2 : La commune de Joué-sur-Erdre versera globalement à l’Associa- tion civique Joué Langueurs, à Mlle Rachel B…, à M. Daniel Z…, à M. André A…, à Mme Odile X… et à Mlle Marie Y… une somme de mille francs (1 000 F) au titre de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Joué-sur-Erdre tendant à l’application des dispositions de l’article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’Association civique Joué Langueurs, à Mlle Rachel B…, à M. Daniel Z…, à M. André A…, à Mme Odile X…, à Mlle Marie Y…, à la commune de Joué-sur-Erdre et au ministre de l’intérieur.

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