CAA de NANTES, 1ère Chambre , 25 juin 2015, 13NT02173, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme (SA) HLM Coutances-Granville a demandé au tribunal administratif de Caen de prononcer la restitution, à hauteur de 5 705,69 euros, d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée correspondant au droit à déduction qu’elle n’a pu exercer au titre de trois factures datées du 3 janvier 2008, du 1er avril 2008 et du 9 septembre 2009.

Par un jugement n° 1201361 du 4 juin 2013, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 juillet 2013, la SA HLM Coutances-Granville, représentée par Me A… demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juin 2013 ;

2°) de prononcer cette restitution ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – la possibilité de déduire la taxe sur la valeur ajoutée qu’elle a versée, et par voie de conséquence le délai ouvert pour obtenir la restitution de son crédit de taxe sur la valeur ajoutée, ne lui a été ouverte que lorsque les conditions prévues par l’article 257 du code général des impôts ont été remplies ;

 – elle pouvait se prévaloir d’instructions administratives, sur le fondement du deuxième alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, contrairement à ce qui a été jugé par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2013, le ministre délégué chargé du budget conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

 – le délai pour obtenir la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée est celui de droit commun prévu par l’article 208 de l’annexe II au code général des impôts ;

 – les modifications des dispositions des articles 257 et 278 sexies du code général des impôts, introduites par la loi de finances rectificative pour 2010, ne concernent que les conditions d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée de certaines opérations et notamment les livraisons à soi-même d’immeubles et non les conditions de déduction des dépenses de construction ;

 – la société requérante n’est pas fondée à se prévaloir de l’instruction fiscale n° 8 A-1-97 du 18 février 1997, dès lors que celle-ci a été rendue caduque par l’intervention d’une loi nouvelle, ni des instructions publiées au bulletin officiel des impôts du 30 décembre 2010 sous les numéros 3 A-5-10 et 3-A-9-10 qui n’apportent aucun élément nouveau.

Vu :

 – les autres pièces du dossier ;

Vu :

 – la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 portant loi de finances rectificative pour 2010, et notamment son article 16 ;

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

 – et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.

1. Considérant que la société anonyme (SA) HLM Coutances-Granville a procédé à deux opérations de construction de logements sociaux neufs à usage locatif dans la commune de Tourville-sur-Seine ; qu’au titre du premier trimestre de l’année 2012, la société a déposé une demande de remboursement d’un crédit de taxe sur la valeur ajoutée déductible pour un montant total de 205 893 euros ; qu’en application de l’article 208 de l’annexe II au code général des impôts, cette demande a été rejetée par le service à hauteur de 5 705,69 euros au motif qu’elle était tardive en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée afférente à trois factures datées, respectivement, du 3 janvier 2008, du 1er avril 2008 et du 9 septembre 2009 ; que la SA HLM Coutances-Granville relève appel du jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la restitution, à hauteur de 5 705,69 euros, du crédit de taxe sur la valeur ajoutée ;

Sur le remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

2. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 271 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l’espèce : « I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d’une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. (…) / 3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. » ; qu’aux termes de l’article 208 de l’annexe II à ce code : « I. Le montant de la taxe déductible doit être mentionné sur les déclarations déposées pour le paiement de la taxe sur la valeur ajoutée. Toutefois, à condition qu’elle fasse l’objet d’une inscription distincte, la taxe dont la déduction a été omise sur cette déclaration peut figurer sur les déclarations ultérieures déposées avant le 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission. (…) » ; que le délai pour réparer une omission de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déductible court à compter de l’exigibilité de la taxe chez le fournisseur ;

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction que la taxe sur la valeur ajoutée grevant les prix de prestations de services facturées à la SA HLM Coutances-Granville et dont les paiements sont intervenus au cours des années 2008 et 2009, a été portée pour un montant de 5 706,69 euros en déduction sur la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée déposée le 11 avril 2012 pour le 1er trimestre 2012 ; que dès lors que la taxe sur la valeur ajoutée était devenue exigible chez les prestataires de services respectivement en 2008 et 2009 au moment de l’encaissement des sommes portées sur les factures, le délai prévu par l’article 208 de l’annexe II au code général des impôts pour exercer le droit à déduction courait à compter de chacune de ces années et était expiré les 31 décembre 2010 et 31 décembre 2011 ; qu’en conséquence, la SA HLM Coutances-Granville ne pouvait déduire en 2012 la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces factures ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions des articles 257 et 278 sexies du code général des impôts qui précisent les conditions d’imposition à la taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit des dépenses qui concourent à la réalisation de logements sociaux livrés à soi-même, dans leur rédaction applicable avant l’entrée en vigueur de la loi de finances rectificative pour 2010, ne prévoient pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, que la naissance du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses relatives aux immeubles en cours de construction soit subordonnée à la satisfaction des conditions tenant à ce que, notamment, l’opération fasse l’objet d’une décision favorable prise par le représentant de l’Etat dans le département et à ce qu’elle soit financée à l’aide d’un prêt prévu à l’article R. 331-1 du code de la construction et de l’habitation ou d’une subvention de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ;

5. Considérant, en troisième lieu, que la société requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l’article 16 de la loi de finances rectificative pour 2010 modifiant certaines règles relatives à la taxe sur la valeur ajoutée applicable au logement social dès lors que cette loi ne comporte aucune disposition relative aux conditions d’exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée tel que défini à l’article 271 du code général des impôts et n’ouvre pas un nouveau droit à déduction à raison d’opérations imposables dont le droit à déduction a pris naissance avant son entrée en vigueur alors même que les immeubles constituant des livraisons à soi-même n’étaient pas achevés à cette date ;

6. Considérant qu’en conséquence c’est à bon droit que l’administration a estimé sur le fondement de la loi fiscale qu’à défaut de déclarations effectuées avant le 31 décembre 2010 s’agissant de la taxe affectant les factures émises le 3 janvier 2008 et le 1er avril 2008 et le 31 décembre 2011 s’agissant de la facture émise le 9 septembre 2009, la demande de remboursement du crédit de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la société requérante le 11 avril 2012 était tardive ;

En ce qui concerne l’interprétation de la loi fiscale :

7. Considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l’interprétation que l’administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu’elle n’avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. » ;

8. Considérant, en premier lieu, que si la société requérante invoque les dispositions de l’instruction 8 A-1-97 du 18 février 1997, ce commentaire a été rendu caduc par l’intervention de la loi de finances rectificative pour 2010 ;

9. Considérant, en second lieu, que la société requérante, qui effectue des opérations de construction de logements sociaux, n’entre ni dans les prévisions du paragraphe 8 de l’instruction 3 A-5-10 du 22 septembre 2010, relatif à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée lors de la réalisation d’opérations de lotissement ou d’aménagement foncier supportée par le cédant pour la réalisation des travaux nécessaires à la vente des terrains lotis, ni dans celles du paragraphe 156 de l’instruction 3-A-9-10 du 30 décembre 2010, relatif aux règles de déduction de la taxe sur la valeur ajoutée pour les livraisons à soi-même d’immeubles réalisées par des assujettis agissant en tant que tels ;

10. Considérant qu’il résulte de ce tout qui précède que la SA HLM Coutances-Granville n’est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SA HLM Coutances-Granville demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SA HLM Coutances-Granville est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SA HLM Coutances-Granville et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l’audience du 4 juin 2015, à laquelle siégeaient :

— M. Bataille, président de chambre,

 – Mme Aubert, président-assesseur,

 – Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 juin 2015.


Le rapporteur,

M-P. ALLIO-ROUSSEAU Le président,

F. BATAILLE


Le greffier,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 13NT02173

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