CAA de NANTES, 5ème chambre, 12 février 2018, 17NT00345, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A… a demandé au tribunal administratif d’Orléans d’annuler l’arrêté en date du 21 janvier 2015 par lequel le préfet d’Eure et Loir a déclaré d’utilité publique des travaux d’aménagement de la rue de Bruxelles sur le territoire de la commune de Vernouillet.

Par un jugement n°1500972 du 29 novembre 2016, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 janvier et le 10 avril 2017, Mme A…, représenté par Me C…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du 29 novembre 2016 ;

2°) d’annuler l’arrêté préfectoral du 21 janvier 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 3 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme A… soutient que :

 – le délai anormalement long mis par le préfet pour ouvrir l’enquête publique présente un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de l’administration ;

 – la publication dans des journaux locaux des avis d’enquête publique n’est pas réellement intervenue ;

 – aucune preuve n’a été apportée d’un affichage de cet avis sur le territoire de la commune de Vernouillet ;

 – le dossier soumis à enquête publique était incomplet, en ce que la notice explicative est insuffisamment précise, notamment en ce qui concerne l’insertion du projet dans son environnement, et ne présente pas les variantes au projet que la commune de Vernouillet avait envisagées ;

 – l’appréciation sommaire des dépenses qui figure au dossier soumis à enquête publique est manifestement sous-évaluée et ne permet pas de ses convaincre de l’utilité publique du projet d’aménagement, notamment en ce qui concerne le coût d’acquisition de ses terrains ;

 – le projet d’aménagement de la rue de Bruxelles de la commune de Vernouillet ne présente aucun caractère d’utilité publique mais vise au contraire à favoriser des intérêts commerciaux ;

 – les travaux projetés ne sont pas de nature à améliorer les accès à la zone commerciale Plein Sud, ce point ayant été souligné par le commissaire-enquêteur ;

 – l’expropriation de ses biens qu’implique la réalisation des travaux d’aménagement prévu apparaît disproportionnée par rapport au projet compte tenu de leur emprise ;

 – le bilan coût/avantages du projet doit être regardé comme négatif.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 mars et le 27 octobre 2017, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Le ministre fait valoir que la requête d’appel de Mme A… est irrecevable faute d’être suffisamment motivée quant aux critiques adressées au jugement attaqué et qu’aucun des moyens d’annulation soulevés n’est fondé.

Par ordonnance du 20 octobre 2017, la clôture d’instruction a été fixée au 20 novembre 2017 à 12 heures.

Un mémoire présenté pour Mme A… a été enregistré après clôture le 22 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’expropriation pour cause d’utilité publique ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Mony,

 – les conclusions de M. Durup de Baleine, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, représentant Mme A….

1. Considérant que Mme A… relève appel du jugement du 29 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande d’annulation de l’arrêté en date du 21 janvier 2015 par lequel le préfet d’Eure et Loir a déclaré d’utilité publique les travaux d’aménagement de la rue de Bruxelles à Vernouillet ;

Sur les conclusions en annulation :

2. Considérant, en premier lieu, que si Mme A… soutient que le délai anormalement long pris par le préfet d’Eure et Loir pour accomplir les formalités lui permettant de se prononcer sur la demande de reconnaissance d’utilité publique du projet dont il avait été saisi par la commune de Vernouillet entache d’illégalité la procédure finalement suivie, aucune disposition législative ou réglementaire n’impose au préfet de respecter un délai particulier ; que ce moyen ne peut ainsi qu’être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que les annonces de l’enquête publique relative au projet d’aménagement de la rue de Bruxelles à Vernouillet ont été publiées les 21 mai et 11 juin 2014 dans l’Echo Républicain de Chartres et dans l’Echo du Brou ; que le moyen tiré de l’absence de publication dans des journaux locaux des avis destinés à informer le public de l’ouverture d’une enquête publique ne peut ainsi qu’être écarté ;

4. Considérant, en troisième lieu, que, s’agissant de l’affichage sur le territoire de la commune de Vernouillet de l’avis d’ouverture de l’enquête publique, le maire de la commune a établi le 11 juillet 2014 un certificat attestant de l’affichage de l’avis d’enquête publique devant se dérouler sur le territoire de sa commune à compter du 21 mai 2014 ; qu’un tel document fait foi jusqu’à preuve du contraire ; que le rapport du commissaire-enquêteur indique qu’il a lui-même constaté l’affichage de cet avis en mairie, ainsi qu’aux deux extrémités de la rue de Bruxelles ; que le moyen tiré de l’irrégularité de l’affichage de l’avis d’ouverture de l’enquête publique ne peut ainsi qu’être écarté ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu’en vertu des dispositions de l’article R. 11-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, la notice explicative, qui doit figurer dans le dossier établi par l’expropriant pour être soumis à l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique, « indique l’objet de l’opération et les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de l’insertion dans l’environnement, parmi les partis envisagés, le projet soumis à l’enquête a été retenu » ; que la notice explicative du projet figurant au dossier d’enquête prend la forme d’un document de 25 pages, assorti de nombreuses cartes, schémas et photographies, qui donne une présentation précise du projet d’aménagement, en présentant l’état initial du site, le périmètre d’intervention de l’opération, sa situation foncière, ainsi que les éléments permettant d’apprécier son insertion dans l’environnement particulier de l’entrée Sud de la commune et du parc d’activités commerciales qui s’y trouve implanté ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, quand bien même la commune de Vernouillet aurait un temps été en pourparlers avec Mme A… pour lui acheter amiablement des terrains, que la commune de Vernouillet ait disposé de projets d’aménagement alternatifs dont elle aurait alors dû faire état ; que le moyen tiré du caractère insuffisamment précis de la notice explicative du dossier d’enquête publique ne peut ainsi qu’être écarté ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu’il appartient au juge, lorsqu’il doit se prononcer sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente ;

7. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que l’opération projetée vise, au travers de l’aménagement d’une nouvelle desserte, à requalifier le secteur Ouest de la zone d’activités commerciales dite Plein Sud, et notamment la rue de Bruxelles, afin de restructurer ce secteur et de rendre plus aisé l’accès à la zone commerciale à partir de la rue de Chartres ; que si ce projet nécessite pour sa réalisation de recourir à la procédure de l’expropriation, celle-ci ne concernera que le seul tènement foncier appartenant à Mme A…, les parcelles correspondantes formant obstacle, ainsi que le fait apparaître la notice explicative du projet, à un accès direct plus efficient aux équipements commerciaux voisins, en évitant le contournement de l’ilot qu’il constitue, celui-ci abritant au surplus l’unique construction à usage d’habitation existant encore dans le secteur ; que l’avis du commissaire-enquêteur, même s’il indique qu’une solution sans expropriation aurait eu sa préférence, a rendu un avis favorable au projet ; qu’ainsi ce projet d’aménagement de la rue de Bruxelles ne comporte pas d’inconvénients excessifs par rapport à l’intérêt public qu’il présente ;

8. Considérant que, en outre, s’agissant de l’estimation sommaire des dépenses, si Mme A… faire valoir qu’elle a reçu en 2011 une propositions d’achat de ses terrains pour un montant très supérieur à celui estimé par les Domaines figurant dans l’estimation sommaire des dépenses, il ne ressort pas des pièces du dossier que, à la date où cette estimation a été opérée, soit en fin d’année 2013, la valeur vénale des terrains, fixée à 405 000 euros, ait été manifestement sous-estimée ; que la circonstance que Mme A… aurait reçu en 2015 une proposition d’achat encore plus avantageuse ne peut suffire, en tout état de cause, à établir le caractère sous-estimé de l’évaluation des Domaines pris en compte par le projet ; qu’il en va de même de la circonstance que la commune de Vernouillet ait elle-même vendu des locaux commerciaux à un prix au mètre carré supérieur à celui du local commercial loué par Mme A…, faute de toute démonstration de ce que ce dernier ait présenté des caractéristiques comparables ; que si Mme A… a produit en appel un rapport établi en mars 2017 chiffrant à hauteur de 2 190 000 euros le montant total des indemnités d’expropriation et de perte de fonds de commerce qui résulterait d’une expropriation, cette expertise, qui prend pour seules références des terrains et des maisons d’habitation situés au sein de zones classées U uniquement dédiées à l’habitat ne peut être regardée comme suffisamment précise et circonstanciée ; qu’il est prévu, par ailleurs, que le commerce de fruits et légume implanté sur l’un des terrains expropriés pourra être relocalisé ; qu’il n’est ainsi nullement démontré par la requérante que l’estimation sommaire des dépenses figurant au dossier d’enquête publique serait manifestement sous-évaluée et que le coût financier de l’opération serait excessif ;

9. Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n’est pas établi ;

10. Considérant qu’il ressort de ce qui précède que le projet d’aménagement de la rue de Bruxelles de la commune de Vernouillet présente un caractère d’utilité publique ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que Mme A… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté sa demande ; que les conclusions en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent ainsi, par voie de conséquence, qu’être également écartées ;

D E C I D E :


Article 1er : La requête de Mme A… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B… A…, au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et à la commune de Vernouillet.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d’Eure-et-Loir.

Délibéré après l’audience du 26 janvier 2018, à laquelle siégeaient :

— M. Lenoir, président,

 – M. Francfort, président assesseur,

 – M. Mony, premier conseiller,

Lu en audience publique le 12 février 2018.


Le rapporteur,

A. MONYLe président,

H. LENOIR


Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 17NT00345

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