CAA de NANTES, 4ème chambre, 5 octobre 2018, 17NT03281, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 4e ch., 5 oct. 2018, n° 17NT03281
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 17NT03281
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Sur renvoi de : Conseil d'État, 24 octobre 2017, N° 402921
Identifiant Légifrance : CETATEXT000037478564

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune du Croisic a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 1 382 237 euros en réparation des préjudices consécutifs à la résiliation anticipée de la concession du port de plaisance situé sur son territoire, assortie des intérêts moratoires à compter de la date de réception de sa réclamation préalable et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1200815 du 21 mai 2014, le tribunal administratif de Nantes a condamné le département de la Loire-Atlantique à verser une somme de 957 095,45 euros à la commune du Croisic en réparation de la valeur non amortie des biens de retour, de la perte des bénéfices manqués et de la perte du fonds de trésorerie, et décidé que cette somme serait assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2011 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un arrêt n° 14NT01984 du 28 juin 2016, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande présentée par la commune du Croisic devant le tribunal administratif de Nantes.

Par une décision n° 402921 du 25 octobre 2017, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt du 28 juin 2016 et a renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Nantes.

Procédure devant la cour :

Avant cassation

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 juillet 2014, 3 mars et 4 mai 2016, le département de la Loire-Atlantique, représenté par Me D…, demande à la cour :

1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mai 2014 ;

2°) de rejeter la demande d’indemnisation de la commune du Croisic ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Croisic une somme de 3 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – le jugement attaqué est irrégulier ; en premier lieu, en raison du défaut de visa du mémoire du département de la Loire-Atlantique enregistré le 3 avril 2014 et accompagné de pièces établissant que le fonds de trésorerie avait été rétrocédé au nouveau délégataire ; en deuxième lieu, le tribunal administratif a fait supporter à tort au département la charge de la preuve de l’inexistence des bénéfices escomptés d’ici au terme normal de la concession ; en troisième lieu, la lecture erronée des stipulations du cahier des charges de la concession a conduit le tribunal administratif à retenir un terme normal de celle-ci au 31 décembre 2021 au lieu du 31 décembre 2020, ce qui a entraîné des erreurs dans la détermination du préjudice invoqué par le concessionnaire ;

 – la commune du Croisic n’a aucun droit à indemnisation sur le fondement du cahier des charges objet du projet d’avenant du 3 septembre 2003, lequel, faute d’approbation et signature par les deux parties, est dépourvu de valeur contractuelle, et n’est pas davantage entré en vigueur par voie de modification unilatérale du contrat par le concédant ;

 – le cahier des charges annexé à l’arrêté interministériel du 25 février 1970 a prévu l’indemnisation du délégataire en cas de résiliation anticipée, en la limitant au paiement des annuités restant à courir pour les intérêts et amortissement des emprunts et à la prise en charge des dépenses nouvelles engagées par le concessionnaire ; la commune du Croisic ne justifie pas d’un préjudice réparable au sens de ces stipulations ;

 – la jurisprudence du Conseil d’Etat « CCI de Nîmes, Uzès, Bagnols, Le Vigan » ne permet d’écarter les stipulations contractuelles prévoyant la réparation due au concessionnaire en cas de résiliation anticipée que s’il y a disproportion manifeste entre l’indemnité contractuelle et le préjudice réellement subi par le concessionnaire, en défaveur d’une personne publique ;

 – en l’espèce, la département de la Loire-Atlantique a versé une indemnité de 45 367 euros à la commune du Croisic par application des dispositions du cahier des charges annexé à l’arrêté interministériel du 25 février 1970 ; cette dernière n’établit pas une disproportion manifeste entre cette somme et le préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la résiliation anticipée pour motif d’intérêt général ;

 – l’emprunt que la commune du Croisic avait contracté a en effet été soldé au cours de l’exercice 2010 et elle n’a pas engagé de nouvelles dépenses ; elle ne démontre pas, par la seule valeur nette comptable positive des immobilisations, l’existence d’un préjudice résultant de l’amortissement incomplet des biens de retour ; faute de produire ses comptes administratifs, la commune du Croisic n’établit pas davantage une perte de bénéfices escomptés jusqu’au terme normal de la concession ;

 – il s’évince au contraire des résultats de l’expertise comptable diligentée par le département que le concessionnaire ne pouvait prétendre qu’à une somme de 200 039,72 euros au titre de la valeur non amortie des biens de retour à la date de la résiliation ; en revanche, compte tenu de la moyenne mensuelle négative des résultats d’exploitation observés sur les huit années précédant la résiliation, le concessionnaire ne justifie d’aucune perte de bénéfices ; en ce qui concerne la trésorerie, la commune restait en tout état de cause redevable d’une somme de 681 123,49 euros à l’égard du concédant.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 16 octobre 2015, les 1er avril, 20 mai et 3 juin 2016, la commune du Croisic conclut :

— à titre principal, au rejet de la requête du département de la Loire-Atlantique ;

 – à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour statuerait par voie d’évocation, à ce que le département soit condamné à lui verser une somme de 597 939,05 euros au titre de la valeur non amortie des biens repris par le concédant, une somme de 646 888 euros au titre de son manque à gagner, une somme de 137 110,40 euros au titre de la trésorerie indument reprise par le concédant, ainsi que les intérêts moratoires sur la somme de 1 381 937,40 euros à compter de la réception par le département de sa demande préalable du 21 octobre 2011 et la capitalisation des intérêts ;

 – à titre infiniment subsidiaire, à ce que soit ordonnée une expertise ayant pour objet de déterminer la valeur des biens non amortis à la date d’effet de la résiliation de la concession, de déterminer l’origine de la dotation initiale de 241 287 euros et d’apprécier la régularité et la sincérité des comptes du port de plaisance pour la période litigieuse ;

 – en tout état de cause, à ce que soit mis à la charge du département de la Loire-Atlantique le versement d’une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Après cassation

Par des mémoires, enregistrés le 2 mars 2018, le 1er juin 2018 et le 19 juillet 2018, le département de la Loire-Atlantique conclut aux mêmes fins que précédemment et demande désormais que soient mises à la charge de la commune du Croisic une somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires, enregistrés le 22 mai 2018, le 13 juin 2018 et le 18 juin 2018, la commune du Croisic, représentée par Me B…, conclut au rejet de la requête du département de la Loire-Atlantique et demande dans le dernier état de ses écritures en outre :

— par la voie de l’appel incident, la condamnation du département de la Loire-Atlantique à lui verser une indemnité d’un montant de 541 787,29 euros au titre de la valeur non amortie des biens repris par le département de Loire-Atlantique, une indemnité d’un montant de 403 398 euros au titre du manque à gagner subi par la commune du Croisic en conséquence de la résiliation anticipée de la concession du port de plaisance du Croisic et une indemnité d’un montant de 139 560 euros au titre du versement indu au département de Loire-Atlantique de la trésorerie du port de plaisance du Croisic ;

 – le versement des intérêts moratoires sur la somme de 1 084 745,29 euros euros à compter de la date de réception par le département de Loire-Atlantique de la demande préalable indemnitaire datée du 21 octobre 2011 ;

 – le versement des intérêts au taux légal sur ceux qui seront dus depuis au moins un an et qui seront capitalisés dans les conditions prévues par les dispositions de l’article 1154 du code civil ;

 – qu’une somme de 5 000 euros soit mise à la charge du département de Loire-Atlantique sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code civil ;

 – le code général des collectivités territoriales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Allio-Rousseau,

 – les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, représentant le département de la Loire-Atlantique et celles de Me B…, représentant la commune du Croisic.

La commune du Croisic a produit une note en délibéré le 20 septembre 2018.

1. L’Etat a concédé à la commune du Croisic (Loire-Atlantique), par un arrêté du 27 février 1970, l’établissement et l’exploitation d’un port de plaisance. A la suite de l’intervention des lois de décentralisation, le département de la Loire-Atlantique s’est substitué à l’Etat en 1983. Par une délibération du 6 mai 2010, la commission permanente du conseil général a résilié pour motif d’intérêt général la concession du port de plaisance du Croisic à compter du 31 décembre 2010. La commune du Croisic a demandé au département de lui verser une indemnité de 1 382 237 euros au titre des préjudices subis du fait de cette résiliation. Le département n’ayant satisfait à cette demande qu’à hauteur de 45 367 euros, la commune a saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 21 mai 2014, a condamné le département de la Loire-Atlantique à lui verser une somme de 957 095,45 euros. Par un arrêt du 28 juin 2016, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes et rejeté la demande de la commune du Croisic. Saisi de conclusions tendant à l’annulation de l’intégralité de cet arrêt par la commune du Croisic, le Conseil d’Etat a cassé l’arrêt du 28 juin 2016 par une décision du 25 octobre 2017 et a renvoyé l’affaire à la présente cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si le département de la Loire-Atlantique fait valoir que le tribunal administratif de Nantes a, en méconnaissance des prescriptions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en réplique qu’il avait produit dans l’instance le 3 avril 2014 avant la clôture de l’instruction, une telle circonstance n’est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que ce mémoire, notamment en ce qu’il concernait le chef d’indemnisation relatif au reliquat de trésorerie, n’apportait aucun élément nouveau auquel il n’aurait pas été répondu dans les motifs du jugement.

Sur le droit à indemnité de la commune du Croisic

3. Si les parties à un contrat administratif peuvent déterminer l’étendue et les modalités des droits à indemnité du cocontractant en cas de résiliation du contrat pour un motif d’intérêt général, sous réserve qu’il n’en résulte pas, au détriment d’une personne publique, une disproportion manifeste entre l’indemnité ainsi fixée et le préjudice subi, la fixation des modalités d’indemnisation de la part non amortie des biens de retour dans un contrat de concession obéit, compte tenu de la nature d’un tel préjudice, à des règles spécifiques. Lorsqu’une personne publique résilie une concession avant son terme normal, le concessionnaire est fondé à demander l’indemnisation du préjudice qu’il subit à raison du retour anticipé des biens à titre gratuit dans le patrimoine de la collectivité publique, dès lors qu’ils n’ont pu être totalement amortis. Lorsque l’amortissement de ces biens a été calculé sur la base d’une durée d’utilisation inférieure à la durée du contrat, cette indemnité est égale à leur valeur nette comptable inscrite au bilan. Dans le cas où leur durée d’utilisation était supérieure à la durée du contrat, l’indemnité est égale à la valeur nette comptable qui résulterait de l’amortissement de ces biens sur la durée du contrat. Si, en présence d’une convention conclue entre une personne publique et une personne privée, il est loisible aux parties de déroger à ces principes, sous réserve que l’indemnité mise à la charge de la personne publique au titre de ces biens ne puisse, en toute hypothèse, excéder le montant calculé selon les modalités précisées ci-dessus, il est exclu qu’une telle dérogation, permettant de ne pas indemniser ou de n’indemniser que partiellement les biens de retour non amortis, puisse être prévue par le contrat lorsque le concessionnaire est une personne publique.

En ce qui concerne l’indemnisation de la part non amortie des biens de retour :

4. La commune du Croisic, dans ses dernières écritures et sur la base d’un rapport d’analyse financière établi en avril 2018, évalue à la somme de 541 787,29 euros la valeur non amortie des biens de retour à la date de la résiliation du contrat de concession du port de plaisance. Les premiers juges l’ont fixée à hauteur de 590 352,05 euros.

5. Il résulte de l’instruction que le contrat de concession du port de plaisance du Croisic ne comporte aucune clause relative à l’indemnisation de la part non amortie des biens de retour.

6. Il est constant que la valeur nette comptable globale des actifs immobilisés du port de plaisance du Croisic au 31 décembre 2010 s’élève, selon les deux parties, à 1 535 525,29 euros. Il convient de déduire de ce montant, d’une part, la somme de 108 964 euros, non sérieusement contestée par les parties, qui correspond au total des subventions attribuées à la commune pour l’acquisition des biens de la concession non encore amortis et, d’autre part, la somme de 598 026,19 euros représentant les frais comptabilisés comme des immobilisations mais constituant en réalité des dépenses de fonctionnement.

7. En premier lieu, si le département de la Loire-Atlantique soutient que les investissements réalisés par la commune du Croisic ont été intégralement amortis économiquement au cours de l’exécution du contrat de concession et que la commune du Croisic avait fini de rembourser au cours de l’exercice 2010 les emprunts contractés pour le financement des biens de la concession, ce seul constat, qui est sans lien avec la détermination de la valeur nette comptable des biens de retour telle que décrite au point 6 du présent arrêt, ne saurait justifier le rejet des conclusions de la commune du Croisic.

8. En deuxième lieu, ainsi que l’ont estimé les premiers juges et alors que les parties ne contestent plus ce point en appel, le calcul réalisé par la commune est erroné s’agissant du bien dénommé « Appont 1 », pour lequel l’état des biens afférent à l’exercice 2010 indique une valeur d’origine non de 11 387,24 euros, comme l’a retenu l’expert-comptable, mais de 11 837,24 euros ce qui conduit à déduire de la valeur nette totale des biens de retour telle qu’évaluée par la commune, après calcul de l’amortissement, une somme supplémentaire de 299,95 euros. Le département est également fondé à soutenir que, s’agissant des biens " PDA>Alizée « acquis le 19 avril 2010 à une valeur de 753,16 euros, » Bouée 04 « acquis le 20 août 2010 à une valeur de 8 190 euros, » 3PC>Port « et » Laserjet " acquis le 8 avril 2010 aux valeurs respectives de 3 134 et 545 euros, la commune ne pouvait retenir des valeurs nettes au 31 décembre 2010 égales à leurs valeurs d’origine, sans procéder à un amortissement sur les mois écoulés depuis leur acquisition. Eu égard aux durées d’utilisation de ces biens, estimées à cinq ans, et comme le retient le rapport financier établi par les services du département, leurs valeurs nettes s’établissaient ainsi au 31 décembre 2010 aux sommes respectives de 489,16 euros, 7 594 euros, 2 676 euros et 465 euros. Ainsi, une somme supplémentaire de 1 398 euros doit être déduite de la valeur nette totale des biens de retour. Par ailleurs, la commune du Croisic n’apporte aucun élément de nature à établir que les études réalisées en 2010, relatives aux pontons et au mouillage du port de plaisance, dont elle n’indique au demeurant pas l’objet précis, devraient être regardées comme étant directement attachées à ses immobilisations, et que les dépenses engagées pour leur réalisation ne relèveraient pas de ses frais de fonctionnement. Dès lors, de tels frais ne sauraient être pris en compte au titre de la valeur nette comptable des biens de retour au terme de la concession. Il y a lieu, par suite, de déduire des sommes dont la commune sollicite le versement une somme supplémentaire de 7 886,95 euros.

9. En troisième lieu, il résulte de l’instruction que, par une délibération du 29 mars 1968, la commune du Croisic a demandé l’autorisation d’entreprendre des travaux d’aménagement du port de plaisance, et notamment du quai Rielle, évalués à la somme de 700 000 francs. Le montant de ces travaux a été porté dans le compte administratif de 1970 pour une somme totale de 703 268,59 francs soit 107 212,61 euros. Par ailleurs, par une délibération du 14 novembre 1969, le conseil municipal a pris acte de l’accord de subvention de l’Etat pour un montant de 140 000 francs et de l’accord de subvention du département de la Loire-Atlantique pour un montant de 210 000 francs, le montant total des subventions s’élevant en conséquence à la somme de 350 000 francs soit 53 357,16 euros. Ainsi, la commune du Croisic justifie avoir financé à hauteur de 53 855,45 euros l’aménagement du quai, ce qui représente 50,23 % du coût total des travaux d’aménagement. Ces travaux d’aménagement ont été amortis par le concessionnaire et la valeur nette comptable de ces travaux immobilisés a été arrêtée à la somme de 44 416,66 euros au 31 décembre 2010. Toutefois, compte tenu de la part des travaux qu’elle a financés, la commune du Croisic peut seulement prétendre à l’indemnisation de la valeur nette comptable des travaux à hauteur de 50,23 % de cette valeur. Il y a donc lieu de réduire la valeur nette comptable globale des actifs immobilisés du port de plaisance du Croisic au 31 décembre 2010 d’une somme de 22 106,17 euros.

10. En quatrième lieu, le département de la Loire-Atlantique, se basant sur les rapports de contre-expertise comptable établis à sa demande et fondés sur l’analyse des comptes administratifs et des comptes de gestion du budget de la concession et de leurs annexes ainsi que sur les comptes-rendus des conseils portuaires, fait valoir que, s’agissant de la détermination du montant de la correction à apporter à la valeur nette comptable globale des actifs immobilisés au titre du retraitement de la valeur nette comptable de biens dont la durée d’utilisation était estimée à une durée supérieure à celle du contrat, il y a lieu de fixer la valeur des amortissements de caducité à la somme de 202 837 euros. La commune du Croisic a retenu le même montant. Toutefois, compte tenu de ce qui a été dit au point précédent et dès lors que la durée d’amortissement des travaux réalisés sur le quai Rielle excède la durée de la concession du port de plaisance, il y a lieu de retenir un amortissement de caducité supplémentaire pour la part du bien financée par la commune du Croisic. Ce montant supplémentaire s’élève à la somme de 11 751,09 euros.

11. En cinquième lieu, le département de la Loire-Atlantique soutient que l’analyse complète des dotations aux amortissements de dépréciation pratiquées au titre des biens n’ayant pas fait l’objet d’amortissements de caducité, c’est-à-dire des biens dont la durée d’utilisation était estimée à une durée inférieure au contrat, fait apparaître que certains biens n’ont pas fait l’objet d’amortissements ou n’ont été qu’insuffisamment amortis. Il en résulterait que leur valeur nette comptable est en réalité inférieure à celle prise en compte par l’expert comptable de la commune du Croisic. Si cette dernière soutient que, conformément à l’instruction M4, le calcul des amortissements linéaires pour les travaux amortis a été effectué en tenant compte de la date de début de consommation des avantages économiques attachés à la propriété de « La Petite chambre » et de la rénovation du quai Rielle, il résulte de l’instruction que les dates de mise en service de ces biens ne figurent pas dans l’état des immobilisations annexé au rapport de l’expert comptable de la commune de sorte que les décalages entre la date de fin de travaux et la date de mise en service, notamment en ce qui concerne la rénovation du Quai, ne sont pas justifiés. Dans ces conditions, il y a lieu, comme le demande le département de la Loire-Atlantique, de déduire une somme supplémentaire de 60 096 euros.

12. En sixième lieu, il résulte de l’instruction que la commune du Croisic a intégré à tort, parmi les valeurs nettes comptables de biens de retour, le solde de 17 063,13 euros correspondant au compte 1022 « Fonds globalisés d’investissement » qui, dans la nomenclature M4, enregistre des sommes issues du fonds de compensation de TVA ou d’éventuels remboursements de cette taxe. Ce montant doit, en conséquence, être déduit de la valeur nette comptable des biens de retour, ce que d’ailleurs la commune du Croisic ne conteste pas sérieusement.

13. En septième lieu, le département de la Loire-Atlantique soutient que certains biens dont la valeur nette comptable a été prise en compte dans le calcul de l’indemnisation demandée par la commune du Croisic auraient en réalité été financés partiellement ou totalement par le concédant ou par des subventions. En particulier, il soutient que la somme de 241 287 euros, prise en compte par l’expert comptable de la commune du Croisic au titre du montant cumulé des apports en numéraires successivement réalisés par la commune au profit de la régie du port de plaisance, correspondrait en réalité à une partie de la dotation initiale de l’Etat réalisée en 1970, d’ailleurs inscrite au compte 1021 de la nomenclature M4. Il résulte toutefois de l’instruction que la commune du Croisic justifie que ces sommes correspondent aux différents apports qu’elle a effectués depuis la création, le 1er janvier 1984, du budget annexe du port, notamment par la production d’une délibération de son conseil municipal du 14 février 1984 et des écritures comptables retracées dans les comptes de gestion du port. Ainsi, la commune du Croisic est fondée à soutenir qu’il n’y a pas lieu de déduire cette somme de la valeur nette comptable des biens de retour.

14. Il résulte de ce qui vient d’être énoncé aux points 5 à 13 que l’indemnisation de la part non amortie des biens de retour affectés au port de plaisance du Croisic s’élève à la somme de 506 794,98 euros (1 535 525,32 – 108 964 – 598 026 – 7 886,95 – 22 106,17 – 60 096 – 17 063,13 – 202 837 – 11 751,09).

En ce qui concerne l’indemnisation du manque à gagner et de la trésorerie :

S’agissant du contrat applicable :

15. Pour obtenir réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi du fait de la résiliation anticipée de la concession du port de plaisance avec effet au 31 décembre 2010, la commune du Croisic a demandé au département de la Loire-Atlantique de lui verser une indemnisation de la perte des bénéfices escomptés pour les années restant à courir jusqu’au terme initialement prévu de la concession, sur le fondement de l’article 71 d’un nouveau cahier des charges de la concession qui lui a été notifié par le département le 3 septembre 2003. Il résulte toutefois de l’instruction que si le département de la Loire-Atlantique avait soumis à l’avis de la commune du Croisic, par courrier du 3 septembre 2003, un projet d’avenant au contrat de concession à l’effet de substituer un nouveau cahier des charges à celui annexé à l’arrêté interministériel du 27 février 1970, cette consultation est restée sans suite et cet avenant n’a pas été signé par les parties intéressées. Si l’autorité gestionnaire du domaine public a la faculté de modifier unilatéralement les conditions financières de l’autorisation d’occupation du domaine public afin d’assurer la bonne gestion de celui-ci, sous réserve de ne pas remettre en cause l’équilibre financier de la concession, il résulte de l’instruction que le document invoqué par la commune du Croisic, tant par sa forme que par son contenu, ne constitue pas une décision par laquelle le département aurait entendu faire usage de son pouvoir de modification unilatérale du contrat de concession, mais un simple projet d’avenant portant sur un autre cahier des charges qui n’a jamais acquis un caractère contractuel liant les parties. Ce document ne pouvait dès lors constituer le fondement contractuel de l’indemnisation sollicitée.

S’agissant du montant du préjudice indemnisable :

16. Aux termes de l’article 45 du cahier des charges annexé à l’arrêté interministériel de février 1970, relatif au « retrait de la concession » : « A toute époque, l’Etat aura le droit de retirer la concession, charge pour lui de pourvoir au paiement des annuités restant à courir pour l’intérêt et l’amortissement des emprunts affectés à l’établissement de l’outillage et de supporter toutes dépenses régulièrement engagées qui se rattacheraient à l’administration du service. / Le retrait aura les mêmes effets que la reprise visée à l’article précédent. / L’Etat sera tenu de se substituer au concessionnaire pour l’exécution de tous les engagements normalement pris par lui pour l’exécution du service jusqu’à ce que la suppression des installations ait été prononcée, s’il y a lieu, dans les formes prévues au dernier paragraphe de l’article 47 ci-après ». Il résulte de ces stipulations, qui déterminent les obligations financières du département de la Loire-Atlantique, substitué à l’Etat, que si le concédant entend résilier la concession avant son terme, l’indemnisation du concessionnaire est en ce cas limitée à la reprise des seules charges d’emprunt afférentes à l’outillage ainsi que des dépenses de fonctionnement régulièrement engagées et exclut toute indemnité complémentaire, notamment au titre des investissements réalisés par le concessionnaire sur ses fonds propres. Il est constant que l’indemnité due à la commune du Croisic en application de ces seules stipulations n’excède pas la somme de 45 367 euros qui lui a été versée par le département.

17. En premier lieu, il résulte de l’instruction que le premier rapport d’expertise établi par la commune comportait un grand nombre d’erreurs, de minorations de charges notamment en ce qui concerne les opérations de dragage réalisées en 2004 et 2005, le périmètre de la concession et les dotations aux amortissements.

18. En deuxième lieu, tant la commune du Croisic que le département de la Loire-Atlantique ont produit dans le cadre de leurs dernières écritures devant la cour une analyse financière détaillée des dix derniers exercices (2001-2010) de la concession du port de plaisance. Si l’expert mandaté par la commune aboutit à une indemnisation d’un manque à gagner chiffré à la somme de 403 398 euros, sur la base d’un résultat net annuel d’exploitation reconstitué à hauteur de 44 908,93 euros, il résulte de l’instruction que ce même expert a estimé, avant les divers retraitements, que la gestion du port de plaisance du Croisic sur les dix dernières années avait abouti à un déficit moyen annuel de l’ordre de 6 500 euros. Hors produits exceptionnels, seules quatre années d’exploitation ont abouti à la réalisation de bénéfices, dont les deux plus importants sont uniquement dus à des reprises de provisions pour un montant total de 446 000 euros, devant être extournées du résultat d’exploitation compte tenu de leur caractère exceptionnel. Le retraitement relatif aux bénéfices futurs, effectué par la commune du Croisic sur la base d’une projection réaliste des recettes de l’exploitation du port, ne tient pas compte, comme le souligne le département de la Loire-Atlantique, de la nécessité de rénover l’Estacade et d’effectuer des travaux de dragage. Ni l’existence de réserves d’un montant de 718 767 euros, pour lesquelles il n’est pas justifié que leur montant corresponde à la somme des bénéfices d’exploitation normaux hors produits exceptionnels ou reprises de provisions des dix années précédant la résiliation, ni le rapport de la chambre régionale des comptes des pays de la Loire du 19 novembre 2012, qui ne comporte aucune analyse de la détermination du résultat d’exploitation, ne permettent de déterminer davantage l’existence d’un manque à gagner sur les années restant à courir pour la commune du Croisic à raison de l’exploitation de son port de plaisance. Dans ces conditions, l’existence d’un bénéfice manqué pour la commune concessionnaire, dont il n’est aucunement établi qu’il prendrait en compte tous les éléments entrant effectivement dans la formation des résultats de l’exploitation de la concession du port de plaisance, pour les dix années, et non onze, du contrat restant normalement à courir, ne saurait être regardée comme établie.

19. En troisième lieu, la circonstance que le département de la Loire-Atlantique ait récupéré le fonds de trésorerie de la concession, s’élevant à 137 110,40 euros, pour le rétrocéder immédiatement au nouvel exploitant du port de plaisance, ne constitue ni une dépense exposée par le concessionnaire ni un gain manqué et n’entre dès lors pas dans les éléments de détermination du préjudice indemnisable en cas de résiliation pour motif d’intérêt général. Par ailleurs, la commune du Croisic n’est pas fondée à demander la restitution du solde de trésorerie existant au 31 décembre 2010, qui constituait un élément d’actif de la concession nécessaire à son fonctionnement. Elle ne peut à cet égard se prévaloir utilement des dispositions de l’article R. 2221-17 du code général des collectivités territoriales qui sont relatives à l’arrêt des comptes d’une régie concédée par une commune.

20. Il résulte de ce qui a été dit aux points 16 à 19 que la commune du Croisic n’établit pas qu’elle aurait subi un préjudice entraînant une disproportion manifeste par rapport à la situation résultant de la seule application des stipulations du cahier des charges de la concession du port de plaisance.

21. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’ordonner une expertise, que le département de la Loire-Atlantique est seulement fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes l’a condamné à verser à la commune du Croisic la somme de 957 095,45 euros assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ceux-ci au lieu de la somme de 461 427,98 euros, correspondant à la différence entre le montant de l’indemnisation de la part non amortie des biens de retour, soit 506 794,98 euros, et la somme versée par le département de la Loire-Atlantique à l’issue de la concession, soit 45 367 euros. De plus, les conclusions d’appel incident de la commune du Croisic tendant à l’augmentation de cette indemnité ne peuvent être que rejetées.

Sur les intérêts :

22. La commune du Croisic a droit aux intérêts au taux légal sur la somme totale de 461 427,98 euros à compter de la date de réception par le département de la Loire-Atlantique de sa demande préalable du 21 octobre 2011 jusqu’à la date à laquelle le département de la Loire-Atlantique a versé à la commune la somme de 957 095,45 euros en exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mai 2014. Ces intérêts sont capitalisés à compter du 21 octobre 2012 et à chaque échéance annuelle antérieure à la date d’exécution du jugement du 21 mai 2014.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Dans les circonstances de l’espèce il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le département de la Loire-Atlantique est condamné à verser la somme de 461 427,98 euros à la commune du Croisic. Cette somme porte intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la demande préalable du 21 octobre 2011 jusqu’à la date à laquelle le département de la Loire-Atlantique a versé à la commune la somme de 957 095,45 euros en exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mai 2014. Ces intérêts sont eux-mêmes capitalisés à compter du 21 octobre 2012 ainsi qu’à chaque échéance annuelle à compter de celle-ci jusqu’à la date d’exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 21 mai 2014 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du département de la Loire-Atlantique et de la commune du Croisic ainsi que les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de la Loire-Atlantique et à la commune du Croisic.

Délibéré après l’audience du 18 septembre 2018, à laquelle siégeaient :

— Mme Tiger-Winterhalter, présidente,

 – Mme Allio-Rousseau, premier conseiller,

 – M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2018.


Le rapporteur,

M-P. Allio-RousseauLa présidente,

N. Tiger-Winterhalter

Le greffier,
M. A…

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 17NT03281



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CAA de NANTES, 4ème chambre, 5 octobre 2018, 17NT03281, Inédit au recueil Lebon