CAA de NANTES, 3ème chambre, 7 février 2020, 18NT02522, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Nantes, 3e ch., 7 févr. 2020, n° 18NT02522
Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro : 18NT02522
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 1er mai 2018, N° 1510378
Dispositif : Satisfaction partielle
Identifiant Légifrance : CETATEXT000041548635

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… D…, M. H… D… et Mme J… D… ont demandé au tribunal administratif de Nantes, d’une part, de condamner le centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes à verser la somme de 3 296 289 euros à M. B… D… et 24 000 euros chacun à M. H… D… et Mme J… D… en réparation des préjudices qu’ils estiment avoir subi du fait des conditions de la prise en charge de M. B… D… le 9 juillet 2009 par cet établissement de santé et, d’autre part, de mettre à la charge de l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) les sommes de 824 072,26 euros à verser à M. B… D… et de 6 000 euros à verser respectivement à M. H… D… et à Mme J… D….

Par un jugement n° 1510378 du 2 mai 2018, le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge de l’ONIAM la somme de 521 715 euros à verser à M. B… D… et a condamné le CHU de Nantes à verser la somme de 2 036 862 euros à M. B… D…, déduction faite d’une somme de 50 000 euros versée à titre provisionnel par la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), et 16 000 euro chacun à M. H… D… et Mme J… D….

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 29 juin 2018, 5 décembre 2019 et 17 janvier 2020 l’ONIAM, représenté par Me A…, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures, d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2018 en tant, d’une part, qu’il a indemnisé M. B… D… au titre de l’assistance par tierce personne, des dépenses de santé futures, des frais d’adaptation du logement et du véhicule, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent et, d’autre part, qu’il a mis à sa charge la somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative solidairement avec le CHU de Nantes.

Il soutient que :

 – il n’y a pas lieu d’indemniser M. B… D… aux titres de l’assistance par tierce personne temporaire et des dépenses de santé futures ;

 – l’indemnité due à M. B… D… au titre de son besoin en assistance par une tierce personne définitive ne saurait excéder la somme de 51 690,31 au titre des arrérages échus au 25 juin 2018 à laquelle s’ajoutera une rente trimestrielle de 1 874,60 euros qui sera versée sous déduction des prestations sociales de même nature qu’il a perçues ;

 – les indemnités mises à sa charge au titre des frais d’aménagement du domicile, des frais d’adaptation du véhicule, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent doivent être respectivement ramenées à 440,83 euros, 9 768,23 euros, 1 553,25 euros, 4 709,20 euros, 64 784,60 euros et 4 709,20 euros.

Par des mémoires enregistrés le 21 septembre 2018 et les 21 novembre et 30 décembre 2019, les consorts D…, représentés par la SELARL Coubris, Courtois et associés, demandent à la cour, par la voie de l’appel incident :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2018 en tant qu’il a insuffisamment indemnisé leurs préjudices aux titres des dépenses de santé, des frais divers, des frais d’adaptation du véhicule, de l’assistance par une tierce personne, de l’incidence professionnelle, du préjudice scolaire et de formation, du déficit fonctionnel temporaire et permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et permanent, du préjudice d’agrément, du préjudice d’établissement, du préjudice sexuel et, enfin, du préjudice moral de M. H… et Mme J… D… ;

2°) de juger que les sommes allouées porteront intérêt à compter de l’enregistrement de leur recours de première instance ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Nantes et de l’ONIAM la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que leurs préjudices s’établissent comme suit :

- dépenses de santé : 233 136,56 euros (dépenses actuelles) et 137 253,69 euros (dépenses futures) ;

- frais d’adaptation du logement : 11 240,39 euros ;

- frais d’adaptation du véhicule : 95 503,19 euros ;

- assistance par une tierce personne : 29 939,49 euros jusqu’à la date de consolidation, 3 189 118,73 euros ensuite ou 458 280,13 euros jusqu’au 31 décembre 2018 et une rente annuelle viagère de 57 820 euros ensuite ;

- préjudice scolaire et de formation : 9 000 euros ;

- incidence professionnelle : 100 000 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire : 12 993,75 euros ;

- souffrances endurées : 45 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire : 35 000 euros ;

- déficit fonctionnel permanent : 480 000 euros ;

- préjudice esthétique permanent : 45 000 euros ;

- préjudice d’agrément : 50 000 euros ;

- préjudice d’établissement : 50 000 euros ;

- préjudice sexuel : 50 000 euros ;

- préjudice moral de M. H… et Mme J… D… : 30 000 euros chacun.

Par des mémoires enregistrés les 23 octobre et 11 décembre 2019 et le 16 janvier 2020 le CHU de Nantes et la SHAM, représentés par Me I…, demandent, par la voie de l’appel incident, la réduction des sommes mises à la charge du CHU de Nantes en première instance et concluent au rejet de la demande des consorts D….

Ils soutiennent que :

 – c’est à tort que les premiers juges, se fondant sur les conclusions de l’expert, ont évalué à 7 heures par jour le besoin en assistance par une tierce personne de M. B… D… et qu’ils l’ont indemnisé pour l’avenir sous forme d’un capital et non d’une rente ;

 – l’indemnité allouée au titre des frais d’adaptation du véhicule a été calculée sur la base d’un renouvellement tous les cinq ans alors qu’il convenait de prévoir un renouvellement tous les huit ans ;

 – la somme accordée au titre du déficit fonctionnel temporaire doit être ramenée à 8 250 euros ;

 – le barème de capitalisation retenu par les premiers juges est inadapté ;

 – les consorts D… ne sont pas fondés à demander la majoration des indemnités qui leur ont été allouées en première instance.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code de l’action sociale et des familles ;

 – le code de la santé publique ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. E…,

 – les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public,

 – et les observations de Me C…, représentant les consorts D…, et de Me F…, représentant le CHU de Nantes et la SHAM.

Considérant ce qui suit :

1. M. B… D…, né le 27 juin 1994, a été opéré le 9 juillet 2009 au CHU de Nantes d’une scoliose structurale sévère. Les suites immédiates ont été simples, mais le 12 juillet 2009 il a ressenti des douleurs et des paresthésies des membres inférieurs. Le lendemain, une paraplégie a été constatée, en lien avec un hématome péri et intra médullaire. Une intervention chirurgicale a été réalisée en urgence le même jour, qui n’a pas permis d’améliorer l’état de santé de M. B… D…, qui présente aujourd’hui une paraplégie flasque complète au niveau supérieur D6 avec abolition de la sensibilité et troubles génito-urinaires. Ses parents ont saisi la commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) des Pays-de-la-Loire, qui a fait procéder à une expertise rendue le 15 mars 2011. La CRCI a émis un avis favorable à une indemnisation par l’ONIAM à hauteur de 20% et par le CHU de Nantes à hauteur de 80%. Les consorts D… ont saisi le tribunal administratif de Nantes qui, par un jugement du 2 mai 2018, a évalué les préjudices de M. B… D… à la somme totale de 2 608 577 euros, mettant 20% de cette somme à la charge de l’ONIAM et 80% à celle du CHU, et les préjudices de ses parents à la somme totale de 32 000 euros, à la charge exclusive du CHU. L’ONIAM relève appel de ce jugement en tant, d’une part, qu’il a indemnisé M. B… D… au titre de l’assistance par tierce personne, des dépenses de santé futures, des frais d’adaptation de véhicule, du déficit fonctionnel temporaire, des souffrances endurées, du déficit fonctionnel permanent et du préjudice esthétique permanent et, d’autre part, qu’il a mis à sa charge la somme de 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative solidairement avec le CHU de Nantes. Les consorts D…, par la voie de l’appel incident, demandent que leur indemnisation totale soit portée à 4 633 185,33 euros ou à 1 902 347,70 euros plus une rente annuelle viagère de 57 820 euros à partir du 1er janvier 2019. Le CHU de Nantes et la SHAM demandent le rejet des conclusions d’appel incident présentées par les consorts D… et la réduction des sommes mises à la charge du CHU en première instance au titre de l’assistance par une tierce personne, des frais d’adaptation du véhicule et du déficit fonctionnel temporaire.

Sur la responsabilité :

2. Aux termes de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. – Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute. (…). / II. – Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, de la durée de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. Ouvre droit à réparation des préjudices au titre de la solidarité nationale un taux d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique supérieur à un pourcentage d’un barème spécifique fixé par décret ; ce pourcentage, au plus égal à 25 %, est déterminé par ledit décret. L’article L. 1142-22 du même code dispose que : « L’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (…) est chargé de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale, dans les conditions définies au II de l’article L. 1142-1 (…) des dommages occasionnés par la survenue d’un accident médical (…) ». Aux termes de l’article D. 1142-1 du même code : « Le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l’article L. 1142-1 est fixé à 24 %. (…) ».

3. Il résulte de l’instruction et est admis par les parties que l’hématome péri et intra médullaire, à l’origine de la paraplégie dont souffre M. B… D…, est une complication non fautive de l’intervention chirurgicale du 9 juillet 2009. Par suite, et dès lors que M. B… D… présente un déficit fonctionnel permanent de 75%, la solidarité nationale est engagée. Il est également constant que le défaut de surveillance du patient après son opération et le retard avec lequel sa complication a été prise en charge constituent des fautes qui engagent la responsabilité du CHU de Nantes et que ces fautes ont fait perdre à M. B… D… une chance de ne pas devenir paraplégique qui doit être fixée à 80%.

4. Il résulte de ce qui précède que, comme l’a jugé le tribunal administratif de Nantes, l’indemnisation des préjudices de M. B… D… doit être mise à la charge de l’ONIAM à hauteur de 20% et à celle du CHU de Nantes à hauteur de 80%.

Sur les préjudices de M. B… D… :

En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :

Quant aux frais liés au handicap :

S’agissant des dépenses de santé :

5. Il résulte de l’instruction qu’en raison de son handicap M. B… D… a besoin d’un fauteuil roulant manuel et de son assise modulaire, d’un coussin anti-escarres, d’un fauteuil de douche et de son coussin d’assise, d’une table de lit, de bas de contention, de bandes thoraciques, de sondes, de poches à urine et de leurs attaches, de lingettes et de gel hydroalcoolique. En revanche, la nécessité médicale d’un vélo de loisir n’est pas établie.

6. Les consorts D… ne sauraient être indemnisés, comme ils le demandent, sur la base d’un décompte de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) des Deux-Sèvres qui ne correspond pas à des dépenses de santé restées à leur charge. Ils justifient toutefois des restes à charge suivants : 216,54 euros par an au titre des lingettes et du gel hydroalcoolique, 2 957,35 euros et 723,05 euros pour l’achat du fauteuil roulant et de son assise modulaire, 60,43 euros au titre du remplacement des pneus du fauteuil roulant, 367,42 euros pour l’acquisition du coussin anti-escarres, 1 035 euros au titre du fauteuil de douche et de son coussin d’assise, 49,90 euros pour l’achat de la table de lit et 12 euros pour les bas de contention. En revanche, ils ne justifient pas avoir exposés des frais restés à leur charge pour l’achat de bandes thoraciques. Enfin, il résulte de l’instruction que la caisse primaire d’assurance maladie a entièrement pris à sa charge les coûts relatifs aux sondes, aux poches à urine et à leurs attaches.

7. Pour la période allant du 23 juillet 2010, date de la fin de la prise en charge de M. B… D… par le CHU de Nantes puis par des établissements de rééducation, jusqu’au 7 février 2020, date de lecture du présent arrêt, et en tenant compte d’un renouvellement tous les cinq ans du fauteuil roulant et de son assise modulaire, tous les ans des pneus du fauteuil roulant, tous les deux ans du coussin anti-escarres, tous les cinq ans du fauteuil de douche et de son coussin d’assise, tous les dix ans de la table de lit et tous les quatre mois des bas de contention, le préjudice des consorts D… peut être fixé à la somme totale de 13 677,90 euros, dont 2 057 euros au titre des lingettes et du gel hydroalcoolique, 6 992 euros au titre du fauteuil roulant et de son assise modulaire, 568 euros au titre des pneus du fauteuil roulant, 1 727 euros au titre du coussin anti-escarres, 1 946 euros au titre du fauteuil de douche et de son coussin d’assise, 49,90 euros au titre de la table de lit et 338 euros au titre des bas de contention.

8. En vertu des principes qui régissent l’indemnisation par une personne publique des victimes d’un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l’indemnisation allouée à la victime d’un dommage corporel au titre des frais liés au handicap, les prestations versées par ailleurs à cette victime et ayant le même objet. Il en va ainsi tant pour les sommes déjà versées que pour les frais futurs et alors même que les dispositions en vigueur n’ouvrent pas à l’organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l’auteur du dommage. La déduction n’a toutefois pas lieu d’être lorsqu’une disposition particulière permet à l’organisme qui a versé la prestation d’en réclamer le remboursement au bénéficiaire s’il revient à meilleure fortune. Compte tenu tant de la définition de l’objet de cette aide, énoncée par les dispositions de l’article D. 245-23 du code de l’action sociale et des familles que de son montant et des modalités de son versement, la prestation de compensation du handicap (PCH), qui n’est pas récupérable en cas de retour de son bénéficiaire à meilleure fortune, doit être regardée comme compensant les frais liés au handicap ayant le même objet.

9. Il résulte de l’instruction que, d’une part, les consorts D… ont perçu du département des Deux-Sèvres une somme de 100 euros par mois entre le 1er juillet 2014 et le 30 juin 2019 au titre de la PCH pour charges spécifiques qui doit être regardée comme ayant entièrement compensé la somme de 2 057 euros qu’ils ont exposée pour acheter du matériel d’hygiène et que, d’autre part, ils ont également bénéficié de la PCH « aides techniques » pour une somme totale de 603,65 euros qu’il convient de déduire de l’indemnité qui leur est due au titre des frais exposés pour l’achat et l’entretien du fauteuil roulant.

10. Il résulte de ce qui précède que le préjudice des consorts D… au titre des dépenses de santé restées à leur charge jusqu’à la date de lecture du présent arrêt s’élève à la somme de 11 017,25 euros (13 677,90 euros – 2 057 euros – 603,65 euros) et que la rente annuelle viagère qu’il y a lieu d’allouer pour l’avenir à M. B… D… de préférence à un capital, eu égard notamment à son âge, peut être évaluée à 1 444,58 euros. Le montant de cette rente sera revalorisé par application des coefficients prévus à l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale et sera versé sous déduction des allocations ayant le même objet perçues par M. B… D…, qu’il lui reviendra de déclarer et de justifier.

S’agissant du besoin en assistance par une tierce personne :

11. L’expert a évalué à sept heures par jour le besoin de M. B… D… en assistance par une tierce personne non spécialisée depuis le 23 juillet 2010. Il y lieu de retenir ce quantum, qui n’est pas infirmé par les autres pièces de l’instruction. Sur la base de 3 486 jours indemnisables, d’un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 13,40 euros et d’une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, le préjudice des consorts D… s’élève, jusqu’à la date de lecture du présent arrêt, à la somme de 368 841,11 euros (13,40 euros x 7 x 3 486 x 1,128) dont il convient de déduire, en vertu des principes déjà exposés au point 8, les sommes que la caisse d’allocations familiales des Deux-Sèvres a versées aux parents de M. B… D… au titre de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) jusqu’au 1er juin 2014 pour un montant total justifié de 27 445,15 euros. Par suite, le préjudice des consorts D… au titre du besoin en assistance par une tierce personne jusqu’au 7 février 2020 s’élève à la somme de 341 395,96 euros.

12. Il résulte de l’instruction que, sur la base d’un taux horaire moyen de rémunération tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche fixé à 14 euros et d’une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, M. B… D… a droit pour l’avenir à une rente trimestrielle viagère d’un montant de 10 087 euros ((14 x 7 x 365 x 1,128) : 4). Le montant de cette rente sera revalorisé par application des coefficients prévus à l’article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. Elle sera versée sous déduction des allocations ayant le même objet perçues par M. B… D…, qu’il lui reviendra de déclarer et de justifier.

Quant aux frais d’adaptation du logement :

13. Il résulte de l’instruction que les consorts D… ont dépensé 11 240 euros pour adapter leur logement au handicap de leur fils mais ont bénéficié en 2013 d’une aide financière de 7 128,44 euros, versée au titre de la PCH, pour leur permettre de réaliser une partie de ces aménagements. Il y a donc lieu de ramener à 4 111,56 euros la somme qui leur a été attribuée en première instance.

Quant aux frais d’adaptation du véhicule :

14. Il résulte de l’instruction que M. B… D… conduit un véhicule adapté à son handicap équipé d’un accélérateur électronique, d’un système de frein et de commandes au volant et d’un coffre de toit pour fauteuil roulant, pour un coût d’adaptation total de 8 428 euros dont il faut toutefois déduire une somme de 105,50 euros perçue au titre de la PCH. Il y a donc lieu de lui accorder le remboursement de la somme de 8 322,50 euros.

15. Pour l’avenir, et sur la base d’un renouvellement tous les sept ans du matériel indiqué ci-dessus, et non tous les cinq ans comme l’a retenu le tribunal administratif, il y a lieu de capitaliser la rente annuelle de 1 189 euros (8 322,50 : 7) à laquelle a droit M. B… D… en faisant application de la table de capitalisation des rentes viagères issue du barème 2018 de la Gazette du Palais, lequel correspond de manière plus appropriée que celui dont l’application est demandée par l’ONIAM aux données économiques à la date de l’évaluation du préjudice. Sur cette base, et en fonction de son âge à la date du présent arrêt, M. B… D… a droit à la somme de 55 292 euros.

Quant à l’incidence scolaire :

16. Il résulte de l’instruction que M. B… D… n’a pas pu être scolarisé normalement entre septembre 2009 et décembre 2010 en raison des suites de l’intervention du 9 juillet 2009. Il n’est pas contesté qu’il a de ce fait été contraint de redoubler une année scolaire. Dans ces circonstances, il y a lieu de porter l’indemnité de 2 000 euros allouée par les premiers juges à la somme de 5 000 euros.

Quant à l’incidence professionnelle :

17. Il résulte de l’instruction que M. B… D… n’est pas définitivement inapte à exercer une activité professionnelle et qu’il a d’ailleurs été recruté en qualité d’assistant marketing en contrat à durée indéterminée à compter du 2 mars 2016, mais que son état de santé ne lui permet pas d’espérer un déroulement de carrière normal. Il sera fait une juste appréciation de son préjudice professionnel en l’évaluant à la somme de 50 000 euros.

18. Eu égard à la finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail qui lui est assignée par les dispositions des articles L. 821-1 et L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale précitées, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et le complément de ressources doivent être regardés comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité. Par ailleurs, aucune disposition ne permet à l’organisme qui a versé ces prestations d’en réclamer au bénéficiaire le remboursement si celui-ci revient à meilleure fortune.

19. Il résulte de l’instruction, notamment de l’attestation de droits délivrée le 29 novembre 2016 par la caisse d’allocations familiales des Deux-Sèvres, que M. B… D… est bénéficiaire de l’AAH depuis le 1er juillet 2014 et qu’il perçoit à ce titre une allocation mensuelle qu’il y a lieu de déduire de l’indemnité due au titre de l’incidence professionnelle en application de ce qui a été dit au point précédent. Le montant cumulé de l’aide qu’il perçoit étant supérieur à l’indemnité de 50 000 euros à laquelle il a droit, il n’y a pas lieu de l’indemniser de ce chef de préjudice.

En ce qui concerne les préjudices personnels :

Quant aux préjudices temporaires :

20. Il résulte des conclusions de l’expert que M. B… D… a subi un déficit fonctionnel temporaire de 100% pendant ses périodes d’hospitalisation, du 9 juillet 2009 au 23 juillet 2010 et de 75% ensuite. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de réduire à 6 600 euros l’indemnité de 10 200 euros accordée par les premiers juges.

21. Les premiers juges ont justement évalué à la somme de 27 000 euros la réparation des souffrances subies par M. B… D… sur la base des conclusions de l’expert, qui les a évaluées à 6 sur une échelle allant de 1 à 7. Il y a donc lieu de confirmer cette somme en appel.

22. L’expert a évalué à 6 sur une échelle allant de 1 à 7 le préjudice esthétique temporaire subi par M. B… D… jusqu’au 27 janvier 2011, date de la consolidation de son état de santé. Pour tenir compte de la gravité et de la durée de ce préjudice, il y a lieu de porter à 10 000 euros l’indemnité de 2 000 euros allouée en première instance.

Quant aux préjudices permanents :

23. Le déficit fonctionnel permanent qui affecte M. B… D… a été évalué à 75% par l’expert. S’agissant d’une victime âgée de 16 ans à la date de consolidation de son état de santé, la somme de 330 000 euros accordée par les premiers juges au titre de ce chef de préjudice a été correctement appréciée. Il y a donc lieu de la confirmer en appel.

24. Le préjudice esthétique permanent subi par M. B… D… en raison de son handicap, évalué à 6 sur une échelle allant de 1 à 7 par l’expert, doit être ramené dans les circonstances de l’espèce à la somme de 27 000 euros.

25. Le préjudice d’établissement de M. B… D… a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 40 000 euros qu’il y a donc lieu de confirmer en appel.

26. L’expert a considéré que le préjudice sexuel de M. B… D… était total. Dans ces conditions, il convient de porter à 30 000 euros la somme de 20 000 euros qui lui a été accordée en première instance.

27. Les consorts D… ne justifient pas davantage en appel qu’en première instance l’existence d’un préjudice d’agrément qui, pour la période postérieure à la date à laquelle M. B… D… est devenu hémiplégique, ne serait pas déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel permanent. Il y a donc lieu, comme l’ont fait à bon droit les premiers juges, de rejeter leur demande d’indemnisation à ce titre.

28. Il résulte de ce qui précède que le capital de 2 558 577 euros que le tribunal administratif de Nantes a mis à la charge de l’ONIAM et du CHU de Nantes en réparation des préjudices de M. B… D… doit être ramené à 895 739,27 euros, auquel s’ajoutera une rente annuelle viagère de 1 444,58 euros au titre des dépenses de santé futures de M. B… D… et une rente trimestrielle viagère de 10 087 euros au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne. Comme indiqué au point 4, l’ONIAM versera à M. B… D… 20% de ces sommes, le solde étant pris en charge par le CHU de Nantes, sous déduction des 50 000 euros déjà versés.

Sur les préjudices des parents de M. B… D… :

29. Le préjudice moral de M. H… D… et de Mme J… D… peut être justement évalué, comme en première instance, à 20 000 euros chacun.

30. Il résulte des dispositions du II de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique rappelées au point 2 que les préjudices propres des parents de M. B… D… ne peuvent, dans les circonstances de l’espèce, être réparés par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale. Par suite, comme l’a jugé à bon droit le tribunal administratif de Nantes, il y a lieu de mettre à la charge du seul CHU de Nantes 80% de l’indemnité allouée, soit 16 000 euros pour chaque parent.

Sur les intérêts :

31. Les consorts D… ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes indiquées aux points 28 et 30 à compter du 16 décembre 2015, date d’enregistrement de leur demande par le greffe du tribunal administratif de Nantes.

Sur les frais de première instance :

32. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. ».

33. L’ONIAM conteste le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu’il a mis à sa charge, solidairement avec le CHU de Nantes, la somme de 1 800 euros au titre des dispositions rappelées au point précédent. Toutefois, l’ONIAM étant l’une des parties perdantes en première instance, les premiers juges n’ont pas fait une inexacte application de ces dispositions. Les conclusions de l’ONIAM tendant à ce que le jugement attaqué soit annulé sur ce point doivent donc être rejetées.

Sur les frais de l’instance :

34. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de laisser à la charge des parties les sommes exposées par elles et non comprises dans les dépens.


DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 521 715 euros que le tribunal administratif de Nantes a mise à la charge de l’ONIAM au bénéfice de M. B… D… est ramenée à 179 147,85 euros.

Article 2 : La somme de 2 036 862 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHU de Nantes à verser à M. B… D… est ramenée à 716 591,42 euros, déduction faite de la provision de 50 000 euros versée par la SHAM.

Article 3 : L’ONIAM versera à M. B… D… une rente annuelle de 288,92 euros au titre de ses dépenses de santé futures et une rente trimestrielle de 2 017,40 euros au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne. Ces rentes seront versées dans les conditions exposées aux points 10 et 12 du présent arrêt.

Article 4 : Le CHU de Nantes versera à M. B… D… une rente annuelle de 1 155,66 euros au titre de ses dépenses de santé futures et une rente trimestrielle de 8 069,60 euros au titre de ses besoins en assistance par une tierce personne. Ces rentes seront versées dans les conditions exposées aux points 10 et 12 du présent arrêt.

Article 5 : Le CHU de Nantes est condamné à verser respectivement à M. H… D… et à Mme J… D… des sommes de 16 000 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 mai 2018 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Les sommes allouées aux articles 1, 2 et 5 porteront intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 2015.

Article 8 : Le surplus des conclusions de l’ONIAM et des conclusions présentées par la voie de l’appel incident par le CHU de Nantes, la SHAM et les consorts D… est rejeté.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à l’ONIAM, à M. B… D…, à M. H… D…, à Mme J… D…, au CHU de Nantes, à la SHAM et à la CPAM de La Charente-Maritime.

Délibéré après l’audience du 23 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

— Mme K…, présidente-assesseure,

 – M. E…, premier conseiller,

 – Mme Le Barbier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 février 2020.


Le rapporteur

E. E… La présidente

N. K…


Le greffier
M. G…


La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 18NT02522

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CAA de NANTES, 3ème chambre, 7 février 2020, 18NT02522, Inédit au recueil Lebon