Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 20 novembre 2012, 11PA02829, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu, I, sous le n° 11PA02829, la requête, enregistrée le 23 juin 2011, présentée pour la région Réunion, dont le siège est avenue René Cassin, Moufia, BP 7190 à Saint-Denis Messag (97719 cedex 9), représentée par son président en exercice, par Me Pintat ; la région Réunion demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0915756 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à l’annulation de l’arrêté du 24 mars 2009 par lequel le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ont constaté le montant du droit à compensation des collectivités territoriales résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2008 et, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 37 257 035 euros au titre de la compensation financière de l’année 2008, la somme de 230 470 000 euros en réparation du préjudice subi en raison des fautes commises par l’Etat dans ses obligations de bonne conservation du patrimoine, de mise aux normes sécuritaires d’une partie de la voirie nationale transférée, de gestion des « points noirs bruit » et des obstacles latéraux et la somme 500 000 euros en réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité fautive de l’arrêté du 24 mars 2009 et de la tardiveté de son édiction ;

2°) d’annuler l’arrêté du 24 mars 2009 susmentionné ;

3°) d’enjoindre à l’Etat, sur le fondement des articles L. 911-1 à L. 9111-3 du code de justice administrative, de prendre un nouvel arrêté, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 37 257 035 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts, au titre de l’année 2008 et « années suivantes », correspondant à un « juste droit à compensation financière résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2008 » ;

5°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 230 470 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi en raison des fautes commises par l’Etat dans ses obligations de bonne conservation du patrimoine, de mise aux normes sécuritaires d’une partie de la voirie nationale transférée, de gestion des « points noirs bruit » et des obstacles latéraux ;

6°) de condamner l’Etat à lui verser la somme de 500 000 euros, assortie des intérêts des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande préalable et de la capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice subi en raison de l’illégalité fautive de l’arrêté du 24 mars 2009 et de la tardiveté de son édiction ;

7°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu, II, sous le n° 11PA02830, la requête, enregistrée le 23 juin 2011, présentée pour la région Réunion, dont le siège est avenue René Cassin, Moufia, BP 7190 à Saint-Denis Messag (97719 cedex 9), représentée par son président en exercice, par Me Pintat ; la région Réunion demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0910393/7-3 du 17 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation du courrier du 15 décembre 2008 par lequel le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire l’a informé du dispositif du droit à compensation des collectivités territoriales résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2008 et de la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;

2°) d’annuler le courrier du 15 décembre 2008 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte européenne de l’autonomie locale adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

Vu la loi n° 2006-823 du 10 juillet 2006 autorisant l’approbation de la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 ;

Vu la loi n° 2008-759 du 1er août 2008 de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007 ;

Vu le décret n° 2002-381 du 19 mars 2002 portant application de l’article 19 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée ;

Vu le décret n° 2005-1499 du 5 décembre 2005 relatif à la consistance du réseau routier national ;

Vu le décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005 relatif à la compensation financière des charges liées aux routes nationales transférées aux départements et aux régions ;

Vu le décret n° 2007-424 du 23 mars 2007 pris pour l’application de l’article L. 4433-24-1 du code général des collectivités territoriales et relatif au transfert des routes nationales à la région de La Réunion ;

Vu le décret n° 2007-679 du 3 mai 2007 portant publication de la Charte européenne de l’autonomie locale, adoptée à Strasbourg le 15 octobre 1985 ;

Vu l’arrêté du 24 mars 2009 constatant le montant du droit à compensation des collectivités territoriales résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2008 en application du chapitre Ier du titre II de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 6 novembre 2012 :

— le rapport de M. Boissy, rapporteur,

— les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

— et les observations de Me Vernet substituant Me Pintat, pour la région Réunion ;

1. Considérant que les présentes requêtes présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 : « (…) III A l’exception des routes répondant au critère prévu par l’article L. 121-1 du code de la voirie routière, les routes classées dans le domaine public routier national à la date de la publication de la présente loi, ainsi que leurs dépendances et accessoires, sont transférées dans le domaine public routier départemental. / Ce transfert intervient après avis des départements intéressés sur le projet de décret prévu à l’article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cet avis est réputé donné en l’absence de délibération du conseil général dans le délai de trois mois à compter de sa saisine par le représentant de l’Etat dans le département. / Ce transfert est constaté par le représentant de l’Etat dans le département dans un délai qui ne peut excéder dix-huit mois après la publication des décrets en Conseil d’Etat mentionnés à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 121-1 du code de la voirie routière. Cette décision emporte, au 1er janvier de l’année suivante, le transfert aux départements des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans la voirie départementale. Le statut éventuel de route express ou de route à grande circulation des routes transférées est conservé. / En l’absence de décision constatant le transfert dans le délai précité, celui-ci intervient de plein droit au 1er janvier 2008. / Les terrains acquis par l’Etat en vue de l’aménagement des routes transférées sont cédés aux départements. / La notification de la décision du représentant de l’Etat dans le département emporte de plein droit mise à jour des documents d’urbanisme affectés par le transfert. / Le représentant de l’Etat dans le département communique au conseil général toutes les informations dont il dispose sur le domaine public routier transféré. / Les transferts prévus par le présent III sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraire. / Il est établi, dans les douze mois de l’entrée en vigueur de la présente loi, une étude exhaustive portant sur l’état de l’infrastructure, au moment de son transfert, ainsi que sur les investissements prévisibles à court, moyen et long termes, liés à la gestion de ce domaine routier (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 4433-24-1 du code général des collectivités territoriales : « Dans les départements et régions d’outre-mer, le représentant de l’Etat dans la région organise une concertation avec le département et la région en vue de déterminer la collectivité bénéficiaire du transfert de l’ensemble des routes nationales. / A l’issue de la concertation, qui ne peut excéder neuf mois à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, un décret désigne comme bénéficiaire du transfert le département ou la région, selon l’accord intervenu entre ces collectivités. A défaut d’accord, le décret désigne la région » ;

3. Considérant qu’en vertu des dispositions combinées de l’article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 et de l’article L. 4433-24-1 du code général des collectivités territoriales, la région Réunion a été désignée, par décret du 27 mars 2007, comme bénéficiaire du transfert de l’ensemble des routes nationales de la Réunion ; que, par un arrêté du 12 décembre 2007, le préfet de la Réunion a constaté le transfert dans le domaine public de la région Réunion, à compter du 1er janvier 2008, d’un ensemble de routes nationales précisément identifiées ; que, par des décisions attributives d’une « compensation financière » n° 4340, n° 5335, n° 6132 et n° 5137, le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a respectivement alloué à la région Réunion, au cours de l’année 2008, des sommes de 8 160 000 euros, de 1 497 116 euros, de 508 269 euros et de 307 207 euros, soit un montant total de 10 472 592 euros ; qu’au cours de cette même année 2008, le président du conseil régional de la Réunion a plusieurs fois attiré l’attention du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur le montant de la compensation financière qui devrait être allouée à la région Réunion au regard de la situation particulière de l’Ile de la Réunion et des opérations en cours de réalisation ; que, par un courrier du 15 décembre 2008, le ministre lui a apporté des éléments d’explication relatifs au calcul du montant de la compensation financière allouée à la région Réunion et l’a notamment informé qu’un total de 10 472 592 euros serait versé au titre de l’année 2008 et que, pour les années suivantes, ce montant serait « pérennisé » par le ministre de l’intérieur ; que, le 18 février 2009, le président de la région Réunion a exercé contre ce courrier du 15 décembre 2008 un recours gracieux qui a été implicitement rejeté ; que, par un arrêté du 24 mars 2009, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration et le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ont constaté le montant du droit à compensation de 17 collectivités territoriales résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2008, dont 10 472 592 euros pour la région Réunion ; que la demande indemnitaire préalable et les recours gracieux que la région Réunion a exercés contre cet arrêté, le 29 mai 2009, ont été rejetés par les ministres concernés ; que, par les présentes requête, la région Réunion fait appel des jugements du 17 mars 2011 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à l’annulation du courrier du 15 décembre 2008, de l’arrêté du 24 mars 2009 et des décisions rejetant les recours gracieux exercés contre ces actes et, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui verser les sommes de 37 257 035 euros, 230 470 000 euros et 500 000 euros ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation et de condamnation :

En ce qui concerne la régularité des jugements attaqués :

4. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 741-7 du code de justice administrative : « Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d’audience » ; qu’aux termes de l’article R. 741-2 du même code, la décision « contient le nom des parties » et « l’analyse des conclusions et mémoires » ; que des documents faisant mention et analysant des mémoires présentés devant le juge, joints au dossier transmis au juge d’appel, doivent être regardés comme faisant partie de la minute dès lors qu’ils sont signés par les personnes énumérées à l’article R. 741-7 ;

5. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier transmis par le Tribunal administratif de Paris à la Cour administrative d’appel de Paris que si la minute du jugement n° 0915756 du 17 mars 2011, ne vise, sans l’analyser, que la seule requête présentée par la région Réunion, un document intitulé « visa », qui figure dans le dossier transmis par le tribunal administratif et qui comporte les signatures prescrites par l’article R. 741-7, fait en revanche mention de l’ensemble des mémoires échangés et comporte l’analyse de ces mémoires ; que, dans ces conditions, il doit être regardé comme faisant partie de la minute ; que la région Réunion n’est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement n° 0915756 attaqué est entaché d’une irrégularité sur ce point ;

6. Considérant, d’autre part, que, contrairement à ce que soutient la région Réunion, le Tribunal administratif de Paris a suffisamment justifié, dans le jugement n° 0910393, les raisons pour lesquelles il a estimé que la lettre du 15 décembre 2008, compte tenu des termes dans lesquels elle était rédigée, ne constituait pas une décision au sens de l’article R. 421-1 du code de justice administrative, de sorte que la demande dirigée contre cette lettre n’était pas recevable ; que, par ailleurs, en écartant expressément comme inopérants, vis-à-vis de la légalité de l’arrêt du 24 mars 2009, les moyens tirés, d’une part, de la violation du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales au motif que « ce dernier ne crée pas de droits dont les collectivités territoriales puissent se prévaloir » et, d’autre part, des points 2 et 4 de l’article 9 de la charte européenne de l’autonomie locale au motif « que ces stipulations ne produisent pas d’effet direct à l’égard des collectivités territoriales des Etats contractants », les premiers juges n’ont en tout état de cause pas entaché le jugement n° 0915756 d’une insuffisance de motivation ;

En ce qui concerne la lettre du 15 décembre 2008 du ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et de la décision de rejet implicite du recours gracieux :

7. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers que la région Réunion n’a pas contesté les « décisions attributives » d’une « compensation financière » n° 4340, n° 5335, n° 6132 et n° 5137 lui allouant, au cours de l’année 2008, un montant total provisoirement arrêté à 10 472 592 euros mais seulement le courrier du 15 décembre 2008 susanalysé qui, s’il apporte des éléments d’information sur le montant des sommes attribuées, ne comporte en lui-même aucune décision faisant grief à la région Réunion ; que, dans ces conditions, la demande de première instance tendant à l’annulation de ce courrier et de la décision rejetant implicitement le recours gracieux exercé contre ce courrier n’était pas recevable ;

En ce qui concerne l’arrêté du 24 mars 2009 et les décisions de rejet des recours gracieux :

8. Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 : « A l’exception des aménagements de sécurité dont les financements sont transférés aux départements dans les conditions prévues au III de l’article 121, l’Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements continuent d’assurer le financement des opérations routières inscrites aux quatrièmes contrats de plan Etat-régions jusqu’au 31 décembre 2006. Toutefois, les travaux prévus dans ces contrats et non réalisés à cette date continuent d’être financés jusqu’à l’achèvement de ces opérations dans les mêmes conditions, dans la limite des enveloppes financières globales fixées pour les volets routiers des contrats » ; qu’aux termes de l’article 119 de cette même loi : " I. – Sous réserve des dispositions prévues au présent article et à l’article 121, les transferts de compétences à titre définitif inscrits dans la présente loi et ayant pour conséquence d’accroître les charges des collectivités territoriales ou de leurs groupements ouvrent droit à une compensation financière dans les condition fixées par les articles L. 1614-l à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales. / Les ressources attribuées au titre de cette compensation sont équivalentes aux dépenses consacrées, à la date du transfert, par l’Etat, à l’exercice des compétences transférées, diminuées du montant des éventuelles réductions brutes de charges ou des augmentations de ressources entraînées par les transferts. / Le droit à compensation des charges d’investissement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées, hors taxes et hors fonds de concours, constatées sur une période d’au moins cinq ans précédant le transfert de compétences. Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent alinéa, après avis de la commission consultative mentionnée à l’article L. 1211-4-l du code général des collectivités territoriales. / Le droit à compensation des charges de fonctionnement transférées par la présente loi est égal à la moyenne des dépenses actualisées constatées sur une période de trois ans précédant le transfert de compétences (…) III Sous réserve des dispositions de l’article 24, l’Etat et les collectivités territoriales assurent le financement des opérations inscrites aux quatrièmes contrats de plan Etat-régions et relevant de domaines de compétences transférés, dans les conditions suivantes : / 1° Les opérations engagées à la date d’entrée en vigueur de la présente loi sont poursuivies jusqu’à leur ternie dans les conditions fixées par les contrats. Les sommes versées par l’Etat à ce titre sont déduites du montant annuel de la compensation financière mentionnée au II ; / 2° Les opérations non engagées à la date d’entrée en vigueur de la présente loi et ressortissant à un domaine de compétences transféré, au titre duquel elles bénéficient d’une compensation financière, relèvent des collectivités territoriales nouvellement compétentes qui en assurent le financement » ; qu’aux termes de l’article 121 de cette loi : « (…) III. – Pour ce qui concerne les crédits d’investissement, le transfert aux départements des routes, de leurs accessoires et de leurs dépendances s’accompagne du transfert concomitant des ressources équivalentes, calculées hors taxes et hors fonds de concours, à celles qui étaient consacrées aux dépenses d’entretien préventif et curatif, de réhabilitation, d’exploitation et d’aménagements liés à la sécurité routière et à la prise en compte des risques naturels, des voiries transférées. Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions d’application du présent III (…) » ; qu’aux termes de l’article 1er du décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005, pris pour l’application du I de l’article 119 et du III de l’article 121 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 : « Pour déterminer les ressources à attribuer aux départements ou aux régions au titre de la compensation financière des charges afférentes aux routes nationales qui leur sont transférées, sont prises en compte les dépenses de l’Etat constatées par les lois de règlement pendant les périodes de référence prévues respectivement aux troisième et quatrième alinéas du I de l’article 119 de la loi du 13 août 2004 susvisée » ; qu’aux termes de l’article 3 de ce même décret : « Dans les départements et régions d’outre-mer, la compensation financière des charges de fonctionnement et d’investissement due à chaque collectivité bénéficiaire du transfert des routes est (…) égale à la moyenne actualisée des dépenses consacrées aux routes transférées à cette collectivité, telles qu’elles sont constatées dans les lois de règlement pendant les périodes de référence » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales : " Tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences effectués entre l’Etat et les collectivités territoriales est accompagné du transfert concomitant par l’Etat aux collectivités territoriales ou à leurs groupements des ressources nécessaires à l’exercice normal de ces compétences. Ces ressources sont équivalentes aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par l’Etat au titre des compétences transférées et évoluent chaque année, dès la première année, comme la dotation globale de fonctionnement. Elles assurent la compensation intégrale des charges transférées (…) ; qu’aux termes de l’article L. 1614-5-1 du même code : « L’arrêté conjoint du ministre de l’intérieur et du ministre chargé du budget constatant soit des accroissements ou diminutions de charges en application des dispositions de l’article L. 1614-3, soit des pertes de produit fiscal en application des dispositions de l’article L. 1614-5, intervient dans les six mois de la publication des dispositions législatives ou réglementaires auxquelles il se rapporte » ;

9. Considérant, en premier lieu, que le vice de procédure allégué par la région Réunion du fait des insuffisances qui auraient affecté l’étude exhaustive, prévue au III précité de l’article 18 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, qui a bien été réalisée préalablement à l’édiction du décret du 27 mars 2007 et de l’arrêté du 12 décembre 2007 susanalysés n’est pas un moyen opérant contre l’arrêté du 24 mars 2009 contesté ; que la circonstance que l’arrêté contesté a été adopté après l’expiration du délai fixé par l’article L. 1614-5-1 du code général des collectivités territoriales reste également sans incidence sur la légalité de cet arrêté ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que si la région Réunion fait valoir, d’une part, qu’en organisant le transfert du réseau routier national sans prévoir de mécanisme de compensation financière des dépenses d’entretien et d’exploitation liées aux grands investissements et de l’indemnisation des fautes commises par l’Etat dans ses obligations de bonne conservation du patrimoine, de mise aux normes sécuritaires d’une partie de la voirie nationale transférée, de gestion des points noirs du bruit et des obstacles latéraux, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 « ne satisfait pas aux conditions de légalité constitutionnelle », et, d’autre part, que « les trois textes nationaux ci-dessus en cause, en servant de base à la non prise en compte par l’Etat des charges supplémentaires d’exploitation et de maintenance, pour la région Réunion, liées aux grands investissements en cours, méconnaissent, voire dénaturent, le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, et l’article 72-2 de la Constitution », de tels moyens, tels qu’ils sont articulés, ne sont pas assortis de précisions suffisantes permettant d’en apprécier le bien-fondé et doivent ainsi, et en tout état de cause, être écartés ;

11. Considérant, en troisième lieu, que la région Réunion ne saurait utilement, pour contester la légalité de l’arrêté du 24 mars 2009, invoquer le protocole additionnel n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui ne crée pas de droits dont les collectivités territoriales puissent se prévaloir ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article 9 de la charte européenne de l’autonomie locale : « (…) 6. Les collectivités locales doivent être consultées, d’une manière appropriée, sur les modalités de l’attribution à celles-ci des ressources redistribuées (…) » ; que le 6. de l’article 9 n’impose pas, par lui-même, d’organiser une consultation des collectivités territoriales sur le montant précis des ressources que l’Etat envisage de redistribuer mais seulement sur les modalités selon lesquelles il envisage d’attribuer ces ressources ; qu’il ressort des visas du décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005 et n’est pas contesté que la région Réunion a rendu un avis, le 8 novembre 2005, sur la proposition de dispositif de compensation financière, figurant dans le projet de ce décret, organisé au profit des départements et régions d’outre-mer ; que la région Réunion n’établit pas que cette consultation n’aurait pas, en l’espèce, été appropriée ; qu’en revanche, la circonstance que la région Réunion n’aurait pas été à nouveau consultée préalablement à l’intervention de l’arrêté du 24 mars 2009 reste sans incidence sur la légalité de cet arrêté au regard des stipulations du 6. de l’article 9 de la charte européenne de l’autonomie locale ; que, dès lors, en tout état de cause, le moyen tiré de la violation de ces stipulations doit être écarté ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu’aux termes de l’article 9 de la charte européenne de l’autonomie locale : « (…) 2 – Les ressources financières des collectivités locales doivent être proportionnées aux compétences prévues par la Constitution ou la loi. (…) 4 – Les systèmes financiers sur lesquels reposent les ressources dont disposent les collectivités locales doivent être de nature suffisamment diversifiée et évolutive pour leur permettre de suivre, autant que possible dans la pratique, l’évolution réelle des coûts de l’exercice de leurs compétences (…) » ; que les stipulations précitées de la charte européenne de l’autonomie locale ne garantissent pas aux collectivités locales un droit à une compensation spécifique des charges liées à l’exercice de chacune de leurs compétences ; qu’ainsi, en tout état de cause, la région Réunion n’est pas fondée à soutenir que le mécanisme de compensation financière organisé par les articles 119 et 121 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, le décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005 et l’arrêté du 24 mars 2009 contesté serait incompatible avec ces stipulations ;

14. Considérant, en sixième lieu, que les dispositions du quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution imposent au législateur, ainsi que l’a énoncé le Conseil constitutionnel dans ses décisions n° 2003-489 DC du 29 décembre 2003 et n° 2004-509 DC du 13 janvier 2005, lorsqu’il transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par l’Etat, de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ; qu’en se fondant, pour le calcul de la compensation financière, sur les dépenses de fonctionnement et les dépenses d’investissement liées à la gestion de ce domaine routier, le législateur a pris en compte, dans la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, l’intégralité des charges afférentes au domaine public faisant l’objet du transfert ; que le respect des dispositions du quatrième alinéa de l’article 72-2 de la Constitution et du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ne lui imposait en revanche pas de compenser les charges résultant d’un éventuel développement de ce domaine dans le futur ; qu’ainsi, les dépenses qui sont inscrites à l’action budgétaire « développement du réseau » ne sont pas au nombre des dépenses, définies au III de l’article 121, consacrées « aux dépenses d’entretien préventif et curatif, de réhabilitation, d’exploitation et d’aménagements liés à la sécurité routière et à la prise en compte des risques naturels, des voiries transférées », qui devaient être incluses dans l’assiette de la compensation financière ;

15. Considérant, en septième lieu, qu’il résulte de l’ensemble des dispositions précitées de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 et du décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005 que la compensation financière résultant du transfert, au 1er janvier 2008, d’un ensemble de routes nationales à la région Réunion doit être assurée, conformément au I de l’article 119, au III de l’article 121 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 et à l’article 3 du décret n° 2005-1711 du 29 décembre 2005, en prenant uniquement en compte la moyenne actualisée des dépenses de fonctionnement et d’investissement consacrées aux routes transférées à cette collectivité, telle qu’elle a été constatée dans les lois de règlement pendant les périodes de référence ;

16. Considérant, d’une part, que le ministre soutient, sans être contredit, que les dépenses déterminant l’assiette du droit à compensation figurent seulement dans les titres III et V de la nomenclature budgétaire de l’Etat, relatifs à l’entretien des routes et aux investissements, et non dans l’action budgétaire « développement du réseau » ; que la région Réunion n’établit ni même n’allègue que l’évaluation de la compensation financière retenu par l’arrêté contesté, d’un montant de 10 472 592 euros par an, n’aurait pas été conduite conformément à la méthodologie législative et réglementaire ci-dessus analysée ; qu’il ne ressort pas davantage des pièces du dossier et n’est pas non plus allégué que certaines des dépenses inscrites à l’action budgétaire « développement du réseau » ou dans d’autres postes des lois de règlement des périodes de référence auraient dû en réalité être inscrites dans les titres III et V de la nomenclature budgétaire de l’Etat ;

17. Considérant, d’autre part, que si la région Réunion soutient, par divers arguments, que les charges liées aux grands investissements routiers, qu’elle évalue à la somme de 10 016 637 euros annuels, les contributions qu’elle consacrait à l’entretien des routes nationales, évalués à 6 985 506 euros annuels, les dépenses d’investissement supportées par l’Etat au titre des travaux de sécurisation de la route du Littoral, évalués à 6 360 500 euros annuels, et les « dépenses liées aux risques naturels récurrents », évalués à 3 241 800 euros annuels, auraient dû être prises en compte dans l’assiette de la compensation financière, il est constant que ces sommes n’étaient pas inscrites dans les titres III et V de la nomenclature budgétaire de l’Etat ;

18. Considérant, dès lors, et en tout état de cause, que les auteurs de l’arrêté contesté ne pouvaient pas tenir compte de sommes ne figurant pas dans les dépenses de fonctionnement et d’investissement consacrées aux routes de la Réunion figurant dans les lois de règlement pendant les périodes de référence pour calculer le montant de la compensation financière de la région Réunion ; que, par suite, l’arrêté contesté n’est entaché d’aucune erreur de droit ou d’appréciation au regard des règles législatives et réglementaires rappelées ci-dessus et ne méconnaît pas, en lui-même, l’article L. 1614-1 du code général des collectivités territoriales ; que, dans ces conditions, la région Réunion n’est pas davantage fondée à soutenir que le montant de la compensation financière qui lui a été alloué aurait été sous-évalué au regard des dépenses constatées dans les lois de règlement pendant les périodes de référence ;

19. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’arrêté du 24 mars 2009 n’est entaché d’aucune illégalité ; que, par voie de conséquence, les ministres concernés ont pu légalement rejeter les recours gracieux exercés par la région Réunion contre cet arrêté ;

En ce qui concerne les demandes indemnitaires :

20. Considérant, en premier lieu, que si la région Réunion soutient que l’Etat a manqué à ses obligations de bonne conservation du patrimoine routier, de mise aux normes sécuritaires d’une partie de la voirie nationale transférée, de gestion « des points noirs bruit » et du traitement des « obstacles latéraux », elle n’identifie pas le fondement juridique susceptible de révéler la carence fautive de l’Etat à ce titre ; que, dès lors, et en tout état de cause, la région Réunion, qui n’établit pas que l’Etat aurait commis une faute à ce titre, n’est pas fondée à réclamer la réparation des préjudices qu’elle estime avoir subis à ce titre, évalués respectivement à 10 000 000, 148 370 000, 57 050 000 et 15 050 000 euros ;

21. Considérant, en second lieu, que, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus et des modalités particulières de calcul du droit à compensation, qui devait notamment tenir compte de certaines dépenses constatées dans la loi de règlement de l’année 2007, laquelle a été publiée au journal officiel de la République française le 2 août 2008, la région Réunion n’est en l’espèce pas fondée à soutenir que l’Etat aurait commis une faute en adoptant tardivement, le 24 mars 2009, et illégalement l’arrêté constatant le montant du droit à compensation résultant du transfert de la voirie nationale au 1er janvier 2008 ; qu’il résulte également de l’instruction qu’au cours de l’année 2008, le ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire a alloué à la région Réunion, au titre de cette compensation financière, un montant provisoirement arrêté à 10 472 592 euros ; que ce montant correspond à celui qui sera définitivement retenu par l’arrêté du 24 mars 2009 qui n’est entaché d’aucune illégalité, ainsi qu’il vient d’être dit ; que, dans ces conditions, la région Réunion n’est en tout état de cause pas fondée à soutenir que l’insuffisance du montant provisoire qui lui a été alloué par l’Etat l’a conduit à revoir à la baisse, à retarder, voire à suspendre ou annuler certaines opérations d’entretien, de réhabilitation, d’exploitation et d’aménagement de la voirie nationale transférée et lui aurait causé à ce titre un préjudice évalué à 500 000 euros ;

22. Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la région Réunion n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant, d’une part, à l’annulation du courrier du 15 décembre 2008, de l’arrêté du 24 mars 2009 et des décisions rejetant les recours gracieux exercés contre ces actes et, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui verser les sommes de 37 257 035 euros, 230 470 000 euros et 500 000 euros ; que ses conclusions aux fins d’annulation et de condamnation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

23. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d’annulation présentées par la région Réunion n’appelle, par lui-même, aucune mesure d’exécution ; que, par suite, les conclusions aux fins d’injonction, susvisées, présentées par la région Réunion doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

24. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme demandée par la région Réunion au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la région Réunion sont rejetées.

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N°s 11PA02829, 11PA02830

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Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 20 novembre 2012, 11PA02829, Inédit au recueil Lebon