CAA de PARIS, 4ème chambre, 8 octobre 2015, 15PA01628, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 4e ch., 8 oct. 2015, n° 15PA01628
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 15PA01628
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Sur renvoi de : Conseil d'État, 9 avril 2015, N° 372755
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031308896

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L’association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du ministre de la culture et de la communication du 28 mai 2008, prise sur le fondement de l’article 2 du décret n° 2004-117 du 4 février 2004, relative au versement de la taxe sur les représentations pour le spectacle « Kirikou et Karaba » ;

Par un jugement n° 0813623/7-2 du 25 juin 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 10PA03954 du 31 juillet 2013, la cour a annulé ce jugement et la décision du ministre de la culture et de la communication du 28 mai 2008.

Par une décision n° 372755 du 10 avril 2015, le Conseil d’Etat statuant au contentieux, saisi par le ministre de la culture et de la communication, a annulé cet arrêt et renvoyé l’affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août et 30 septembre 2010, l’ASTP, représentée par la Scp Defrenois et Levis, demande à la cour :

1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 25 juin 2010 ;

2°) d’annuler la décision du ministre de la culture et de la communication du 28 mai 2008 ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en première instance et de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés en appel et non compris dans les dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu les dispositions de l’article R. 741-2 du code de justice administrative en omettant d’analyser les mémoires des parties et de viser le mémoire produit par le ministre ;

 – cette omission n’est pas compensée par la motivation du jugement qui apparaît insuffisante en ce qui concerne notamment la réponse apportée au moyen tiré de ce que le ministre a méconnu l’étendue de sa propre compétence et à ceux portant sur l’application de l’article 1er du décret du 4 février 2004 ;

- le tribunal administratif a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l’article 4 de l’arrêté du 28 juin 2004 ;

- le ministre s’est estimé lié par l’avis du 15 mai 2008 rendu par la commission d’arbitrage ;

 –  la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

 –  le spectacle en cause constitue une comédie musicale comportant une continuité de composition dramatique autour d’un thème central et ne relève donc pas de la catégorie des spectacles de variétés ;

 –  l’énumération contenue aux points 1 et 2 de l’article 1er du décret du 4 février 2004 n’étant pas exhaustive, le spectacle entre ainsi dans le champ du point 1 ;

 –  le critère du destinataire de la demande d’aide adressée par l’entrepreneur de spectacle étant subsidiaire, c’est à tort que le ministre a estimé que le produit de la taxe devait revenir au centre national de la chanson, des variétés et du jazz.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2011, le ministre de la culture et de la communication conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués par l’ASTP ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 7 juillet 2011, l’ASTP conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens.

Par deux nouveaux mémoires, enregistrés les 5 juin 2015 et 1er juillet 2015, l’ASTP a confirmé ses précédentes écritures et porté à 5 000 euros le montant réclamé au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en outre, que :

 – la méconnaissance de la ligne d’interprétation des dispositions applicables par la commission d’arbitrage conduirait à une rupture d’égalité et à une violation du principe de sécurité juridique ;

 – le ministre doit exercer son pouvoir d’appréciation sur la catégorie dont relève le spectacle, sans pouvoir se borner à favoriser systématiquement le centre national de la chanson, des variétés et du jazz ;

 – l’interprétation des dispositions applicables ne saurait conduire à une rupture de l’égalité entre les deux organismes susceptibles de percevoir le produit de la taxe en cause ;

 – il appartenait aux premiers juges de définir les notions de comédies musicales traditionnelles et de théâtre musical ;

 – la catégorie des comédies musicales traditionnelles ne se limite pas aux opérettes ;

 – ce spectacle peut être considéré comme relevant du théâtre musical ou bien des spectacles de marionnettes ;

 – ses composantes se rattachent toutes à l’art dramatique, lyrique ou chorégraphique et ne relèvent aucunement des variétés ;

 – le critère de continuité de composition dramatique autour d’un thème central a effectivement été mis en oeuvre, en tant que tel, par de précédentes décisions du ministre prises après avis de la commission d’arbitrage, de sorte que l’adoption d’une solution différente conduirait à une rupture d’égalité et à une violation du principe de sécurité juridique.

Par un nouveau mémoire, enregistré le 16 juin 2015, le ministre de la culture et de la communication a confirmé ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

 – la loi n° 2003-1312 du 31 décembre 2003 ;

 – le décret n° 2004-117 du 4 février 2004 ;

 – le décret n°2005-850 du 27 juillet 2005 ;

 – l’arrêté du 28 juin 2004 relatif à la commission d’arbitrage de la taxe sur les spectacles ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme d’Argenlieu,

 – les conclusions de M. Cantié, rapporteur public.

1. Considérant que, par une décision du 28 mai 2008, prise sur le fondement des dispositions de l’article 2 du décret du 4 février 2004, après avis de la commission d’arbitrage de la taxe sur les spectacles, le ministre de la culture et de la communication a déterminé la catégorie à laquelle doit se rattacher le spectacle dénommé « Kirikou et Karaba » et a attribué le versement de la taxe sur les représentations de ce spectacle au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, ; que, par un jugement du 25 juin 2010, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l’association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) tendant à l’annulation de cette décision ; que saisi par le ministre de la culture et de la communication, le Conseil d’Etat statuant au contentieux a, par une décision du 10 avril 2015, annulé l’arrêt du 31 juillet 2013 par lequel la Cour, faisant droit à l’appel de l’ASTP, a annulé le jugement et la décision contestée, et a renvoyé l’affaire à la Cour ;

Sur la régularité du jugement contesté :

2. Considérant qu’il ressort des pièces versées au dossier que les premiers juges n’ont pas visé le moyen soulevé par l’ASTP tiré du non respect de l’article 4 de l’arrêté du 28 juin 2004 relatif à la commission d’arbitrage de la taxe sur les spectacles, lequel impose l’établissement d’un compte rendu des délibérations et d’un relevé des avis après chaque réunion, afin de permettre au ministre de la culture et de la communication appelé à prendre la décision prévue par l’article 2 du décret du 4 février 2004, de connaître tant le sens de l’avis rendu par la commission d’arbitrage que la teneur des débats au sein de cette instance, et n’y ont pas répondu alors qu’il n’est pas inopérant ; que, par suite, le jugement attaqué a été rendu dans des conditions irrégulières et, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de régularité, doit être annulé ;

3. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par l’ASTP devant le tribunal administratif de Paris ;

Sur la légalité de la décision du ministre :

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er du décret du 27 juillet 2005 : « A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : / 1° (…) les directeurs d’administration centrale (…) » ; que M. B… A…, nommé directeur de la musique, de la danse, du théâtre et des spectacles au ministre de la culture et de la communication par décret du 9 mai 2008, publié au Journal officiel de la République française du 10 mai 2008, était habilité, sur le fondement de ces dispositions, à signer la décision attaquée au nom du ministre ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompétence du signataire manque en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision par laquelle le ministre de la culture et de la communication détermine la catégorie dont relève un spectacle dans les conditions prévues par l’article 2 du décret du 4 février 2004 n’est pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ils ont droit qui, en application de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, doivent être motivées ; qu’une telle mesure ne relève par ailleurs d’aucune des autres catégories de décisions mentionnées par cette loi ; que, dès lors, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision du 28 mai 2008 est inopérant et doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’il ressort des pièces versées au dossier de première instance qu’un compte rendu de la séance de la commission d’arbitrage du 15 mai 2008 a été établi, qui fait mention, dans sa partie finale, de la teneur de l’avis de cette instance ; que, par suite, l’ASTP n’est pas fondée à soutenir que les dispositions précitées de l’article 4 de l’arrêté du 28 juin 2004 ont été méconnues ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu’il ne ressort ni des énonciations de la décision, ni des autres pièces du dossier que le ministre de la culture et de la communication se serait cru lié par l’avis rendu le 15 mai 2008 par la commission d’arbitrage pour décider que la taxe sur les représentations du spectacle « Kirikou et Karaba » relevait du centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;

8. Considérant, en cinquième lieu, que les dispositions du I de l’article 76 de la loi du 30 décembre 2003 portant loi de finances rectificative pour 2003 instituent une taxe sur les spectacles de variétés perçue au profit du CNV, dont le produit est affecté au financement d’actions de soutien aux spectacles de chanson, de variétés et de jazz ; que les dispositions du I de l’article 77 de la même loi instituent une taxe sur les spectacles perçue au profit de l’ASTP, afin, notamment, de soutenir la production de spectacles d’art dramatique, lyrique et chorégraphique ; que les dispositions du II de chacun de ces articles renvoient au pouvoir réglementaire le soin de définir les catégories de spectacles soumises à ces taxes ; qu’aux termes des trois premiers alinéas de l’article 1er du décret du 4 février 2004 pris pour l’application de ces dernières dispositions, dans leur rédaction applicable aux faits de la cause : " Les catégories de spectacles respectivement prévues au II de l’article 76 et au II du A de l’article 77 de la loi du 31 décembre 2003 susvisée sont les suivantes : / 1. Au titre de la catégorie spectacles d’art dramatique, lyrique ou chorégraphique : les drames, tragédies, comédies, vaudevilles, opéras, comédies musicales traditionnelles du type opérette, comédie ou mélodrame lyrique, théâtre musical, les ballets classiques ou modernes, mimodrames et spectacles de marionnettes ; / 2. Au titre de la catégorie spectacles de variétés : les tours de chant, concerts et spectacles de jazz, de rock, de musique traditionnelle ou de musique électronique, les spectacles ne comportant pas de continuité de composition dramatique autour d’un thème central et s’analysant comme une suite de tableaux de genres variés tels que sketches, chansons, danses ou attractions visuelles, les spectacles d’illusionnistes, les spectacles aquatiques ou sur glace » ; qu’aux termes du dernier alinéa du même article : « La taxe sur les spectacles musicaux ou comédies musicales n’entrant dans aucune catégorie précitée mais pour lesquels une demande d’aide a été adressée à l’Association pour le soutien du théâtre privé et obtenue, conformément aux dispositions de son règlement intérieur, est perçue par cette association. En l’absence de demande d’aide à l’exploitation, la taxe est perçue par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz » ; qu’enfin l’article 2 de ce décret dispose : « En cas d’incertitude sur la catégorie définie à l’article 1er, le ministre chargé de la culture détermine celle-ci après avis d’une commission composée de représentants de l’Etat, du centre national de la chanson, des variétés et du jazz et de l’association de soutien au théâtre privé. Cette commission est saisie soit par le dirigeant de l’un ou l’autre de ces organismes, soit par un redevable de la taxe (…) » ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que le spectacle « Kirikou et Karaba », qui constitue une adaptation du film d’animation « Kirikou et la sorcière » de Michel Ocelot, associe le théâtre, la danse, la musique et la chanson ; qu’il repose sur une succession de scènes courtes qui retracent le parcours initiatique du bébé Kirikou figuré par une marionnette à laquelle donne vie trois personnes visibles des spectateurs, dont l’un donne sa voix au personnage et l’incarne une fois métamorphosé en jeune adulte ; que l’originalité de ce spectacle destiné particulièrement à un jeune public est renforcée par le recours ponctuel à une « voix off » et à l’implantation dans son décor de l’un des sbires de la sorcière Karaba, dont les interventions confèrent un caractère humoristique à certains passages ; qu’eu égard à la multiplicité de ses composantes et à la trame narrative qui lui confère sa cohérence, cette oeuvre ne constitue ni une comédie musicale traditionnelle, ni un spectacle de marionnettes, ne relève d’aucune autre des catégories visées par les dispositions précitées du 1° de l’article 1er du décret du 4 février 2004 et ne peut être rattachée à l’une de celles prévues par les dispositions du 2° du même article ; que, par suite, ce spectacle ne pouvant être rattaché à l’une ou l’autre des catégories limitativement énumérées par les dispositions des 1° et 2° dudit article, c’est sans commettre une erreur de droit, ni d’appréciation que le ministre, après avoir constaté qu’aucune aide n’avait été sollicitée auprès de l’ASTP par ses producteurs, a estimé que les dispositions du dernier alinéa de l’article 1er du décret du 4 février 2004 impliquaient que la taxe soit versée au CNV ;

10. Considérant, en sixième et dernier lieu, que l’ASTP ne peut utilement se prévaloir des termes d’un glossaire établi par l’inspection générale des affaires culturelles, qui est dépourvu de toute portée normative, ni des avis concernant d’autres spectacles que le spectacle « Kirikou et Karaba », rendus par la commission d’arbitrage ; que la circonstance, à la supposer établie, que le ministre de la culture aurait par circulaire retenu une interprétation erronée des dispositions précitées des articles 1er et 2 du décret du 4 février 2004 pour déterminer la catégorie à laquelle devaient être rattachés un ou plusieurs autres spectacles est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ; qu’il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance des principes d’égalité et de sécurité juridique ne peuvent de même qu’être écartés ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’ASTP n’est pas fondée à obtenir l’annulation de la décision du ministre de la culture et de la communication du 28 mai 2008 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions fondées sur l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris n° 0813623/7-2 du 25 juin 2010 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par l’association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l’ASTP est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l’ASTP et au ministre de la culture et de la communication.


Délibéré après l’audience du 22 septembre 2015, à laquelle siégeaient :


- M. Even, président de chambre,

- Mme Hamon, président assesseur,

- Mme d’Argenlieu, premier conseiller.


Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.


Le rapporteur,

L. d’ARGENLIEULe président,

B. EVEN

Le greffier,

A-L. CALVAIRELa République mande et ordonne au ministre de la culture et de la communication en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 15PA01628

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