CAA de PARIS, 8ème chambre, 31 décembre 2015, 15PA03397, 15PA03400, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 31 déc. 2015, n° 15PA03397, 15PA03400
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 15PA03397, 15PA03400
Importance : Inédit au recueil Lebon
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 10 juin 2015, N° 1218483/6-3
Identifiant Légifrance : CETATEXT000031857792

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La fondation Jérôme Lejeune a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 25 mai 2012 par laquelle l’Agence de la biomédecine a autorisé le Centre national de la recherche scientifique (UPR 1142, Institut de génétique humaine) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

Par un jugement n° 1218483/6-3 du 11 juin 2015, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 25 mai 2012 par laquelle l’Agence de la biomédecine a autorisé le Centre national de la recherche scientifique (UPR 1142, Institut de génétique humaine) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la Cour :

I°/ Par une requête enregistrée le 24 août 2015 au greffe de la Cour sous le n° 15PA03397 et un mémoire en réplique enregistré le 13 novembre 2015, l’Agence de la biomédecine, représentée par la SELARL Houdart et associés, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1218483/6-3 du 11 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) à titre subsidiaire, de moduler dans le temps les effets de l’annulation ;

5°) de réputer définitifs les effets de la décision du 25 mai 2012 par laquelle l’Agence de la biomédecine a autorisé le Centre national de la recherche scientifique (UPR 1142, Institut de génétique humaine) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines, ou à tout le moins de reporter les effets de l’annulation jusqu’à l’expiration de la durée de l’autorisation.

Elle soutient que :

 – le tribunal administratif a pris en compte les éléments et pièces nouvelles présentés par l’Agence de la biomédecine dans sa note en délibéré pour motiver son jugement et accueillir le moyen d’annulation, alors même qu’il n’a pas analysé ni soumis au débat contradictoire lesdits éléments, en méconnaissance de l’article R. 613-3 du code de justice administrative ;

 – en se fondant, pour annuler la décision litigieuse, sur les conditions posées par le III de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique relatives au consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus ou du membre survivant de ce couple et à son information aux fins de garantir son consentement libre et éclairé, alors même que les dispositions du III de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique ne concernent que l’embryon, et non, comme en l’espèce, les cellules souches embryonnaires, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

 – le tribunal administratif a commis une erreur de droit en appliquant les règles d’information et de consentement propres aux recherches menées à partir d’embryons conçus sur le territoire national et donnés à des fins de recherche à une hypothèse de recherche sur des cellules souches embryonnaires importées ; les conditions relatives à l’information et au consentement du couple concerné doivent être vérifiées au regard des dispositions applicables à l’autorisation d’importation de cellules souches embryonnaires et non à celles du III de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique ;

 – dès lors qu’il s’agit en l’espèce d’un protocole faisant appel à des cellules souches embryonnaires dont l’importation avait été autorisée par des décisions d’importation devenues définitives, il n’est pas possible de contester utilement les conditions du recueil du consentement au stade de l’autorisation de recherche ;

 – les moyens présentés en première instance par la fondation Jérôme Lejeune, tirés de la méconnaissance des articles 5 et 18 de la convention d’Oviedo, de l’absence de vérification des modalités d’information et de recueil du consentement du couple, de la méconnaissance des conditions énoncées au II de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, de l’absence de vérification des conditions de traçabilité et des conditions matérielles de la recherche, doivent être écartés comme non fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 et 19 novembre 2015, la fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Agence de la biomédecine sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l’Agence de la biomédecine ne sont pas fondés.

II°/ Par une requête enregistrée le 24 août 2015 au greffe de la Cour sous le n° 15PA03400 et un mémoire en réplique enregistré le 13 novembre 2015, l’Agence de la biomédecine, représentée par la SELARL Houdart et associés, demande à la Cour de prononcer le sursis à l’exécution du jugement n° 1218483/6-3 du 11 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris ;

Elle soutient que les dispositions de l’article R. 811-15 du code de justice administrative sont réunies en l’espèce pour que le sursis à l’exécution du jugement attaqué soit accordé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 12 octobre 2015 et 19 novembre 2015, la fondation Jérôme Lejeune, représentée par Me Hourdin, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 3 000 euros soit mis à la charge de l’Agence de la biomédecine sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par l’Agence de la biomédecine ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

 – la convention pour la protection des droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine signée à Oviedo le 4 avril 1997 ;

 – le code de la santé publique ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Luben, rapporteur,

 – les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

 – les observations de Me Fouré, avocat de l’Agence de la biomédecine,

 – et les observations de Me Hourdin, avocat de la fondation Jérôme Lejeune.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes de l’Agence de la biomédecine enregistrées le 24 août 2015 au greffe de la Cour sous les n°s 15PA03397 et 15PA03400 sont dirigées contre la même décision et ont fait l’objet d’une instruction commune. En conséquence, il y a lieu de les joindre pour qu’elles fassent l’objet d’un seul arrêt.

Sur la requête n° 15PA03397 :

2. Par une décision du 25 mai 2012, prise sur le fondement des dispositions de l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, la directrice générale de l’Agence de la biomédecine a autorisé, pour une durée de cinq ans, le Centre national de la recherche scientifique (UPR 1142, Institut de génétique humaine) à mettre en oeuvre un protocole de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines ayant pour finalité l’étude des signatures des origines et de la compétence à la réplication des cellules souches embryonnaires humaines en autorenouvellement ou induites en différenciation.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué, sans qu’il soit besoin de statuer sur sa régularité :

3. Les recherches sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches font l’objet d’une autorisation de recherches régie par les dispositions de l’article L. 2151-5 du chapitre unique du titre V, intitulé Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, du livre 1er de la 2e partie législative du code de la santé publique, aux termes duquel, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, " I.- La recherche sur l’embryon humain, les cellules souches embryonnaires et les lignées de cellules souches est interdite. / II.- Par dérogation au I, la recherche est autorisée si les conditions suivantes sont réunies : / 1° La pertinence scientifique du projet de recherche est établie ; / 2° La recherche est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs ; / 3° Il est expressément établi qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des embryons humains, des cellules souches embryonnaires ou des lignées de cellules souches ; / 4° Le projet de recherche et les conditions de mise en oeuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. / Les recherches alternatives à celles sur l’embryon humain et conformes à l’éthique doivent être favorisées. / III.- Une recherche ne peut être menée qu’à partir d’embryons conçus in vitro dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et qui ne font plus l’objet d’un projet parental. La recherche ne peut être effectuée qu’avec le consentement écrit préalable du couple dont les embryons sont issus, ou du membre survivant de ce couple, par ailleurs dûment informés des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de leur conservation. Dans le cas où le couple ou le membre survivant du couple consent à ce que ses embryons surnuméraires fassent l’objet de recherches, il est informé de la nature des recherches projetées afin de lui permettre de donner un consentement libre et éclairé. A l’exception des situations mentionnées au dernier alinéa de l’article L. 2131-4 et au troisième alinéa de l’article L. 2141-3, le consentement doit être confirmé à l’issue d’un délai de réflexion de trois mois. Dans tous les cas, le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple est révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté. / IV.-Les protocoles de recherche sont autorisés par l’Agence de la biomédecine après vérification que les conditions posées aux II et III du présent article sont satisfaites. La décision motivée de l’agence, assortie de l’avis également motivé du conseil d’orientation, est communiquée aux ministres chargés de la santé et de la recherche qui peuvent, lorsque la décision autorise un protocole, interdire ou suspendre la réalisation de ce protocole si une ou plusieurs des conditions posées aux II et III ne sont pas satisfaites. / En cas de violation des prescriptions législatives et réglementaires ou de celles fixées par l’autorisation, l’agence suspend l’autorisation de la recherche ou la retire. Les ministres chargés de la santé et de la recherche peuvent, en cas de refus d’un protocole de recherche par l’agence, demander à celle-ci, dans l’intérêt de la santé publique ou de la recherche scientifique, de procéder dans un délai de trente jours à un nouvel examen du dossier ayant servi de fondement à la décision. / V.- Les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation. / VI.- A titre exceptionnel, des études sur les embryons visant notamment à développer les soins au bénéfice de l’embryon et à améliorer les techniques d’assistance médicale à la procréation ne portant pas atteinte à l’embryon peuvent être conduites avant et après leur transfert à des fins de gestation si le couple y consent, dans les conditions fixées au IV. « . Aux termes de l’article R. 2151-6 du code de la santé publique : » La demande d’autorisation d’un protocole de recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires est adressée au directeur général de l’agence de la biomédecine (…) ou déposée (…) auprès de l’agence(…). Cette demande est accompagnée d’un dossier qui comprend tous les éléments permettant de vérifier que les conditions légales sont remplies et dont la forme et le contenu sont fixés par décision du directeur général de l’agence (…) ".

4. S’agissant des embryons et des cellules souches embryonnaires importées, outre l’autorisation de recherche prévue par les dispositions précitées, ceux-ci font l’objet d’une autorisation d’importation régie par les dispositions de l’article L. 2151-6 du chapitre unique du titre V, intitulé Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, du livre 1er de la 2e partie législative du code de la santé publique, aux termes duquel : « L’importation de cellules souches embryonnaires aux fins de recherche est soumise à l’autorisation préalable de l’Agence de la biomédecine. Cette autorisation ne peut être accordée que si ces cellules souches ont été obtenues dans le respect des principes fondamentaux prévus par les articles 16 à 16-8 du code civil. / L’exportation de cellules souches embryonnaires aux fins de recherche est soumise aux mêmes conditions que l’importation définie au précédent alinéa. » et de l’article R. 2151-13 du même code, section 2 relative à l’importation et exportation de cellules souches embryonnaires à des fins de recherche, aux termes duquel : « Tout organisme qui importe ou exporte des cellules souches embryonnaires doit être en mesure de justifier qu’elles ont été obtenues dans le respect des principes mentionnés aux articles 16 à 16-8 du code civil, avec le consentement préalable du couple géniteur de l’embryon qui a été conçu dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation et ne fait plus l’objet d’un projet parental, et sans qu’aucun paiement, quelle qu’en soit la forme, n’ait été alloué au couple. ».

5. Il résulte des dispositions précitées que, s’agissant des embryons et des cellules souches embryonnaires importées, l’existence du consentement préalable du couple géniteur, dont le législateur a édicté le principe, est vérifiée dans le cadre de l’autorisation d’importation des embryons ou des cellules souches embryonnaires, et non dans le cadre de l’autorisation de recherche portant sur ces embryons ou cellules importées. Par suite, l’Agence de la biomédecine est fondée à soutenir que c’est à tort que le tribunal administratif s’est fondé, pour annuler l’autorisation de recherche attaquée, sur les dispositions précitées des articles L. 2151-5 III et R. 2151-6 du code de la santé publique.

6. Toutefois, il appartient à la Cour administrative d’appel, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris.

Sur les autres moyens soulevés par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris :

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des articles L. 2151-5 et R. 2151-1 et R. 2151-2 du code de la santé publique :

7. En premier lieu, la fondation requérante ne saurait, à l’encontre de l’autorisation de recherche portant sur des cellules souches importées, utilement soutenir que l’existence du consentement du couple donneur n’est pas établie dès lors que, ainsi qu’il ressort de ce qui précède, l’existence de ce consentement s’apprécie dans le cadre de la demande d’autorisation d’importation ou d’exportation des cellules souches.

8. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 2151-1 du code de la santé publique : « Pour l’application des 2° et 3° du II de l’article L. 2151-5, l’Agence de la biomédecine vérifie que la recherche, le cas échéant à caractère fondamental, est susceptible de permettre des progrès médicaux majeurs en matière de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’il est établi, en l’état des connaissances, que le résultat escompté ne peut être obtenu par d’autres moyens, notamment par le recours exclusif à d’autres cellules souches. ».

9. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la fondation Jérôme Lejeune, la décision attaquée de la directrice générale de l’Agence de la biomédecine a été non seulement précédée de la délibération du conseil d’orientation de l’Agence de la biomédecine, mais également de rapports d’expertise et d’un rapport d’instruction qui ont vérifié que les conditions prescrites par les dispositions précitées de l’article R. 2151-1 du code de la santé publique étaient remplies en l’espèce.

10. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le protocole de recherche autorisé par la décision litigieuse a pour finalité d’identifier les mécanismes de stabilisation de la différenciation afin d’éviter notamment le risque de développement de cancer après greffe de cellules souches embryonnaires humaines, la compréhension de ces mécanismes étant une condition essentielle pour envisager l’utilisation de ces cellules en médecine régénérative. Ainsi, le protocole de recherche est susceptible de permettre d’éviter des dérives cancéreuses et d’avoir une portée à la fois préventive et thérapeutique, il est donc susceptible de permettre à terme des progrès médicaux majeurs, lesquels ne doivent pas être entendus comme portant uniquement sur les soins mais également sur la prévention et le diagnostic. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 2° du II de l’article L. 2151-5 précité du code de la santé publique doit être écarté.

11. En quatrième lieu, dès lors que l’objet de la recherche porte spécifiquement sur le cycle des cellules souches embryonnaires humaines, cet objet même rend impossible le recours à des cellules souches pluripotentes induites humaines (dites cellules iPS), dont il n’est nullement établi qu’en l’état des connaissances scientifiques à la date de la décision attaquée, elles présentent des caractéristiques équivalentes à celles des cellules souches embryonnaires humaines. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 3° du II de l’article L. 2151-5 précité du code de la santé publique, faute pour l’Agence de la biomédecine de démontrer qu’il est impossible de parvenir au résultat escompté par le biais d’une recherche ne recourant pas à des cellules souches embryonnaires, doit être écarté.

12. En cinquième lieu, aux termes de l’article R. 2151-2 du code de la santé publique : « Le directeur général de l’agence de la biomédecine peut autoriser un protocole de recherche sur l’embryon ou sur les cellules souches embryonnaires, après avis du conseil d’orientation, pour une durée déterminée qui ne peut excéder cinq ans, renouvelable dans les mêmes conditions. / Outre la vérification des conditions fixées à l’article L. 2151-5, l’agence de la biomédecine s’assure de la faisabilité du protocole et de la pérennité de l’organisme et de l’équipe de recherche. Elle prend en considération les titres, diplômes, expérience et travaux scientifiques du responsable de la recherche et des membres de l’équipe. En outre, l’agence de la biomédecine tient compte des locaux, des matériels, des équipements ainsi que des procédés et techniques mis en oeuvre par le demandeur. Elle évalue les moyens et dispositifs garantissant la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules souches embryonnaires. ».

13. Il ressort des pièces du dossier que la décision attaquée a été précédée d’un rapport précisant quels seront les locaux où s’effectuera la recherche et quelles seront les modalités de la traçabilité, puis d’une délibération du conseil d’orientation indiquant que « le conseil d’orientation estime que cette recherche sera effectuée dans des conditions permettant de garantir la sécurité des personnes exerçant une activité professionnelle sur le site, le respect des dispositions applicables en matière de protection de l’environnement, le respect des règles de sécurité sanitaire ainsi que la sécurité, la qualité et la traçabilité des embryons et des cellules embryonnaires. ». Par suite, les dispositions précitées de l’article R. 2151-2 du code de la santé publique n’ont pas été méconnues.

En ce qui concerne les moyens tirés de la violation des stipulations de la convention d’Oviedo :

14. Aux termes de l’article 5 de la convention d’Oviedo susvisée : « Règle générale : / Une intervention dans le domaine de la santé ne peut être effectuée qu’après que la personne concernée y a donné son consentement libre et éclairé. / Cette personne reçoit préalablement une information adéquate quant au but et à la nature de l’intervention ainsi que quant à ses conséquences et ses risques. / La personne concernée peut, à tout moment, librement retirer son consentement. » et aux termes de l’article 18 de la même convention : « Recherche sur les embryons in vitro. / 1. Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la loi, celle-ci assure une protection adéquate de l’embryon. / 2. La constitution d’embryons humains aux fins de recherche est interdite. ».

15. D’une part, ainsi qu’il a été dit au point 5 ci-dessus, les cellules souches embryonnaires humaines importées sont soumises, s’agissant du consentement du couple, aux seules dispositions précitées des articles L. 2151-6 et R. 2151-13 du code de la santé publique qui prévoient, ainsi qu’il résulte de ces textes, qu’est vérifié, au stade de la délivrance de l’autorisation d’importation, le respect des principes mentionnés aux articles 16 à 16-8 du code civil et l’existence du consentement préalable du couple géniteur de l’embryon. Par suite, la fondation Jérôme Lejeune ne peut utilement soutenir qu’en l’absence, dans le dossier de demande d’autorisation, du consentement du couple, la décision litigieuse méconnaîtrait les stipulations de l’article 5 de la convention d’Oviedo.

16. D’autre part, si la fondation Jérôme Lejeune soutient que le protocole de recherche ne serait pas conforme aux stipulations précitées de l’article 18 de la convention d’Oviedo, en l’absence de respect des conditions légales encadrant la recherche sur les embryons, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la décision contestée ne méconnaît pas les dispositions législatives et réglementaires encadrant la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Par suite, elle n’est pas fondée à soutenir que les stipulations de l’article 18 de la convention d’Oviedo auraient été méconnues.

17. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de la fondation Jérôme Lejeune doit être rejetée.

Sur la requête n° 15PA03400 :

18. Le présent arrêt statuant au fond, il n’y a plus lieu de statuer sur la requête n° 15PA03400.

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

19. En vertu des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l’autre partie des frais qu’elle a exposés à l’occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la fondation Jérôme Lejeune doivent dès lors être rejetées.

20. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la fondation Jérôme Lejeune le paiement à l’Agence de la biomédecine de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1218483/6-3 du 11 juin 2015 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la fondation Jérôme Lejeune devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 3 : La fondation Jérôme Lejeune versera à l’Agence de la biomédecine la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la fondation Jérôme Lejeune tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Il n’y a pas lieu de statuer sur la requête n° 15PA03400.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la directrice générale de l’Agence de la biomédecine, à la fondation Jérôme Lejeune et à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Délibéré après l’audience du 23 novembre 2015, à laquelle siégeaient :


- M. Lapouzade, président,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 décembre 2015.


Le rapporteur,

I. LUBENLe président,

J. LAPOUZADELe greffier,

Y. HERBERLa République mande et ordonne à la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N°s 15PA03397, 15PA03400

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