Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre , 22 janvier 2016, 14PA00494, Inédit au recueil Lebon

  • Documents administratifs communicables·
  • Accès aux documents administratifs·
  • Droits civils et individuels·
  • Droit à la communication·
  • Don·
  • Cada·
  • Hôpitaux·
  • Information·
  • Document administratif·
  • Anonymat

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 7e ch., 22 janv. 2016, n° 14PA00494
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 14PA00494
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 5 décembre 2013, N° 1116202/6-3
Identifiant Légifrance : CETATEXT000032882793

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B… C… a demandé au Tribunal administratif de Paris :

1°) d’annuler les décisions par lesquelles le centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) de l’hôpital Cochin et le centre hospitalier universitaire (CHU) Cochin ont implicitement rejeté ses demandes du 18 mars 2010, ainsi que la décision de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) qui a rejeté le 10 novembre 2011 sa demande tendant à la communication de documents et d’informations concernant le donneur de gamètes à l’origine de sa conception ;

2°) d’enjoindre au CECOS de l’hôpital Cochin, au CHU Cochin et à l’AP-HP de lui communiquer dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, toutes informations non identifiantes sur le donneur de gamètes à l’origine de sa conception, ainsi que la description physique du donneur au moment du don, ses éventuels antécédents médicaux et ce éventuellement par l’intermédiaire d’un médecin, d’interroger le donneur sur ses antécédents personnels et familiaux, sa situation familiale et le nombre de ses enfants, les motivations de son don de gamètes, son souhait de lui révéler son identité et de lui transmettre ces informations et d’enjoindre à l’AP-HP de rapporter la preuve que le dossier du donneur de gamètes à l’origine de sa conception a effectivement été retrouvé ;

3°) de condamner solidairement le CECOS de l’hôpital Cochin, le CHU Cochin et l’AP-HP à lui verser la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, la somme de

30 000 euros en réparation du préjudice né de sa perte de chance de diagnostic médical, d’acte de soins ou de prévention et la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice moral lié à leur carence fautive ; puis, à titre principal, de condamner l’AP-HP à lui verser la somme de

45 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la perte du dossier du donneur de gamètes à l’origine de sa conception ; à titre subsidiaire, de condamner solidairement l’AP-HP et la commission administrative d’accès aux documents administratifs à lui verser la somme de

45 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la négligence fautive dans le traitement de sa demande, qui a conduit la commission d’accès aux documents administratifs à lui annoncer par écrit la perte du dossier du donneur de gamètes à l’origine de sa conception puis, à titre subsidiaire, si le dossier du donneur ayant participé à sa conception et un justificatif de sa localisation sont transmis au tribunal, à la condamnation solidaire de l’AP-HP et de la CADA à lui verser la somme de 45 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la négligence fautive dans le traitement de sa demande qui a conduit la CADA à lui annoncer sur la foi d’informations erronées transmises par l’AP-HP la perte du dossier de son géniteur.

Par un jugement n° 1116202/6-3 du 6 décembre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 30 janvier 2014 et

25 août 2015, M. C…, représenté par Me Molenat, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1116202/6-3 du 6 décembre 2013 du Tribunal administratif

de Paris ;

2°) d’annuler les décisions de rejet implicites du CECOS de l’hôpital Cochin et du CHU Cochin, ainsi que de la décision expresse de rejet datée du 10 novembre 2011 de 1'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) ;

3°) d’enjoindre à l’AP-HP de rapporter la preuve que le dossier du donneur ayant participé à sa conception a bien été retrouvé et est bien en possession du CECOS de l’hôpital Cochin, de lui transmettre toute information non identifiante relative à sa conception en possession du CECOS de l’hôpital Cochin, la description physique de son géniteur au moment de son don, les éventuels antécédents médicaux concernant son géniteur consignés dans le dossier détenu par le CECOS de l’hôpital Cochin, éventuellement par l’intermédiaire d’un médecin désigné à cette fin, d’interroger, dans des conditions respectant la confidentialité, le géniteur du requérant sur ses antécédents médicaux personnels et familiaux à ce jour, sa situation familiale et le nombre de ses enfants, à ce jour, les motivations de son don de gamètes, son souhait de lui voir divulguer ou non ses nom et prénoms et de lui transmettre les informations recueillies, éventuellement par l’intermédiaire d’un médecin désigné à cette fin dans un délai de 15 jours à compter du prononcer de la décision à venir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative ;

4°) de condamner l’AP-HP, à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral du fait des refus illégaux opposés, la somme

de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de chance de diagnostic médical ou d’actes de soins ou de prévention du fait des refus illégaux opposés et, à titre principal, de condamner l’AP-HP du fait de la perte du dossier du donneur à l’origine de sa conception à lui verser la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices médical et moral et, à titre subsidiaire, si l’ AP-HP rapporte effectivement la preuve que le dossier du donneur à l’origine de sa conception a bien été retrouvé, de condamner solidairement l’AP-HP et la CADA à l’indemniser à hauteur de 45 000 euros en réparation du préjudice moral causé par la négligence fautive dans le traitement de sa demande qui a conduit la CADA à lui annoncer, sur la foi d’informations erronées transmises par l’AP-HP, la perte du dossier de son géniteur ;

5°) de mettre à la charge solidaire de l’AP-HP le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

 – le tribunal a omis de statuer sur la demande de communication d’informations à un médecin fondée sur une nécessité thérapeutique psychologique ; il n’a pas répondu en quoi il ne se serait pas trouvé en état de nécessité thérapeutique, ni en quoi les dispositions de l’article 6 de la loi du 11 juillet 1978 s’opposeraient à la transmission des informations demandées à son médecin ou à tout autre médecin librement désigné par le tribunal ;

 – le tribunal n’a pas répondu à ses conclusions indemnitaires fondées sur la perte de son dossier ;

 – le jugement est entaché d’irrégularité, en ce qu’il n’explique pas en quoi la règle de l’anonymat votée en 1994 aurait vocation à régir rétroactivement sa situation et celle de son géniteur, que le tribunal n’a pas fait de différence entre les informations qui permettent d’identifier le donneur et les autres informations sollicitées, ce qui constitue une erreur de droit, que contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation était assorti de précisions suffisantes, le tribunal aurait dû procéder à une appréciation in concreto du moyen tiré de l’exception d’inconventionnalité au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et à une appréciation in abstracto du moyen tiré de l’exception d’inconventionnalité au regard des articles 7-1 et 8 de la convention internationale des droits de l’enfant ;

 – en ce qu’elles méconnaissent le droit de connaître son géniteur consacré par la

Cour européenne, les dispositions du droit national sont incompatibles avec l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen ; la nécessité de prendre en compte l’intérêt de la personne conçue par don est conciliable avec les autres en présence, à savoir la préservation de la vie familiale au sein de la famille légale, l’intérêt moral et familial du donneur ;

 – en ce qu’elles refusent de divulguer les informations médicales concernant le géniteur, les dispositions du droit national méconnaissent l’article L. 1244-6 alinéa 1 et l’article R. 1244-5 du code de la santé publique et les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors qu’elles caractérisent une pratique discriminatoire ;

 – les décisions sont entachées d’une erreur de droit dès lors qu’aucun texte ne justifie le refus de communiquer des informations ni médicales ni identifiantes sur la conception ou le géniteur ;

 – que l’illégalité des décisions lui a causé un préjudice moral et un préjudice médical et des troubles dans ses conditions d’existence ;

 – que la perte du dossier du donneur à l’origine de sa conception ou l’annonce erronée de sa perte lui a causé un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2015, l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, représentée par Me A… Tsouderos, conclut au rejet de la requête par des moyens contraires et à ce que le versement la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de M. C… sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Une mise en demeure a été adressée le 9 avril 2016 au centre d’étude et de conservation des oeufs et du sperme de l’hôpital Cochin, qui n’a pas présenté de mémoire en défense.

Une mise en demeure a été adressée le 9 avril 2016 au centre hospitalier universitaire Cochin, qui n’a pas présenté de mémoire en défense.

Par ordonnance du 18 mai 2015, la clôture de l’instruction a été fixée au 30 juin 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – la convention internationale des droits de l’enfant du 26 janvier 1990 ;

 – la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

 – le code civil ;

 – le code pénal ;

 – le code de la santé publique ;

 – la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 modifiée portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal ;

 – la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

 – la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

 – le décret n° 2005-1755 du 30 décembre 2005 relatif à la liberté d’accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques, pris pour l’application de la loi

n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

 – les avis de la commission d’accès aux documents administratifs rendus lors de sa séance du 22 décembre 2010 et 13 janvier 2012 à la suite de saisines enregistrées respectivement les

23 novembre 2010 et 9 janvier 2012 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme Mosser, président assesseur,

 – les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

 – les observations de Me Molenat, avocat de M. C…,

 – et les observations de Me Tsouderos, avocat de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris.

1. Considérant que par lettres en date du 18 mars 2010 M. C… a demandé au centre d’études et de conservation des oeufs et du sperme (CECOS) de l’Hôpital Cochin et au Centre hospitalier Universitaire (CHU) Cochin de lui communiquer les documents contenant des informations sur les origines de sa conception par insémination artificielle avec donneur réalisée en 1988 ; que ces demandes ont été implicitement rejetées ; que l’intéressé a saisi, par lettre du

21 novembre 2010, la commission d’accès aux documents administratifs (CADA), laquelle, le

22 décembre suivant, a déclaré sans objet la demande d’avis, dès lors que le CECOS de l’Hôpital Cochin l’avait informé de ce que les recherches entreprises n’avaient permis de retrouver aucun document relatif au donneur à l’origine de sa conception ; que M. C… a saisi le CECOS de l’Hôpital Cochin d’une nouvelle demande de communication des informations demandées et d’une demande tendant à obtenir réparation des préjudices subis du fait de la perte du dossier du donneur et du refus de communiquer les documents demandés ; que par lettre du 10 novembre 2011 l’AP-HP a indiqué avoir retrouvé le dossier du donneur à l’origine de la conception de M. C…, a refusé de communiquer les documents demandés et a rejeté la demande d’indemnisation ; que, par lettre reçue le 2 janvier 2012, adressée à l’AP-HP, avec copie au CECOS et au CHU de l’hôpital Cochin,
M. C… a adressé des demandes indemnitaires préalables ; que par lettre reçue le 9 janvier 2012, M. C… a présenté une demande indemnitaire préalable à la CADA ; que par lettre du

13 janvier 2012, la CADA a répondu qu’elle avait épuisé sa compétence ; que M. C… a demandé d’une part l’annulation des décisions portant rejet implicite et explicite de sa demande de communication des documents sollicités ainsi que la condamnation de l’AP-HP et de la CADA à lui verser des indemnités en réparation des préjudices qu’il estime avoir subis ; que, par un jugement en date du 6 décembre 2013, dont M. C… relève appel, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté ces demandes ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu’il ressort des écritures de première instance que M. C… avait soulevé un moyen tiré de ce que les dispositions législatives relatives au principe d’anonymat ne lui étaient pas opposables compte tenu de la date de sa conception ; que le Tribunal administratif de Paris n’a pas répondu à ce moyen qui n’était pas inopérant ; que, dès lors, M. C… est fondé à soutenir que le défaut de réponse à ce moyen entache le jugement d’irrégularité ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens d’irrégularité soulevés, le jugement attaqué doit être annulé ;

3. Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C… devant le Tribunal administratif de Paris ;

Sur les conclusions en annulation :

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de ladite loi : « La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision » ; qu’aux termes des dispositions de l’article 5 de ladite loi : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu’à l’expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués » ;

5. Considérant que la décision du 10 novembre 2011 par laquelle l’AP-HP refuse à M. C… de lui communiquer des éléments du dossier médical contient les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que par suite, le moyen invoqué par le requérant et tiré du caractère insuffisamment motivé de cette décision manque en fait et doit être écarté ; que d’autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C… ait demandé que lui soient communiqués les motifs des décisions du CECOS de l’hôpital Cochin et du CHU Cochin qu’il conteste ; que, dans ces conditions, il n’est pas fondé à soutenir que le CECOS de l’hôpital Cochin et LE CHU Cochin auraient méconnu l’obligation de motivation qui s’imposait à eux en rejetant sa demande par une décision implicite ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ;

7. Considérant qu’en encadrant, aux articles L. 1244-6 et L. 1131-1-2 du code de la santé publique, l’accès aux données non identifiantes, le législateur a entendu assurer la protection de la santé des personnes issues d’un don de gamètes, tout en garantissant le respect des droits et libertés d’autrui ; qu’à cet égard, les dispositions de l’article L. 1244-6 selon lesquelles un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique doivent s’entendre comme ne faisant pas obstacle à ce que de telles informations soient obtenues à des fins de prévention ; que si ces données ne sont accessibles qu’au médecin et non à la personne

elle-même, la conciliation des intérêts en cause ainsi opérée et la différence de traitement entre le médecin et toute autre personne relèvent de la marge d’appréciation que les stipulations précitées de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales réservent au législateur national, eu égard notamment aux inconvénients que présenterait la transmission de ces données aux intéressés eux-mêmes par rapport aux objectifs de protection de la santé, de préservation de la vie privée et de secret médical ;

8. Considérant que, s’agissant des données identifiantes, la règle de l’anonymat répond à l’objectif de préservation de la vie privée du donneur et de sa famille ; que si cette règle, applicable à tous les dons d’un élément ou d’un produit du corps, s’oppose à la satisfaction de certaines demandes d’information, elle n’implique par elle-même aucune atteinte à la vie privée et familiale de la personne ainsi conçue ;

9. Considérant qu’en interdisant ainsi, sous réserve de ce qui est dit au point 7, la divulgation d’informations sur les données personnelles d’un donneur de gamètes, le législateur a établi un juste équilibre entre les intérêts en présence ; que, dès lors, cette interdiction n’est pas incompatible avec les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation » ;

11. Considérant que si l’article 14 interdit, dans la jouissance des droits et libertés reconnus par la convention, de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables, l’enfant issu d’un don de gamètes ne se trouve dans une situation analogue, et par suite comparable, ni à celle des enfants du donneur de gamètes, ni à celle des enfants du couple receveur; que par suite, aucune discrimination, au sens de ces stipulations ou de celles de l’article 8 de la même convention, ne frappe l’enfant issu d’un don de gamètes en matière d’accès à de telles données ;

12. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes des stipulations de l’article 1er de la convention internationale des droits de l’enfant: « Au sens de la présente convention, un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt, en vertu de la législation qui lui est applicable » ;

13. Considérant que la légalité d’une décision s’apprécie à la date à laquelle elle a été prise ; qu’il ressort des pièces du dossier que M C… était âgé de plus de dix-huit ans à la date des décisions attaquées ; qu’il s’ensuit que M. C… ne peut pas utilement se prévaloir des stipulations de la convention internationale des droits de l’enfant ; que le moyen tiré de ce que les décisions qu’il conteste auraient été prises en méconnaissance des articles 3 et 7-1 et 8 de la convention internationale des droits de l’enfant doit être écarté comme inopérant ;

14. Considérant, en cinquième lieu, que les moyens tirés de ce que les décisions contestées ont été prises en méconnaissance des droits garantis par les articles 3, 7, 21-1 et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ne sauraient être utilement invoqués dès lors que les textes qui ont été appliqués pour refuser les documents demandés par le requérant, relatifs à la protection de l’anonymat des donneurs de gamètes et à la communication de documents administratifs, ne mettent pas en oeuvre le droit de l’Union européenne ; que la directive communautaire 2004/23/CE du 31 mars 2004 du parlement européen et du conseil relative à l’établissement de norme de qualité et de sécurité pour le don, l’obtention, le contrôle, la transformation, la conservation, le stockage et la distribution des tissus et cellules humaines qui traite également des cellules reproductives, invoquée par le requérant, qui pose le principe de « l’anonymat du donneur et du receveur » n’introduit pas une règle différente de celle retenue en la matière par la législation française ;

15. Considérant, en sixième lieu, d’une part, qu’aux termes des dispositions de l’article 2 de la loi n° 78-753 du 11 juillet 1978 : « Sous réserve des dispositions de l’article 6, les autorités mentionnées à l’article 1er sont tenues de communiquer les documents administratifs qu’elles détiennent aux personnes qui en font la demande (…) » ; qu’aux termes de l’article 6 de la même loi : " I.- Ne sont pas communicables : / 2° Les (…) documents administratifs dont la consultation ou la communication porterait atteinte : h) (…) aux (…) secrets protégés par la loi. ; / II.- Ne sont communicables qu’à l’intéressé les documents administratifs : / -dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret en matière commerciale et industrielle ; / – portant une appréciation ou un jugement de valeur sur une personne physique, nommément désignée ou facilement identifiable ; / – faisant apparaître le comportement d’une personne, dès lors que la divulgation de ce comportement pourrait lui porter préjudice. / Les informations à caractère médical sont communiquées à l’intéressé, selon son choix, directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’il désigne à cet effet, dans le respect des dispositions de

l’article L. 1111-7 du code de la santé publique » ;

16. Considérant, d’autre part, qu’aux termes des dispositions de l’article 16-8 du code civil : « Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur ni le receveur celle du donneur. / En cas de nécessité thérapeutique, seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès aux informations permettant l’identification de ceux-ci » ; qu’aux termes de l’article L. 511-10 du code pénal : « Le fait de divulguer une information permettant à la fois d’identifier une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende » ; qu’aux termes des dispositions de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique : « Le donneur ne peut connaître l’identité du receveur, ni le receveur celle du donneur. Aucune information permettant d’identifier à la fois celui qui a fait don d’un élément ou d’un produit de son corps et celui qui l’a reçu ne peut être divulguée. /Il ne peut être dérogé à ce principe d’anonymat qu’en cas de nécessité thérapeutique » ; qu’aux termes de l’article L. 1273-3 du même code : « Comme il est dit à l’article 511-10 du code pénal ci-après reproduit : »Le fait de divulguer une information permettant à la fois d’identifier une personne ou un couple qui a fait don de gamètes et le couple qui les a reçus est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30000 euros d’amende«   » ; qu’aux termes de l’article L. 1244-6 du même code : « Les organismes et établissements autorisés dans les conditions prévues à l’article L. 2142-1 fournissent aux autorités sanitaires les informations utiles relatives aux donneurs. Un médecin peut accéder aux informations médicales non identifiantes en cas de nécessité thérapeutique concernant un enfant conçu à partir de gamètes issus de don » ; qu’aux termes de l’article R. 1244-5 du même code : « (…) Les informations touchant à l’identité des donneurs, à l’identification des enfants nés et aux liens biologiques existant entre eux sont conservées, quel que soit le support, de manière à garantir strictement leur confidentialité. Seuls les praticiens agréés pour les activités mentionnées au premier alinéa ont accès à ces informations » ;

17. Considérant qu’il résulte des dispositions précitées, applicables à la date des décisions attaquées dont la légalité s’apprécie à la date à laquelle elles ont été prises, que les informations contenues dans le dossier d’un donneur de gamètes utilisés dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation constituent un secret protégé par la loi au sens de

l’article 6 de la loi du 11 juillet 1978 garantissant en particulier la préservation de l’anonymat du donneur à l’égard de toute personne demandant à y avoir accès et notamment de celle qui a été conçue à partir de gamètes issus de ce don ; qu’il encore de la combinaison des dispositions précitées qu’il ne peut être dérogé à cette règle, dans certaines conditions, qu’au profit des autorités sanitaires, des praticiens agréés pour les activités cliniques d’assistance médicale à la procréation et des médecins, dans l’intérêt thérapeutique de l’enfant ainsi conçu ;

18. Considérant que M. C… n’est pas au nombre des personnes et autorités auxquelles la loi réserve strictement l’accès à certaines données concernant les donneurs de gamètes ; que la nécessité d’ordre psychologique invoquée par le requérant ne constitue pas un cas de nécessité thérapeutique au sens des dispositions citées au point 16 ; qu’il s’ensuit que le CECOS de l’hôpital Cochin, qui dépend de l’AP-HP a pu, sans commettre d’erreur de droit, refuser de communiquer à l’intéressé, des données même non identifiantes concernant le donneur à l’origine de sa conception ;

19. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la demande, M. C… n’est pas fondé à obtenir l’annulation des décisions attaquées ;

Sur les demandes indemnitaires :

20. Considérant qu’il résulte des points 4 à 19, que les conclusions indemnitaires fondées sur l’illégalité fautive des décisions attaquées ne peuvent qu’être rejetées ;

21. Considérant par ailleurs que M. C… soutient avoir subi un préjudice du fait de l’information qui lui a été donnée de ce que les recherches entreprises n’avaient permis de retrouver aucun document relatif au donneur à l’origine de sa conception, suivie de celle qui lui a été donnée que le dossier avait été retrouvé ; que ces informations contradictoires, pour regrettables qu’elles soient, ne constituent pas une faute de nature à engager la responsabilité de l’AP-HP, ni en tout état de cause du responsable du CECOS de l’hôpital Cochin, du CHU Cochin et de la CADA ;

22. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du

Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction ne peuvent qu’être rejetées ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

23. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’AP-HP, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, et en tout état de cause de la CADA, le versement de la somme que M. C… demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C… le versement de la somme que l’AP-HP demande sur le fondement des mêmes dispositions ;


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1116202/6-3 du 6 décembre 2013 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C… devant le Tribunal administratif de Paris ainsi que ses conclusions présentées en appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B… C…, à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris, au centre d’étude et de conservation des oeufs et du sperme Cochin et au centre hospitalier universitaire Cochin.


Délibéré après l’audience du 8 janvier 2016, à laquelle siégeaient :


- Mme Driencourt, président de chambre,

- Mme Mosser, président assesseur,

- M. Cheylan, premier conseiller,


Lu en audience publique, le 22 janvier 2016.


Le rapporteur,

G. MOSSERLe président,

L. DRIENCOURT Le greffier,

A-L. PINTEAULa République mande et ordonne au ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

''

''

''

''

3

N° 14PA00494

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Collez ici un lien vers une page Doctrine
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre , 22 janvier 2016, 14PA00494, Inédit au recueil Lebon