CAA de PARIS, 8ème chambre, 31 mars 2017, 17PA00210, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 31 mars 2017, n° 17PA00210
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 17PA00210
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 15 novembre 2016, N° 1612972/3-2
Identifiant Légifrance : CETATEXT000034359023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS a demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler la décision du 21 juin 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Île-de-France a homologué le document unilatéral constituant le plan de sauvegarde de la société LaCie Group SAS.

Par un jugement n° 1612972/3-2 du 16 novembre 2016, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 janvier 2017 et des mémoires enregistrés les 17 et 23 mars 2017, le comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS, représenté par Me Vincent, avocat, demande à la Cour :

1°/ d’annuler le jugement n° 1612972/3-2 du 16 novembre 2016 du Tribunal administratif de Paris ;

2°/ d’annuler la décision du 21 juin 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation du travail et de l’emploi (DIRECCTE) d’Île-de-France a homologué le document unilatéral constituant le plan de sauvegarde de la société LaCie Group SAS ;

3°/ de condamner solidairement la SAS LaCie Group et l’Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— le jugement attaqué est insuffisamment motivé, d’une part, en ce qu’il n’a pas répondu à l’argumentation tiré de ce que le DIRECCTE aurait dû indiquer dans sa décision qu’il avait procédé au contrôle de la régularité de la procédure d’information et de consultation, ce contrôle ne pouvant résulter du seul visa des réunions des instances représentatives et, d’autre part, en ce qu’il n’a pas répondu à l’argumentation tirée de la déloyauté de la procédure d’information et de consultation ;

 – la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été irrégulière, et le tribunal n’a pas suffisamment motivé son jugement en ce que ce jugement n’indique pas la date à laquelle l’expert-comptable a reçu un document de 1681 pages en langue anglaise ;

 – le président du comité d’entreprise ne bénéficiait pas d’un mandat régulier de l’employeur et a exercé ses fonctions dans des conditions de nature à compromettre la bonne information du comité d’entreprise ;

 – la mise en oeuvre du projet de restructuration est intervenue dès avant la consultation du comité d’entreprise ;

 – les informations relatives au motif économique n’ont pas fait l’objet d’une transmission suffisamment complète et dans des délais utiles au comité d’entreprise ;

 – l’administration n’a pas opéré de contrôle sur la définition des catégories professionnelles retenues par l’employeur, ou, pour le moins, ce contrôle a été insuffisant ;

 – les catégories professionnelles retenues par l’employeur ne se réfèrent pas aux catégories définies par la convention collective ;

 – la pondération des critères définis pour l’ordre des licenciements n’est pas équilibrée, le critère des qualités professionnelles ayant été privilégié et ce critère ne présentant pas un caractère d’objectivité suffisant, et le tribunal a insuffisamment motivé son jugement sur ce point ;

 – l’administration n’a pas exercé son contrôle sur le contenu et la pertinence du plan de sauvegarde de l’emploi, notamment au regard des moyens dont disposent l’entreprise ;

 – les mesures retenues par le plan de sauvegarde ne sont pas suffisantes et pertinentes au regard des moyens de l’entreprise et du groupe.

Par des mémoires produits le 9 février et le 21 mars 2017, la société LaCie Group SAS conclut au rejet de la requête et que le versement de la somme de 5 000 euros soit mis à la charge du comité d’entreprise de LaCie Group SAS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par un mémoire en défense produit le 22 février 2017, le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code du travail,

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. Lapouzade,

- les conclusions de M. Sorin, rapporteur public,

- les observations de Me Vincent, avocat du comité d’entreprise de la société

LaCie Group SAS,

- et les observations de Me Haure, avocat de la société LaCie Group SAS.

Considérant ce qui suit :

1. La société LaCie Group SAS, qui a son siège à Paris, est une entreprise du secteur des nouvelles technologies et de l’informatique. Au 29 février 2016, elle employait 114 salariés. Elle fait partie du groupe Seagate spécialisé dans l’informatique et la fabrication de disques durs qui emploie 49 200 salariés dans le monde. La société occupe deux sites en Île-de-France, l’un à Paris, au siège de la société, où se trouvent les ingénieurs, et l’autre à Massy (Essonne) où se trouvent le service commercial et l’unité d’assemblage et de réparation. La société a envisagé une restructuration afin de sauvegarder sa compétitivité. Le 10 mars 2016, la société a présenté à son comité d’entreprise un plan de réorganisation qui prévoyait initialement la suppression de 61 postes, après avoir obtenu, en janvier 2016, l’homologation d’un premier plan de sauvegarde de l’emploi qui conduisait à la suppression de 13 postes. Le 23 mai 2016, le comité d’entreprise a rendu des avis défavorables sur le projet de réorganisation et sur le plan de sauvegarde de l’emploi. Le 31 mai 2016 la société a transmis au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) une demande d’homologation du plan de sauvegarde de l’emploi sous la forme d’un document unilatéral sur le fondement des dispositions de l’article L. 1233-24-4 du code du travail, qui a donné lieu, le 21 juin 2016 à une décision d’homologation qui a fait l’objet d’une demande en annulation devant le Tribunal administratif de Paris par le comité d’entreprise de la société LaCie Goup SAS. Par un jugement en date du 16 novembre 2016, dont il est régulièrement fait appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté la demande formée par le comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS.

I – Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS soutient que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, tout d’abord, en ce qu’il ne répond pas à « l’argument » tiré de ce que l’administration aurait dû indiquer dans sa décision qu’elle avait procédé au contrôle de la régularité de la procédure d’information et de consultation, la réalité de ce contrôle ne pouvant résulter du seul visa des réunions des instances représentatives.

3. Ce moyen ne pourra qu’être écarté, le tribunal, qui n’était pas tenu de répondre à tous les arguments du comité requérant, ayant suffisamment motivé son jugement, dès lors qu’après s’être livré à un examen de la régularité de la procédure d’information et de consultation, il a jugé, dans son considérant 16, que l’autorité administrative s’était assurée du bon déroulement de cette procédure.

4. Le comité d’entreprise de la Société LaCie Group SAS soutient également que le jugement attaqué est insuffisamment motivé, d’une part, en ce que le tribunal n’aurait pas non plus répondu à l’argumentation tirée de la déloyauté dont aurait fait preuve l’employeur lors de la procédure d’information et de consultation. Ce moyen ne pourra également qu’être écarté. En effet, si le jugement attaqué ne reprend pas le terme de « déloyauté » utilisé dans ses écritures par le comité d’entreprise, le tribunal administratif a nécessairement répondu à ce moyen en jugeant que les informations communiquées au comité d’entreprise et à l’expert-comptable, et les délais dans lesquels sont intervenues ces communications, ont permis au comité d’entreprise de rendre un « avis éclairé » sur le plan de reclassement, et qu’ainsi l’employeur s’était conformé à ses obligations. D’autre part, le tribunal administratif qui, ainsi qu’il a été dit, n’était pas tenu de répondre à l’ensemble des arguments du comité d’entreprise requérant, a pu, sans entacher son jugement d’une insuffisance de motivation, ne pas faire mention de la date à laquelle l’expert-comptable a reçu un document de 1681 pages rédigé en langue anglaise.

II – Sur la motivation de la décision attaquée :

5. Aux termes du 2e alinéa de l’article L. 1233-57-4 du code du travail : « (…) La décision prise par l’autorité administrative est motivée ». En vertu de ces dispositions, la décision expresse par laquelle l’administration homologue un document fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs. Si le respect de cette règle n’implique ni que l’administration prenne explicitement parti sur tous les éléments qu’il lui incombe de contrôler, ni qu’elle retrace dans la motivation de sa décision les étapes de la procédure préalable à son édiction, il lui appartient, toutefois, d’y faire apparaître les éléments essentiels de son examen. Ainsi, doivent y figurer ceux relatifs à la régularité de la procédure d’information et de consultation des instances représentatives du personnel, ceux tenant au caractère suffisant des mesures contenues dans le plan au regard des moyens de l’entreprise et, le cas échéant, de l’unité économique et sociale ou du groupe ainsi que, à ce titre, ceux relatifs à la recherche par l’employeur, des postes de reclassement. En outre, il appartient, le cas échéant, à l’administration d’indiquer dans la motivation de sa décision tout élément sur lequel elle aurait été, en raison des circonstances propres à l’espèce, spécifiquement amenée à porter une appréciation.

6. La décision d’homologation du 21 juin 2016 mentionne, ainsi qu’en fait état le jugement attaqué, les dispositions pertinentes du code du travail, énonce les différentes étapes de la procédure interne à l’entreprise relatives à l’information et à la consultation du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de santé, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), ainsi que les avis rendus par ces deux comités et, après avoir mentionné un certain nombre de mesures contenues dans le plan de reclassement considère que le plan de sauvegarde de l’emploi répond aux exigences prévues à l’article L. 1233-57-4 du code du travail.

7. Le comité d’entreprise requérant soutient qu’il a réclamé, à plusieurs reprises, des documents à l’employeur qui pour la plupart ne lui ont jamais été remis, soit lui ont été transmis par un envoi de près de 1681 pages par courriel le vendredi 20 mai 2016, en langue anglaise, la veille du week-end, étant précisé que l’avis devait être rendu le lundi 23 mai, que ce manque d’information a été souligné tant par le comité d’entreprise que par l’expert qui a rédigé une synthèse dans laquelle il déplore tant le manque d’information utile que l’inexistence d’une hiérarchie au sein de la société à laquelle s’adresser pour obtenir des informations. Enfin, le comité d’entreprise, lors de sa réunion du 23 mai 2016, a déploré l’absence d’information sur « le déclin inéluctable des produits BNAS », déclin qui, pour la société, justifie la procédure de licenciement pour motif économique.

8. Toutefois, d’une part, le projet de document unilatéral remis dès le 10 mars 2016 définissait le secteur d’activité concerné et mentionnait les raisons pour lesquelles ce secteur avait été retenu, ainsi que la situation économique et, d’autre part, si lors de la procédure d’information et de consultation, des demandes réitérées de documents relatifs aux points précités ont été formulées auprès de l’employeur par l’expert et le comité d’entreprise, l’employeur a régulièrement répondu à ces demandes. En particulier, s’agissant du document en langue anglaise de 1681 pages précité, il n’est pas sérieusement contesté que les informations contenues dans ce document avaient servi à élaborer le projet de document unilatéral et que le contenu de ce document avait, pour l’essentiel, été communiqué, en traduction à l’expert-comptable et au comité d’entreprise.

9. Enfin, il est constant qu’à aucun moment de la procédure, le comité d’entreprise n’a demandé à l’administration qu’elle fasse usage de son pouvoir d’injonction, prévu à l’article L. 1233-57-5 du code du travail, aux fins d’obtenir les informations en cause, ni même n’a directement saisi l’administration des difficultés rencontrées pour obtenir la communication de ces documents, se bornant à adresser en copie à celle-ci des mails échangés entre le comité d’entreprise, l’expert-comptable et l’employeur.

10. L’ensemble des éléments sus évoqués ne sont pas de nature à caractériser des circonstances propres à l’espèce, sur lesquelles l’administration aurait été spécifiquement amenée à porter une appréciation qui aurait dû faire l’objet d’une indication particulière dans la décision homologuant le document unilatéral. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision attaquée, qui, ainsi qu’il a été dit, vise les différentes phases de la procédure d’information et de consultation, doit, nonobstant la circonstance que cette décision ne comporte pas une indication spécifique sur la régularité de la procédure, être écarté.

III- Sur la légalité interne :

11. L’article L. 1233-24-1 du code du travail dispose que « Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, un accord collectif peut déterminer le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63 ainsi que les modalités de consultation du comité d’entreprise et de mise en oeuvre des licenciements (…) », l’article L. 1233-24-4 du même code dispose que « A défaut d’accord mentionné à l’article L. 1233-24-1, un document élaboré par l’employeur après la dernière réunion du comité d’entreprise fixe le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur », l’article L. 1233-61 du code quant à lui dispose que : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre./ Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile ». Enfin, l’article L. 1233-57-3 du code dispose que " En l’absence d’accord collectif (…), l’autorité administrative homologue le document élaboré par l’employeur mentionné à l’article

L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article

L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise (…) et le respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des articles L. 1233-61 à

L. 1233-63 (…) ".

A – En ce qui concerne la régularité de la procédure d’information et de consultation et son contrôle par l’administration :

12. L’article L. 1233-30 du code du travail dispose que : " I. – Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l’employeur réunit et consulte le comité d’entreprise sur : 1° L’opération projetée et ses modalités d’application, conformément à l’article L. 2323-15 ; 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d’emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d’ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d’accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi (…) / Le comité d’entreprise tient au moins deux réunions espacées d’au moins quinze jours. / II. – Le comité d’entreprise rend ses deux avis dans un délai qui ne peut être supérieur, à compter de la date de sa première réunion au cours de laquelle il est consulté sur les 1° et 2° du I, à : / 1° Deux mois lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ; (…) « . L’article L. 1233-31 du même code dispose que » L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif. Il indique : / 1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ; / 2° Le nombre des licenciements envisagé ; / 3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l’ordre des licenciements ; / 4° Le nombre des salariés, permanents ou non, employés dans l’établissement ; / 5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ; / 6° Les mesures de nature économiques envisagées ".

13. Il résulte des dispositions citées ci-dessus que, lorsqu’elle est saisie par un employeur d’une demande d’homologation d’un document élaboré en application de l’article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi, il appartient à l’administration de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l’homologation demandée que si ce comité a été mis à même d’émettre régulièrement un avis, d’une part, sur l’opération projetée et ses modalités d’application et, d’autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l’emploi. Il appartient à ce titre à l’administration de s’assurer que l’employeur a adressé au comité d’entreprise, avec la convocation à sa première réunion, ainsi que, le cas échéant, en réponses à des demandes exprimées par le comité, tous éléments utiles pour qu’il formule ses deux avis en toute connaissance de cause. Lorsque l’assistance d’un expert-comptable a été demandée selon les modalités prévues par les dispositions des articles L. 1233-34 et L. 1233-35 du code du travail, l’administration doit s’assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité d’entreprise de formuler ses avis e toute connaissance de cause.

1 – S’agissant du moyen tiré de l’absence de qualité de la présidente du comité d’entreprise :

14. Le comité d’entreprise soutient, d’une part, que, durant la procédure d’information et de consultation, la présidence du comité d’entreprise a été assurée par la responsable des ressources humaines au sein de la société, qui ne justifiait pas d’une délégation de l’employeur, et il est reproché à la présidente d’avoir constamment différé, faute de disposer d’une autorité suffisante au sein de la société, les réponses à apporter aux questions posées par les membres du comité d’entreprise et, ainsi, d’avoir nui à une bonne information du comité d’entreprise, et, d’autre part, que l’administration ne s’est pas livrée à un contrôle de l’habilitation dont disposait la présidente du comité d’entreprise.

15. L’article L. 2325-1 du code du travail dispose que « Le comité d’entreprise (…) est présidé par l’employeur, assisté éventuellement de deux collaborateurs qui ont voix consultative » et l’article L. 2325-18 du même code dispose que «  (…) Le président du comité ne participe pas au vote lorsqu’il consulte les membres élus du comité en tant que délégation du personnel ».

16. Il ressort des pièces du dossier que Mme A… qui assurait la présidence durant la procédure d’information et de consultation du comité d’entreprise n’a bénéficié d’une délégation du directeur des ressources humaines du groupe Seagate qu’à compter du 25 mai 2016, soit postérieurement à la dernière réunion du comité d’entreprise qui s’est tenue le 23 mai 2016. Toutefois, cette circonstance, alors qu’au demeurant Mme A… exerçait ces fonctions depuis 2013, n’est pas, en elle-même, de nature à porter une atteinte à la régularité de la procédure d’une gravité telle qu’elle vicie cette procédure et la décision d’homologation subséquente, dès lors, en particulier, qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance a empêché le comité d’entreprise d’émettre, à l’issue de la procédure d’information et de consultation, un avis éclairé, du fait notamment que, ainsi que le soutient le comité d’entreprise sans au demeurant l’établir, la présidente aurait constamment différé les réponses à apporter aux demandes qui lui étaient faites, faute pour elle de disposer d’une autonomie suffisante par rapport à sa hiérarchie. Enfin, et en tout état de cause, en l’absence de toute contestation sur la qualité de la présidente du comité d’entreprise au cours de la procédure, alors en particulier que Mme A… exerçait depuis 2013 la présidence de fait du comité d’entreprise, l’administration, à laquelle il n’appartient au demeurant pas de se prononcer sur la validité de l’habilitation délivrée par l’employeur, a pu, sans entacher d’irrégularité sa décision, considérer que Mme A… était régulièrement habilitée à exercer la présidence du comité d’entreprise.

2 – S’agissant du moyen tiré de l’insuffisante information du comité d’entreprise et de la régularité du contrôle exercé sur ce point par l’administration :

17. Si le comité d’entreprise soutient, comme devant les premiers juges, que le comité d’entreprise n’a pas bénéficié d’une information suffisante dans des délais utiles, et que l’administration ne s’est pas livrée à un contrôle du bon déroulement de la procédure d’information et de consultation, le comité d’entreprise n’apporte en appel sur ce point aucun élément de fait ou de droit nouveau, notamment de nature à établir en quoi les documents manquants auraient été déterminants pour la compréhension de la situation économique et sociale de l’entreprise et en quoi l’absence de production de ces éléments ne lui a pas permis, compte tenu en particulier des analyses très détaillées figurant dans le rapport de l’expert-comptable, d’émettre un avis éclairé et motivé sur le projet de restructuration. Il y a lieu par adoption des motifs des premiers juges, lesquels n’ont pas entaché leur jugement, qui est suffisamment motivé ainsi qu’il a été dit au point 4, d’une contradiction de motifs en considérant qu’un certain nombre de pièces demandées, telles que le livre de paie par catégories socio-professionnelles, les conventions à jour et les déclarations d’honoraires (DAS2) n’avaient pas été produites tout en jugeant cependant que l’information du comité d’entreprise avait été suffisante, d’écarter ce moyen.

3 – Sur le moyen tiré de ce que le projet de restructuration a été mis en oeuvre préalablement à la consultation du comité d’entreprise :

18. Il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision d’homologation, la société LaCie Group SAS n’avait procédé à aucune des suppressions de postes envisagées par le projet, ni engagé des procédures de licenciements. La circonstance que des transferts de production aient eu lieu en 2016, qui se seraient traduits par une baisse des volumes produits à Massy et une fermeture du site pendant quatre jours n’est pas de nature à caractériser, par elle-même, compte tenu notamment de l’absence de suppressions de postes et d’engagement de procédures de licenciement, une mise en oeuvre anticipée du projet soumis à homologation. Par suite, le moyen tiré de ce que le projet a commencé à être mis en oeuvre avant même que le comité d’entreprise ait formulé son avis, et qu’ainsi le rôle de ce dernier aurait été méconnu, doit, en tout état de cause, être écarté.

B – En ce qui concerne le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi :

1 – S’agissant de la définition des catégories professionnelles :

19. Il résulte des dispositions précitées des articles L. 1233-24-4 et L. 1233-57-4 du code du travail que, lorsqu’elle est saisie d’une demande d’homologation d’un document qui fixe tout ou partie des éléments mentionnés aux 1° à 5° de l’article L. 1233-24-2 du code du travail, il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier la conformité de ces éléments aux dispositions législatives et conventionnelles applicables. En particulier, s’agissant des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement, mentionnées au 4° de l’article L. 1233-24-2, il appartient à l’administration de vérifier qu’elles regroupent, chacune, l’ensemble des salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

20. Le comité d’entreprise soutient qu’il n’est pas fait référence dans la définition des catégories professionnelles retenues aux catégories professionnelles définies par la convention collective régissant le secteur, dont dans le dernier état de ses écritures en appel, le comité d’entreprise précise qu’il s’agit de la convention de la métallurgie, et que les catégories professionnelles telles que définies par le document établi par l’employeur déterminent en réalité des postes occupés par des salariés aisément identifiables.

21. D’une part, en s’abstenant de se livrer à une critique spécifique des 17 catégories retenues dans le document unilatéral homologué, notamment au regard des critères définissant ce qu’est une catégorie professionnelle, le comité d’entreprise ne met pas la Cour à même de se prononcer sur le moyen, lequel doit être ainsi écarté comme n’étant pas assorti des précisions permettant au juge d’en apprécier le bien fondé. En outre, les stipulations de la convention applicable, qui est celle de la métallurgie et résulte d’un accord national du 21 juillet 1975, ne définissent pas des catégories professionnelles, mais n’ont pour objet que de déterminer et garantir le montant de la rémunération minimale des salariés.

22. D’autre part, le comité d’entreprise, ne se livre à aucun commencement de démonstration en vue d’établir que la définition des catégories professionnelles telle que retenue dans le document unilatéral établi par l’employeur, a pour objet les licenciements de salariés préalablement identifiés.

23. Il résulte de ce qui précède que le moyen du comité d’entreprise tel qu’exposé au point 20 doit être écarté. Comme doit également être écarté, le moyen, tiré de ce que les mentions de la décision attaquée, en ce qu’elles se bornent à faire état de ce que « les catégories professionnelles sont définies précisément et la définition de celles-ci a fait l’objet de débats au cours de réunion du comité d’entreprise », démontreraient que l’administration ne s’est pas livrée à une vérification de la conformité des catégories professionnelles retenues aux regard des dispositions législatives et conventionnelles applicables, cette mention étant, en elle-même, de nature à démontrer, contrairement à ce que soutient le comité d’entreprise, que l’administration s’est effectivement livrée à un contrôle de la définition des catégories professionnelles.

2 – S’agissant des critères d’ordre des licenciements :

24. L’article L. 1233-5 du code du travail dispose que " lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. / Ces critères prennent en compte : 1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ; 2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ; 3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article. / Pour les entreprises soumises à l’obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63, le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements peut être fixé par l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 ou par le document unilatéral mentionné à l’article L. 1233-24-4 (…) ".

25. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l’annexe 6 au document unilatéral homologué, portant « barèmes de pondération des critères d’ordre de licenciement », que les quatre critères mentionnés par les dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail ont été pris en compte. Le barème en cause attribue un maximum de 7 points pour la situation familiale, de 9 points pour les caractéristiques rendant difficile la réinsertion (handicap et âge), de 3 points pour l’ancienneté et de 10 points pour les qualités professionnelles.

26. Le comité d’entreprise requérant soutient que la pondération des critères ainsi retenue n’est pas équilibrée en ce qu’elle privilégie les qualités professionnelles, alors même que ce critère, qui dépend des évaluations professionnelles faites par l’employeur, permet ainsi de « cibler » certains salariés. En outre, il est soutenu que le système d’évaluation annuel mis en place par l’employeur était irrégulier en l’absence de consultation du comité d’entreprise, et, compte tenu des conséquences qu’il peut entraîner pour la santé physique et morale des salariés, du CHSCT.

27. En premier lieu, la circonstance que le barème retenu privilégierait les qualités professionnelles des salariés n’est pas en elle-même de nature à entraîner la méconnaissance des dispositions de l’article L. 1233-5 du code du travail dès lors qu’ont également été pris en compte les autres critères énoncés par cet article.

28. En deuxième lieu, s’agissant de l’application du critère des qualités professionnelles du salarié, le barème prévoit de retenir le niveau du diplôme détenu par le salarié pour 2 points maximum et un bonus de 2 points pour la maîtrise d’une langue étrangère, quant à l’appréciation de la performance, celle-ci résulte de la moyenne des trois dernières notes obtenues lors des évaluations semestrielles. Ainsi, contrairement à ce que soutient le comité d’entreprise l’appréciation des qualités professionnelles ne relève pas de la seule subjectivité de l’employeur et ledit comité n’apporte aucun élément de démonstration à l’appui de son allégation aux termes de laquelle un tel système serait de nature et aurait pour objet de « cibler » un certain nombre de salariés. Enfin, le comité d’entreprise ne peut utilement soutenir que le système d’évaluation annuel mis en place par l’employeur était irrégulier faute que le CHSCT et lui-même aient été consultés préalablement à sa mise en place, dès lors qu’il n’appartient ni à l’administration ni au juge administratif de se prononcer sur la licéité du système d’évaluation, lequel n’a d’ailleurs fait l’objet d’aucune contestation devant le juge judiciaire, mais seulement d’en tenir compte, en tant qu’élément de fait, dans le cadre du contrôle exercé sur le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi.

29. Enfin, les premiers juges ont sur l’ensemble des points qui précèdent, contrairement à ce que soutient le comité d’entreprise, suffisamment motivé leur jugement.

3 – S’agissant des mesures de reclassement :

30. Il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de vérifier la conformité du document unilatéral et du plan de sauvegarde de l’emploi dont il fixe le contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles applicables, en s’assurant notamment du respect par le plan de sauvegarde de l’emploi des dispositions des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 du code du travail en fonction des critères suivants, énoncés par l’article L. 1233-57-3 du même code : les moyens dont disposent l’entreprise, l’unité économique et sociale et le groupe, les mesures d’accompagnement prévues au regard de l’importance du projet de licenciement, et les efforts de formation et d’adaptation. A ce titre, l’administration doit, au regard de l’importance du projet de licenciement, apprécier si les mesures contenues dans le plan sont précises et concrètes et si, à raison, pour chacune, de sa contribution aux objectifs de maintien de l’emploi et de reclassement des salariés, elles sont, prises dans leur ensemble, propres à satisfaire à ces objectifs compte tenu, d’une part, des efforts de formation et d’adaptation déjà réalisés par l’employeur et, d’autre part, des moyens dont dispose l’entreprise et, le cas échéant, l’unité économique et sociale et le groupe.

31. En premier lieu, le comité d’entreprise soutient que l’administration n’a pas vérifié l’adaptation du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des moyens de l’entreprise mais seulement de ceux du groupe. La circonstance que dans sa décision l’administration s’est prononcée sur l’adaptation du plan au regard des moyens du groupe Seagate, implique nécessairement qu’elle se soit également prononcée sur son adaptation au regard de l’entreprise en tant que celle-ci est partie de ce groupe. Au demeurant, l’appréciation de l’adaptation du plan de sauvegarde de l’emploi au regard des seuls moyens de l’entreprise, n’aurait pu, le cas échéant, qu’être défavorable aux salariés concernés. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que l’administration ne se serait pas livrée à un contrôle de la pertinence et de l’adaptation des mesures contenues dans le plan de sauvegarde de l’emploi au regard des objectifs poursuivis par ce plan.

32. En second lieu, d’une part, si le comité d’entreprise conteste également la pertinence et le caractère suffisant des mesures contenues dans le plan de reclassement, en particulier s’agissant de la prise en charge de divers frais liés au reclassement, en faisant valoir que ces mesures ne sont ni précises, ni concrètes ni incitatives, il ne démontre pas, ni d’ailleurs ne précise, en quoi ces mesures ne seraient pas adaptées ou seraient insuffisantes. D’autre part, en se bornant à faire valoir que le résultat net du groupe Seagate s’élève à 2, 058 milliards de dollars et que le financement du plan de sauvegarde de l’emploi ne correspond qu’à 0,16% de ce résultat, soit 3 406 000 euros pour soixante salariés, et que les dividendes correspondant à l’exercice clos en 2016 s’élèvent à 727 millions de dollars, le comité d’entreprise n’établit pas que les mesures en cause, lesquelles n’ont pas à être directement proportionnées aux moyens du groupe, seraient insuffisantes.

33. Il ne ressort pas de l’examen des mesures mises en place dans le cadre du plan de sauvegarde pour l’emploi, que ces mesures ne sont pas, prises dans leur ensemble, adaptées aux objectifs poursuivis par le plan de sauvegarde de l’emploi, compte tenu des moyens du groupe Seagate. Par suite, le comité d’entreprise requérant n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que les premiers juges, lesquels ont suffisamment motivé leur jugement sur ce point, ont écarté le moyen.

34. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le comité d’entreprise n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

IV – Sur les frais liés à l’instance :

35. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à que soit mise à la charge de l’Etat et de la société LaCie Group SAS, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que le comité d’entreprise demande au titre des frais exposés dans l’instance. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du comité d’entreprise une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société LaCie Group SAS.

DECIDE :

Article 1er : La requête du comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS est rejetée.

Article 2 : Le comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS versera à la société LaCie Group SAS la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au comité d’entreprise de la société LaCie Group SAS, à la société LaCie Group SAS et au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l’audience du 27 mars 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Bonneau-Mathelot, premier conseiller,

- Mme Bernard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mars 2017.

L’assesseur le plus ancien,

S. BONNEAU-MATHELOTLe président-rapporteur,

J. LAPOUZADE

Le greffier,

A. CLEMENT

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 17PA00210

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
  2. Code du travail
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CAA de PARIS, 8ème chambre, 31 mars 2017, 17PA00210, Inédit au recueil Lebon