Cour administrative d'appel de Paris, 6e chambre, 5 février 2020, n° 19PA00804

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 6e ch., 5 févr. 2020, n° 19PA00804
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 19PA00804
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 19 décembre 2018, N° 1717928
Dispositif : Rejet

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D C et M. A B ont demandé au Tribunal administratif de Paris d’annuler l’arrêté du 28 août 2017 par lequel la ministre de la culture a refusé de délivrer à Mme C quatre certificats d’exportation pour quatre pièces d’or datant des IIIème et IVème siècles et à M. B un certificat d’exportation pour une pièce d’or du IIIème siècle, d’enjoindre à la ministre de la culture de délivrer les certificats sollicités dans un délai de sept jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros à leur verser à chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1717928 du 20 décembre 2018, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 février 2019 et 29 novembre 2019 Mme C et M. B représentés par Me I, demandent à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2018 ;

2°) d’annuler l’arrêté du 28 août 2017 de la ministre de la culture refusant de leur délivrer les certificats d’exportation sollicités ;

3°) d’enjoindre à la ministre de la culture de leur délivrer les certificats sollicités dans un délai de sept jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 4 000 euros à leur verser à chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— le jugement attaqué est entaché d’irrégularité en ce qu’il a d’office qualifié la décision de refus du 28 août 2018 notifiée le 21 septembre 2018 de décision de retrait des autorisations implicites d’exportation nées du silence gardé par l’administration au-delà du délai d’instruction, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur cette qualification qui avait le caractère d’un moyen soulevé d’office ;

— le jugement est également entaché d’irrégularité en ce qu’il ne mentionne pas la note en délibéré qu’ils ont produite ;

— le tribunal a insuffisamment motivé son jugement lorsqu’il a qualifié l’arrêté attaqué ;

— cet arrêté du 28 août 2018 notifié tardivement le 21 septembre suivant n’a pu légalement retirer la décision implicite d’acceptation née du silence gardé par l’administration à l’expiration du délai d’instruction dès lors qu’aucune procédure contradictoire préalable n’a été mise en oeuvre en méconnaissance de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration et qu’ils ont ainsi été privés d’une garantie fondamentale ;

— l’administration ne pouvait légalement leur opposer un refus pour les cinq certificats demandés par un seul arrêté et une motivation commune ;

— le tribunal a à tort, jugé que la clause de la convention de partage passée en 1923 avec le ville d’Arras et approuvé par le ministre de la culture stipulant que les pièces du lot de Mme F seraient libres de tout classement, ne s’opposait pas à ce qu’elles soient qualifiées de trésor national en application des dispositions des articles L. 111-1 et suivants du code du patrimoine et que l’autorisation d’exportation soit en conséquence refusée ;

— l’arrêté attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l’article L. 111-4 du code du patrimoine ;

— le tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que l’intérêt majeur que présenteraient ces pièces pour le patrimoine national suffisait à les qualifier de trésor national et à justifier l’arrêté attaqué sans prendre en compte l’objet normal d’une décision de refus de certificat d’exportation qui est de pouvoir conserver le bien pendant 30 mois sur le territoire national pour permettre à l’Etat de faire une offre d’achat ; or l’acquisition par l’Etat des pièces litigieuses ne présente pas d’intérêt public dès lors notamment que l’Etat peut se faire prêter des reproductions, que de nombreuses études ont déjà pu être réalisées, et qu’il n’est en toute hypothèse pas possible de reconstituer l’unité du trésor de Beaurains.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 novembre 2019 et un mémoire enregistré le 23 décembre 2019, le ministre de la culture conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu

— le code du patrimoine ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le décret n° 2014-1305 du 23 octobre 2014 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme H,

— les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

— et les observations de Me I pour Mme C et M. B.

Considérant ce qui suit :

1. Le trésor de Beaurains dit d’Arras, consistant notamment en monnaies romaines de grande valeur, datant des IIIème et IVème siècle, a été découvert en 1922 et, conformément aux dispositions de l’article 716 du code civil, la personne ayant fait la découverte de ce trésor, M. E, et la propriétaire du terrain sur lequel il se trouvait, Mme F, ont été reconnus propriétaires indivis de ce bien. M. E a cédé en 1923 ses droits de propriété à la ville d’Arras, tandis que Mme F devait céder les siens à M. C, numismate et grand-père de Mme D C. Un partage du trésor a alors été effectué, et a donné lieu à des négociations, au terme desquelles, en contrepartie de l’incorporation au lot devant revenir à la ville d’Arras de certaines pièces d’un intérêt particulier, celle-ci, par délibération de son conseil municipal du 30 décembre 1926 reprise dans un acte de partage du 2 avril 1927 conclu entre la ville d’Arras et Mme F, garantissait notamment, avec l’accord du ministre de l’instruction publique et des Beaux arts, à Mme F et à M. C que le lot leur revenant était et demeurerait libre de tout classement. Par la suite Mme C a déposé le 4 mai 2017 en son nom personnel quatre demandes en vue de l’obtention de certificats d’exportation pour quatre pièces lui appartenant, héritées de son grand père, et a également déposé, le même jour, en qualité de mandataire de M. B, une cinquième demande de certificat d’exportation concernant une autre pièce provenant du même trésor et qu’elle lui avait cédée. Par arrêté du 28 août 2017, la ministre de la culture a refusé de délivrer les certificats sollicités. Mme C et M. B ont alors formé devant le Tribunal administratif de Paris une demande tendant à l’annulation de cet arrêté mais le tribunal a rejeté leur demande par jugement du 20 décembre 2018 dont ils interjettent appel.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l’article R.741-2 du code de justice administrative : « La décision mentionne que l’audience a été publique, sauf s’il a été fait application des dispositions de l’article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l’audience a eu lieu ou s’est poursuivie hors la présence du public. /Elle contient le nom des parties, l’analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (.)Mention est également faite de la production d’une note en délibéré ».

3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C et M. B ont présenté devant le tribunal administratif une note en délibéré, enregistrée le 7 décembre 2018, qui n’est pas mentionnée dans le jugement attaqué. Ils sont dès lors fondés à soutenir que celui-ci méconnait les dispositions citées ci-dessus de l’article R.741-2 du code de justice administrative, et par suite à en demander l’annulation, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen tendant à contester sa régularité.

4. Il y a lieu pour la Cour d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de Mme C et M. B.

Sur la légalité de la décision du ministre de la culture :

5. Aux termes de l’article L. 111-2 du code du patrimoine : « L’exportation temporaire ou définitive hors du territoire douanier des biens culturels, autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique et entrent dans l’une des catégories définies par décret en Conseil d’Etat est subordonnée à l’obtention d’un certificat délivré par l’autorité administrative ». Aux termes de l’article R. 111-6 de ce code : « Le ministre chargé de la culture délivre ou refuse le certificat dans un délai de quatre mois à compter de la réception de la demande accompagnée de tous les renseignements et pièces justificatives () ». L’article R. 111-7 dans sa version applicable, dispose que : " Le délai mentionné à l’article R. 111-6 est suspendu dans les cas suivants 2° Lorsque, en application respectivement des dispositions de l’article R. 111-8 ou de l’article D. 111-25, le ministre chargé de la culture ou la commission consultative des trésors nationaux demande la présentation du bien ; dans ce cas, la suspension court depuis la date de réception par le demandeur de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception du ministre ou du président de la commission, sollicitant la présentation du bien, jusqu’à la date de celle-ci « . Aux termes de l’article R. 111-12 du même code : » Le refus de délivrer le certificat fait l’objet d’un arrêté du ministre chargé de la culture. Un extrait de cet arrêté et l’avis de la commission consultative des trésors nationaux sont publiés simultanément au Journal officiel de la République française. La décision de refus est notifiée au propriétaire du bien, même si la demande a été déposée par un mandataire, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Dans le cas où le ministre ne dispose pas de l’identité et de l’adresse du propriétaire, il en fait la demande au mandataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ; le délai prévu à l’article R. 111-6 est suspendu à compter de la date de réception par le mandataire de la lettre du ministre jusqu’à la production de ces renseignements ". Enfin en application du décret du 23 octobre 2014 visé ci-dessus, le délai à l’expiration duquel naît une décision implicite d’acceptation est, en matière de demandes de certificat d’exportation, de quatre mois et l’autorisation doit être regardée comme accordée lorsque l’intéressé n’a pas reçu notification de la décision à l’expiration de ce délai.

5. Il ressort de ces dispositions combinées que ce délai d’instruction de quatre mois peut être suspendu dans les hypothèses visées aux articles R. 111-7 et R. 111-12 du code du patrimoine et qu’en dehors de ces hypothèses, le propriétaire qui a demandé à bénéficier d’un certificat d’exportation doit connaître dans un délai de quatre mois le sort réservé à sa demande et l’autorisation doit être regardée comme accordée lorsque l’intéressé n’a pas reçu notification de la décision à l’expiration de ce délai.

6. Il ressort des pièces du dossier que l’adjointe au sous-directeur des collections du service des musées de France a informé Mme C, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 6 juillet 2017 et reçue le 10 juillet, de ce que la commission consultative des trésors nationaux souhaitait examiner les pièces lors de sa réunion du 12 juillet 2017. Or, cette demande n’a été susceptible, en tout état de cause, de suspendre le délai d’instruction, que deux jours, comptés de la date de réception de la demande, le 10 juillet, jusqu’à la présentation des pièces, le 12 juillet suivant. Par ailleurs les dispositions citées ci-dessus de l’article R. 111-12 du code du patrimoine ne prévoient de suspension du délai d’instruction que pour la seule demande, adressée au mandataire, de communication de l’identité et de l’adresse du propriétaire du bien. Par suite, si par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28 août 2017 et reçue le 30 août suivant, ainsi qu’il ressort des pièces versées par l’administration devant le tribunal, l’adjointe au sous-directeur des collections du service des musées de France a demandé à Mme C de lui communiquer le nom et l’adresse postale du propriétaire de la cinquième pièce, mais aussi de confirmer qu’elle était la propriétaire des quatre autres en les identifiant précisément et d’accompagner cet envoi d’un justificatif de propriété des personnes désignées sous la forme d’un engagement écrit de leur part ou par tout autre moyen de preuve, seule la première de ces demandes, relative à l’identité du propriétaire de la cinquième pièce, était de nature à suspendre le délai d’instruction, et uniquement en ce qui concerne cette pièce. Toutefois, dès lors que cette demande a été reçue le 30 août 2017 et que M. B y a répondu dès le 9 septembre 2017, le délai d’instruction n’a ainsi, s’agissant de la pièce appartenant à celui-ci, été suspendu que durant neuf jours, qui, ajoutés le cas échéant aux deux jours écoulés entre le 10 et le 12 juillet, n’ont prorogé le délai d’instruction de quatre mois que jusqu’au 15 septembre 2017 au plus tard. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la demande de l’administration datée du 28 août 2017 et reçue par Mme C le 30 août suivant n’a pu suspendre le délai d’instruction en ce qui concerne les quatre pièces dont elle était propriétaire, et dès lors ce délai, même en tenant compte les cas échant des deux jours de suspension écoulés entre le 10 et le 12 juillet 2017, expirait donc au plus tard le 6 septembre 2017. Par suite l’arrêté attaqué, daté du 28 août 2017, mais notifié à ses destinataires seulement le 21 septembre suivant, est intervenu alors que des décisions implicites d’acceptation étaient déjà nées du silence gardé par l’administration sur les demandes de Mme C du 4 mai 2017. Cet arrêté doit dès lors être regardé comme ayant retiré les décisions implicites d’acceptation, qui avaient créé des droits au profit de M. B et Mme C et comme leur ayant substitué deux décisions de refus de certificat d’exportation.

7. Aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (.) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ». L’arrêté attaqué vise le code du patrimoine et notamment ses articles L. 111-2, L. 111-4 et R. 111-11, ainsi que les cinq demandes déposées et l’avis de la commission, puis retrace la découverte de ces pièces, souligne leur rareté et leur intérêt en raison des informations historiques « de premier ordre » qu’elles donnent sur la période de la tétrarchie, ainsi que leur « caractère rare et raffiné ». Il indique également qu’elles sont susceptibles de venir compléter les collections publiques françaises qui ne disposent actuellement que de quatre des pièces du trésor dit « d’Arras » qui en comptait environ trente-cinq, et qu’elles présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national du point de vue de l’histoire et de l’art et revêtent ainsi le caractère d’un trésor national. Cet arrêté contenant ainsi un exposé particulièrement détaillé des circonstances de fait, ainsi que des circonstances de droit sur lesquelles il se fonde, le moyen tiré de son insuffisance de motivation manque en fait, sans que puisse être utilement mis en cause, à l’appui de ce moyen de légalité externe, le bien-fondé de ses motifs.

8. Aux termes de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable ».

9. Il résulte de ces dispositions que la décision attaquée, qui retire une décision créatrice de droits, devait, avant son intervention, être soumise au respect d’une procédure contradictoire. Toutefois, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie.

11. Or il ressort des écritures de Mme C et de M. B eux-mêmes que le conservateur en chef du cabinet des médailles s’est rendu, le 16 juin 2017, en compagnie du conservateur des monnaies romaines, au cabinet de Mme C, et lui a indiqué à cette occasion qu’elle ne voulait pas être le conservateur qui manquerait le trésor d’Arras, manifestant par là-même son projet de proposer le refus des certificats demandés. Ultérieurement l’avis de la commission consultative des trésors nationaux, défavorable à la délivrance de ces certificats, a été porté à la connaissance de Mme C au plus tard dans la lettre du 28 août 2017 notifiée bien avant l’arrêté du même jour, qui lui indiquait que « la commission a émis un avis favorable au refus des certificats d’exportation et (que) la ministre de la culture a décidé de suivre cet avis en signant un arrêté refusant ces certificats ». Dans ces conditions, Mme C, ainsi que M. B dont elle était le mandataire, ont été mis à même de présenter toutes observations s’ils le souhaitaient, et n’ont dès lors pas effectivement été privés d’une garantie. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l’absence formelle de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration n’a pas eu d’incidence sur le sens de la décision du ministre. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration doit par suite être écarté.

12. Par ailleurs si les requérants font grief au ministre de s’être prononcé sur les diverses demandes de certificats d’exportation par un seul et même arrêté, il ressort des termes de celui-ci qu’il a clairement identifié les pièces en cause, et s’est livré à un examen particulier de chacune d’elles, et il ne résulte d’aucun texte applicable qu’il aurait dû prendre un arrêté distinct pour chacune de ces pièces qui, outre qu’elles faisaient l’objet de demandes présentées par la même personne, agissant pour quatre d’entre elles en qualité de propriétaire et pour la cinquième en qualité de mandataire, étaient toutes issues du trésor dit « d’Arras ».

13. Mme C et M. B ne peuvent en outre faire utilement état à l’encontre de l’arrêté attaqué de ce que l’acte du 2 avril 1927, approuvé par le ministre de l’instruction publique et des Beaux-arts, par lequel la ville d’Arras et Mme F ont décidé du partage du trésor de Beaurrains, stipule que les pièces composant le lot de Mme F demeurent libres de tout classement. En effet, un tel engagement ne saurait faire obstacle à ce que l’Etat prenne ultérieurement une mesure, justifiée par l’intérêt général, sur le fondement d’une législation d’ailleurs inexistante à l’époque. Les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que l’arrêté attaqué méconnaitrait un droit acquis qu’ils tiendraient de cet acte du 2 avril 1927 conclu entre la ville d’Arras et Mme F.

14. Aux termes de l’article L. 242-1 du code des relations entre le public et l’administration : « L’administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d’un tiers que si elle est illégale et si l’abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision. »

15. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la note du directeur du département des Monnaies, médailles et antiques de la bibliothèque nationale de France, que les pièces en cause, datant des IIIème et IVème siècles, constituent de rarissimes vestiges de l’art romain et présentent une qualité artistique très supérieure à la norme des pièces de la même époque. Dès lors l’intérêt public s’attachant à leur maintien en France en vue d’une intégration dans les collections publiques est établi, alors même que leur acquisition ne permettra pas de reconstituer dans sa totalité le trésor d’Arras, et qu’une ou plusieurs autres pièces qui faisaient partie de ce trésor auraient fait l’objet d’un certificat d’exportation. De même, si Mme C et M. B font notamment valoir que de nombreuses études ont déjà été effectuées à partir des divers éléments de ce trésor, que les pièces en cause auraient fait l’objet de reproductions de grande qualité par galvanoplastie et que ces reproductions pourraient tout aussi bien être exposées, ou que la bibliothèque nationale de France pourrait solliciter un prêt des pièces qui se trouvent au musée d’Arras, aucun de ces éléments n’est de nature à remettre en cause l’intérêt public s’attachant à la présence de ces pièces dans les collections nationales. Dès lors, la ministre de la culture a pu légalement, par l’arrêté contesté, pris dans le délai de quatre mois courant à compter des décisions implicites d’acceptation, estimer que les pièces du trésor d’Arras avaient la qualité de trésor national, retirer ces décisions implicites illégales et refuser de délivrer à leurs propriétaires les certificats d’exportation sollicités.

16. Enfin, à supposer que Mme C et M. B aient entendu invoquer dans leurs écritures de première instance l’existence d’un détournement de pouvoir ou de procédure, la réalité d’un tel détournement n’est pas établie.

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C et M. B ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêté du 28 août 2017 de la ministre de la culture retirant une précédente décision implicite d’acceptation de leur demande en refusant de leur délivrer les certificats d’exportation sollicités. Leur demande de première instance doit dès lors être rejetée, y compris leurs conclusions à fins d’injonction et celles présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, tant en première instance qu’en appel.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1717928 du Tribunal administratif de Paris du 20 décembre 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme C et M. B et le surplus de leurs conclusions d’appel sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D C, à M. A B et au ministre de la culture.

Délibéré après l’audience du 21 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

— Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

— M. Niollet, président-assesseur,

— Mme H premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2020.

Le rapporteur,

M-I. HLe président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

A-L. CHICHKOVSKY PASSUELLO

La République mande et ordonne au ministre de la culture en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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