CAA de PARIS, 6ème chambre, 7 juillet 2020, 19PA02328, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 6e ch., 7 juill. 2020, n° 19PA02328
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 19PA02328
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 15 mai 2019, N° 1710176
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042117454

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D… C… a demandé au Tribunal administratif de Paris de condamner l’Etat à lui verser une somme de 39 500 euros en raison du harcèlement moral qu’elle estime avoir subi au sein de la direction de la protection de la jeunesse du ministère de la justice et de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1710176 du 16 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 juillet 2019, Mme C…, représentée par Me B…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 mai 2019 ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser une somme de 23 900 euros avec intérêts de droit à compter du 7 février 2017 en raison du harcèlement moral qu’elle estime avoir subi au sein de la direction de la protection de la jeunesse du ministère de la justice.

3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— le tribunal a, à tort, jugé que les faits en cause n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral car s’inscrivant dans le cadre d’une démarche de bonne gestion de service ;

 – les faits en cause, caractérisés par une hostilité de sa hiérarchie et des agissements vexatoires et humiliants, à supposer qu’ils ne soient pas constitutifs d’un harcèlement moral, présentaient tout de même un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de l’Etat ;

 – par ailleurs, ils sont en tout état de cause constitutifs d’un harcèlement moral qui a entrainé la réalisation de risques psycho-sociaux et lui a occasionné un préjudice moral, un préjudice de carrière, des troubles dans ses conditions d’existence et un préjudice financier, dont elle est fondée à demander réparation.

Par une ordonnance du 6 février 2020, la clôture de l’instruction a été fixée au 9 mars 2020.

Un mémoire en défense a été produit par le ministre de la justice le 12 juin 2020 après clôture de l’instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme E…,

 – les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

 – et les observations de Me B… pour Mme C….

Considérant ce qui suit :

1. Mme C…, rédacteur principal de première classe, recrutée par la commune de Neuilly sur Seine en 2003, a été détachée à compter du 1er janvier 2016 auprès du ministère de la justice en qualité de responsable de la coordination du pôle administratif au sein du cabinet de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse. A la suite de tensions avec ses supérieurs, elle a sollicité sa réintégration au sein de la commune de Neuilly sur Seine, le 1er janvier 2017. Elle a ensuite formé auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, le 7 février 2017, une demande indemnitaire afin d’obtenir réparation des préjudices résultant du harcèlement moral dont elle estime avoir été victime au cours de son détachement. Cette demande ayant été rejetée par décision du 30 mars 2017, elle a alors saisi le Tribunal administratif de Paris d’une demande tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 39 500 euros en réparation de ses préjudices. Toutefois, le tribunal a rejeté cette demande par jugement du 16 mai 2019 dont elle interjette appel en sollicitant désormais la condamnation de l’Etat à hauteur de 23 900 euros avec intérêts.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 visée ci-dessus portant droits et obligations des fonctionnaires : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. (…) ».

3. D’une part, il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d’agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un tel harcèlement. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile.

4. D’autre part, pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu’ils sont constitutifs d’un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l’agent auquel il est reproché d’avoir exercé de tels agissements et de l’agent qui estime avoir été victime de harcèlement moral.

5. Si Mme C… a fait l’objet de critiques quant à sa manière de servir au cours du rendez-vous destiné à faire un bilan intermédiaire qui s’est tenu le 20 juillet 2016, le compte-rendu de celui-ci ne fait apparaitre aucun propos qui, par son contenu ou son ton, révèlerait une malveillance ou une animosité à son égard ou confèrerait à ce rendez-vous, comme Mme C… le soutient, le caractère d’un entretien disciplinaire déguisé, alors qu’il n’a été suivi d’aucune sanction ni procédure disciplinaire. De plus, il ne ressort pas des pièces du dossier que d’autres critiques que celles figurant dans ce compte-rendu lui auraient été adressées au cours de ce bilan ou que celles qui y figurent seraient injustifiées, alors que l’attestation de la directrice de la protection judiciaire de la jeunesse fait état de « difficulté dans l’accomplissement de ses tâches ». Par ailleurs, la demande qui lui a été faite, afin de récupérer une partie des heures supplémentaires qu’elle avait effectuées, de ne travailler qu’à mi-temps la semaine du 26 juillet 2016 ne peut, ne concernant qu’une seule semaine, s’analyser comme une modification substantielle et unilatérale de ses horaires de travail, ni révéler une volonté de harcèlement à son égard, pas plus que le fait de lui imposer, dans un même but de récupération de ses heures supplémentaires, de prendre des jours de récupération juste avant et après ses congés annuels, du 1er au 3 août, et du 1er au 9 septembre 2016. Si en effet cette décision de son supérieur hiérarchique l’a amenée à être absente du service pendant une période de 42 jours, il n’est ni établi, ni vraiment allégué, que cette période aurait été mise à profit pour modifier le contenu de son poste, réduire ses fonctions ou l’exclure du service de quelque manière que ce soit. Par suite, en prenant de telles mesures, de même qu’en lui demandant pour l’avenir de ne plus effectuer d’heures supplémentaires sans l’en aviser, et de signaler quotidiennement ses heures d’arrivée et de départ sur un tableau prévu à cet effet, son supérieur hiérarchique n’a pas excédé le cadre des mesures qu’il lui appartient de prendre, en sa qualité de chef de service, pour assurer le bon fonctionnement dudit service. En outre, si Mme C… produit deux témoignages, dont l’un anonyme, celui-ci se borne en tout état de cause, après avoir vanté les mérites de Mme C…, à faire état de ce que celle-ci semblait affectée par « une détérioration de ses relations professionnelles avec sa hiérarchie de proximité » sans qu’un harcèlement ou une faute de l’administration soit évoquée, tandis que l’autre attestation, d’une secrétaire du service, Mme A…, relate exclusivement ses propres difficultés avec l’une de ses collègues. S’il est vrai en revanche que l’interdiction faite à Mme C…, dans un mail du 12 septembre 2016, d’accéder au bureau du chef de cabinet ou de son adjointe revêt un caractère vexatoire, ce seul élément, pour regrettable qu’il soit, ne suffit pas à faire présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral qui ne peut davantage se déduire de ce qu’elle a dû prendre plusieurs fois entre juillet et novembre 2016 des congés maladies qu’elle attribue à la pression professionnelle subie. Enfin si, dans sa lettre du 30 mars 2017 rejetant la demande préalable indemnitaire de Mme C…, la directrice de la protection juridique de la jeunesse, après avoir exposé les motifs pour lesquels elle rejetait cette demande, indique que « les éléments tels que relatés par Mme C…, qui ne correspondent ni aux mesures mises en place par les supérieurs hiérarchiques de cet agent, ni à l’accompagnement dont elle a pu bénéficier au sein de la PJJ, sont susceptibles de poursuites pénales » cette « menace » dénoncée par Mme C…, qui est postérieure à la date à laquelle elle a quitté les services de la chancellerie, ne peut permettre de faire présumer l’existence d’un harcèlement dont elle aurait été victime au cours de son détachement.

6. Par suite, Mme C… n’est pas fondée à soutenir qu’elle aurait été victime d’une situation de harcèlement professionnel ni, pour les mêmes motifs, à invoquer l’existence d’une faute de l’administration de nature à engager sa responsabilité à son égard.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C… n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Sa requête ne peut par suite qu’être rejetée y compris ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D… C… et au Garde des Sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l’audience du 23 juin 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- Mme E… premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 juillet 2020.

Le rapporteur,

M-I. E… Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19PA02328

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