CAA de PARIS, 7ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA02237, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 8 novembre 2020

Pour recevoir la lettre d'EFI inscrivez vous en haut à droite Les lettres fiscales d'EFI Pour lire les tribunes antérieures cliquer Nous savons tous qu'une société étrangère possédant un immeuble en France est imposable en France à l IS (sauf exceptions) I SUR L IMPOSITION DE LA SOCIÉTÉ EN FRANCE L'arrêt fondateur de cette jurisprudence Conseil d'Etat, 9 / 8 SSR, du 5 mars 1997, 80362, La Perdrix rouge qu'il résulte de ce qui précède que l'administration apporte la preuve qu'en consentant, pour les baux de chasse, des prix très inférieurs à ceux qui auraient dû être fixés, et en …

 
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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 7e ch., 31 juill. 2020, n° 19PA02237
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 19PA02237
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 9 juillet 2019, N° 1801156/1-1
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042204434

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme B… ont demandé au Tribunal administratif de Paris la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1801156/1-1 du 10 juillet 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 juillet 2019, le 9 janvier 2020, le 24 février 2020, le 13 mars 2020, le 14 avril 2020 et le 15 mai 2020, M. et Mme B…, représentés par Me C… et Me D…, demandent à la Cour :

1°) à titre principal, d’annuler le jugement n° 1801156/1-1 du 10 juillet 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux contestées, en droits et pénalités ;

3°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle relative à la compatibilité du mécanisme d’imposition des revenus distribués par une société étrangère à un résident français, sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts, avec les articles 49 et 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatifs aux libertés d’établissement et de circulation des capitaux ;

4°) d’ordonner une expertise destinée à évaluer la juste valeur locative de la villa La Mandala, louée par M. et Mme B… à la société luxembourgeoise South Real Estate Investment en 2012 ;

5°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

 – le service a irrégulièrement étendu la durée de l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont ils ont fait l’objet au-delà de celle maximale d’un an prévue par l’article L. 12 du livre des procédures fiscales ;

 – la proposition de rectification du 6 octobre 2014 est insuffisamment motivée, tant sur le terrain de la loi que sur celui de la réponse ministérielle faite au sénateur Marini le 13 juin 2002 ;

 – le service a méconnu l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales, de même que l’instruction administrative référencée 13 L-6-06 du 21 septembre 2006, reprise au BOI-CF-PGR-10-20120912, et porté une atteinte substantielle aux droits de la défense, d’une part, en ne les informant pas de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels il s’est fondé pour estimer que la société luxembourgeoise South Real Estate Investment avait fixé à un niveau insuffisant le montant des loyers de la villa La Mandala, et, d’autre part, en refusant de leur communiquer les documents demandés ;

 – la somme de 20 millions d’euros portée à la suite d’une erreur comptable au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom de M. B… dans les écritures de la société personnelle à responsabilité limitée (SPRL) belge GBT Holding, dont il n’a pas eu la disposition effective et qu’il lui aurait en tout état de cause été impossible de prélever en raison de la situation financière dégradée de la société, ne pouvait être imposée dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts ;

 – l’imposition de cette somme porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux articles 6, 8, 13, 14, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ;

 – elle est également contraire aux principes de proportionnalité et de respect des biens garantis par l’article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

 – en tout état de cause et à titre subsidiaire, la somme en cause, constitutive du remboursement de l’apport fait par Bernard B… à la SPRL GBT Holding, en décembre 2010, des titres de la société en nom collectif (SNC) Groupe Bernard B…, n’entre pas davantage dans le champ des opérations imposables sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts ;

 – en toute hypothèse, si la position du service devait être confirmée, l’imposition de la somme litigieuse ne devrait porter que sur la période au cours de laquelle M. B… est réputé avoir disposé de la créance en cause, conformément aux dispositions du a de l’article 111 du code général des impôts ;

 – dès lors que la villa La Mandala n’a pas été occupée en 2012 en raison de travaux destinés à la remettre en état et que le loyer de 350 000 euros annuels n’était pas inférieur à celui pratiqué sur le marché locatif pour des biens comparables, le service n’était pas fondé à imposer dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers la somme de 1 483 207 euros qu’il dit, sans en justifier, correspondre aux loyers qu’aurait dû leur facturer la société luxembourgeoise South Real Estate Investment ;

 – le service ne pouvait sans incohérence imposer, d’une part, la somme de 20 millions d’euros, ayant pour origine un prêt consenti à la société South Real Estate Investment pour financer l’achat et les travaux de la villa La Mandala et, d’autre part, la somme de 1 483 207 euros, irrégulièrement regardée par le service comme une distribution occulte à leur profit ;

 – le service ne justifie pas le manquement délibéré à l’origine de l’infliction de la majoration de 40 %, prévue par le a de l’article 1729 du code général des impôts, dont ont été assortis les droits litigieux.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 janvier 2020, le 10 février 2020, le 30 mars 2020 et le 27 avril 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B… ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 3 octobre 2019, le président de la 7e chambre de la Cour a refusé de faire droit à la demande de transmission d’une question prioritaire de constitutionnalité présentée par M. et Mme B…, par deux mémoires distincts enregistrés les 18 juillet et 30 septembre 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Constitution ;

 – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et son premier protocole additionnel ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A…,

 – les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteur public,

 – et les observations de Me D… et Me C…, représentant M. et Mme B….

Considérant ce qui suit :

1. A l’issue de l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle dont M. et Mme B… ont fait l’objet au titre de l’année 2012, l’administration fiscale, suivant la procédure de rectification contradictoire, a imposé à l’impôt sur le revenu entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, d’une part, la somme de 20 millions d’euros créditée le 1er mars 2012 au compte courant d’associé ouvert au nom de M. B… dans les écritures de la société personnelle à responsabilité limitée (SPRL) belge GBT Holding, et, d’autre part, la somme de 1 483 207 euros, dont elle a estimé qu’elle correspondait aux loyers dont la société luxembourgeoise South Real Estate Investment s’était privée à raison de la location à M. et Mme B…, à compter du 14 avril 2012, de la villa La Mandala, située à Saint-Tropez (Var). M. et Mme B… relèvent appel du jugement du 10 juillet 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été subséquemment assujettis au titre de l’année 2012, ainsi que des pénalités correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d’imposition :

En ce qui concerne la durée de l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle :

2. Aux termes de l’article L. 12 du livre des procédures fiscales : « (…) Sous peine de nullité de l’imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s’étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l’avis de vérification. / (…) Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d’éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l’article L. 16 A. / Elle est également prorogée des trente jours prévus à l’article L. 16 A et des délais nécessaires à l’administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n’a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l’administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l’étranger ou en provenance directe de l’étranger. / (…) ».

3. Il résulte de ces dispositions que l’examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d’un contribuable ne peut normalement s’étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l’avis de vérification prévu par les dispositions de l’article L. 47 du livre des procédures fiscales. Cependant, lorsque le contribuable n’a pas usé de sa faculté de produire ses relevés de comptes dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l’administration, ce délai peut être prorogé de ceux nécessaires pour les obtenir. Le point de départ de ces délais court alors dès le 61e jour suivant la demande faite au contribuable par l’administration, sauf lorsque le contribuable a produit avant cette date les coordonnées exactes de l’intégralité de ses comptes, auquel cas le point de départ des délais court à compter de la date à laquelle l’administration demande aux établissements teneurs de ces comptes que ces relevés lui soient remis. La prorogation des délais, que l’administration n’est pas tenue de notifier au contribuable, cesse à la date à laquelle elle reçoit l’intégralité des relevés demandés. Les délais nécessaires à l’administration pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l’étranger ou en provenance directe de l’étranger, ou obtenir les relevés de comptes non produits par le contribuable dans le délai imparti, se cumulent en principe, eu égard aux objets différents qu’ils poursuivent, pour le décompte de la durée de prorogation de la période de contrôle d’un an prévue par les dispositions de l’article L. 12 du livre des procédures fiscales. Il en va toutefois différemment lorsque plusieurs de ces délais courent de manière concomitante, le délai d’un an prévu par ces dispositions n’étant alors prorogé qu’à concurrence du nombre de jours pendant lesquels ces délais ne se recouvrent pas.

4. Il résulte de l’instruction que les mandataires judiciaires de M. et Mme B… ont accusé réception, le 1er juillet 2013, de l’avis d’examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle. A cette occasion, le service a demandé à M. et Mme B… de produire la totalité des relevés de leurs comptes financiers et comptes courants, demande à laquelle ils n’ont pas répondu, notamment en ce qui concerne leurs comptes ouverts en Belgique et en Principauté de Monaco. Dans ces conditions, à compter du 61e jour consécutif au 1er juillet 2013, soit le 31 août suivant, le service pouvait proroger le délai légal d’un an de ceux nécessaires pour obtenir les relevés de comptes de M. et Mme B…. Il résulte de l’instruction que les autorités fiscales belges ont répondu le 6 décembre 2013, comme l’atteste le document adressé au service le 9 décembre 2013 par l’attaché fiscal de l’ambassade de France en Belgique, qui fait foi jusqu’à preuve du contraire. Dès lors, sans qu’il soit besoin d’ajouter les délais de transmission procédant de la demande adressée aux autorités fiscales monégasques, le délai d’un an pouvait légalement être prorogé de 98 jours, soit jusqu’au 7 octobre 2014. Doit donc être écarté comme manquant en fait le moyen tiré de ce que le service aurait méconnu les dispositions de l’article L. 12 du livre des procédures fiscales en adressant une proposition de rectification aux mandataires judiciaires de M. et Mme B… le 6 octobre 2014. Est à cet égard sans incidence la circonstance que l’exemplaire conservé par le service comporte une mention manuscrite en référence à un accusé de réception.

En ce qui concerne la garantie prévue par l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales :

5. Aux termes de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales : « L’administration est tenue d’informer le contribuable de la teneur et de l’origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition faisant l’objet de la proposition prévue au premier alinéa de l’article L. 57 ou de la notification prévue à l’article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ».

6. En vertu de ces dispositions, l’administration est tenue, quelle que soit la procédure d’imposition mise en oeuvre, d’informer le contribuable de l’origine et de la teneur des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s’est fondée pour établir l’imposition et communique, avant la mise en recouvrement, une copie de ces documents au contribuable qui en fait la demande. Toutefois, cette obligation, qui s’applique à des renseignements provenant de tiers et relatifs à la situation particulière du contribuable, ne s’étend pas aux données utilisées par l’administration lorsqu’elle assoit des rectifications en procédant à des comparaisons entre, d’une part, la situation du contribuable et, d’autre part, celle d’une ou plusieurs autres personnes, celle du secteur d’activité dont le contribuable relève ou encore celle d’un secteur d’activité voisin ou analogue. Dès lors, M. et Mme B… ne sont pas fondés à reprocher au service, d’une part, de ne pas les avoir informés de la teneur et de l’origine des bilans, comptes de résultats, actes de ventes et éventuels autres documents sur lesquels il s’est fondé pour déterminer les rendements locatifs des villas Le Ponant, à Ramatuelle (Var), et Medy Roc, au Cap d’Antibes (Alpes-Maritimes), choisies comme termes de comparaison avec la villa La Mandala, et, d’autre part, de ne pas les leur avoir communiqués. Par suite, le moyen tiré de ce que le service aurait méconnu les dispositions de l’article L. 76 B du livre des procédures fiscales et porté une atteinte substantielle aux droits de la défense doit être écarté. A ce titre, M. et Mme B… ne sauraient utilement se prévaloir, s’agissant de la régularité de la procédure d’imposition, de la méconnaissance par le service de l’instruction administrative référencée 13 L-6-06 en date du 21 septembre 2006, reprise au BOI-CF-PGR-10-20120912.

7. L’administration demeure néanmoins soumise à l’obligation de motivation des propositions de rectification prévue par l’article L. 57 du livre des procédures fiscales.

En ce qui concerne la motivation de la proposition de rectification du 6 octobre 2014 :

8. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. / (…) ». Aux termes de l’article R. 57-1 du même code : « La proposition de rectification prévue par l’article R. 57-1 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (…) ».

9. Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

Quant aux revenus distribués en provenance de la société luxembourgeoise South Real Estate Investment :

10. Il résulte de l’instruction que la proposition de rectification du 6 octobre 2014 adressée aux mandataires judiciaires de M. et Mme B… a expressément indiqué qu’elle reproduisait les motifs de droit et de fait ayant fondé les rehaussements proposés le 1er août 2014 à la société luxembourgeoise South Real Estate Investment, regardée par le service comme ayant procédé à des désinvestissements irréguliers de ses bénéfices sociaux au profit des appelants, à raison des loyers non comptabilisés de la villa La Mandala et de leur fixation à un niveau insuffisant par rapport à ceux pratiqués sur le marché locatif des villas d’exception sur la Côte d’Azur. A ce titre, la proposition de rectification en débat a fait état des deux termes de comparaison constitués par les villas Le Ponant et Medy Roc, évoquées au point 6 ci-dessus, dont le vérificateur a évalué les taux de rendement locatif à 4,98 et 3,1 % respectivement, avant d’estimer qu’ils recoupaient celui de 4 % généralement retenu par les juridictions administratives pour des biens immobiliers similaires. A cet égard, si le service n’a pas indiqué dans la proposition de rectification le nom de la société bailleresse de la villa Medy Roc, ce à quoi il n’était pas tenu dès lors que les caractéristiques de cette villa étaient indiquées, une telle circonstance n’a pas empêché M. et Mme B… de contester les résultats de sa comparaison avec la villa La Mandala. La proposition de rectification du 6 octobre 2014 a en outre précisé les conséquences tirées par le service, sur le revenu imposable en 2012 de M. et Mme B…, de l’acte de gestion considéré comme anormal de la société South Real Estate Investment. Dès lors que M. et Mme B… ont été mis en mesure de présenter utilement leurs observations dans le respect du contradictoire, ce qu’ils ont d’ailleurs fait le 25 novembre 2014, leur moyen tiré de ce que le service aurait méconnu les dispositions de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté comme manquant en fait. A cet égard, M. et Mme B… ne sauraient utilement se prévaloir, à l’appui d’un moyen contestant la régularité de la procédure d’imposition, de la réponse ministérielle apportée au sénateur Marini le 13 juin 2002.

Quant aux revenus distribués en provenance de la SPRL belge GBT Holding :

11. Quand bien même le service n’aurait pas joint à la proposition de rectification du 6 octobre 2014 les demandes d’assistance effectuées auprès des autorités fiscales belges et monégasques, les réponses qu’elles y ont apporté, les extraits du compte courant d’associé de M. B… ouvert dans les écritures de la SPRL GBT Holding et le relevé du compte bancaire de cette société ouvert à l’agence de la banque UBS à Monaco, une telle circonstance ne saurait être regardée comme ayant entaché cette pièce de procédure d’une insuffisance de motivation.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne la somme de 20 millions d’euros inscrite au crédit du compte courant d’associé de M. B… dans les écritures de la SPRL GBT Holding :

12. Aux termes de l’article 120 du code général des impôts : « Sont considérés comme revenus au sens du présent article : / (…) 3° Les répartitions faites aux associés, aux actionnaires et aux porteurs de parts de fondateur des mêmes sociétés, à un titre autre que celui de remboursement d’apports ou de primes d’émission. Une répartition n’est réputée présenter le caractère d’un remboursement d’apport ou de prime que si tous les bénéfices ou réserves ont été auparavant répartis. (…) ». L’article 112 du même code dispose que : « Ne sont pas considérés comme revenus distribués : / 1° Les répartitions présentant pour les associés ou actionnaires le caractère de remboursements d’apports ou de primes d’émission. Toutefois, une répartition n’est réputée présenter ce caractère que si tous les bénéfices et les réserves autres que la réserve légale ont été auparavant répartis. Les dispositions prévues à la deuxième phrase ne s’appliquent pas lorsque la répartition est effectuée au titre du rachat par la société émettrice de ses propres titres. / (…) ».

13. Dans le cadre de l’examen contradictoire de situation fiscale personnelle de M. et Mme B… diligenté au titre de l’année 2012, le service a imposé entre leurs mains, sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts, la somme de 20 millions d’euros inscrite le 1er mars 2012 au crédit du compte courant d’associé de M. B… ouvert dans les écritures de la SPRL GBT Holding, mère de la société luxembourgeoise South Real Estate Investment et de la société française en nom collectif (SNC) Groupe Bernard B….

14. En premier lieu, si M. et Mme B… contestent la rectification en litige au motif que le 3° de l’article 120 du code général des impôts porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment aux articles 6, 8, 13, 14, 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le président de la 7e chambre de la Cour, par ordonnance du 3 octobre 2019, a refusé de faire droit à la demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité présentée en ce sens par les intéressés.

15. En deuxième lieu, il est constant que les sommes inscrites au crédit d’un compte courant d’associé d’une société sont, sauf preuve contraire, à la disposition de cet associé, alors même que l’inscription résulterait d’une erreur comptable involontaire, et ont donc, même dans une telle hypothèse, le caractère de revenus distribués, imposables entre les mains de cet associé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. Pour que l’associé échappe à cette imposition, il lui incombe de démontrer, le cas échéant, qu’il n’a pas pu avoir la disposition de ces sommes ou que ces sommes ne correspondent pas à la mise à disposition d’un revenu.

16. D’une part, pour se défendre du bien-fondé de la rectification en litige, M. et Mme B… plaident l’erreur qu’aurait commise le cabinet comptable belge de la SPRL GBT Holding, depuis poursuivi pénalement, en comptabilisant la somme de 20 millions d’euros en cause, qu’il aurait mal analysée, au crédit du compte courant d’associé ouvert au nom de M. B… dans les écritures de cette société, dont il était dirigeant et unique associé. Ils arguent à cet égard de ce que la somme de 20 millions d’euros en litige, issue d’un prêt de 26,5 millions d’euros consenti par l’agence de la banque UBS de Monaco à la société luxembourgeoise South Real Estate Investment pour acquérir la villa La Mandala et y faire des travaux, n’a en réalité fait que transiter par le compte bancaire ouvert à la même banque de la SPRL belge, liée à ses filiales par une convention de trésorerie intragroupe, avant d’être immédiatement transférée sur celui, également ouvert à l’agence de la banque UBS de Monaco, de la SNC Groupe Bernard B…, pour réaliser des placements financiers. M. et Mme B… soulignent à cet égard que l’erreur comptable dont ils se prévalent a été officiellement corrigée dans les comptes de la SPRL GBT Holding en septembre 2015, avec l’aval de l’administration fiscale belge, pour correspondre à ceux de la société South Real Estate Investment, laquelle, dès l’origine, a diminué ses comptes de dettes de 20 millions d’euros.

17. Si les flux allégués sont justifiés par les relevés des comptes des trois sociétés à l’agence de la banque UBS de Monaco, il n’en demeure pas moins que M. B…, interrogé à plusieurs reprises par le cabinet comptable de la SPRL GBT Holding, n’a pas contesté à l’époque l’analyse selon laquelle une somme de 20 millions devait figurer au crédit de son compte courant d’associé ouvert dans ses écritures. Quand l’administration fiscale belge a interrogé la société GBT Holding, en décembre 2013, sur l’historique du compte courant d’associé de M. B… et les écritures qui l’ont mouvementé, celle-ci ne s’est pas davantage prévalue d’une éventuelle erreur. Il résulte également de l’instruction qu’interrogé par cette même administration en novembre 2013, le conseil de M. B… a indiqué que les sommes figurant sur le compte en litige, à l’aide desquelles M. B… a d’ailleurs opéré un prélèvement de 178 000 euros le 30 novembre 2012, correspondaient à un investissement personnel de l’intéressé destiné à refinancer le groupe de presse Hersant Média. Au regard de ces éléments factuels, non contestés, il n’est donc pas établi que les transferts de fonds opérés le 14 février 2012, à concurrence de 20 millions d’euros, entre les sociétés South Real Estate Investment, GBT Holding et Groupe Bernard B…, correspondraient à l’opération ayant fait naître un crédit de même montant au compte courant d’associé ouvert au nom de M. B… dans les écritures de la SPRL belge. Dans ces conditions, nonobstant la position de l’administration fiscale belge sur la correction a posteriori des comptes de la SPRL GBT Holding, qui ne lie ni son homologue française, ni le juge de l’impôt, et dès lors en outre qu’elle a reconnu ne pas avoir procédé à l’examen approfondi du compte courant d’associé de M. B…, les appelants, qui n’établissent pas l’erreur comptable dont ils se prévalent, ne sont en tout état de cause pas fondés à s’en prévaloir pour faire échec à la rectification en litige. A cet égard, la circonstance que le prêt de 26,5 millions d’euros consenti en 2011 par l’agence de la banque UBS de Monaco à la société South Real Estate Investment aurait été remboursé par deux virements de la société Yacht Refit and Management, filiale de la SPRL belge, les 15 octobre 2014 et 30 septembre 2015, est sans incidence sur la solution du litige.

18. D’autre part, pour soutenir, à titre subsidiaire, que la somme de 20 millions d’euros en litige n’aurait pas la nature d’un revenu mis à leur disposition, M. et Mme B… soutiennent qu’elle traduirait le remboursement de l’apport fait par M. B… à la SPRL GBT Holding, le 17 décembre 2010, sous le régime du report d’imposition prévu par l’article 150-0 B du code général des impôts, des 60 999 titres qu’il détenait dans la SNC Groupe Bernard B…, pour une valeur de 215 421 000 euros. Toutefois, il n’est pas établi que le capital de la société belge, dont la répartition des bénéfices et réserves antérieurs autres que la réserve légale n’est au demeurant pas connue, aurait été diminué en 2012 à due concurrence du remboursement d’apport allégué. Dans ces conditions, et dès lors en outre que les appelants ne se prévalent par ailleurs d’aucune contrepartie dont aurait pu bénéficier la SPRL GBT Holding à raison de l’écriture comptable en cause, ils ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, sur le principe, le service a imposé la somme de 20 millions d’euros en litige sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts.

19. Enfin, malgré des pertes reportées de plus de 174 millions d’euros au passif de son bilan corrigé de l’exercice clos en 2012 et d’une trésorerie n’excédant pas 79 073 euros, il résulte de l’instruction que la société GBT Holding disposait à son actif d’immobilisations financières de 20 113 450 euros, par nature liquides, et de créances à moins d’un an s’élevant à 20 503 014,96 euros, lesquelles lui permettaient, le cas échéant, d’assurer le paiement de la somme de 20 millions d’euros inscrite au compte courant d’associé de M. B…. Le moyen de M. et Mme B… tiré de ce qu’ils n’auraient pas été en mesure de retirer la somme de 20 millions figurant au compte courant d’associé ouvert au nom de M. B… dans les écritures de la SPRL GBT Holding doit donc être écarté, la circonstance qu’hormis le prélèvement de 178 000 euros intervenu le 30 novembre 2012, ils n’auraient pas retiré le surplus restant à leur disposition étant à cet égard sans incidence. De même, si les comptes bancaires des sociétés du groupe B… ont été bloqués en 2013, notamment ceux ouverts à l’agence de la banque UBS de Monaco, si la SPRL GBT Holding a été placée en liquidation judiciaire en 2018 en raison de sa situation nette négative et si le transfert de 20 millions d’euros dont a bénéficié la SNC Groupe Bernard B…, le 14 février 2012, figurait toujours sur son compte monégasque en 2019, à concurrence de 19 425 958 euros, de telles circonstances, postérieures à l’année en litige, sont en tout état de cause sans incidence sur la possibilité qui était celle de l’administration fiscale française d’imposer la somme de 20 millions d’euros en litige, au titre de l’année 2012, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.

20. En troisième lieu, l’article 111 du code général des impôts dispose que : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / a. Sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes. / Nonobstant toutes dispositions contraires, lorsque ces sommes sont remboursées postérieurement au 1er janvier 1960, à la personne morale qui les avait versées, la fraction des impositions auxquelles leur attribution avait donné lieu est restituée aux bénéficiaires ou à leurs ayants cause dans des conditions et suivant des modalités fixées par décret ; / (…) ".

21. Si M. et Mme B… sollicitent le bénéfice des dispositions prévues par le 2e alinéa du a de l’article 111 du code général des impôts, un tel moyen ne saurait être accueilli dès lors, d’une part, que cet article n’a pas servi de fondement légal à la rectification de 20 millions d’euros qu’ils contestent, et, d’autre part, en tout état de cause, qu’il n’est pas justifié, ni même allégué, que la SPRL GBT Holding aurait mis des sommes à la disposition de M. B…, directement ou par personnes ou sociétés interposées, à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes.

22. En quatrième lieu, aux termes de l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un Etat membre établis sur le territoire d’un Etat membre. La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, ainsi que la constitution et la gestion d’entreprises, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ». L’article 63 du même traité dispose que : « 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites. 2. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux paiements entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ».

23. Il est constant que par lui-même, le 3° de l’article 120 du code général des impôts, qui se borne à imposer les redevables de l’impôt sur le revenu français, résidents ou non-résidents, à raison de distributions opérées à leur profit par des sociétés étrangères, ne constitue nullement un obstacle à ce que des agents économiques non-résidents décident de s’établir en France ou d’y investir des capitaux. En tout état de cause, dès lors que M. et Mme B… auraient subi le même prélèvement fiscal si les revenus distribués en litige l’avaient été par une société résidente plutôt que par une société belge, ils ne sauraient se prévaloir d’aucune discrimination dont ils auraient été victimes. Les appelants ne sauraient davantage comparer le sort des revenus distribués en litige, imposés sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts, à ceux qui l’auraient été sur celui du a de l’article 111 du même code, qui ne vise que les situations où des contribuables bénéficient de sommes mises à leur disposition à titre d’avances, de prêts ou d’acomptes, dont il n’est pas établi, ni même soutenu, que ce serait le cas en l’espèce, ainsi qu’il a été dit au point 21 ci-dessus. Dans ces conditions, et dès lors en outre que la problématique du défaut de prise en compte, par l’administration fiscale française, de la correction d’une écriture comptable effectuée dans les écriture d’une société non-résidente, avec l’aval de son administration fiscale, est étrangère à celle de l’obstacle que poserait un régime fiscal national aux libertés d’établissement et de circulation garanties par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, le moyen de M. et Mme B…, tiré à titre subsidiaire de ce que l’imposition en litige porterait atteinte à ces libertés, ne peut qu’être écarté. Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle portant sur la compatibilité du 3° de l’article 120 du code général des impôts avec les articles pertinents du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

24. Par suite, dès lors qu’il n’a été porté atteinte ni à la propriété d’un bien dont M. et Mme B… pourraient se prévaloir sur le fondement des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni à l’espérance légitime qui aurait été la leur de continuer à bénéficier d’une situation fiscale dont ils auraient été privés en conséquence de la rectification qu’ils contestent, c’est à bon droit que la somme de 20 millions d’euros en litige a été imposée entre leurs mains sur le fondement du 3° de l’article 120 du code général des impôts.

En ce qui concerne la somme de 1 483 207 euros imposée en tant que revenus distribués en provenance de la société luxembourgeoise South Real Estate Investment :

25. Aux termes de l’article 111 du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (…) c. Les rémunérations et avantages occultes ».

26. Le 29 septembre 2011, peu après sa création, la société luxembourgeoise South Real Estate Investment a acquis pour 48 millions d’euros la villa La Mandala, d’une superficie de 500 m2, érigée sur un parc de presque trois hectares, comprenant une demeure d’habitation principale, une piscine avec « pool house » et terrasse, ainsi que deux constructions aménagées en studios situées dans son parc. Par un contrat du 6 avril 2012, prenant effet le 14 avril de cette même année et enregistré le 23 mai suivant, la société South Real Estate Investment a loué la villa La Mandala à M. et Mme B…, pour un montant de 350 000 euros annuels. Après avoir procédé à la vérification de comptabilité de la société luxembourgeoise, qui s’est spontanément acquittée de l’impôt sur les sociétés en France à raison de son activité locative, le service a estimé qu’elle avait commis un acte anormal de gestion, d’une part, en s’abstenant de comptabiliser les loyers qu’auraient dû lui verser M. et Mme B…, et, d’autre part, en les fixant à un niveau insuffisant au regard des caractéristiques du marché locatif des villas de prestige sur la Côte d’Azur, pour lesquelles il a été estimé, au regard notamment de deux termes de comparaison, les villas Le Ponant et Medy Roc, que les taux de rendement locatifs s’élevaient à 4 % en moyenne, contre 0,68 % en l’espèce. Après avoir rectifié les résultats de la société South Real Estate Investment à raison de l’acte anormal de gestion ainsi constaté, le service a estimé qu’elle avait procédé en 2012 à des distributions irrégulièrement prélevées sur ses bénéfices sociaux au bénéfice de M. et Mme B…, qui occupaient la villa, à concurrence de 1 483 207 euros, somme imposée entre leurs mains, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du c. de l’article 111 du code général des impôts.

27. En premier lieu, s’agissant du défaut de facturation de loyers par la société South Real Estate Investment, M. et Mme B… soutiennent que la villa La Mandala était inhabitable en 2012 et qu’ils ont dû y entreprendre des travaux d’un montant de près de deux millions d’euros, en plus des charges d’entretien qui leur incombaient en vertu des stipulations du contrat de location. Si, à cet égard, ils produisent un grand nombre de factures ayant porté pour l’essentiel sur des travaux dans la piscine et les jardins de la villa, il résulte néanmoins de l’instruction que ces factures, d’un montant de l’ordre de 100 000 euros seulement en 2012, ont été émises au nom de la bailleresse luxembourgeoise, qui en a de surcroît assumé les paiements, contredisant ainsi l’allégation de M. et Mme B… selon laquelle ils auraient été pris en charge par M. B… par le truchement de ses comptes courants, non rémunérés, ouverts dans les écritures de la SPRL GBT Holding. Dans ces conditions, M. et Mme B…, qui ne contestent pas utilement les stipulations du contrat selon lesquelles ils seraient entrés dans les lieux le 14 avril 2012, ne sauraient se prévaloir de ce que la société South Real Estate Investment aurait trouvé une contrepartie au défaut de comptabilisation des loyers en débat. La circonstance que l’agence immobilière des Parcs de Saint-Tropez ait estimé, le 27 décembre 2012, que la villa La Mandala n’était pas habitable en raison des travaux en cours, au demeurant en contradiction avec sa propre évaluation du 16 février 2012 selon laquelle son loyer annuel pouvait être évalué à 500 000 euros, est sans incidence sur la solution du litige.

28. Si, par ailleurs, M. et Mme B… estiment que les termes de comparaison retenus par le service pour approcher la juste valeur locative de la villa La Mandala ne sont pas pertinents, au motif notamment que les villas Le Ponant et Medy Roc ne se situeraient pas à Saint-Tropez et ne seraient comparables ni en termes d’aménagements, ni en termes de superficie, un tel moyen ne saurait être accueilli dès lors que les trois villas en cause sont de très haut standing et localisées dans un secteur touristique à forte valeur ajoutée. M. et Mme B… ne sauraient davantage se prévaloir des niveaux de loyers équivalents au m2 des villas en débat, dès lors qu’indépendamment de cette approche et des écarts de loyers entre les locations saisonnières et de longue durée, la détermination des taux de rendement locatifs des villas Le Ponant et Medy Roc ont été compris entre 3 et 5 %, corroborant ainsi le taux de 4 % ressortant des décisions de justice citées par le service dans la proposition de rectification adressée aux mandataires judiciaires de M. et Mme B… le 6 octobre 2014. Dans ces conditions, le service, à qui incombe la charge de la preuve dès lors qu’il a suivi la procédure de rectification contradictoire et que la rectification a été refusée par les appelants, doit être regardé comme établissant qu’en s’abstenant de comptabiliser les loyers qu’auraient dû leur verser M. et Mme B…, fixés de surcroît au niveau d’un rendement locatif de seulement 0,68 %, la société South Real Estate Investment a commis un acte anormal de gestion, peu important à cet égard les modalités du remboursement du prêt de 26,5 millions d’euros que lui a consenti l’agence de la banque UBS de Monaco en 2011. Les conclusions de M. et Mme B… tendant à ce que soit diligentée une expertise destinée à établir le juste niveau du loyer qu’aurait dû leur réclamer la société South Real Estate Investment à raison de la location de la villa La Mandala doivent donc être rejetées.

29. En second lieu, dès lors que M. et Mme B… sont réputés avoir occupé la villa La Mandala à compter du 14 avril 2012, comme l’atteste le contrat de location signé avec la société South Real Estate Investment, le service doit également être regardé comme établissant qu’ils ont appréhendé les distributions procédant des recettes qu’elle n’a pas comptabilisées, constitutives d’un avantage occulte à leur profit. Contrairement à ce que soutiennent M. et Mme B…, qui ne sont pas fondés à se prévaloir d’une incohérence entre la rectification en cause et celle procédant de la somme de 20 millions d’euros portée au compte courant d’associé ouvert au nom de M. B… dans les écritures de la SPRL GBT Holding, c’est donc à bon droit que la somme de 1 483 207 euros, dont le montant n’est pas contesté, a été imposée entre leurs mains sur le fondement du c. de l’article 111 du code général des impôts.

Sur les majorations :

30. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : « Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (…) ». L’article L. 195 A du livre des procédures fiscales dispose que : « En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d’affaires, des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l’administration ».

31. En relevant qu’en sa qualité d’associé et dirigeant des sociétés South Real Estate Investment, GBT Holding et Groupe Bernard B…, M. B… ne pouvait ignorer, d’une part, qu’il bénéficiait de distributions procédant de la mise à disposition d’une somme de 20 millions d’euros à son compte courant d’associé ouvert dans les écritures de la société belge, sans contrepartie établie, et, d’autre part, qu’il jouissait à titre gratuit de la mise à disposition d’une villa d’exception à Saint-Tropez, dont l’achat a été financé par la société luxembourgeoise, filiale de la société belge GBT Holding dont il est l’unique associé, le service doit être regardé comme ayant justifié de l’infliction de la majoration de 40 % pour manquement délibéré dont ont été assortis les droits litigieux.

32. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… ne sont pas fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande. Par suite, leurs conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.


DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme B… est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à l’administrateur général des finances publiques en charge de la direction nationale des vérifications de situations fiscales.

Délibéré après l’audience du 10 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Jardin, président de chambre,

- Mme Mielnik-Meddah, premier conseiller,

- Mme A…, premier conseiller,


Lu en audience publique, le 31 juillet 2020.


Le rapporteur,

C. A… Le président,

C. JARDINLe greffier,

C. BUOTLa République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 19PA02237

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CAA de PARIS, 7ème chambre, 31 juillet 2020, 19PA02237, Inédit au recueil Lebon