CAA de PARIS, 2ème chambre, 18 novembre 2020, 19PA02451, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 2e ch., 18 nov. 2020, n° 19PA02451
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 19PA02451
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 28 mai 2019, N° 1800923/2-2
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000042542769

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) Carven a demandé au Tribunal administratif de Paris d’ordonner la restitution du crédit d’impôt recherche dont elle s’estime titulaire, correspondant aux dépenses qu’elle a exposées au titre de l’année 2016 dans le cadre de l’élaboration de nouvelles collections.

Par un jugement n° 1800923/2-2 du 29 mai 2019, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 26 juillet et 14 octobre 2019, la SAS Carven, représentée par Me B… C…, demande à la Cour :

1°) d’annuler ce jugement n°1800923/2-2 du 29 mai 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d’ordonner la restitution du crédit d’impôt recherche sollicitée devant ce tribunal ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 7 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

 – le tribunal ne s’est pas prononcé sur les moyens développés dans la requête introductive ;

 – le tribunal n’a pas pris en compte un certain nombre d’immobilisations pour la qualification du caractère industriel de son activité, au sens de l’article 244 quater B du CGI ; l’administration a retenu le caractère industriel de son activité dans un courrier du 28 avril 2014 ; elle justifie avoir assumé les charges nécessaires à la confection des collections de vêtement-textile, charges à distinguer de celles attachées à son activité de commercialisation ; la doctrine référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30 n’exclut pas la sous-traitance du dispositif du crédit impôt recherche ; les dépenses de personnel doivent être prises en compte ;

 – le tribunal a fait une interprétation erronée des conditions d’éligibilité au bénéfice du crédit d’impôt recherche en écartant du dispositif les entreprises ayant recours à la sous-traitance ; la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 25 prévoit que les frais d’élaboration de nouvelles collections dans les entreprises du secteur textile-habillement-cuir sont éligibles, même en cas de recours à la sous-traitance, au crédit d’impôt recherche dès lors que l’entreprise est propriétaire de la matière première et assume tous les risques de la fabrication et de la commercialisation.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 janvier 2020, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient, à titre principal, que la requête est irrecevable, et à titre subsidiaire, que les moyens invoqués par la SAS Carven ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 janvier 2020, la clôture d’instruction a été fixée au

13 février 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – la décision QPC n° 2016-609 du 27 janvier 2017 du Conseil constitutionnel ;

 – le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme D…,

 – les conclusions de Mme Jimenez, rapporteur public ;

 – et les observations de Me A…, substituant Me B… C…, avocat de la SAS Carven.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Carven relève appel du jugement n°1800923/2-2 du 29 mai 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la restitution du crédit d’impôt recherche dont elle s’estime titulaire, correspondant aux dépenses qu’elle a exposées au titre de l’année 2016 dans le cadre de l’élaboration de nouvelles collections.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la société Carven soutient que le tribunal a omis de se prononcer sur des moyens qu’elle avait soulevés en première instance, ce moyen n’est pas assorti des précisions suffisantes permettant à la Cour d’en apprécier le bien-fondé. Ainsi, à supposer même que la société Carven ne puisse être regardée comme y ayant renoncé, ce moyen ne peut qu’être écarté.

Sur le droit à crédit d’impôt :

En ce qui concerne l’application de la loi fiscale :

3. Aux termes des dispositions du II de l’article 244 quater B du code général des impôts : " Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d’impôt sont : / (…) ; / h) Les dépenses liées à l’élaboration de nouvelles collections exposées par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir et définies comme suit : / 1° Les dépenses de personnel afférentes aux stylistes et techniciens des bureaux de style directement et exclusivement chargés de la conception de nouveaux produits et aux ingénieurs et techniciens de production chargés de la réalisation de prototypes ou d’échantillons non vendus ; / 2° Les dotations aux amortissements des immobilisations créées ou acquises à l’état neuf qui sont directement affectées à la réalisation d’opérations visées au 1° ; / 3° Les autres dépenses de fonctionnement exposées à raison de ces mêmes opérations ; ces dépenses sont fixées forfaitairement à 75 p. 100 des dépenses de personnel mentionnées au 1° ; / 4° Les frais de dépôt des dessins et modèles. / 5° Les frais de défense des dessins et modèles, dans la limite de 60 000 € par an ; / (…) ".

4. En adoptant ces dispositions, le législateur a entendu, par l’octroi d’un avantage fiscal, soutenir l’industrie manufacturière en favorisant les systèmes économiques intégrés qui allient la conception et la fabrication de nouvelles collections. Il en résulte que le bénéfice du crédit d’impôt recherche est ouvert, sur le fondement du h) ou du i) du II de l’article 244 quater B du code général des impôts, aux entreprises du secteur textile-habillement-cuir qui exercent une activité industrielle. Ont un caractère industriel, au sens de ces dispositions, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou à la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant.

5. La société Carven soutient que son activité intègre à la fois la fabrication et la commercialisation de produits dont elle ne sous-traite que la fabrication des répliques des modèles originaux conçus dans ses ateliers par un personnel dédié et qualifié et qu’elle supporte financièrement les achats de matières de première pour la conception des collections et assume les risques de la commercialisation des produits en aval.

6. Toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que l’activité de la société Carven puisse être qualifiée d’industrielle au sens des dispositions précitées du II de l’article 244 quater B. En effet, il résulte du dossier de présentation, annexé à la demande de remboursement du crédit d’impôt, que la société requérante dispose d’un matériel limité, les dépenses d’installations techniques, de matériels et d’outillages industriels représentant la somme de 52 810 euros alors que le chiffre d’affaires résultant de ses ventes de marchandises s’élève à la somme de 21 432 377 euros au titre de l’exercice considéré. Dès lors, le rôle des installations techniques, matériels et outillages ne saurait être regardé comme prépondérant dans son activité. Si la société Carven fabrique les prototypes, ainsi que cela ressort de son dossier de présentation, elle admet avoir eu recours à la sous-traitance, ainsi que cela ressort de ce même dossier, pour la fabrication des articles issus de ses collections destinées à la commercialisation. Dans ces circonstances, elle ne saurait, pour démontrer le caractère industriel, au sens des dispositions rappelées ci-dessus, de son activité, se prévaloir des modalités de cette sous-traitance, et notamment de la circonstance qu’elle achèterait la matière première, représentant au demeurant 5,15 % de son chiffre d’affaires, et qu’elle assumerait les risques de commercialisation. Il suit de là que rien n’empêchait l’administration de tenir compte du code de nomenclature d’activité française de la société Carven, correspondant à une activité de « commerce de gros d’habillement et de chaussure », pour apprécier le caractère industriel de son activité. Il en résulte que, sur le terrain de la loi, la société Carven ne peut être regardée comme remplissant les conditions ouvrant droit au crédit d’impôt dont elle demande le bénéfice, faute de la mise en oeuvre de moyens techniques importants dans le cadre de son activité.

En ce qui concerne l’application de la doctrine :

7. Aux termes de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. / (…) ». Aux termes de l’article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l’article L. 80 A est applicable : / 1° Lorsque l’administration a formellement pris position sur l’appréciation d’une situation de fait au regard d’un texte fiscal ; / (…) ".

8. En premier lieu, les dispositions de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales sont insusceptibles d’être invoquées en l’absence de tout rehaussement d’imposition au sens du premier alinéa de l’article L. 80 A. Dans ces conditions, le moyen tiré de l’existence d’une prise de position formelle sur l’appréciation d’une situation de fait opposable à l’administration fiscale, au demeurant pour une année antérieure, ne peut qu’être écarté.

9. En second lieu, la société Carven invoque, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, la doctrine administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-40 n° 30 applicable à l’exercice considéré. Toutefois, la garantie prévue par l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester les rehaussements d’impositions auxquels procède l’administration. Ainsi, la société Carven ne peut, en tout état de cause, s’en prévaloir pour contester le refus de l’administration de faire droit à sa demande de restitution du crédit d’impôt institué par les dispositions précitées du II de l’article 244 quater B du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la requête d’appel ainsi que l’autre moyen invoqué par la société Carven tiré de l’éligibilité des dépenses de personnel, qu’elle n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter sa requête d’appel, ensemble les conclusions qu’elles a présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, l’Etat n’ayant pas dans la présente instance la qualité de partie perdante.


DECIDE :


Article 1er : La requête de la société Carven est rejetée.


Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Carven et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction régionale des finances publiques d’Ile-de-France et du département de Paris.

Délibéré après l’audience du 4 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- M. Magnard, premier conseiller,

- Mme D…, premier conseiller.


Lu en audience publique le 18 novembre 2020.

Le rapporteur,

S. D… Le président,

I. BROTONS

Le greffier,

I. BEDR

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N° 19PA02451 2

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