CAA de PARIS, 8ème chambre, 25 mars 2021, 20PA04196, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Paris, 8e ch., 25 mars 2021, n° 20PA04196
Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
Numéro : 20PA04196
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 21 octobre 2020, N° 1815279/6-3
Dispositif : Rejet
Identifiant Légifrance : CETATEXT000043295974

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Pierre Fabre Médicament a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) d’annuler la décision implicite née le 27 juin 2018 par laquelle le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a rejeté sa demande d’abrogation ou, à défaut, de suspension, de la décision du 17 juin 2010 portant autorisation de mise sur le marché (AMM) du médicament Prodinan 160 mg, gélule ;

2°) d’enjoindre au directeur général de l’ANSM d’abroger cette décision d’autorisation de mise sur le marché ou, à tout le moins, de la suspendre le temps que le laboratoire Therabel Lucien Pharma établisse l’usage médical bien établi dont il se prévaut sur la base d’une bibliographie adéquate et conforme à la monographie européenne, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1815279/6-3 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Paris a :

— annulé la décision implicite de rejet née le 27 juin 2018 par laquelle le directeur général de l’ANSM a rejeté la demande d’abrogation ou, à défaut, de suspension, de la décision en date du 17 juin 2010 portant autorisation de mise sur le marché du médicament Prodinan 160 mg, gélule ;

 – enjoint au directeur général de l’ANSM d’abroger, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, l’autorisation de mise sur le marché du médicament Prodinan 160 mg, gélule du 17 juin 2010 délivrée au laboratoire Thérabel Lucien Pharma, le temps que celui-ci établisse l’usage médical bien établi du palmier de Floride obtenu par un solvant d’extraction à base de dioxyde de carbone supercritique, sur la base de la procédure prévue à l’article R. 5121-25 du code de la santé publique ;

 – mis à la charge de l’ANSM le versement à la société Pierre Fabre Médicament d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

 – rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Ce jugement a été rectifié par une ordonnance du 19 novembre 2020.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 décembre 2020 et 12 février 2021, la société Thérabel Lucien Pharma, représentée par Me A…, demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution, sur le fondement des dispositions de l’article R. 811-15 du code de justice administrative, du jugement n° 1815279/6-3 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris, rectifié par l’ordonnance du 19 novembre 2020 ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par la société Pierre Fabre Médicament au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— l’urgence est caractérisée, la décision de l’ANSM devant intervenir le 22 avril 2021 ;

 – l’abrogation de l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité Prodinan qu’elle commercialise aura des conséquences financières et sociales ainsi que des conséquences en termes d’image difficilement réparables ;

 – la décision n° 419269 rendue le 31 décembre 2019 par le Conseil d’État n’est pas transposable au présent litige dès lors que cette affaire concernait les conditions d’examen de la légalité d’une AMM, qui diffèrent de celles d’une décision refusant de suspendre ou d’abroger une AMM ; en effet, la légalité de l’AMM de la spécialité Prodinan est acquise dès lors qu’elle lui a été octroyée le 17 juin 2010 et qu’elle n’a fait l’objet d’aucun recours ; dans ces conditions, seule la caractérisation d’un risque pour la santé publique au sens de l’article L. 5121-9 du code de la santé publique pouvait permettre au tribunal de justifier sa décision d’enjoindre à l’ANSM d’abroger l’AMM de la spécialité Prodinan ; or, un tel risque n’est pas démontré dès lors que, d’une part, l’AMM de la spécialité Prodinan, 160 mg, gélule a été octroyée sur la base de données exactes et, d’autre part, la parfaite sécurité de la spécialité Prodinan est établie ; il s’ensuit que l’AMM qui lui a été délivrée pour sa spécialité Prodinan est parfaitement licite ;

 – dans sa décision du 31 décembre 2019, le Conseil d’État a fait une interprétation erronée de l’article 10 bis de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 quant à la définition de la substance active d’un médicament à base de plantes ; en effet, cet article n’implique nullement que les substances en cause soient identiques mais exige seulement qu’elles soient d’un usage médical bien établi ; en outre, il ne ressort pas des dispositions du code de la santé publique que les modalités d’extraction doivent définir une substance active ;

 – les conditions du renvoi d’une question préjudicielle à la Cour de justice de l’union européenne sont réunies.

Par un mémoire, enregistré le 21 janvier 2021, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), représentée par la SCP Boutet-Hourdeaux, demande à la Cour d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 1815279/6-3 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris, rectifié par l’ordonnance du 19 novembre 2020.

Elle soutient que :

— les conditions fixées par l’article R. 811-17 du code de justice administrative sont en l’espèce remplies ;

 – le tribunal a méconnu son office dès lors qu’il a substitué son appréciation à celle de l’administration ;

 – il ne résulte pas des dispositions de l’article L. 5121-8 du code de la santé publique et de la directive 2001/83/CE du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain qu’une substance active doit être définie au regard de son solvant d’extraction ; la différence de solvants d’extraction ne saurait impliquer ipso facto l’existence d’une nouvelle substance active alors même que cette différence n’exerce aucune action propre sur l’organisme humain ; que le processus d’extraction fasse intervenir le CO2 supercritique ou qu’il fasse intervenir l’hexane, la substance active qui en résulte reste identique, à savoir de l’extrait lipido-stéroïdique de fruit de Serenoa Repens ;

 – aucune des hypothèses prévues par les dispositions des articles L. 5121-9 et R. 5121-47 du code de la santé publique n’étant vérifiées, l’ANSM n’avait pas à donner une suite favorable à la demande de la société Pierre Fabre Médicament.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 janvier 2021, la société Pierre Fabre Médicament, représentée par Me C…, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Thérabel Lucien Pharma au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société Thérabel Lucien Pharma et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu la requête, enregistrée le 22 décembre 2020 sous le n° 20PA04168, par laquelle la société Thérabel Lucien Pharma demande à la Cour d’annuler le jugement n° 1815279/6-3 du 22 octobre 2020 du tribunal administratif de Paris, rectifié par l’ordonnance du 19 novembre 2020.

Vu :

— la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

 – la directive 2004/24/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 modifiant, en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;

 – le règlement n° 2008/1234/2008 de la Commission du 24 novembre 2008 concernant l’examen des modifications des termes d’une autorisation de mise sur le marché de médicaments à usage humains et de médicaments vétérinaires ;

 – le code de la santé publique ;

 – le code de la sécurité sociale ;

 – le code de justice administrative ;

 – le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de Mme D…,

 – les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,

 – et les observations de Me B… substituant Me A…, pour la société Thérabel Lucien Pharma.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pierre Fabre Médicament, qui commercialise la spécialité Permixon 160 mg, gélule, a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision implicite née le 27 juin 2018 par laquelle le directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé a rejeté sa demande d’abrogation ou, à défaut, de suspension de la décision du 17 juin 2010 portant autorisation de mise sur le marché (AMM) de la spécialité Prodinan 160 mg, gélule de la société Thérabel Lucien Pharma. Par un jugement du 22 octobre 2020, dont la société Thérabel Lucien Pharma demande le sursis à exécution, le tribunal administratif de Paris a fait droit aux conclusions à fin d’annulation de la société Pierre Fabre Médicament et a enjoint au directeur général de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’abroger, dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement, l’autorisation de mise sur le marché du médicament Prodinan 160 mg, gélule du 17 juin 2010 délivrée au laboratoire Thérabel Lucien Pharma, le temps que celui-ci établisse l’usage médical bien établi du palmier de Floride obtenu par un solvant d’extraction à base de dioxyde de carbone supercritique, sur la base de la procédure prévue à l’article R. 5121-25 du code de la santé publique. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé demande également à la Cour d’ordonner le sursis à exécution de ce jugement.

2. Aux termes de l’article R. 811-14 du code de justice administrative : « Sauf dispositions particulières, le recours en appel n’a pas d’effet suspensif s’il n’en est autrement ordonné par le juge d’appel dans les conditions prévues par le présent titre. ». Aux termes de l’article R. 811-15 du même code : « Lorsqu’il est fait appel d’un jugement de tribunal administratif prononçant l’annulation d’une décision administrative, la juridiction d’appel peut, à la demande de l’appelant, ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l’appelant paraissent, en l’état de l’instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement. ». Aux termes de l’article R. 811-17 du même code : « Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l’exécution de la décision de première instance attaquée risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l’état de l’instruction. ».

3. En l’état de l’instruction, aucun des moyens invoqués par la société Thérabel Lucien Pharma et l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ne paraît sérieux et de nature à justifier, outre l’annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d’annulation accueillies par ce jugement. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société Thérabel Lucien Pharma et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé communes aux fins de sursis à exécution.

Sur les frais liés au litige :

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Thérabel Lucien Pharma une somme de 500 euros à verser à la société Pierre Fabre Médicament sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.


DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Thérabel Lucien Pharma et les conclusions présentées par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sont rejetées.

Article 2 : La société Thérabel Lucien Pharma versera à la société Pierre Fabre Médicament une somme de 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Thérabel Lucien Pharma, à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et à la société Pierre Fabre Médicament.


Délibéré après l’audience du 4 mars 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, président de chambre,

- M. Luben, président assesseur,

- Mme D…, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2021.

La présidente de la 8e chambre,

H. VINOT

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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N° 20PA04196

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