CAA de PARIS, 7ème chambre, 22 juin 2021, 19PA01037, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A… B… a demandé au Tribunal administratif de Paris, d’une part, d’annuler la décision, née du silence gardé par le Premier ministre et le directeur général des finances publiques, sur sa demande présentée le 30 mai 2018 tendant à la réparation du préjudice qu’il estime avoir subi en conséquence de l’inconstitutionnalité de dispositions législatives, d’autre part, de condamner l’Etat à lui verser la somme de 200 000 euros en réparation de ce préjudice.

Par un mémoire distinct, M. B… a demandé au Tribunal, à l’appui de sa requête, de transmettre au Conseil d’Etat, en vue de son renvoi au Conseil constitutionnel, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, en tant qu’elles omettent d’exclure le cas d’une plainte déposée par l’administration fiscale fondée sur des documents obtenus de manière illicite et transmis aux services judiciaires en application de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales.

Par un jugement n° 1817797/1-1 du 13 mars 2019, le Tribunal administratif de Paris a décidé qu’il n’y avait pas lieu de renvoyer au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. B… et rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 mars 2019, 28 août 2019, 30 avril 2020, et 29 juin 2020, M. B…, représenté par la SCP Nataf et Planchat, demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1817797/1-1 du 13 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner l’Etat à lui verser 200 000 euros en réparation du préjudice invoqué ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

 – l’article L. 228 du livre des procédures fiscales méconnaît le respect des droits de la défense, protégé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faute de comprendre des dispositions proscrivant le dépôt, par l’administration, d’une plainte à partir d’éléments obtenus dans le cadre d’une mise en oeuvre illégale de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales ;

 – la responsabilité de l’Etat est engagée dès lors que l’administration a déposé plainte contre lui sur le fondement des dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales à partir de documents communiqués par l’autorité judiciaire au stade d’une enquête préliminaire sur le fondement de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales ;

 – son préjudice est estimé à 200 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 août 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par un mémoire distinct et un mémoire en réplique, enregistrés le 14 mars 2019 et le 30 avril 2019, M. B… demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 1817797/1-1 du 13 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu’il a refusé de transmettre au Conseil d’Etat la question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales aux droits et libertés garantis par la Constitution ;

2°) de transmettre cette question au Conseil d’Etat.

Il soutient que l’article L. 228 du livre des procédures fiscales méconnaît le respect des droits de la défense, protégé par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, faute de comprendre des dispositions proscrivant le dépôt, par l’administration, d’une plainte à partir d’éléments obtenus dans le cadre d’une mise en oeuvre illégale de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2019, le ministre de l’action et des comptes publics conclut au rejet de la demande de transmission présentée par M. B….

Il soutient que la question posée est dépourvue de caractère sérieux.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision était susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, tiré de ce que le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le Tribunal administratif n’était pas compétent pour statuer sur une requête tendant à la mise en cause de la responsabilité de l’Etat à raison d’un acte indissociable du fonctionnement du service public de la justice.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

 – l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, modifiée par la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, notamment ses articles 23-1 à 23-3 ;

 – le décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. C…,

 – et les conclusions de Mme Stoltz-Valette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B… a fait l’objet d’une plainte pour fraude fiscale et d’une enquête préliminaire à la suite de la saisie, auprès d’un tiers, de fichiers informatiques laissant apparaître qu’il était bénéficiaire en Suisse d’avoir financiers non déclarés. Il a présenté, le 30 mai 2018, une demande au Premier ministre tendant à l’indemnisation d’un préjudice qu’il estime avoir subi en raison de l’inconstitutionnalité des lois, en réparation duquel il a sollicité la condamnation de l’Etat à lui verser la somme de 200 000 euros. En l’absence de réponse de l’administration, il a demandé au Tribunal administratif de Paris, d’une part, de condamner l’Etat pour ce motif, et, d’autre part, de transmettre au Conseil d’Etat, en vue de son renvoi au Conseil constitutionnel, une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales aux droits et libertés garantis par la Constitution. M. B… fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande indemnitaire et sa demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité.

2. S’il appartient à la juridiction administrative de connaître des demandes tendant à la mise en cause de la responsabilité de l’Etat à raison des préjudices causés par l’action d’une autorité administrative, il en va différemment lorsque les actes dommageables imputés à celle-ci sont indissociables du fonctionnement du service public de la justice. En particulier, les actes intervenus au cours d’une procédure judiciaire ne peuvent être appréciés, soit en eux-mêmes, soit dans leurs conséquences, que par l’autorité judiciaire.

3. M. B…, qui présente sa demande sur le terrain de l’inconstitutionnalité de la loi, invoque toutefois, pour caractériser l’origine du préjudice qu’il estime avoir subi, l’illégalité de la plainte déposée par l’administration fiscale. Un tel acte est indissociable du fonctionnement du service public de la justice et ne peut être apprécié que par l’autorité judiciaire. Dès lors il y a lieu d’annuler le jugement du 13 mars 2019 par lequel le Tribunal administratif de Paris s’est reconnu compétent pour connaître de la demande du requérant et, statuant par voie d’évocation, de rejeter cette demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître, en ce compris ses conclusions soulevant une question prioritaire de constitutionnalité. Les conclusions de M. B…, partie perdante, présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.


DÉCIDE :


Article 1er : Le jugement n° 1817797/1-1 du 13 mars 2019 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B… devant le Tribunal administratif de Paris est rejetée comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. B… au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A… B… et au ministre de l’économie, des finances et de la relance.


Délibéré après l’audience du 8 juin 2021, à laquelle siégeaient :


- M. Jardin, président de chambre,

- M. Soyez, président assesseur,

- M. C…, premier conseiller,


Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juin 2021.


Le rapporteur,


A. C… Le président,


C. JARDIN

La greffière,

C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N° 19PA01037 2

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