CAA de PARIS, 7ème chambre, 20 juillet 2022, 20PA01531, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme G ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2008 et des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, la restitution de la somme de 138 131,12 euros prélevée au titre des contributions sociales à la suite d’un retrait opéré par M. G sur son plan d’épargne en actions le 31 décembre 2008.

Par un jugement n° 1304471 du 8 décembre 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16VE00384 du 29 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Versailles a rejeté l’appel formé par M. et Mme G contre ce jugement.

Par une décision n° 429393 du 19 juin 2020, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêt n° 16VE00384 du 29 novembre 2018 de la Cour administrative d’appel de Versailles et a renvoyé l’affaire à la Cour.

Procédure d’appel :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 février 2016 et le 5 octobre 2018 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, et des mémoires, enregistrés le 6 novembre 2020 et le 2 février 2021 au greffe de la Cour, M. et Mme G, représentés par le cabinet CMS Francis Lefebvre, demandent au juge d’appel :

1°) d’annuler le jugement n° 1304471 du 8 décembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge des impositions contestées, à titre subsidiaire, la restitution de la somme de 138 131,12 euros prélevée au titre des contributions sociales à la suite d’un retrait opéré par M. G sur son plan d’épargne en actions le 31 décembre 2008 ;

3°) d’enjoindre à l’administration fiscale de leur rembourser les sommes acquittées, ainsi que les intérêts moratoires correspondants ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 10 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— l’administration n’établit pas l’existence d’un abus de droit dès lors que la création de la société Financière C Holding ne répondait pas à un objectif purement fiscal ;

— l’interposition de la société Financière C Holding obéissait à plusieurs motifs, notamment économiques et juridiques ;

— le groupe D lui-même trouvait un intérêt à l’interposition de la société Financière C Holding afin de ne pas être affecté par le risque contentieux pesant sur la société A Media France ;

— aucune des opérations en cause n’a pu être réalisée sans la participation du groupe D ;

— les actes passés n’ont permis d’éluder aucun impôt dû ;

— le montant de 132 000 euros fixé par la loi ne constituait pas un plafond de réinvestissement ;

— la valeur des titres calculée par l’administration impliquerait la réalisation d’une perte nette de 1 294 912 euros par M. G, compte tenu de la cession par lui, en décembre 2004, de titres de la société A Media France à la société Financière C Holding et donc le bénéfice, pour les cessionnaires, d’une libéralité ;

— les titres de la société Financière C Holding ne pouvaient être souscrits qu’à leur valeur nominale ;

— en 2008, les titres de la société Financière C Holding ont fait l’objet d’une survalorisation dès lors que leur cession à la société I permettait au groupe D de détenir 100 % du capital de cette société ;

— l’achat de volumes d’espaces publicitaires ne constitue qu’une partie de l’activité de la société A Media France ;

— la société était confrontée à un risque juridique substantiel dès l’année 2004 ;

— à la date du 28 décembre 2004, la société A Media France n’était titulaire que de trois contrats ;

— à cette date, la société ne disposait pas encore des effectifs requis pour honorer ces contrats ;

— l’administration fiscale aurait dû tenir compte du risque judiciaire lié au différend opposant MM. G et F à la société E ;

— elle aurait dû également tenir compte de la situation nette négative au 30 décembre 2004 de la société A Media France ainsi que de ses perspectives incertaines à court terme ;

— l’application de la méthode des transactions comparables, ainsi que des autres méthodes d’évaluation, confirme la valeur des titres de la société Financière C retenue par M. G ;

— l’application des pénalités pour abus de droit de 80 % n’est pas justifiée ;

— le raisonnement adopté par l’administration fiscale conduit à une méconnaissance de la doctrine référencée BOI-RPPM-RCM-40-50-20-20 ;

— à titre subsidiaire, le paiement des contributions sociales d’un montant de 138 131,12 euros n’est pas fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 9 août 2016 et le 9 novembre 2018 au greffe de la Cour administrative de Versailles, et le 24 septembre 2020 et le 13 janvier 2021 au greffe de la Cour, le ministre de l’économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

— aucun des moyens soulevés n’est fondé ;

— dans l’hypothèse où les motifs du redressement, tirés de l’application de la procédure de répression des abus de droit, seraient regardés comme infondés, il conviendrait de procéder à une substitution de base légale, en faisant application des dispositions de l’article 91 quater E de l’annexe II au code général des impôts et de l’article R. 221-11 du code monétaire et financier, en vertu desquelles le débit du compte espèces d’un plan d’épargne en actions doit retranscrire le montant des souscriptions ou acquisitions des titres inscrits au compte de titres associé ;

— les majorations prévues par le c de l’article 1729, en cas de manœuvres frauduleuses pourraient être substituées aux majorations pour abus de droit prévues par le b de l’article 1729 du même code.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code monétaire et financier ;

— et le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. H,

— les conclusions de M. Segretain, rapporteur public,

— et les observations de Me Foissac, avocat de M. et Mme G.

Considérant ce qui suit :

1. M. G a créé, le 28 décembre 2004, avec M. F et la société J, filiale du groupe D, la société Financière C Holding, qui avait pour objet l’acquisition et la gestion de titres sociaux. Le même jour, il a cédé à cette société des titres de la société par actions simplifiée A Media France, qu’il avait constituée le 7 janvier 2004 avec M. F, et qui exerce l’activité de centrale d’achats d’espaces publicitaires. Il a alors inscrit, pour leur valeur nominale, les titres qu’il détenait de la société Financière C Holding, à hauteur de 25 % du capital de cette société, sur son plan d’épargne en actions (PEA). Le 20 juin 2008, M. G a cédé l’intégralité de sa participation dans la société Financière C Holding à la société I Square Holding BV. A raison de l’inscription des titres de la société Financière C Holding sur le plan d’épargne en actions de M. G, M. et Mme G ont regardé la plus-value réalisée à l’occasion de la cession de ces titres comme exonérée d’impôt en application du 5 bis de l’article 157 du code général des impôts. A la suite d’un contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme G, l’administration fiscale a remis en cause, en recourant à la procédure de répression des abus de droit prévue par l’article L. 64 du livre des procédures fiscales, l’exonération dont avaient ainsi entendu bénéficier les contribuables au double motif, d’une part, que la société Financière C Holding avait été interposée afin de permettre à M. G de respecter en apparence la condition, mentionnée au I de l’article 163 quinquies D du code général des impôts, relative à la détention directe ou indirecte des droits dans les bénéfices sociaux inférieure ou égale à 25 %, et, d’autre part, que la valeur des titres de la société Financière C Holding avait été volontairement minorée lors de leur inscription sur le plan d’épargne en actions de M. G, pour assurer le respect formel du plafond de 132 000 euros applicable afin de bénéficier de l’exonération d’imposition des produits et plus-values procurés par des placements effectués dans le cadre d’un plan d’épargne en actions. M. et Mme G ont, en conséquence, été assujettis à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l’année 2008, majorées des intérêts de retard et de pénalités de 80 % pour abus de droit sur le fondement de l’article 1729 du code général des impôts. Par un arrêt du 29 novembre 2018, la Cour administrative d’appel de Versailles a rejeté leur appel contre le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 8 décembre 2015 rejetant leur demande de décharge de ces impositions. Par une décision du 19 juin 2020, le Conseil d’Etat a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire à la Cour.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. L’article 157 du code général des impôts dispose que : « N’entrent pas en compte pour la détermination du revenu net global : / () 5° bis Les produits et plus-values que procurent les placements effectués dans le cadre du plan d’épargne en actions défini à l’article 163 quinquies D () ». Aux termes de l’article 163 quinquies D du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : « I. Les contribuables dont le domicile fiscal est situé en France peuvent ouvrir un plan d’épargne en actions dans les conditions définies par la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 modifiée. / Chaque contribuable ou chacun des époux soumis à imposition commune ne peut être titulaire que d’un plan. Un plan ne peut avoir qu’un titulaire. / Le titulaire d’un plan effectue des versements en numéraire dans une limite de 132 000 euros. II () 3. Le titulaire du plan, son conjoint et leurs ascendants et descendants ne doivent pas, pendant la durée du plan, détenir ensemble, directement ou indirectement, plus de 25 p. 100 des droits dans les bénéfices de sociétés dont les titres figurent au plan ou avoir détenu cette participation à un moment quelconque au cours des cinq années précédant l’acquisition de ces titres dans le cadre du plan ».

3. L’article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : « Afin d’en restituer le véritable caractère, l’administration est en droit d’écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes ou de décisions à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, si ces actes n’avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l’avis du comité de l’abus de droit fiscal. L’administration peut également soumettre le litige à l’avis du comité. / Si l’administration ne s’est pas conformée à l’avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification ». Il résulte de ces dispositions que, lorsque l’administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif ou que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales que l’intéressé, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. L’administration fiscale apporte cette preuve par la production de tous éléments suffisamment précis attestant du caractère fictif des actes en cause ou de l’intention du contribuable d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales normales. Dans l’hypothèse où l’administration s’acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au contribuable, s’il s’y croit fondé, d’apporter la preuve de la réalité des actes contestés ou de ce que l’opération litigieuse est justifiée par un motif autre que celui d’éluder ou d’atténuer ses charges fiscales normales.

En ce qui concerne l’interposition de la société Financière C Holding :

4. Pour remettre en cause le bénéfice de l’exonération de l’imposition de la plus-value réalisée par M. G lors de la cession des titres de la société Financière C Holding inscrits sur son plan d’épargne en actions, l’administration fiscale a retenu un premier motif d’abus de droit tiré de l’absence de substance économique de l’interposition de la société Financière C Holding, qui n’aurait été créée que pour permettre au contribuable de respecter en apparence la condition, mentionnée au II de l’article 163 quinquies D du code général des impôts, cité au point 2, relative à la détention directe ou indirecte des droits dans les bénéfices sociaux inférieure ou égale à 25 %. L’administration fiscale fait valoir à cet égard que la société Financière C Holding a été créée le 28 décembre 2004, la participation de M. G s’élevant, de même que celle de M. F, à 925 parts de 10 euros chacune, représentant, pour l’un et l’autre, 25 % du capital de cette société, le reliquat de ce capital étant détenu, d’une part par la société I Square Holding BV, à hauteur de 1 849 parts, soit 49,97 %, d’autre part, par une personne physique, à hauteur d’une part. Elle précise que, à cette même date, la société Financière C Holding a acquis auprès de M. G et de M. F 924 titres de la société A Media France, pour leur valeur nominale de 20 euros, soit une somme totale de 18 480 euros représentant 49,95 % du capital de cette société. Or, l’administration fiscale indique que le groupe D, détenteur de la société I Square Holding BV, a soutenu directement, entre les mois de septembre 2004 et décembre 2004, le développement de la société A Media France, en versant à cette société des avances en compte courant, sans recourir à l’intermédiation financière de la société Financière C Holding, ce qui, selon elle, démontrerait l’inutilité de l’interposition de cette société. Elle relève également que la société Financière C Holding a été créée à la fin de l’année 2004, alors que la société A Media France avait déjà été créée et qu’elle disposait déjà d’une activité opérationnelle significative, matérialisée par la signature de plusieurs contrats. Elle fait enfin valoir que la société Financière C Holding n’a exercé aucune activité économique sur la période, ni rendu de prestation de services à la société A Media France, son unique filiale, ce rôle incombant à la société A Media Holding, créée le 30 octobre 2006, qui assurait l’animation des sociétés opérationnelles et les services d’assistance financière, comptable et commerciale, et assurait son chiffre d’affaires par la refacturation de l’intégralité de ses coûts à la société A Media France. De l’ensemble de ces circonstances, l’administration fiscale a déduit que la création de la société Financière C Holding avait eu pour seul objet de contourner l’impossibilité pour MM. F et G d’inscrire dans leur plan d’épargne en actions les titres de la société A Media France, qu’ils détenaient alors chacun pour moitié, sans méconnaître le seuil de détention directe ou indirecte de 25% et entraîner ainsi la clôture immédiate du plan.

5. Toutefois, M. et Mme G soutiennent que l’interposition de la société Financière C Holding s’inscrivait dans une organisation globale reposant sur le partage du capital de la société A Media France en deux holdings, à savoir, d’une part, la société Financière C Holding, détentrice de 49,95 % des titres de la société A Media France, d’autre part, la société B Private, détenue à hauteur de 25 % chacun, par MM. F et G, et, par divers investisseurs indépendants. Les requérants soutiennent que cette organisation capitalistique avait été conçue dans le double objectif d’associer au développement des activités de la société A Media France le groupe d’envergure international D, susceptible d’apporter, à travers sa filiale I Square Holding BV, bénéficiaire, aux termes des statuts de la société Financière C Holding du 12 janvier 2005, de 49,97 % du capital de la société Financière C Holding, un appui logistique, financier, ainsi qu’un réseau professionnel et commercial, tout en limitant délibérément son poids capitalistique et donc stratégique au sein de l’activité mise en place, ainsi que l’illustre la présence légèrement minoritaire de la société I Square Holding BV, à hauteur de 49,95 %, au sein du capital de la société Financière C Holding, laquelle possédait elle-même une participation légèrement minoritaire au capital de la société A Media France, le reliquat des titres, soit 50,05 %, étant détenu, ainsi qu’il a été dit précédemment, par la société B Private, créée au début de l’année 2005, et associant MM. G et F à plusieurs investisseurs indépendants. A cet égard, les requérants soutiennent que le choix de loger la participation du groupe D, à travers sa filiale I Square Holding BV, au sein du capital de la société Financière C Holding, et non directement au sein du capital de la société A Media France, avait pour objectif d’empêcher ce groupe, par l’exercice des droits de préemption et d’agrément prévus par l’article 11 des statuts de la société A Media France, soit de faire obstacle à l’éventuelle cession, par MM. G et F, d’une partie de leur participation au sein de la société A Media France, en refusant l’entrée au capital de nouveaux actionnaires, soit de préempter 25 % des actions ainsi cédées, et par conséquent d’augmenter progressivement, au gré des cessions successives, sa participation au capital de la société A Media France. Parallèlement, la création de la société B Private, détentrice de 50,05 % du capital de la société A Media France, offrait à MM. G et F la possibilité d’associer de nouveaux investisseurs à leurs activités, au sein d’une structure distincte dont le groupe D ne possédait aucune part, rendant sa prise de contrôle par ce groupe hypothétique. Les requérants soutiennent également que l’organisation mise en place limitait l’immixtion du groupe D dans la politique de ressources humaines ainsi que dans les arbitrages commerciaux. Enfin, M. et Mme G soutiennent que le groupe D lui-même trouvait un intérêt à l’interposition de la société Financière C Holding, qui la préservait du risque contentieux pesant sur la société A Media France, laquelle était visée, à compter du mois de décembre 2004, par une action judiciaire pour concurrence déloyale engagée par la société E, ancien employeur de MM. G et F. A cet égard, ils se prévalent du jugement du 2 mars 2017, par lequel le Tribunal de commerce de Nanterre, estimant que la société A Media France avait mis en œuvre une action concertée de démarchage systématique des anciens clients de la société E, a condamné solidairement MM. G et F et la société A Media France, au paiement à la société K d’une somme de cinq millions d’euros, tout en mettant hors de cause le groupe D.

6. En se bornant à se prévaloir des circonstances, d’une part, que la société Financière C Holding avait pour seul objet effectif l’acquisition et la gestion de titres sociaux, dès lors notamment qu’elle n’a pas réalisé de prestations pour sa filiale A Media France et qu’elle n’est pas intervenue dans les négociations des contrats signés entre cette société et les sociétés LVMH, Universal Music France, Ferrero France et Bouygues Télécom, d’autre part, que la société Financière C Holding n’a pas, entre 2004 et 2008 procédé à d’autres acquisitions de titres que ceux de la société A Média France, l’administration fiscale ne remet pas utilement en cause les éléments relevés au point précédent. Par ailleurs, ni la circonstance que le soutien logistique et financier apporté par le groupe D à la société A Media France ne justifiait pas nécessairement l’interposition de la société Financière C Holding, ni la circonstance que MM. F et G ont ultérieurement fait le choix de se retirer du capital de la société Financière C Holding, puis de celui de la société B Private, respectivement en 2008 et en 2011, au profit du groupe D, avec lequel ils indiquent avoir progressivement nourri des divergences de vues, ne permettent de remettre en cause l’utilité, à la date du 28 décembre 2004, du positionnement de la société Financière C Holding au sein de l’architecture d’ensemble mise en place par MM. G et F, en particulier pour contenir les potentielles tentatives de prise de contrôle de la société A Media France par le groupe international D. Enfin, la circonstance que l’architecture d’ensemble mise en place n’était pas la seule possible pour atteindre l’objectif économique poursuivi par MM. F et G est sans incidence. Ainsi, l’administration fiscale n’établit pas que la création de la société Financière C Holding, ainsi que son positionnement au sein de l’architecture d’ensemble élaborée par MM. G et F afin de développer l’activité de la société A Media France, lesquels présentaient un intérêt juridique, économique, organisationnel et financier propre, n’ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les charges fiscales des intéressés.

7. Par suite, M. et Mme G sont fondés à soutenir que le premier motif d’abus de droit retenu par l’administration fiscale, tiré de l’absence de substance économique de l’interposition de la société Financière C Holding, qui n’aurait été créée que pour permettre au contribuable de respecter en apparence la condition, mentionnée au II de l’article 163 quinquies D du code général des impôts, relative à la détention directe ou indirecte des droits dans les bénéfices sociaux inférieure ou égale à 25 %, n’est pas fondé.

En ce qui concerne la valeur des titres de la société Financière C Holding à la date du 28 décembre 2004 :

8. La valeur vénale des actions d’une société non admises à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L’évaluation des titres d’une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d’autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société. Dans le cas d’une société holding, l’évaluation peut être effectuée, à défaut ou en complément, par référence au prix d’une transaction, intervenue dans des conditions équivalentes, portant sur les titres d’une société filiale lorsque, eu égard à la part que la filiale représente dans l’actif de la société holding, une telle transaction peut être regardée comme révélant de manière suffisamment précise et probante la valeur de marché du titre en litige.

9. Pour remettre en cause le bénéfice de l’exonération de l’imposition de la plus-value réalisée par M. G lors de la cession des titres de la société Financière C Holding inscrits sur son plan d’épargne en actions, l’administration fiscale a retenu un second motif d’abus de droit tiré de la minoration volontaire de la valeur des titres de la société Financière C Holding afin d’assurer le respect formel du plafond de 132 000 euros applicable, et donc de bénéficier de l’exonération d’imposition des produits et plus-values procurés par des placements effectués dans le cadre d’un plan d’épargne en actions. L’administration fiscale s’est fondée sur la circonstance que la valeur des titres de la société Financière C Holding devait être évaluée par référence à la valeur des titres de la société A Media France, qui constituaient son seul actif. Elle a d’abord déduit la valeur de la société Financière C Holding en 2008 du prix auquel M. G avait cédé 25 % des titres de la société Financière C Holding le 20 juin 2008, au prix de 3 801 121 euros, à la société I Square Holding BV, fixant par conséquent cette valeur à 15 204 484 euros. La société Financière C Holding détenant 49,95 % des titres de la société A Media France, le service a inféré de la valeur de la société Financière C Holding la valeur de la société A Media France au 20 juin 2008, qu’elle a fixée arithmétiquement à 30 439 407 euros. Puis, il a calculé le ratio entre cette valeur et le volume d’achats d’espaces publicitaires confié à la société au titre de l’année 2008, qu’il a arrêté à 500 millions d’euros, obtenant un taux de 6,08 %, arrondi à 6 %. Sur la base de ce taux, et tenant compte d’un volume d’achats d’espaces publicitaires confié à la société A Media France au 28 décembre 2004, qu’il a estimé à 230 000 000 euros, le service est parvenu à une première valeur de cette société, à cette date, de 13 800 000 euros. Après avoir affecté ce montant d’une décote de 25 % afin de tenir compte, d’une part, de la circonstance que la structure récemment mise en place en 2004 était moins productive qu’en 2008, d’autre part, de « l’effet de levier » lié à la circonstance que la notoriété grandissante, au fil des ans, de la société A Media France lui aura permis, soit d’acquérir de nouveaux clients, soit d’accroître le volume d’activités avec ses clients historiques, l’administration fiscale a fixé la valeur de la société A Media France au 28 décembre 2004 à 10 350 000 euros. Ensuite, elle a calculé la valeur de la société Financière C Holding en multipliant ce montant par la participation, à hauteur de 49,95 %, détenue au sein de la société A Media France par la société Financière C Holding, qui se valorise uniquement à travers sa participation dans la société A Media France, parvenant à un montant de 5 169 825 euros. Enfin, elle a multiplié ce montant, arrondi à 5 150 000 euros, par un ratio correspondant au nombre de parts détenues par M. G au sein de la société Financière C Holding, fixant la valeur de cette participation, à la date du 28 décembre 2004, à 1 287 500 euros.

S’agissant du recours à la méthode des transactions comparables pour évaluer les titres de la société Financière C Holding à la date du 28 décembre 2004 :

10. M. et Mme G soutiennent que l’administration fiscale aurait dû se fonder sur la méthode des transactions comparables, et font état de plusieurs cessions de titres qui auraient pu faire office, selon eux, de référence. En particulier, ils se prévalent de la cession, par MM. G et F, de 924 actions de la société A Media France, soit 49,95 % de son capital, à la société Financière C Holding, le 28 décembre 2004, pour un prix égal à la valeur nominale des 924 actions cédées, soit vingt euros par action. Les requérants soutiennent également que le 3 février 2005, MM. G et F ont cédé 926 actions de la société A Media France – soit les 50,05 % de son capital qu’ils détenaient encore à la suite de la cession précédemment mentionnée – à la société B Private, à la valeur nominale des actions cédées, soit 20 euros par action. Par ailleurs, ils soutiennent que, le 30 décembre 2005 et le 20 janvier 2006, des actions de la société B Private, détentrice de 50,05 % du capital de la société A Media France, ont été cédées par des investisseurs indépendants à d’autres investisseurs indépendants, sur la base d’une estimation des actions de la société A Media France à leur valeur nominale de 20 euros. Ils soutiennent enfin, que, en septembre 2006, la société Financière C Holding a pris une participation dans le capital de la société A Media Holding, créée le jour même, à hauteur de 924 parts d’une valeur nominale de 20 euros, financée par apports en nature de titres de la société A Media France.

11. En premier lieu, les cessions du 30 décembre 2005 et du 20 janvier 2006 ainsi que la prise de participation de la société Financière C Holding au sein de la société A Media Holding, en septembre 2006, sont, ainsi que le fait valoir l’administration fiscale, trop éloignées de la date d’inscription des titres en litige sur le plan d’épargne en actions de M. G, le 28 décembre 2004, alors que cette date correspond par ailleurs à la date de création de la société Financière C Holding, dont l’unique actif était constitué par sa participation au sein de la société A Media France, elle-même créée en janvier 2004, de sorte que, entre le 28 décembre 2004 et la fin de l’année 2005, et a fortiori, par la suite, la valeur vénale des titres en litige a pu significativement fluctuer. Ainsi, ces opérations ne sauraient être regardées comme des termes de comparaison pertinents.

12. En second lieu, si les ventes du 28 décembre 2004 et du 3 février 2005 ont porté sur des actions de la société A Media France, de telles transactions pouvaient être regardées, dès lors que ces actions constituaient l’unique actif de la société Financière C Holding, comme révélant de manière suffisamment précise et probante la valeur de marché du titre de la société Financière C Holding au 28 décembre 2004. Toutefois, il résulte de l’instruction que la cession du 28 décembre 2004, mentionnée précédemment, a été effectuée, par MM. G et F, au profit de la société Financière C Holding, laquelle était détenue à hauteur de 50 %, à parts égales par MM. F et G, et, pour le reste, par la société I Square Holding BV, à hauteur de 49,9 % ainsi que par un investisseur indépendant. De même, la cession de 926 actions de la société A Media France en février 2005 a été consentie, par MM. G et F, à la société B Private, détenue, à hauteur de 50 %, à parts égales par MM. F et G, et, pour le reste, par des investisseurs indépendants. Si les requérants soutiennent que M. G n’avait aucun intérêt à ce que les titres de la société A Media France qu’il détenait soient cédés à un prix inférieur à leur valeur vénale, sa participation aux transactions en cause en tant que vendeur de titres de la société A Media France, et alors qu’il avait, au cours de la même période – concomitamment à la première cession en cause, et environ un mois auparavant avant la seconde cession en cause – inscrit sur son plan d’épargne en actions des titres de la société Financière C Holding, dont l’unique actif était constitué par des titres de la société A Media France, susceptibles d’engendrer une plus-value exonérée d’imposition, en cas de non-dépassement du plafond de 132 000 euros prévu par les dispositions de l’article 163 quinquies D du code général des impôts, empêche, dans les circonstances de l’espèce, de regarder ces transactions comme reflétant le jeu normal de l’offre et de la demande.

13. Par suite, aucune des opérations mentionnées précédemment ne constituait, compte tenu de leur objet et de leurs conditions de réalisation, des termes de comparaison pertinents permettant d’évaluer la valeur des titres de la société Financière C Holding au 28 décembre 2004. En l’absence de termes de comparaison pertinents, l’administration fiscale était, en conséquence, fondée à évaluer la valeur vénale des titres de la société Financière C Holding en utilisant des méthodes d’évaluation alternatives lui permettant d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue.

S’agissant de l’application de la méthode par appréciation directe retenue par l’administration fiscale :

14. Les requérants contestent l’utilisation, pour calculer la valeur de la société A Media France au 28 décembre 2004, d’un coefficient de 6 % correspondant au rapport, déterminé par l’administration sur la base des conditions d’activité de la société en 2008, entre la valeur de la société et le volume d’achats d’espaces publicitaires confiés à elle, coefficient que l’administration a appliqué au volume d’achats d’espaces confiés selon elle à la société au titre de l’année 2004.

15. En premier lieu, M. et Mme G contestent la corrélation établie par le service entre la valeur de la société A Media France et le volume d’achats d’espaces publicitaires confié à la société. En particulier, ils font valoir que l’activité de la société A Media France ne saurait être réduite à l’achat d’espaces publicitaires à l’attention de ses clients. Ils citent en particulier, sans être contestés sur ce point, la création, par cette société, d’un département d’études, la création d’un département de conseil et de coordination internationale, la signature d’un partenariat avec la société UN77 portant sur la présence sur internet de ses clients, la création d’une filiale de conseil en programmes et productions, évaluant l’ensemble des activités dépourvus de lien avec l’achat d’espaces publicitaires à 2 800 000 euros de revenus en 2008. Cette diversité de l’activité de la société A Media France est corroborée par le rapport du cabinet d’expertise comptable Abergel du 16 janvier 2014, qui relève que la réalisation de prestations de conseil par les agences de publicité s’est développée pour tirer les conséquences de la loi dite « Sapin » du 29 janvier 1993, laquelle, en imposant notamment la publicité des conditions tarifaires des achats d’espaces publicitaires ainsi que l’envoi, à l’annonceur, de la facture d’achat d’espaces, quel que soit le payeur, avait entraîné un effondrement des marges brutes générées par le secteur. Or, et compte tenu notamment de cette diversification, le service, en se bornant à faire référence aux « classements » répertoriant les volumes d’achats d’espaces publicitaires assignés aux sociétés du secteur de la publicité, n’apporte aucune précision utile permettant d’établir que le ratio entre la valeur d’une société exerçant des missions comparables à celles de la société A Media France et le volume d’achats d’espaces publicitaires confiés, dont elle n’a pas éprouvé le principe et la fiabilité, par exemple, sur d’autres périodes d’activité de la société A Media France ou sur d’autres sociétés du secteur, traduirait une corrélation entre ces deux variables, et donc, que ce ratio serait transposable pour calculer la valeur de la société A Media France à la date du 28 décembre 2004.

16. En deuxième lieu, et à supposer même que le principe même d’un tel ratio puisse être admis, M. et Mme G soutiennent que le volume d’achats publicitaires calculé par le service au titre de l’année 2004 est erroné. Or, si l’administration fiscale a tenu compte, pour mesurer le volume d’achats d’espaces publicitaires confiés à la société A Media France en 2004, de la signature d’un précontrat (intitulé Media Services Agreement) avec la société LVMH, le 28 octobre 2004, d’un « contrat de prestations de publicité et de conseil et de mandat d’achat d’espaces publicitaires » avec la société Bouygues Télécom, le 22 novembre 2004, et d’un « contrat de services média et de mandat pour l’achat d’espaces publicitaires » avec la société Universal Music France, il résulte de l’instruction qu’elle a également tenu compte de la signature d’un « contrat de service média et de mandat pour l’achat d’espaces publicitaires » avec la société Ferrero France, alors que ce contrat, qui a été chiffré par l’administration à 100 millions d’euros, a été signé le 20 juillet 2005, soit postérieurement au 28 décembre 2004. Les circonstances que ce contrat a pris rétroactivement effet au 4 novembre 2004 et que des « travaux préparatoires » ont été mis en œuvre dès la fin de l’année 2004 ne permettaient pas, à elles seules, de regarder comme certaine sa conclusion à la date du 28 décembre 2004, dans les termes ayant donné lieu à l’accord des parties le 20 juillet 2005.

17. En troisième lieu, et à supposer, ici encore, que la valeur de la société A Media France puisse être évaluée sur la base d’un ratio entre la valeur de la société et le volume d’achats d’espaces publicitaires, M. et Mme G soutiennent que ce ratio a en l’espèce été fixé à 6 % sur la base des conditions d’activité de la société A Media France au titre de l’année 2008, alors que, en 2004, la société était soumise à plusieurs fragilités.

18. D’une part, il résulte de l’instruction, et en particulier du rapport du cabinet d’expertise comptable Abergel du 16 janvier 2014, que le volume d’activité, la rentabilité, la croissance et la pérennité d’exploitation de la société A Media France, créée le 7 janvier 2004, ont très fortement évolué entre 2004 et 2008. A cet égard, si ce rapport relève la signature, par la société A Media France, des contrats avec la société LVMH, le 28 octobre 2004, avec la société Universal Music France, le 10 décembre 2004, et avec la société Bouygues Telecom, le 22 novembre 2004, soit antérieurement au 28 décembre 2004, il précise également que la société n’a généré en 2004 aucune activité productive, tout en étant soumise à des coûts fixes déjà élevés, conduisant à une situation nette négative de 1,7 millions d’euros. Il relève également que l’exécution des trois contrats mentionnés précédemment, ainsi que l’exécution du contrat avec la société Ferrero France conclu en 2005, ne permettaient pas d’équilibrer l’exploitation de la société à moyen terme avant la fin de l’année 2007, de sorte que la pérennité de l’activité de la société dépendait de l’obtention de nouveaux contrats. Par ailleurs, il indique, d’une part, que la société A Media France ne disposait en 2004 d’aucuns fonds propres et que ses moyens humains et logistiques étaient alors réduits, et d’autre part, que l’exécution des trois contrats signés avaient été réalisés dans le cadre de conventions conclues « intuitu personae », eu égard à la personnalité des fondateurs de la société, MM. F et G, de sorte que l’exécution de ces contrats était soumise à leur maintien à la direction de la société. Il précise enfin que la marge opérationnelle réalisée sur la base de ces seuls contrats, auquel il ajoute le contrat ultérieurement signé avec la société Ferrero France, serait restée déficitaire à hauteur de 2,2 millions d’euros en l’absence de nouvelles signatures, et que ce n’est que grâce à la signature, entre 2005 et 2007, de vingt-trois nouveaux contrats, que la société a pu générer, à la fin de l’année 2007, une exploitation bénéficiaire.

19. D’autre part, M. et Mme G soutiennent qu’en décembre 2004, une intervention a eu lieu dans les locaux de la société A Media France, sur la base d’une ordonnance du président du Tribunal de commerce de Nanterre du 8 décembre 2004, à la suite d’une requête introduite par les sociétés du groupe E, le 8 décembre 2004, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure pénale, en vue de saisir et de conserver les preuves permettant d’établir que MM. G et F avaient, avant le 1er janvier 2005 – date jusqu’à laquelle ils étaient soumis, en vertu d’une clause ajoutée à leur contrat de travail en décembre 1999, rappelé par les protocoles transactionnels signés le 19 novembre 2003, à un engagement de protection de clientèle et de non-débauchage – réalisé des actes de prospection ou de sollicitation, en vue de fournir une offre de services aux clients ou prospects du groupe E. Ils se prévalent également d’articles publiés dans les quotidiens britanniques The Evening Standard, le 22 décembre 2004, et The Independent et The Daily Telegraph, le 23 décembre 2004, qui ont relaté cette intervention, et fait état du différend opposant MM. G et F au groupe E. Le premier article cité mentionne également que les bureaux de la société A Media France étaient fermés depuis une semaine à la date de sa publication, du fait de cette procédure. Par ailleurs, les sociétés du groupe E ont chiffré, dans leur requête présentée devant le Tribunal de commerce de Nanterre, leur préjudice provisoire subi à raison des agissements de concurrence déloyale qu’elles imputaient à MM. G et F ainsi qu’à la société A Media France, à au moins 10 millions d’euros. Les demandes indemnitaires présentées par les sociétés du groupe E ont ensuite été portées à 95 000 000 euros, ainsi qu’il ressort du jugement du Tribunal de commerce de Nanterre du 2 mars 2017, qui a finalement condamné MM. G et F, ainsi que la société A Media France, au paiement à la société L E M d’une somme de 5 000 000 euros au titre de dommages et intérêts. Enfin ce différend, en plus d’emporter des conséquences financières, était susceptible de faire obstacle à la continuation de l’activité de la société A Media France, le groupe E pouvant être regardé, à la date du 28 décembre 2004, comme étant susceptible de demander au Tribunal de commerce, ainsi qu’il l’a fait le 14 avril 2005, d’interdire à la société A Media France de fournir ses services à divers clients ou d’embaucher de salariés ou d’anciens salariés du groupe. En se bornant à faire valoir que les contrats signés par la société A Media France au cours de l’année 2004 ne comportaient aucune clause unilatérale de résiliation en cas de litige avec la société E, alors que ce litige était susceptible d’hypothéquer, tant juridiquement que financièrement, les perspectives d’activité de la société A Media France ainsi que la pérennité même de cette société, l’administration fiscale ne remet pas utilement en cause ces éléments. Ainsi, c’est à tort que ce risque contentieux, qui devait être regardé comme tangible et connu à la date du 28 décembre 2004, n’a pas été pris en compte dans le calcul de l’administration fiscale.

20. Les éléments mentionnés aux points 18 et 19, caractéristiques, selon le rapport du cabinet d’expertise comptable Abergel, d’une « vulnérabilité intrinsèque » affectant la société A Media France en 2004 – justifiant d’ailleurs selon lui que la valeur vénale des titres de la société Financière C Holding au 28 décembre 2004 fût établie à leur valeur nominale au 28 décembre 2004 – privent de portée l’utilisation, pour calculer la valeur de la société A Media France au 28 décembre 2004, d’un coefficient déterminé à partir de conditions d’activité de la société au titre de l’année 2008, fixé par le service à 6 %. A cet égard, l’application d’une décote de 25 %, pour tenir compte, selon la proposition de rectification du 13 décembre 2011, de la productivité plus élevée dont a bénéficié la société A Media France en 2008, et de « l’effet de levier » liée à la notoriété acquise au fil des ans par cette société, et dont les modalités de fixation ne sont nullement explicitées par le service, ne saurait permettre une prise en compte des spécificités de l’activité de la société A Media France au cours de l’année 2004.

21. Ainsi, et compte tenu des nombreuses insuffisances affectant sa méthode d’évaluation de la valeur de la société Financière C Holding, l’administration fiscale n’établit pas que la valeur des titres de cette société était supérieure à la somme totale de 132 000 euros au 28 décembre 2004. Par suite, M. et Mme G sont fondés à soutenir que le second motif d’abus de droit retenu par l’administration fiscale, tiré de la minoration volontaire de la valeur des titres de la société Financière C Holding afin d’assurer le respect formel du plafond de 132 000 euros applicable, et donc de bénéficier de l’exonération d’imposition des produits et plus-values procurés par des placements effectués dans le cadre d’un plan d’épargne en actions, n’est pas fondé.

En ce qui concerne la substitution de base légale sollicitée par l’administration fiscale :

22. Aux termes de l’article 91 quater E de l’annexe II au code général des impôts : « Les dispositions relatives aux modalités d’ouverture d’un plan d’épargne en actions sont prévues par l’article R. 221-111 du code monétaire et financier ». Aux termes de l’article R. 221-111 du code monétaire et financier : « I. – La date d’ouverture du plan d’épargne en actions est celle du premier versement. / II. – Lorsque le plan d’épargne en actions est ouvert auprès d’un organisme autre qu’une entreprise d’assurance, l’organisme gestionnaire du plan porte au crédit du compte en espèces les versements effectués par le titulaire, le montant des produits en espèces que procurent les valeurs inscrites au compte de titres associé, les remboursements ainsi que le montant des ventes de ces valeurs. Il porte au débit du compte le montant des souscriptions ou acquisitions des valeurs inscrites au compte de titres associé et le montant des retraits en espèces. Les frais de gestion peuvent également être portés au débit du compte en espèces. Ce compte ne peut pas présenter un solde débiteur. / III. – Lorsque le plan est ouvert auprès d’une entreprise d’assurance, l’organisme gestionnaire enregistre dans le cadre du plan les versements en numéraire et les rachats du souscripteur ».

23. L’administration fiscale fait valoir que, dans l’hypothèse où les motifs du redressement, tirés de l’application de la procédure de répression des abus de droit, seraient regardés comme infondés, il conviendrait de faire application des dispositions de l’article 91 quater E de l’annexe II au code général des impôts et de l’article R. 221-11 du code monétaire et financier, en vertu desquelles l’organisme gestionnaire du plan d’épargne en actions porte au débit du compte en espèces de ce plan le montant des souscriptions ou acquisitions des titres inscrits au compte de titres associé. Toutefois, et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit précédemment que les titres en litige n’ont pas été inscrits au plan d’épargne en actions de M. G à une valeur minorée. Par suite, la substitution de base légale doit être écartée.

Sur les majorations :

24. L’administration fiscale a appliqué aux impositions en litige les majorations pour abus de droit prévues par le b de l’article 1729 du code général des impôts. Dans la présente instance, elle sollicite une substitution de base légale, indiquant que les majorations prévues, en cas de manœuvres frauduleuses, par le c de l’article 1729 du code général des impôts, pourraient être substituées aux majorations pour abus de droit prévues par le b du même article. Toutefois, et dès lors que le présent arrêt implique la décharge de l’ensemble des droits en litige, les majorations correspondantes ne peuvent qu’être également déchargées.

Sur les conclusions tendant au remboursement des sommes acquittées, assorties du versement d’intérêts moratoires :

25. Aux termes de l’article L. 208 du livre des procédures fiscales : « Quand l’Etat est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal () les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires () ».

26. Il résulte de ces dispositions qu’en exécution d’une décision de justice ordonnant une décharge ou une réduction d’imposition, la restitution des sommes déjà versées par un contribuable doit être faite par le comptable chargé du recouvrement, sans qu’il soit besoin d’adresser à cette fin une injonction à l’administration fiscale. Dans ces conditions, et en l’absence de litige né et actuel avec le comptable chargé du recouvrement, les conclusions de M. et Mme G tendant au remboursement des sommes déjà acquittées, assorti du versement d’intérêts moratoires, doivent être rejetées.

27. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que M. et Mme G sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année 2008 et des pénalités correspondantes.

Sur les frais liés à l’instance :

28. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre des conclusions présentées par M. et Mme G sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1304471 du 8 décembre 2015 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : M. et Mme G sont déchargés des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de l’année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Article 3 : L’Etat versera à M. et Mme G la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme G et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Ile-de-France (division juridique).

Délibéré après l’audience du 5 juillet 2022, où siégeaient :

— M. Jardin, président de chambre,

— Mme Hamon, présidente assesseure,

— M. Aggiouri, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juillet 2022.

Le rapporteur,

K. HLe président,

C. JARDIN

Le greffier,

C. MONGIS

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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CAA de PARIS, 7ème chambre, 20 juillet 2022, 20PA01531, Inédit au recueil Lebon