CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 01PA02934

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Décision précédente : Tribunal administratif de Paris, 2 mai 2001
Précédents jurisprudentiels : CAA Nantes, commune de Saint-Aubin c/ Mer, n° 99-1204
CE, 11 décembre 1998, Casagranda 11-12-1998

Texte intégral

Ch. Descours-Gatin
Audience du 20 octobre 2004
Matière : FPH / abandon de poste Mme X a été recrutée par le centre hospitalier intercommunal André Grégoire de Montreuil en qualité d’agent de bureau par contrat en date du 7 mai 1984. 8 ans plus tard, soit le 1er août 1992, elle a été titularisée en cette même qualité. Elle a ensuite connu un certain nombre de problèmes de santé, d’abord d’ordre rhumatologique, puis psychiatrique, la conduisant d’abord à bénéficier de congés de maladie (du 23 avril au 30 septembre 1993), puis à être placée en CLM du 26 avril 1994 au 25 avril 1995, puis en CLD du 26 avril 1995 au 25 juillet 1995. Elle n’a ensuite plus repris son travail – sauf une journée le 29 janvier 1996- jusqu’à ce que, après consultation à 3 reprises du comité médical départemental, puis du comité médical supérieur et échange d’un certain nombre de lettres avec l’administration de l’hôpital, elle soit radiée des cadres pour abandon de poste à compter du 4 février 1997, par une décision du même jour confirmée le 11 mars 1997. Mme X a demandé au TAP l’annulation de cette décision de radiation des cadres, et à titre subsidiaire, que le tribunal lui accorde une pension d’invalidité et une mise à la retraite par anticipation. Dans son dernier mémoire enregistré au greffe du TA, elle demandait également la condamnation du centre hospitalier à lui verser une somme de 318 500 F au titre du préjudice subi du fait de son éviction, ainsi qu’une somme de 50.000 F au titre du préjudice moral, et formulait des conclusions à fin de réintégration. Mme X relève régulièrement appel du jugement en date du 3 mai 2001 par lequel le TAP a rejeté toutes ses demandes.
Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de radiation des cadres
Relevons au préalable que sont attaquées deux « décisions », celle du 4 février 1997 et celle du 11 mars 1997, mais en réalité il s’agit de la même, la première est un courrier du directeur du centre hospitalier informant Mme X de sa décision, la seconde est la formalisation de cette décision.
Le premier moyen invoqué par Mme X est celui du caractère rétroactif de la décision. De fait, l’effet de la décision est antérieur à sa notification ; or, une décision individuelle défavorable ne peut entrer en vigueur qu’à compter de sa notification (à la différence d’une décision favorable, qui crée des droits au profit de l’intéressé dès sa signature : cf. CE , 19 décembre 1952, Delle Mattéi, p.594). Mais ce moyen n’est susceptible d’entraîner l’annulation de la dé cision attaquée qu’en tant seulement qu’elle a eu des effets rétroactifs.
Beaucoup plus sérieux est le moyen tiré de l’absence de mise en demeure avant le prononcé de la mesure de radiation des cadres pour abandon de poste, c’est-à-dire l’irrégularité de procédure.
En effet, la seule formalité que l’administration doive respecter en cas d’abandon de poste est la mise en demeure. Celle-ci doit être écrite et précise, elle doit indiquer à l’agent le délai au terme duquel, faute d’avoir regagné son poste, il sera radié des cadres sans procédure disciplinaire préalable (CE, 11 décembre 1998, Casagranda 11-12-1998).
En l’espèce, une lettre recommandée avec accusé de réception a été adressée à Mme X le 4 octobre 1995 informant l’intéressée que faute d’avoir repris son activité le 2 octobre 1995 sans aucune explication, Mme X était placée en congé sans traitement à compter du 2 octobre 1995. Le directeur du centre hospitalier ajoutait : « faute par vous de réintégrer immédiatement vos fonctions, je me verrai dans l’obligation de vous considérer en situation d’abandon de poste ». Vous remarquerez déjà que ne figure pas dans cet arvertissement la conséquence de la situation envisagée, c’est-à-dire la radiation sans procédure disciplinaire préalable. Cette mise ne demeure ne répondait pas aux exigences imposées par la jurisprudence précitée et qui sont rappelées dans l’arrêt CAAP 98-3944 Zerbib du 11 avril 2000.
Mais qui plus est, Mme X a répondu à cette mise en demeure, par une lettre en date du 6 octobre 1995, pour demander une nouvelle consultation du comité médical départemental. Elle a écrit une nouvelle lettre le 12 octobre 1995 pour demander un congé de longue durée. Le centre hospitalier lui a répondu le 16 octobre 1995. Après avoir fait un historique de l’état de santé de Mme X et des diverses consultations du comité médical et du médecin du travail, le centre a indiqué à l’intéressée qu’elle pouvait contester l’avis du comité médical auprès du comité médical supérieur et que lui-même saisissait à nouveau le comité médical. La lettre s’achève ainsi : « Dans l’attente d’un nouvel avis du comité médical, vous êtes placée en maladie ordinaire depuis le 26/07/95 et à compter du 02/10/95 les termes de ma lettre du 04/10/95 sont maintenus ». Cette rédaction est peu claire. Mais au regard de la lettre du 4 octobre 1995 indiquant « j’ai donc le regret de vous informer que vous êtes placée en congé sans traitement à compter du 2 octobre 1995 », elle doit se comprendre comme confirmant le placement en congé sans traitement à compter du 2 octobre 1995 ».
Autrement dit, le centre hospitalier, postérieurement à la mise en demeure du 4 octobre 1995, au demeurant irrégulière, a pris en compte, notamment dans sa lettre du 16 octobre 1995, l’élément médical invoqué par l’intéressée dans ses 2 lettres des 6 et 12 octobre 1995. Il a ainsi admis que Mme Luna n’avait pas rompu le lien qui l’unissait au service (CAA Nantes, commune de Saint-Aubin c/ Mer, n°99-1204, 4 octobre 2002 : si l’employeur adresse plusieurs mises en demeure successives, il estime nécessairement que l’agent n’a pas rompu le lien avec le service en ne déférantr pas aux mises en demeure antérieures). Le centre hospitalier doit donc être nécessairement considéré comme ayant admis que Mme X n’avait pas rompu, à la date du 4 octobre 1995, le lien avec le service. Vous verrez d’ailleurs au dossier un certificat d’emploi daté du 17 septembre 1996 attestant que Mme X est employée au centre hospitalier depuis 1984. Le centre n’a donc pas pu, sans irrégularité, se fonder sur la seule mise en demeure du 4 octobre 1995 pour prendre la décision de radiation en date du 4 février 1997.
C’est donc à tort selon nous que le tribunal administratif a jugé que la mise en demeure du 4 octobre 1995 suffisait. Le moyen tiré de l’irrégularité de la procdéure en matirèe de radiation pour abandon de poste est de nature à entraîner l’annulation du jugement du tribunal administratif et de la décision du 4 février 1997.
Nous passerons plus rapidement sur les autres moyens invoqués.
Tout d’abord, le défaut de motivation de la décision du 4 février 1997. Il nous paraît également fondé : la décision du 4 février 1997, qui aurait dû être motivée conformément à la loi du 11 juillet 1979, ne comporte pas les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Le directeur du centre hospitalier se contente d’évoquer les avis émis par le comité médical, tant départemental que supérieur, sans indiquer quelles conclusions il en tire. Il n’est absolument pas fait mention de l’abandon de poste. La décision ne reprend pas les motifs de la mise en demeure du 4 octobre 1995 dont le texte n’est pas annexé. Elle n’est ‘ailleurs même pas visée. Vous pourriez donc retenir également le défaut de motivation pour annuler cette décision.
En ce qui concerne la légalité interne, Mme X excipe de l’illégalité de 2 autres décisions, celles des 11 avril et 5 octobre 1995 prévoyant sa reprise du service à compter respectivement des 26 juillet et 2 octobre 1995. Toutefois, elle n’établit pas cette illégalité car l’administration a pu légalement prendre en compte l’avis du comité médical départemental, sans s’estimer liée par cet avis. En tout état de cause, et contrairement à ce qu’elle affirme, la prétendue illégalité de ces décisions n’a aucun effet sur la mesure de radiation des cadres dont elle a fait l’objet : la décision du 11 avril 1995 accorde à Mme X un CLD pour une nouvelle période de 3 mois et prévoit sa réintégration à compter du 26 juillet 1995 ; celle du 5 octobre 1995 prononce sa réintégration de Mme X à compter du 2 octobre 1995.
Le moyen doit donc être rejeté.
Enfin Mme X conteste avoir été en situation d’abandon de poste et soutient que le jugement est entaché à cet égard d’erreur de fait et d’erreur manifeste d’appréciation. Elle fait valoir notamment qu’elle n’a jamais voulu délibérément rompre le lien avec le service, ce qui est l’un des critères de l’abandon de poste : si l’agent n’obtempère pas à une mise en demeure, claire et précise, il manifeste sa volonté de rompre avec le service.
En l’espèce, même si Mme X manifeste une certaine mauvaise foi et fait traîner les choses en longueur, elle réagit à la seule véritable mise en demeure, celle du 4 octobre 1995, et l’on ne peut soutenir qu’il n’y avait, à cette date, aucun élément médical nouveau (a contrario Conseil d’Etat OPHLM Montreuil 257426, 25-02-2004). D’une part il y avait un certificat médical du Dr. Chetrit du 19 juin 95. D’autre part l’avis de reprise à compter du 26 juillet 1995 émis par le comité médical départemental le 4 avril 1995 avait été infirmé par le médecin du travail le 16 juin 1995. Certes, ensuite, le comité médical a émis le 5 septembre 1995 un avis favorable à la reprise du travail de même que le médecin du travail le 29 septembre, mais l’administration pouvait attendre un nouvel avis du comité médical départemental et, surtout, l’avis du comité médical supérieur, pour adresser une nouvelle mise en demeure, avant d’en tirer les éventuelles conséquences.
Quoi qu’il en soit, la décision de radiation est illégale et doit être annulée. En application de l’article L.911-1 du CJA, Mme X doit être réintégrée à la date de son éviction, c’est-à-dire au 4 février 1997. Vous pourrez fixer un délai de 2 mois pour l’exécution de cette réintégration sans assortir l’injonction d’une astreinte.
Sur les conclusions indemnitaires : Mme X demande en premier lieu le versement d’une somme de 318.500 F correspondant à son traitement pour la période comprise entre le mois de février 1997 et le mois de mars 2001. Or, il est constant qu’elle avait été placée en congé sans traitement depuis le 2 octobre 1995, par la décision du 4 octobre 1995. Mme X n’établit pas qu’elle aurait perçu une rémunération si elle n’avait pas été illégalement radiée des cadres par la décision illégale du 4 février 1997. Mme X demande en second lieu le versement d’une somme de 50.000 F au titre du préjudice moral. Mais elle n’établit pas avoir subi un tel préjudice du fait de son éviction.
Les conclusions indemnitaires seront donc rejetées.
Par ces motifs, nous concluons :
1/ à l’annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 3 mai 2001 ainsi que de la décision du 4 février 1997 2/ à ce qu’il soit enjoint au centre hospitalier de réintégrer Mme X à compter du 4 février 1997 dans un délai de 2 mois à compter de la notification de votre arrêt 3/ à la condamnation du centre hospitalier à verser à Mme X 1500 euros de frais irrépétibles.
4/ au rejet du surplus de la requête et des conclusions du centre hospitalier tendant à la condamnation de Mme X au versement de frais irrépétibles.

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Textes cités dans la décision

  1. Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979
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