CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 97PA02554

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, 199585, 14 juin 2000, Banque Rhône-Alpes

Sur les parties

Texte intégral

4e CHAMBRE A
PRESIDENT : D-PIERRE JOUGUELET
RAPPORTEUR : E EVEN
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : B C ***
AUDIENCE : MARDI 23 JANVIER 2001
LECTURE : 6 FÉVRIER 2001 ***
AFFAIRE : n ° 97PA02554
BANQUE DE TAHITI ( SCP GUIGUET-BACHELLIER-DE LA VARDE, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation)
C / TERRITOIRE DE LA POLYNESIE FRANÇAISE ( Me François QUINQUIS) *c / jugement du 10 juin 1997 du tribunal administratif de Papeete ***
CONCLUSIONS
Par deux actes du 29 novembre 1991 et du 29 septembre 1992, la BANQUE DE TAHITI s’est déclarée caution personnelle et solidaire, pour le G.I.E. Groupement d’entreprises de Raiatea, dit G.E.R., pour des sommes représentant la retenue de garantie à laquelle le G.E.R. était assujetti, au titre de l’exécution des travaux portant sur la tranche ferme et la tranche conditionnelle prévues au marché qu’il avait signé le 7 novembre 1991 avec le Territoire de la Polynésie française en vue de la construction du collège de Faaroa dans l’île de Raiatea.
Le 18 septembre 1992, une mise en demeure est adressée par le maître de l’ouvrage à l’entreprise pour qu’elle achève les travaux en vue de la livraison des bâtiments pour la rentrée scolaire de 1993-1994. Après la mise en redressement judiciaire du GIE Groupement d’entreprises de Raiateia, prononcée par un jugement du 26 avril 1993 du tribunal mixte de commerce de Papeete, l’entreprise n’ayant pas déféré à la mise en demeure, la personne responsable du marché décide la mise en régie des travaux et la notifie à l’entreprise le 7 juillet 1993, par un ordre de service daté du 6.
Le coût de la mise en régie dépassant le solde du marché non versé au GIE, un titre de recette rendu exécutoire est émis, le 30 mai 1995, par la paierie du Territoire de la Polynésie française, à hauteur de 5. 194. 941 F. CFP, à l’encontre du Groupement d’entreprises de Raiateia. Ce titre de recette prévoit que cette somme sera prélevée sur la caution bancaire constituée à la BANQUE DE TAHITI, puiqu’il porte la mention “Saisie caution solde du marché n ° 910234". La BANQUE DE TAHITI déclare d’ailleurs en avoir reçu notification le 13 juin 1995.
Par une lettre du10 juillet 1995, la BANQUE DE TAHITI conteste ce titre de recette auprès du ministre de l’équipement du Territoire, en faisant valoir que la créance du Territoire serait éteinte, faute d’avoir été déclarée dans les délais au passif du redressement judiciaire du GIE.
Par une lettre du 24 août 1995, le Territoire lui répond que sa créance est née postérieurement au délai imparti pour la déclaration des créances et que, par suite, l’émission du titre de recette était justifiée.
Le 13 septembre 1995, la BANQUE DE TAHITI saisit le TA de Papeete d’une demande tendant à l’annulation du titre de recette du 30 mai 1995 et de la décision du 24 août 1995 du Territoire de la Polynésie française.
Le TA de Papeete a rejeté cette demande par le jugement du 10 juin 1997 que la BANQUE DE TAHITI conteste devant vous.
Outre l’annulation de ce jugement ainsi que du titre de recette du 30 mai 1995 et de la décision du 24 août 1995 du Territoire, la BANQUE DE TAHITI vous demande de condamner le Territoire à lui verser une somme de 12. 000 F au titre de ses frais irrépétibles.
De son côté, le Territoire vous demande de rejeter cette requête et de condamner l’appelante à lui payer une somme de 10. 000 F, au titre des frais exposés par lui dans l’instance.
***
I Compétence de la juridiction administrative :
Elle est vainement contestée en appel par la BANQUE DE TAHITI.
Vous pourrez vous reporter à la décision du CE, 199585, 14 juin 2000, Banque Rhône-Alpes, qui confirme l’arrêt du 7 juillet 1998 de la cour administrative d’appel de Lyon versé aux débats par le Territoire.
Cette décision du CE est éclairée par les conclusions de Mme X, publiées au Bulletin juridique des contrats publics n° 13, p. 410 et sv, l’arrêt de la CAALyon l’étant par les conclusions de M. Y, publiées au BJCP n° 1, p. 45 et sv.
Cette décision du CE opère une extension de sa jurisprudence de Section du 3 février 1978, Mariani, L., p. 48, au cas où la demande indemnitaire du maître d’ouvrage est dirigée, non contre l’entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire, mais contre sa caution.
Par cette décision, le CE affirme expressément que “si l’autorité judiciaire est seule compétente,[ en application de la loi du 25 janvier 1985], pour déterminer les modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d’examiner si la collectivité publique a droit [aux sommes qu’elle réclame à l’entreprise défaillante ou à son liquidateur], sans préjudice des suites que la procédure de redressement judiciaire est susceptible d’avoir sur le recouvrement de cette créance. Dans le cas où l’entreprise … a constitué une caution, le juge administratif apprécie de même, indépendamment des conséquences de la procédure de redressement judiciaire, l’étendue des obligations qui s’imposent à celui qui a donné une caution et a ainsi apporté au maître de l’ouvrage une garantie indépendante de la situation de l’entreprise en redressement et constitutive d’une obligation autonome”.
***
II FNR opposée par le Territoire, en appel, aux conclusions de la demande de 1re instance dirigée contre le titre de recette du 30 mai 1995 :
Le Territoire allègue que la BANQUE DE TAHITI n’aurait pas intérêt à contester ce titre de recette, au motif que celui-ci n’aurait été notifié qu’au GIE et que la décision de mettre en oeuvre la caution n’aurait jamais été formalisée. Les mentions contenues dans ce titre, dont nous avons déjà fait état, contredisent ces allégations.
***
III Au fond :
** S’agissant du moyen tiré par la BANQUE DE TAHITI de la circonstance que la créance du Territoire serait éteinte à son égard, faute d’avoir été déclarée dans le cadre de la procédure de règlement judiciaire du GIE GER, la jurisprudence du CE précitée, Banque Rhône-Alpes, du 14 juin 2000, confirmative de l’arrêt du 7 juillet 1998 de la CAA de Lyon, conduit à l’écarter comme inopérant pour établir que sa propre obligation à l’égard du maître de l’ouvrage serait éteinte.
Peu importe, par suite, que la créance du maître d’ouvrage soit née avant ou après le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, au regard de l’article 40 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises.
** Cependant, la BANQUE DE TAHITI soutient qu’elle n’aurait aucune obligation envers le Territoire, dès lors qu’elle n’a pas été informée personnellement de la décision de mise en régie d’une partie des travaux.
Aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucune stipulation du marché ne met une telle obligation d’information à la charge du maître de l’ouvrage, ce qui s’explique par le fait que la banque, en se portant caution personnelle et solidaire de l’entreprise par les actes du 29 novembre 1991 et du 29 septembre 1992, s’est engagée à couvrir toutes les dettes contractuelles mises à la charge de celle-ci au titre du marché dont elle est titulaire, “sans pouvoir différer le paiement ou soulever de contestation pour quelque motif que ce soit”.
** Reste le moyen tiré de ce que la créance que le Territoire prétend détenir sur le GIE GER ne serait pas née régulièrement, dès lors que la notification de la décision de la mise en régie ne lui aurait pas été faite dans des conditions régulières.
*Dans une décision de Section du 10 juin 1932, Sieur Bigot c/ Ministre de la guerre, L., p. 572, le CE, constatant que l’arrêté de mise en régie n’avait jamais été notifié à l’entrepreneur, a considéré que, “dans ces conditions, le sieur Bigot, qui n’a pu exercer son droit de suivre les opérations de la régie en vue de sauvegarder ses intérêts, est fondé à soutenir que c’est à tort que le conseil de préfecture l’a condamné à payer à l’Etat la somme de 1. 955 F 81, charge qu’a entraîné pour l’Etat la mise en régie”.
Voir aussi, s’agissant de la résiliation d’un marché et de la passation d’un nouveau marché aux risques et périls de l’entrepreneur initial, le CE a retenu, là aussi, la nécessité d’une notification de la décision de passer un nouveau marché, pour que l’entrepreneur initial soit “mis à même d’user du droit qu’il avait de suivre, en vue de sauvegarder ses intérêts, les opérations exécutées à ses risques et périls par le nouvel entrepreneur”. CE, 1er mars 1967, Société “Technical”, L., p. 103 et CE, 3 novembre 1978, 2260, Office public départemental des Alpes-Maritimes.
*Cependant, une décision plus récente du CE, 00871, du 30 mars 1981, SA “Etablissements D E” a relevé que l’article du CCAG applicables au marché litigieux “qui prévoit que le chef de service peut ordonner l’établissement d’une mise en régie aux frais de l’entrepreneur lorsque celui-ci n’a pas, après mise en demeure, exécuté les travaux du marché, n’exige pas qu’une décision prononçant la mise en régie soit notifiée à l’entrepreneur ; … cette disposition confère seulement à l’entrepreneur le droit d’être informé de la date de la mise en régie et d’en suivre les opérations pendant toute la durée en vue de sauvegarder ses intérêts”.
De même, le Conseil d’Etat a eu l’occasion, sous l’empire de la loi du 13 juillet 1967, de souligner qu’aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune clause contractuelle ne faisaient obligation au maître de l’ouvrage de notifier personnellement au syndic d’un entrepreneur mis en règlement judiciaire la décision de mise en régie du marché litigieux : CE, 21 septembre 1990, M. Z, syndic, et SA des “Etablissements Billiard”, 36520-60533. Cette décision, à notre sens, n’efface pas le droit du syndic à être informé de la mise en régie du marché.
*Dans la présente affaire, le GIE GER détient ce même droit de suivre l’exécution de ses prestations mises en régie, de l’article 7-5 du CCAG concernant les marchés publics passés au nom du Territoire de la Polynésie française. L’article 7-3 de ce CCAG se référant à la “notification de la décision de mise en régie”, l’information due au GIE devait se faire sous cette forme.
*La BANQUE DE TAHITI remarque que la notification de la mise en régie qui a eu lieu le 7 juillet 1993 a été faite auprès de M. A, dont il n’est pas contesté qu’il est le gérant du GIE GER, alors qu’elle aurait dû être adressée à M. F G, qui a été désigné en qualité d’administrateur judiciaire par le jugement du 26 avril 1993 du tribunal mixte de commerce de Papeete, qui n’est pas versé aux débats.
C’est regrettable, l’article 31 de la loi du 25 janvier 1985 précisant que la mission de l’administrateur est fixée par le jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, le tribunal le chargeant “1°) soit de surveiller les opérations de gestion ; 1°) soit d’assister le débiteur pour tous les actes concernant la gestion ou certains d’entre eux ; 3°) soit d’assurer seuls, entièrement ou en partie, l’administration de l’entreprise”.
Toutefois, l’administrateur détient également des pouvoirs qui lui sont conférés par cette loi. C’est ainsi, que l’article 37, dans sa rédaction antérieure à la version issue de la loi du 10 juin 1994, donne à l’administrateur “seul la faculté d’exiger l’exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur”.
Nous vous proposons d’accueillir ce dernier moyen que la BANQUE DE TAHITI invoque pour la première fois en appel, en dépit du fait que le Territoire fait valoir que la poursuite d’un contrat en cours n’aurait pas à être notifiée à l’administrateur judiciaire, à qui il appartiendrait de prendre l’initiative de le résilier ou non.
En effet, la mise en régie des travaux est une “mesure coercitive” selon les termes mêmes de l’article 7 du CCAG applicable en l’espèce, une sanction dont l’administrateur a la faculté d’éviter l’application, en décidant que l’entreprise peut achever elle-même la prestation qui fait l’objet de ce contrat. S’agissant d’une entreprise en redressement judiciaire, c’est à l’administrateur qu’il appartient de faire jouer, le cas échéant, les stipulations de l’article 7-3 du CCAG applicable ici, selon lesquelles “le titulaire peut être relevé de la régie s’il justifie des moyens nécessaires pour reprendre les prestations et les mener à bonne fin”.
En l’espèce, faute d’avoir notifié la mise en régie à l’administrateur judiciaire du GIE GER, le Territoire de la Polynésie française doit être regardé comme ayant privé l’entreprise d’user de la possibilité ouverte par cet article 7-3 du CCAG.
*Le Territoire de la Polynésie française n’est fondé à exiger de la BANQUE DE TAHITI, en sa qualité de caution, le versement des sommes faisant l’objet de son engagement, que dans la mesure où il pourrait invoquer à l’égard du GIE GER une créance certaine et exigible. Voir, CE, 64320, Banque de Baecque, Beau, 19 février 1988.
Nous vous proposons de dire que le Territoire de la Polynésie française ne justifie pas que les sommes qu’il demande à la BANQUE DE TAHITI de lui verser présentent ce caractère. Dans ces conditions, la BANQUE DE TAHITI est fondée à soutenir que c’est à tort que le TA de Papeete a rejeté sa demande tendant à l’annulation du titre de recette émis le 30 mai 1995 et de la décision administrative du 24 août 1995.
Avec l’annulation de ce titre de recette et de cette décision, vous pourrez accorder à l’appelante le bénéfice de la somme de 12. 000 F qu’elle demande au titre de ses frais irrépétibles.
***
PAR CES MOTIFS […]
- à l’annulation du jugement du 10 juin 1997 du TA de Papeete, du titre de recette émis le 30 mai 1995 et de la décision du 24 août 1995 ;
- à la condamnation du Territoire de la Polynésie française à verser à la Banque de Tahiti une somme de 12. 000 F, au titre de ses frais irrépétibles ;
- au rejet des conclusions du Territoire de la Polynésie française relatives à la prise en charge de ses frais irrépétibles.

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