CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 12PA04436

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Douai, 16 mars 2013, société TIMT, n° 12DA00187
CAA Marseille, 21 juin 2007, société Garnier-Pisan, n° 04MA01795
CE, 12 mai 1982, Société des travaux publics et bâtiments THEG n° 23340
CE, 19 février 1992, société anonyme Dragages et travaux publics, n° 47265
CE, 25 novembre 1988, SA Bergeron-Geoffroy et Société TNEE n° 38198
CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, n° 270772
CE, 29 mai 1991, EPA de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines n° 92551
CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, Rec. T. 862
CE 30 novembre 1990, Société Coignet Entreprise, n° 53636
CE, 31 janvier 1997, Société Campenon-X Y, n° 119430

Texte intégral

12PA04436
Cabinet ANALYSE COUTS PROJET QUALITE c/ préfecture de police
Séance du 3 mars 2014
Lecture du 17 mars 2014
CONCLUSIONS de M. Dewailly, Rapporteur public
Faits :
Le préfet de police a confié dans le cadre d’un MAPA à prix global et forfaitaire, le 2 octobre 2010, au Cabinet d’analyses coûts projet qualité (ACPQ) la réfection d’un mur de clôture mitoyen du commissariat de police de Charenton-le-Pont pour un montant de 25.865,89 euros TTC.
Par un ordre de service du 28 février 2011, la préfecture a invité la société à commencer les travaux qui devaient s’achever le 25 avril 2011. Toutefois, à la suite d’une visite de chantier effectuée le 6 avril 2011, le préfet de police a, par courrier du même jour, prononcé l’ajournement des travaux à compter du 7 avril 2011 en raison d'« interrogations techniques ».
Le préfet de police a demandé l’intervention d’un bureau d’études qui a confirmé la mauvaise exécution des travaux et le risque d’instabilité du mur.
Par un mémoire en réclamation du 5 juillet 2011, la société cabinet ACPQ, qui avait perçu des acomptes, a sollicité l’indemnisation des préjudices subis du fait de l’ajournement du chantier.
Par un courrier du 4 août 2011, le préfet de police l’a mis en demeure de reprendre les travaux en se conformant notamment aux stipulations techniques du marché. Mais la société n’a jamais repris le chantier, et elle a saisi le TAP d’une requête tendant, d’une part, à l’indemnisation des préjudices subis du fait de la suspension de l’exécution des travaux et des surcoûts engendrés par des difficultés techniques imprévisibles, d’autre part, à la résiliation du marché.
Par un jugement du 12 septembre 2012, le tribunal a rejeté cette requête.
Le 24 octobre 2012, la préfecture de police a procédé à la résiliation du marché, aux torts exclusifs de la société.
Le Cabinet ACPQ interjette appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté ses conclusions indemnitaires.
Discussion :
1 – L’appelante soutient d’abord que l’ajournement des travaux, qui doit être regardé comme s’étant prolongé jusqu’à la date de résiliation du marché, lui a causé divers préjudices.
D’ores-et-déjà, cette affirmation se heurte aux pièces du dossier puisqu’il apparaît que le préfet de police lui a demandé de reprendre les travaux dès le 4 août 2011, ce qu’elle n’a pas fait… Vous ne pourrez donc que prendre en compte la période partant de la date de l’arrêt provisoire des travaux, à compter du 7 avril jusqu’au 4 août 2011. Après cette dernière date, l’entreprise n’est pas fondée à demander l’indemnisation de son préjudice puisque c’est elle qui a refusé de reprendre le chantier, sans motif légitime.
Sur la période qu’il est proposé de retenir, le cabinet ACPQ a-t-il subi des préjudices qui devraient être indemnisés ?
Rappelons que l’administration est tenue d’indemniser les conséquences dommageables de ses décisions lorsqu’elles ont un impact sur le calendrier d’exécution des travaux. Il peut s’agir, par exemple, de l’émission tardive de l’ordre de commencer les travaux (CE, 29 mai 1991, EPA de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines n° 92551), de modifications apportées au calendrier des opérations ou de retard à prendre des décisions qui conditionnent la poursuite des travaux (CE, 12 mai 1982, Société des travaux publics et bâtiments THEG n° 23340 ; CE, 25 novembre 1988, SA Bergeron-Geoffroy et Société TNEE n° 38198).
Les stipulations applicables et dont il d’ailleurs été fait application sont celles des articles 12 et 49.1.1. du CCAG – Travaux.
L’article 49.1.1 précise : « L’ajournement des travaux peut être décidé par le représentant du pouvoir adjudicateur. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l’article 12, à la constatation des ouvrages et parties d’ouvrages exécutés et des matériaux approvisionnés. / Le titulaire, qui conserve la garde du chantier, a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et du préjudice qu’il aura éventuellement subi du fait de l’ajournement. Une indemnité d’attente de reprise des travaux peut être fixée suivant les modalités prévues aux articles 14.3 et 14.4 » ;
L’article 12 précisant quant à lui les modalités dont fait état l’article 49.1.1 : « […] 12.2. Des constatations contradictoires concernant les prestations exécutées ou les circonstances de leur exécution sont faites sur la demande, soit du titulaire, soit du maître d’œuvre. […] 12.5. Le titulaire est tenu de demander, en temps utile, qu’il soit procédé à des constatations contradictoires pour les prestations qui ne pourraient faire l’objet de constatations ultérieures, notamment lorsque les ouvrages doivent se trouver par la suite cachés ou inaccessibles. A défaut et sauf preuve contraire fournie par lui et à ses frais, il n’est pas fondé à contester la décision du maître d’œuvre relative à ces prestations »
Il ressort des pièces du dossier que la procédure précitée n’a pas été respectée, ce que le tribunal a d’ailleurs rappelé. La seule production de factures n’est pas un élément suffisant pour démontrer que des matériels étaient bien immobilisés sur le chantier.
Cependant, rien n’interdit de prendre en compte d’autres éléments et d’apprécier leur valeur probante. Les dépenses supplémentaires d’immobilisation du matériel à la condition qu’elles soient « justifiées de manière précise » (CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, n° 270772). En l’espèce, le cabinet produit un constat d’huissier dressé le 11 octobre 2011, à la demande de la préfecture de police, qui indique la présence « d’un coffrage en bois à l’intérieur duquel se trouve de la ferraille » et « celle d’un tas de gravas ».
Ces indications ne semblent pas de nature à justifier une immobilisation ayant causé un préjudice d’un montant de 6.930 euros HT.
De même, les bulletins de salaire produits ne permettent pas d’établir que les salariés qu’ils concernent étaient affectés à ce chantier, ni qu’ils n’auraient pas été redéployés vers d’autres chantiers au moment de l’interruption et pas non plus que l’interruption de ce seul chantier aurait justifié des licenciements.
De même, aucun document ne permet d’établir qu’elle aurait subi des préjudices sur sa marge bénéficiaire, sur d’éventuels investissements.
Enfin, si elle a pu subir des frais de garde du chantier et des « frais de gestion du chantier », elle ne rapporte pas d’éléments permettant de les évaluer.
A l’inverse de ce qui précède, elle produit une facture pour une roulotte de chantier qu’elle n’aurait pas replié, pour la période du 1er au 30 avril 2011, mais aucun élément au-delà. La préfecture ne contestant pas cette présence pour la période, vous pourrez considérer qu’il y a lieu de prendre en compte une somme de 166 euros.
Dans cette mesure, vous pourrez donc annuler le jugement.
2 – L’appelante soutient encore avoir été confrontée à un problème de surépaisseur du mur, dans sa partie enterrée, ce qui l’a contraint à réaliser une semelle, dont la réalisation n’était pas prévu par le marché.
Ces travaux ont donc engendré un surcoût dont elle est fondée à demander l’indemnisation.
La jurisprudence admet que les surcoûts engendrés par l’allongement de la durée du chantier, ou les modifications du contrat sont de nature à altérer le contenu de celui-ci et à justifier le versement d’un supplément de prix (CE 30 novembre 1990, Société Coignet Entreprise, n° 53636).
Dans ce type de marché, dans lesquels le prix est global et forfaitaire, des dispositions particulières jouent en application de la théorie des sujétions imprévues, puisque les difficultés exceptionnelles rencontrées dans l’exécution d’un ouvrage si elles n’étaient pas prévisibles lors de la conclusion du marché et si elles sont extérieures à la volonté des parties peuvent justifier une indemnisation (CE, 19 février 1992, société anonyme Dragages et travaux publics, n° 47265 ; CAA Marseille, 21 juin 2007, société Garnier-Pisan, n° 04MA01795 ; CAA Douai, 16 mars 2013, société TIMT, n° 12DA00187).
Le Conseil d’État, en cassation, a confirmé la solution retenue par la cour administrative d’appel de Nantes, estimant que la théorie des sujétions imprévues ne pouvait s’appliquer en l’espèce, toutes les conditions cumulatives, n’étant pas réunies (CE, 31 janvier 1997, Société Campenon-X Y, n° 119430).
Le Conseil d’État (CE, 30 juillet 2003, Commune de Lens, Rec. T. 862) a indiqué que les sujétions imprévues qui, aux termes de l’article 19 du CMP, permettent de déroger au principe selon lequel un avenant ne doit pas bouleverser l’économie du marché ni en changer l’objet sont nécessairement « des difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution [du] marché, présentant un caractère exceptionnel, imprévisibles lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties ».
En l’occurrence, rien ne permet d’établir que les sujétions évoquées aient présenté ce caractère exceptionnel et imprévisible.
Cette demande doit être rejetée.
Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement en tant qu’il a rejeté les conclusions indemnitaires relatives à l’immobilisation de la roulotte sur le chantier pour la période du 1er au 30 avril 2011 et à ce qu’il soit mis à la charge de la préfecture de police une somme de 166 euros à ce titre. Rejet du surplus des conclusions.
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Textes cités dans la décision

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