CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 12PA02476

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE 10 février 1978, Ass. Gale des Adm. Civ., RDP 1979, p. 282
CE 15 mars 2006, M. D, n° 288390
CE 2 mars 1988, Association nationale des assistants, n° 61520
CE Ass 26 octobre 1956, Ass. Gale des Adm. Civ., Rec 391

Texte intégral

12PA02476 Mme G X, M. H Y et M. H Z
Séance du 17 mars 2014
Lecture du 31 mars 2014
CONCLUSIONS de M. Dewailly, Rapporteur public
Faits : Mme X, M. Y et M. Z sont membres du parti politique dénommé « Calédonie Ensemble », crée le 11 octobre 2008 par des dissidents du parti « Avenir ensemble ».
Le 5 juin 2009, une coalition des partis anti-indépendantistes qui s’est présentée aux élections territoriales a obtenu 7 élus à l’exécutif du territoire sur les 11 membres composant celui-ci. Trois de ces 7 élus sont membres du partie « Calédonie ensemble ».
Le président de ce parti, M. H Z, devenu président, sera chargé des secteurs des mines, de l’énergie, du transport aérien international, mais également des questions relatives aux transferts de compétences et à la recherche.
En 2011, des tensions apparaissent au sein du gouvernement et la démission des membres issus de l’Union Calédonienne entraînera la chute du gouvernement. Par la suite, le parti Calédonie Ensemble décidera de faire tomber à son tour tous les gouvernements successifs dès leur élection tant que le Congrès n’aurait pas été dissout et des élections provinciales anticipées organisées.
Finalement, le 10 juin 2011, un 12e gouvernement est constitué et Calédonie Ensemble obtient une nouvelle fois trois élus sur 11. M. Z sera chargé des transferts de la sécurité civile, du droit civil et commercial et des règles de l’état civil et de la circulation aérienne et maritime, de la préparation des transferts prévus dans l’article 27 de la loi organique, de la circulation et de la cécurité routière. Ayant démissionné le 18 décembre 2012, il sera remplacé par I J. M. Y sera chargé de la Fonction publique, de la Qualité du service public et de la Simplification administrative, de la Rénovation de la fonction publique et du Suivi du Médipôle de Koutio. Mme X, chargée de la Gestion et de la Conservation des Ressources naturelles de la ZEE, de la Météorologie, de l’Environnement et du Développement durable et de l’Enseignement primaire public, à partir du 18 août 2011.
Par une délibération n° 2011-47 D/GNC du 16 juin 2011, les membres du gouvernement ont été chargés d’une mission d’animation et de contrôle d’un secteur de l’administration.
Mécontent des attributions qui leurs seront spécifiquement données, les trois élus précités demanderont l’annulation de cette délibération devant le TANC en tant qu’elle leur attribue ces compétences et à titre subsidiaire, en tant qu’elle confie des «questions particulières» à des membres du gouvernement.
Le TA, par un jugement du 9 février 2012, rejettera leur requête. Ils interjettent appel de ce jugement, demandant à la Cour de l’annuler et de faire droit à leur demande.
Le président du territoire conclut au rejet de la demande.
Discussion :
1 – Le régime applicable pour l’adoption de ce type de délibérations est celui issu de la loi organique du 19 mars 1999 dans sa version applicable à l’époque des faits.
L’article 130 de cette loi organique précise : « Sous réserve des dispositions de l’article 135, le gouvernement charge chacun de ses membres d’animer et de contrôler un secteur de l’administration par une délibération prise dans les dix jours suivant l’élection des membres du gouvernement. A leur demande, les membres du gouvernement sont entendus par le congrès et sa commission permanente. Par délibération, le gouvernement peut mettre fin aux fonctions d’un de ses membres, sous réserve de l’accord du groupe d’élus qui a présenté la liste sur laquelle il a été élu ; il est alors pourvu au remplacement dans les conditions prévues à l’article 121. Le président du congrès et le haut-commissaire en sont informés. Les recours contre les délibérations visées au présent alinéa sont portés devant le Conseil d’Etat statuant en contentieux. »
Et l’article 135 indique : « Le congrès, à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, pourra autoriser le président du gouvernement à déléguer certaines de ses attributions aux membres du gouvernement. ».
2 – Les appelants invoquent un moyen de légalité externe tiré de ce que plusieurs dispositions du règlement intérieur du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, adopté le 23 juin 2009, auraient été méconnues.
Toutefois, pour que les règles qu’il prescrit soit opposables, encore faut-il que ce document ait été publié. Or, rien ne vient établir qu’il l’ait été. Par ailleurs, le CE a déjà rappelé que le règlement intérieur ne faisait pas partie du « bloc de légalité » (Conclusions sur CE 15 mars 2006, M. D, n° 288390).
Le moyen tiré de la méconnaissance de ce règlement sera écarté.
3 – Ils poursuivent en soutenant que l’examen du texte est entaché de plusieurs vices :
A – Ils expliquent que la convocation qui leur a été adressée en vue de la séance du 16 juin 2011 n’a été signée que le 14 juin 2011 :
Toutefois, à supposer même que cette convocation ne leur aurait été adressée que tardivement, ce qui ne leur a pas permis d’exercer leur « droit utile à l’infirmation ». Mais, si l’article 123 précise que : « L’ordre du jour est adressé à tous les membres du gouvernement et au haut-commissaire dix jours avant la réunion » et s’il n’a effectivement pas été respecté, sa méconnaissance ne nous semble pas suffisante.
En effet, pour qu’un tel moyen acquière une portée utile, encore faut-il qu’il s’agisse d’une délibération sur un texte dont ils ignoreraient la teneur. Or, ils avaient été consultés quelques jours auparavant sur celui-ci, puisque la répartition a été discutée avec chacun des membres. Ce texte n’était donc que la formalisation de ces discussions. Ce moyen, privé de portée utile, pourra être écarté.
B – Ils ajoutent que la convocation n’était accompagnée d’aucun projet de délibération.
Ce moyen ne saurait prospérer puisqu’il ressort du courrier du 14 juin 2011 adressé au premier ministre de la RF, par les membres Calédonie Ensemble du gouvernement de la N-C qu’ils étaient informés de la répartition des secteurs de l’administration, dont ils avaient communiqué la teneur précise à ce dernier.
Ils ne sont donc pas fondés à soutenir que ce défaut justifierait l’annulation de la délibération
Ce moyen sera écarté.
4 – Sur le fond de la demande présentée à titre principal :
A – Ils reprochent au tribunal d’avoir écarté le moyen selon lequel les décisions sont prises dans le cadre d’un consensus et non à la majorité (article 128 de la LO) :
Toutefois, la lecture de ces dispositions ne nous semble pas être une exigence en soi. En effet, la loi organique précise que : « […] Le président du gouvernement recherche prioritairement le consensus avant de faire usage des dispositions de l’article 128.». Par conséquent, s’il n’y parvient pas, comme en l’espèce, il peut faire adopter ces décisions à la majorité, ce que permet l’article 128 de la même loi : « Le gouvernement est chargé collégialement et solidairement des affaires de sa compétence. Ses décisions sont prises à la majorité de ses membres. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante ».
Le principe de collégialité a donc été respecté. Le moyen sera écarté.
D’ailleurs, si vous aviez un doute, force serait de constater qu’il ressort des écritures des appelants que le 1er juin, avait été organisée « une réunion de collégialité » et qu’un entretien a eu lieu le 4 juin entre MM. Z et Y, d’une part, et le président du gouvernement, d’autre part, lequel a notamment porté sur les « principes susceptibles de permettre une répartition des portefeuilles en tenant compte des impératifs constitutionnels ». Cette réunion semble s’être soldée par un refus de la part de M. Z ce qui a été repris par la presse locale.
Un consensus ne semblait donc pas possible, ce qui nous permet d’écarter le moyen.
B – Ils soutiennent que l’article 130 de la loi organique n’a pas été respecté :
Ils insistent sur le fait que chaque membre du gouvernement dispose d’une compétence d’animation et de contrôle sur un secteur de l’administration et que la définition du contenu d’un secteur est une décision susceptible de recours.
Toutefois, les mesures d’organisation du service ne sont pas nécessairement susceptibles de recours contentieux (CE Ass 26 octobre 1956, Ass. Gale des Adm. Civ., Rec 391), y compris lorsqu’elles déterminent une nouvelle répartition des attributions (CE 10 février 1978, Ass. Gale des Adm. Civ., RDP 1979, p. 282), si elles ne portent atteinte à aucune prérogative ou droit. On considère généralement qu’il s’agit d’une mesure de pure opportunité (CE 2 mars 1988, Association nationale des assistants, n° 61520).
De surcroît, vous ne trouvez pas d’élément permettant de suivre l’argumentation des appelants quant au fait de savoir en quoi ils considèrent qu’ils ne se sont pas vus attribuer des « vrais secteurs de l’administration ».
Enfin, comme l’expose Mme E, commissaire du gouvernement sur l’arrêt n° 266754 du Ce du 15 juillet 2004, M. F : « Corrélativement, les membres du gouvernement, qui se voient chacun confier un secteur, disons un portefeuille, n’ont pas le titre de ministre et ne sont pas censés exercer une autorité sur un secteur de l’administration, mais se voient reconnaître un rôle d’animation et de contrôle de ce secteur, que l’on se garde d’assimiler à un département ministériel. […] Les membres du gouvernement n’étant pas vraiment chefs de leur administration comme peut l’être un ministre ».
D’ailleurs, la loi organique ne définit pas le contenu de ces secteurs de l’administration, ce qui laisse une grande marge de manœuvre au gouvernement pour répartir les attributions.
C – Enfin, reproche corolaire du précédent, ils reprochent à la délibération d’avoir regroupé ces secteurs en pôle :
La délibération contestée prévoit en effet que « Les secteurs de l’administration de la Nouvelle-Calédonie, animés et contrôles par les membres du gouvernement, sont regroupés en 9 pôles. Chaque pôle est co-animé par les membres du gouvernement chargés ses secteurs concernés dans le respect de la répartition opérée aux articles 3 à 13 ci-après ».
Ce moyen nous semble avoir peu d’impact, car si la LO, comme le soulignent justement les appelants, ne prévoit pas ce regroupement, il est un regroupement fonctionnel ne dépossédant pas ces derniers des attributions qui leurs sont données permettant d’augmenter la collégialité. Or, ce n’est que dans ce cas que votre censure aurait pu s’exercer.
Le gouvernement est libre de s’administrer dès lors qu’il respecte la loi organique.
D – La délibération serait entachée d’un détournement de pouvoir, dès lors que la répartition des secteurs est un moyen, pour la coalition majoritaire au pouvoir, de faire pression sur les membres du parti politique Calédonie Ensemble.
Toutefois, l’organisation et la répartition des attributions demeure un choix discrétionnaire et il n’appartient pas au juge de s’immiscer dans celle-ci.
Le moyen tiré du détournement de pouvoir pourra être écarté.
Le moyen sera écarté et les conclusions an annulation rejetées.
5 – Il vous reste à examiner les demandes subsidiaires :
C’est-à-dire quant à la possibilité de confier à un membre du gouvernement l’examen de questions particulières :
Cette faculté est offerte au gouvernement dès lors que la loi organique ne l’interdit pas expressément et que cette possibilité entre dans le champ des attributions du gouvernement.
Or, les questions concernant le développement durable et le transfert de compétences de l’ADRAF en application des articles 23 et 83 de la LO entrent bien dans ce cadre.
De plus, s’agissant de l’enseignement supérieur, s’il est exact de dire que la compétence est seulement susceptible d’être transférée au Congrès, rien n’interdit au président du Gouvernement animant l’ensemble de demander que cette question fasse l’objet d’une réflexion préalable.
Ce dernier moyen et ces conclusions pourront être rejetés.
6 – Vous pourrez rejeter les conclusions présentées par les appelants au titre des frais irrépétibles.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.
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Textes cités dans la décision

  1. Loi n° 99-209 du 19 mars 1999
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