CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA02229

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Lyon 5 mars 2009, Harkat, n° 08LY00475
CAA Nantes, 27 juin 2008, Ouasser n° 07NT03095
CAAP 26 novembre 2008, Sassi, n° 08PA01141
CAA Paris, 7 avril 2010, Dechache, n° 08PA00917
CAA Versailles, 26 janvier 2006, PREFET DE LA SEINS SAINT DENIS c/ M. N' A, n° 04VE01467 et 04VE01468
CAA Versailles 5 juin 2009, Yahia, n° 08VE03627
CE 23 juillet 1976, Mini du travail c/ URSSAF du Jura, Rec p. 362
CE 2 avril 2010, Benbrahim, n° 319912
CE Section, 23 novembre 2001, Cie Nat. Air France, n° 195550
CE Section, 6 février 2004, n° 240560

Texte intégral

11PA02229
PREFET DE POLICE c/ M. Z X
Séance du 5 mars 2012
Lecture du 19 mars 2012
CONCLUSIONS de M. Stéphane DEWAILLY, Rapporteur public
Faits :
Le PREFET DE POLICE demande l’annulation du jugement du 31 mars 2011 par lequel le TAP a fait droit à la requête tendant à l’annulation de l’arrêté du 2 septembre 2010 par laquelle il a été procédé au retrait de la carte de résident de M. X, valable jusqu’au 21 décembre 2015. Cet arrêté était assorti d’une OQTF. Le préfet demande en outre que la requête de M. X soit rejetée.
Le préfet de police explique que contrairement à ce qu’a jugé le TA, le retrait du certificat de résidence est motivé par le fait que M. X n’a jamais signalé, en 2006, aux services de la préfecture, que sa communauté de vie avec son épouse avait cessé depuis 2005. Ce comportement révélant son intention d’obtenir une carte de résident par fraude.
Il demande en outre qu’en tout état de cause la cour procède à une substitution de motif si elle devait confirmer le jugement, afin de confirmer la légalité du motif retenu.
Quels sont les faits ayant entraîné le retrait ? M. X, de nationalité algérienne, est entré sur le territoire français le 24 février 2002 et a épousé, le 29 janvier 2005, une ressortissante française. Il a en conséquence obtenu un titre de séjour valable du 8 février 2005 au 7 février 2006, puis il a sollicité une carte de résident d’une validité de 10 ans sur le fondement des stipulations de l’article 7 bis a) de l’accord franco-algérien. Il a obtenu cette carte, le 13 janvier 2006.
Toutefois, le 3 mars 2009, un jugement a prononcé son divorce en raison de la cessation de la communauté de vie entre les époux depuis 2005. Le 10 mars 2010, M. X a demandé la modification de l’adresse figurant sur son certificat de résidence, ce qui eut pour effet d’informer les services de la préfecture de son divorce. La préfecture l’informa que du fait que le motif de la délivrance de cette carte de résident avait disparu, sa carte pourrait lui être retirée et l’invita à formuler des observations.
L’intimé conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de l’Etat une somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles.
Discussion :
1 – Le PREFET DE POLICE soutient que la carte de résident pourrait lui être retirée du fait qu’il a sollicité une carte en se fondant sur les stipulations de l’article 7 bis a) de l’accord franco-algérien, alors qu’il avait caché à l’administration la rupture de la vie commune avec son épouse. Ce motif suffisant pour justifier le retrait, il demande qu’il soit substitué à la motivation initiale.
Cette motivation initiale ne reposait que sur le motif d’une trop courte communauté de vie et d’un divorce prononcé en mars 2009.
Rappelons que lorsque l’administration s’est fondée sur un motif erroné, en droit ou en fait, elle peut reprendre la même décision, sans violer l’autorité de chose jugée, dès lors qu’elle ne méconnaît pas les motifs qui sont le support nécessaire du jugement d’annulation (voir par exemple sur ce point P. Weil, «Les conséquences de l’annulation d’un acte administratif pour excès de pouvoir», 1952 p. 38).
C’est la raison pour laquelle le juge administratif a considéré pouvoir substituer au motif sur lequel s’est fondé l’autorité administrative un autre motif de droit ou de fait relatif au même manquement, sous les conditions que cette substitution ait été demandée par ladite autorité lors de l’instruction de l’affaire, que la personne sanctionnée bénéficie des mêmes garanties de procédure et que la décision du juge ne conduise pas à aggraver la sanction infligée. Ceci limitant la substitution à l’hypothèse d’un RPC (CE Section, 23 novembre 2001, Cie Nat. Air France, n° 195550).
Cependant, par une seconde décision HALLAL (CE Section, 6 février 2004, n° 240560), le CE a rappelé, abandonnant sa jurisprudence antérieure (CE 23 juillet 1976, Mini du travail c/ URSSAF du Jura, Rec p. 362), que l’administration peut aussi, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l’excès de pouvoir que la décision dont l’annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, ou fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l’auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d’apprécier s’il résulte de l’instruction que l’administration aurait pris la même décision si elle s’était fondée initialement sur ce motif. Dans l’affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué.
Toutefois, vous n’acceptez de substituer utilement le motif que si vous vous trouvez dans l’hypothèse où la substitution permettra de « sauver » la décision attaquée, c’est-à-dire de ne pas annuler une décision qui, sans l’erreur commise par l’administration dans le choix du juste motif, serait parfaitement légale. Cependant, vous le faites toujours sous quelques réserves de droit ou de fait.
En droit, vous le refusez lorsqu’en tout état de cause le motif avancé n’est pas de nature à justifier légalement la décision.
En fait, vous le jugez lorsqu’au vu des pièces du dossier et des justifications apportées par l’administration, le motif avancé n’apparaît pas suffisamment certain et nécessiterait que vous vous livriez à une nouvelle instruction portant sur ce nouveau motif.
Enfin et en toute situation, alors même que le motif apparaîtrait relativement étayé et serait de nature à fonder la décision, vous pouvez juger qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, puisqu’il ne s’agit toujours que d’une possibilité pour le juge, pas d’une obligation.
2 – Il vous faut donc apprécier ce nouveau motif, ce qui nous amène à préciser le régime du retrait de titre de séjour.
En l’espèce, rappelons que le Conseil d’État a considéré que les dispositions de l’article L. 314-5-1 du CESEDa ne s’appliquaient pas aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l’accord franco-tunisien modifié au motif que cet article renvoie expressément et exclusivement aux cartes de résident délivrées sur le fondement de l’article L. 314-9 du CESEDa dont le régime est différent de celui des cartes de résident délivrées de plein droit aux conjoints tunisiens de ressortissants français mariés depuis au moins un an (CE 2 avril 2010, Benbrahim, n° 319912).
Dès lors, pour les algériens, ce régime général ne s’applique pas non plus parce que là encore le régime de la carte de résident est différent (implicitement : CAA Paris, 7 avril 2010, Dechache, n° 08PA00917).
Par conséquent, la rupture de la vie commune et l’intervention d’un divorce ne sont pas des motifs suffisants. Il importe que l’administration établisse que le mariage n’a été conclu que dans le but d’obtenir un titre de séjour (CAAP 26 novembre 2008, Sassi, n° 08PA01141 ; CAA Versailles 5 juin 2009, Yahia, n° 08VE03627) et qu’ainsi la fraude est avérée (Voir CAA Nantes, 27 juin 2008, Ouasser n° 07NT03095 et en sens contraire, l’épouse s’étant rétractée CAA Lyon 5 mars 2009, Harkat, n° 08LY00475).
Cependant, vous avez admis que le préfet de police puisse procéder au retrait du titre de séjour d’un Algérien qui avait dissimulé qu’il était séparé de son épouse française depuis mai 2005, alors que sa carte lui avait été délivrée en juillet 2005, en application de son pouvoir général de retrait des décisions individuelles illégales obtenues par fraude (CAA Paris, 7 avril 2010, Dechache, préc.).
Or, c’est bien notre hypothèse. Si la communauté de vie de M. X ne peut servir les desseins du préfet, en revanche, vous pourrez admettre que la situation matrimoniale de ce dernier, dont le préfet a été informé fortuitement et dont la relation n’est pas contestée par l’intimé, est de nature à justifier le retrait de la carte de résident octroyée sur le fondement des stipulations de l’article 7 bis a) de l’accord franco-algérien.
Cette demande de substitution a été communiquée à l’intimé du fait de la communication du mémoire la contenant.
Vous pourrez donc procéder à la substitution demandée dès lors que ce seul motif serait de nature à rendre légal ce retrait et qu’elle ne prive pas le requérant d’une garantie procédurale liée au motif substitué.
3 – Toutefois, ce faisant vous devrez par l’effet dévolutif de l’appel examiner les autres moyens.
A – L’intimé soutient que l’arrêté n’est pas suffisamment motivé. Toutefois, vous constaterez que l’arrêté querellé comporte des éléments de fait et de droit qui en constituent le support nécessaire.
Ce moyen sera écarté.
B – De surcroît, si l’intimé soutient que cet arrêté méconnaît la présomption d’innocence, un tel moyen est inopérant dès lors que l’arrêté n’est pas fondé sur une menace à l’ordre public et en tout état de cause alors que l’indication selon laquelle il n’a pas informé l’administration de sa situation ne motive pas l’arrêté fondé plutôt sur la rupture de la vie commune antérieure à la délivrance du titre (CAA Versailles, 26 janvier 2006, PREFET DE LA SEINS SAINT DENIS c/ M. N’A, n° 04VE01467 et 04VE01468).
C – Il soutient encore que le préfet a commis une erreur manifeste d’appréciation du fait de son intégration et de l’activité professionnelle qu’il exerce depuis novembre 2007. Toutefois, ces éléments sont sans incidence sur la légalité du retrait motivé par l’absence de vie commune avec une ressortissante française depuis 2005.
Ce dernier moyen sera écarté et les conclusions en annulation rejetées.
PCMNC à l’annulation du jugement du TAP du 31 mars 2011 et au rejet de la requête de M. X dans toutes ses conclusions.
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