CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA03683

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, 12 mai 1982, Société des travaux publics et bâtiments THEG n° 23340
CE, 16 déc. 2009, Société SPIE SCGPM, req. n° 30177
CE, 19 avril 1974, Société " Entreprise Louis Segrette " et a., req. n° s 82518
CE, 25 novembre 1988, SA Bergeron-Geoffroy et Société TNEE n° 38198
CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req. n° 270772
CE, 29 mai 1991, EPA de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines n° 92551
CE 30 novembre 1990, n° 53636
CE 5 juin 2013, Région Haute Normandie, n° 352917

Texte intégral

11PA03683
Société Colas c/ ministre de la défense
Audience du 23 septembre 2013
Lecture du 14 octobre 2013
CONCLUSIONS de M. Stéphane Dewailly, Rapporteur public
Faits :
La société Colas s’est vue attribuer, le 1er juin 2005, par le ministère de la défense, un marché à prix forfaitaire ayant pour objet, la construction d’un bâtiment destiné à l’escadron de chasse « EC 04/033 » de la base aérienne 188, située sur l’île de Djibouti. Le montant initial du marché, réparti dans deux monnaies, était de 543.500.000 FDJ et de 2.749.942,15 euros.
Les travaux seront commencés, puis, par un OS du 22 octobre 2005, ajournés pour insuffisance des crédits de paiement. Le chantier reprendra le 1er mai 2006.
Pour la période d’ajournement, la société Colas présentera, le 2 août 2006, un mémoire en réclamation tendant à obtenir l’indemnisation des différents préjudices induits par cet ajournement imposé par le maître de l’ouvrage, finalement arrêtée à la somme de 832.951,22 euros.
Le ministère de la défense rejettera cette demande.
La société Colas saisira alors le TAP, dans le cadre d’un référé provision, et obtiendra une provision de 165.374 euros par une ordonnance du 20 mars 2009, puis sur le fond, une somme complémentaire de 4.725,06 euros par un jugement du 7 juin 2011.
La société Colas interjette appel de ce jugement, demandant à la Cour de l’annuler en tant qu’il a fait partiellement droit à sa demande et de lui accorder une indemnité de 709.109,44 euros, majorée des intérêts moratoires et de l’anatocisme.
Discussion :
1 – Sur la régularité du jugement :
La société Colas fait grief au jugement d’avoir énoncé qu’elle n’établissait, ni n’alléguait, avoir engagé des frais financiers afférents aux commandes engagées.
Vous noterez que la société Colas ne produit aucun document établissant ces frais financiers. Dans ces conditions, vous ne pourrez considérer que le tribunal a pu entacher son jugement d’une insuffisance de motivation, même s’il a affirmé un peu rapidement qu’elle n’alléguait pas avoir engagé des frais financiers, alors qu’il examinait le moyen.
Ce moyen sera écarté. Le jugement est donc régulier.
2 – Sur le bien-fondé du jugement :
A – Rappelons que l’administration est tenue d’indemniser les conséquences dommageables de ses décisions lorsqu’elles ont un impact sur le calendrier d’exécution des travaux. L’article 48-1 du CCAG travaux le rappelle d’ailleurs : « L’ajournement des travaux peut être décidé. Il est alors procédé, suivant les modalités indiquées à l’article 12, à la constatation des ouvrages et parties d’ouvrages exécutées et des matériaux approvisionnés. L’entrepreneur qui conserve la garde du chantier a droit à être indemnisé des frais que lui impose cette garde et préjudice qu’il aura éventuellement subi du fait de l’ajournement (…) ».
Il peut s’agir, par exemple, de l’émission tardive de l’ordre de commencer les travaux (CE, 29 mai 1991, EPA de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines n° 92551), de modifications apportées au calendrier des opérations ou de retard à prendre des décisions qui conditionnent la poursuite des travaux (CE, 12 mai 1982, Société des travaux publics et bâtiments THEG n° 23340 ; CE, 25 novembre 1988, SA Bergeron-Geoffroy et Société TNEE n° 38198).
Il ressort de la jurisprudence qu’en telle hypothèse, doivent être pris en compte au titre des surcoûts engendrés par l’allongement de la durée du chantier, les modifications de nature à altérer le contenu du contrat (CE 30 novembre 1990, n° 53636, Société Coignet Entreprise) ainsi :
- les dépenses supplémentaires d’encadrement et de main d’œuvre de la société (CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req. n° 270772),
- les dépenses supplémentaires d’immobilisation du matériel à la condition qu’elles soient « justifiées de manière précise » (CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req. n° 270772),
- les dépenses supplémentaires d’énergie et de consommables (CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req. n° 270772),
- les frais financiers (CE, 19 avril 1974, Société « Entreprise Louis Segrette » et a., req. n°s 82518, […]
- les frais généraux supportés par l’entreprise durant la période (CE, 26 mars 2008, Société SPIE Batignolles, req. n° 270772 ; CE, 16 déc. 2009, Société SPIE SCGPM, req. n° 30177).
Qu’il s’agisse d’un marché à prix forfaitaire ou non (CE 5 juin 2013, Région Haute Normandie, n° 352917).
B – Dans cette affaire, le motif de l’ajournement des travaux invoqué est l’indisponibilité des crédits de paiement, cette décision, prise conformément aux stipulations de l’article 48-1 du CCAG travaux, justifie donc l’indemnisation du préjudice subi par la société dont les grandes lignes ont été rappelées précédemment.
a- Elle invoque un préjudice lié au coût d’immobilisation des matériaux stockés sur le chantier qu’elle évalue à la somme de 10.520.498 FDJ :
Pour ce préjudice, l’Etat lui a déjà versé une somme de 3.416.263 FDJ. Vous aurez donc à ne statuer que sur la différence entre ces deux sommes.
La jurisprudence et notamment la décision du CE du 19 avril 1974, Sté « entreprise Louis Segrette » précitée, ne semble pas permettre de faire droit à cette demande, parce que le fondement de celle-ci n’est pas établi. Notamment elle ne démontre pas avoir commandé les matériels en cause, ni même avoir du recourir à l’emprunt pour ce faire ou encore qu’elles se sont dépréciées avec le temps, à supposer d’ailleurs que vous puissiez considérer que le lien entre le coût financier et l’ajournement du chantier soit établi.
Ce premier préjudice sera donc écarté.
b- Elle invoque aussi le préjudice lié au non-amortissement des frais fixes qu’elle chiffre à 17,5 % :
Cette évaluation résulte d’une extrapolation, vous explique-t-elle par rapport à des marchés comparables.
Toutefois, elle ne démontre pas avoir subi ici un préjudice distinct de celui qui a déjà été réparé par l’indemnité servie à hauteur de 11.643.839 FDJ au titre des intérêts moratoires.
Ce second préjudice sera écarté.
c- Elle invoque enfin l’absence de régularisation du prix du marché :
Elle soutient, en partie contradictoirement avec sa demande d’indemnité pour les matières stockées et les éléments établissant la nécessité de faire garder les matériaux, qu’elle a dû supporter un surcoût, lié à l’ajournement, correspond à l’augmentation du prix des matériaux et autres fournitures à raison de l’évolution de l’indice BT 01. Toutefois, elle ne produit aucun document établissant le renchérissement des prix des matériaux sur cette période de 191 jours.
Dans ces conditions, faute d’éléments précis, vous n’êtes pas à même d’apprécier la portée de ce dernier chef de préjudice. Vous pourrez donc l’écarter et rejeter la requête de la société Colas.
3 – Dans les circonstances de l’espèce, vous ne pourrez que rejeter la demande de frais irrépétibles de la société Colas partie qui succombe à l’instance.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.
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