CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 11PA03021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Marseille, 20 avril 2010, M. A, req n° 08MA01974
CE 20 juin 1958, B, Rec p. 368
CE, 24 janvier 1936, Sieur Montabre, Rec. p. 107
CE 24 juillet 1981, Commune de Morvillars, Rec. T p. 795
CE 2 juin 1989, Collier, req n° 70084
CE 4 mai 1962
CE 9 juillet 1965, Pouzenc, Rec p. 421
CE 9 juin 1978, Lebon, Rec p. 245

Texte intégral

[…]
Société France Télécom c/ M. C X
Audience du 16 janvier 2012
Lecture du 13 avril 2012
CONCLUSIONS de M. Dewailly, Rapporteur public
Faits : M. X, fonctionnaire de France Télécom, a, du 1er juin 2002 au 31 août 2006, été mis à disposition de la SAS Globecast, filiale de France Télécom.
Puis, à compter du 1er septembre 2006, il a été détaché au sein de cette société pour y exercer des fonctions de technicien au centre support « produits-réseaux ». Il deviendra délégué syndical adjoint du syndicat sud et deviendra membre suppléant du comité d’entreprise.
Durant cette période, la société Globecast a été informée d’une plainte déposée par Mme Y, chef de projet du groupe France Télécom, contre M. X pour harcèlement. Elle lui reprochait l’envoi de 2600 courriels à caractère indécent et pornographique sur sa messagerie professionnelle.
La société Globecast, estimant que les faits portés à sa connaissance étaient de nature à justifier une mesure de licenciement, a demandé à l’inspection du travail, l’autorisation de licencier M. X.
Par une décision du 3 juin 2007, confirmée le 3 janvier 2008 par le ministre du travail des relations sociales et de la solidarité, l’inspecteur du travail de la 22e section des Hauts-de-Seine a autorisé le licenciement pour faute de M. X.
Le Tribunal administratif de Versailles, puis la Cour administrative d’appel de Versailles ont, par des décisions rendues les 20 mai 2009 et 22 juin 2010, rejeté les recours de M. X tendant à l’annulation de ces décisions.
Ayant été licencié de la société, il fut réintégré au sein du service de communication entreprises (SCE) de France Télécom à compter du 11 juillet 2007. Il sera suspendu de ses fonctions à compter du 26 juillet suivant, FT décidant de réunir la commission de discipline en vue de le révoquer, le 8 avril 2008.
Après cette réunion, le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi a, par arrêté du 13 novembre 2008, prononcé la révocation de M. X en le motivant par « envoi à une salariée de l’entreprise d’un grand nombre de courriers électroniques à caractère pornographique, pouvant être considéré comme du harcèlement sexuel, avec utilisation des outils professionnels mis à disposition par l’employeur ». M. X a saisi le TAP d’une requête tendant à l’annulation de cet arrêté. Il y a été fait droit par un jugement en date du 23 juin 2011. Le TAP a considéré que la sanction était disproportionnée.
C’est de ce jugement dont il est fait appel devant la Cour. FT vous demande d’en prononcer l’annulation et de prononcé le sursis à l’exécution de celui-ci. FT vous demande enfin de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
Discussion :
1 – Les dispositions combinées des articles article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et 29-2 de la loi du 2 juillet 1990 permettent à la société FT de prononcer à l’encontre des fonctionnaires qu’elle emploie des sanctions.
En l’espèce, Ft considère que la sanction infligée à M. X n’est pas disproportionnée par rapport aux faits reprochés pour lesquels il a été licencié par la société Globecast.
Toutefois, même si les faits reprochés à M. X sont inadmissibles s’agissant d’un agent de l’administration, constituent-ils des faits justifiant une révocation.
Vous noterez que les faits se sont déroulés entre deux personnes appartenant à l’époque des faits au même groupe mais dans des entreprises différentes, dans un cadre privé, même s’il s’est agi d’utiliser du matériel professionnel et les messageries professionnelles.
Vous noterez de surcroît, qu’il n’existe aucun lien de subordination, ni de relation de travail entre les protagonistes.
Il n’est pas démontré que ce comportement inacceptable ait eu des conséquences sur le fonctionnement du service, M. X n’ayant en outre fait l’objet d’aucune poursuite pénale.
Vous noterez cependant le caractère répétitif et obsessionnel de ces envois.
2 – Pour autant, la jurisprudence ne nous semble pas systématiquement considérer que la révocation est justifiée, en telle hypothèse. Bien évidemment, si les gestes, exercés par une personne ayant autorité sur un mineur, sont considérés comme des attouchements, la sanction de révocation se justifie (CE 9 juin 1978, Lebon, Rec p. 245 pour un instituteur).
Toutefois, la jurisprudence considère que la sanction de l’exclusion temporaire de fonctions est adaptée, alors pourtant que le comportement s’est accompagné de gestes déplacés présentant le caractère d’une contrainte (CAA Marseille, 20 avril 2010, M. A, req n° 08MA01974 ; gestes déplacés à l’égard de trois étudiantes et appels réitérés à l’encontre d’une d’entre elle malgré un désaccord manifeste). Elle estime ensuite que comme en matière pénale, le fonctionnaire ne peut être poursuivi qu’une seule fois pour un même fait (CE, 24 janvier 1936, Sieur Montabre, Rec. p. 107 ; CE 4 mai 1962, Lacombe, Rec. p. 300 ; CE 30 juin 1993, CPAM de la région dieppoise, Ausina et a., Rec. p. 188). Lorsqu’un agent occupe plusieurs fonctions, la sanction qu’il subit pour une faute commise à l’une d’entre elles, ne peut être étendue aux autres fonctions (CE 24 juillet 1981, Commune de Morvillars, Rec. T p. 795). Il ne ressort pas des pièces du dossier que l’infliction d’une nouvelle sanction constitue une méconnaissance de cette règle du non bis in idem.
Les faits reprochés à M. X doivent, en tout état de cause, être rattachés à un manquement à une obligation professionnelle. Or, si vous retenez le manquement à l’obligation de réserve qui semble bien être l’un des fondements légaux de la sanction, force est de constater que n’est sanctionné sévèrement que les manifestations susceptibles de créer un climat nuisible à l’efficacité de l’administration, c’est-à-dire « extériorisées dans le service » (CE 9 juillet 1965, Pouzenc, Rec p. 421 ; CE 2 juin 1989, Collier, req n° 70084). Or, aucune manifestation de cette nature n’a été établie. Par ailleurs, ce qui est sanctionné ce sont les agissements commis hors du service –si vous suivez les explications de M. X- de nature à jeter la déconsidération sur l’administration (CE 20 juin 1958, B, Rec p. 368). Là encore, rien ne vient l’établir.
Ce qui l’est en revanche, c’est le comportement contraire aux bonnes mœurs vis-à-vis d’un autre salarié du groupe. Ce comportement est de nature à justifier une sanction, mais nous proposons de considérer que la sanction de révocation est manifestement disproportionnée et nous vous proposons de l’annuler.
Dès lors, vous pourrez rejeter la requête de FT.
3 – Vous pourrez prononcer le non lieu à statuer sur la requête n° 11PA03022 aux fons de sursis à exécution du jugement de première instance.
4 – Enfin, vous pourrez mettre à la charge de FT une somme de 2.000 euros dans cette instance.
PCMNC au rejet de la requête n° 11PA03021, au non lieu à statuer sur la requête 11PA03022 et à ce que soit mis à la charge de FT une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.
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Textes cités dans la décision

  1. Loi n°90-568 du 2 juillet 1990
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