CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 02PA01083

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CAA Paris, 18 juin 2002, Mme Z, n° 02-715
CAA Paris, 25 mars 2003, M. B, n° 99PA02171
CAA Paris, 30 juin 2004, M. A, n° 00-1590
CAA Paris, 31 décembre 2002, ministre de l' éducation nationale, n° 99-4076
CAA paris, 7 novembre 2000, Ministre de l' éducation nationale, n° 99-1321
CE, Ministre de la santé c/ Payan, 28 avril 2004, n° 260286

Texte intégral

Arrêt n° 02PA01083
Lecture du 06/12/2005 M. X
Conclusions de M. C D
Un fonctionnaire de l’Etat ne peut rester affecté durablement dans un TOM, sauf s’il y possède le centre de ses intérêts matériels et moraux : cette règle, contenue dans un décret du 26 novembre 1996 dont la légalité a été confirmée par le CE dans une décision du 16 février 2000, Moschetto. Elle est au cœur du litige qui vous est soumis. M. X est secrétaire administratif au ministère de la défense.
En 1994, il a été affecté en Polynésie française pour trois ans, en qualité de régisseur d’avances et de recettes à la direction du commissariat de la marine à Papeete. Puis, en 1997, cette affectation a fait l’objet d’une prolongation de trois ans, jusqu’au 21 novembre 2000.
En 1999 , l’intéressé a demandé, dans le but de rester en Polynésie française, que l’administration reconnaisse le transfert du centre de ses intérêts matériels et moraux dans ce territoire d’outre-mer. Mais cette demande a été rejetée, le requérant s’est désisté d’une requête formée devant le TA de Papeete . A la suite de quoi le commandant supérieur des forces armées en PF a confirmé la réaffectation de M. X en métropole à compter du 21 novembre 2000. Le TA de Papeete, saisi par ce dernier, a confirmé la légalité de cette réaffectation, par un jugement du 13 mars 2001.
Mais il se trouve que M. X a été, entre-temps, victime d’un accident du travail (il a chuté dans un escalier de la direction du commissariat de la marine de Papeete), si bien qu’il a été placé en congé de maladie entre le 17 novembre 2000 et le 15 janvier 2001, soit pendant la période au cours de laquelle il aurait dû regagner son nouveau poste, situé au sein de la circonscription militaire d’Ile-de-France. La mise en congé administratif, préalable au retour en métropole, a ainsi été différée. Mais dès le retour de congé de M. X, l’administration a confirmé la décision d’affectation en Ile-de-France, à plusieurs reprises ( 20 mars 2001, 27 mars 2001). M. X a une nouvelle fois saisi le TA de Papeete afin d’obtenir l’annulation de toutes ces décisions, au motif, notamment, qu’ayant transféré le centre de ses intérêts moraux et matériels en PF, il ne pouvait pas faire l’objet d’une réaffectation en métropole.
Cette fois, le TA lui a donné satisfaction, par un jugement du 28 décembre 2001. Il s’est en effet fondé sur les dispositions du deuxième alinéa de l’article 1er du décret du 26 novembre 1996 relatif à la situation des fonctionnaires de l’Etat dans les TOM, selon lesquelles les personnels dont le centre des intérêts moraux et matériels se situe dans le territoire où ils exercent leurs fonctions ne sont pas concernés par l’obligation de regagner la métropole au terme d’un certain nombre d’années d’affectation dans un territoire d’outre-mer. Or, selon le TA, M. X avait bien transféré le centre de ses intérêts en PF. Les décisions d’affectation en métropole contestées par l’intéressé ont donc été annulées.
Vous êtes saisis aujourd’hui d’un recours du ministre de la défense qui vous demande d’annuler ce jugement.
Il critique d’abord la compétence territoriale que s’est reconnue le TA de Papeete, en invoquant les dispositions de l’article R. 312-12 du code de justice administrative selon lesquelles « si une décision prononce une nomination ou entraîne un changement d’affectation, la compétence du tribunal est déterminée par le lieu de la nouvelle affectation ». Il est vrai que les décisions administratives contestées correspondent à des décisions d’affectation, par conséquent le TA de Papeete n’était pas compétent, même en cas d’illégalité de ces décisions : l’examen de la compétence précède naturellement l’examen du fond d’un litige. Le TA de Papeete aurait dû faire usage de la procédure de renvoi prévue à l’article R. 351-3. Mais, peu importe, puisque l’article R. 312-2 du CJA dispose que « Lorsqu’il n’a pas été fait application de la procédure de renvoi et que le moyen tiré de l’incompétence territoriale du TA n’a pas été invoqué par les parties avant la clôture de l’instruction de première instance, ce moyen ne peut plus être ultérieurement soulevé par les parties ou relevé d’office par le juge d’appel ou de cassation ». ( cf CE, Ministre de la santé c/ Payan, 28 avril 2004, n° 260286).
Sur le fond, et pour apprécier si M. X avait ou non transféré le centre de ses intérêts en PF avant que sa réaffectation en métropole soit décidée, il faut se référer à la méthode dite du faisceau d’indices préconisée par le CE dans un avis du 7 avril 1981 : « Pour apprécier où se trouve le centre des intérêts d’un fonctionnaire, il peut être tenu compte du lieu de résidence des membres de sa famille, de leur degré de parenté avec lui, de leur âge, de leurs activités, et le cas échéant, de leur état de santé, ainsi que du lieu où le fonctionnaire est, soit propriétaire ou locataire de biens fonciers, soit titulaire de comptes bancaires, de comptes d’épargne ou de comptes postaux, et de la commune où il paye certains impôts, en particulier l’impôt sur le revenu. D’autres éléments d’appréciation peuvent être retenus parmi lesquels le lieu de naissance de l’agent, son domicile civil avant son entrée dans l’administration, les affectations professionnelles ou administratives qui ont précédé son affectation actuelle, son lieu d’inscription sur les listes électorales ».
La jurisprudence est particulièrement nuancée et fonction des circonstances de chaque espèce. En particulier la jurisprudence de votre cour. Vous avez à plusieurs reprises admis le transfert des intérêts matériels et moraux d’un agent affecté dans un TOM : CAA Paris, 18 juin 2002, Mme Z, n° 02-715 : agent juste divorcé avant son départ de métropole, dont les parents se sont installés outre-mer et qui vit avec son fils dans le TOM ; CAA paris, 7 novembre 2000, Ministre de l’éducation nationale, n° 99-1321 : agent ayant rejoint son époux, affecté dans un TOM, dans le cadre d’un congé parental, avec naissance d’un deuxième enfant, installation de l’époux, médecin retraité de l’administration, en libéral. La requérante avait été recrutée sur place et n’avait jamais bénéficié des avantages accordés aux expatriés. ; ou encore CAA Paris, 31 décembre 2002, ministre de l’éducation nationale, n° 99-4076 : il s’agissait d’agents installés outre-mer avant leur recrutement, privés par conséquent du bénéfice de l’indemnité d’éloignement. Achat de leur résidence principale et naissance de 2 enfants.
En revanche, l’achat d’un bien immobilier dans le TOM, même accompagné de la vente d’un autre bien en métropole, ne suffit pas nécessairement pour admettre un transfert du centre des intérêts dans le TOM, de même que l’installation du conjoint, y compris avec une activité professionnelle, comme le montrent différentes décisions de votre cour : CAA Paris, 30 juin 2004, M. A, n° 00-1590 ; CAA Paris, 25 mars 2003, M. B, n° 99PA02171). La perception, par l’agent, de l’indemnité d’éloignement joue également en sa défaveur, puisque s’il a transféré ses intérêts outre-mer, il n’a pas à percevoir des sommes compensant l’éloignement avec la métropole.
En l’espèce, les éléments relevés par le TA font plutôt pencher la balance en faveur de la thèse du requérant, càd du transfert des intérêts en PF. En effet, outre que le grand-père de M. X s’était déjà installé en 1852 en PF, où il avait épousé une polynésienne, le requérant a passé sa période de congé administratif, en 1997, en Allemagne et non pas en métropole. Il a vendu sa résidence principale en région parisienne et a acquis une résidence en PF. Sa femme et ses deux enfants sont venus le rejoindre. Ses parents sont décédés, et il n’a donc plus de famille proche en métropole. Il a également vendu le dernier bien qu’il possédait en métropole ( une Z en Charente-maritime), et s’est engagé dans la vie associative locale. L’une de ses filles a épousé un polynésien. Il a renoncé au versement de la deuxième fraction de l’indemnité d’éloignement.
Certes, comme le fait remarquer le ministre, certains de ces faits précèdent de peu la date d’expiration de la période d’affectation prévue en PF. Mais la notion de transfert du centre des intérêts autorise un transfert au cours de la période d’affectation et certains choix du requérant sont, à l’inverse, antérieurs au décret de 1996, texte qui a pour la première fois imposé la limitation dans le temps de l’affectation des fonctionnaires dans les TOM. Par ailleurs, les déboires professionnels de Mme X au cours des années récentes, et postérieures aux décisions attaquées, déboires invoqués par l’administration sont sans incidence sur la légalité de ces décisions. De même d’ailleurs que les modalités juridiquement un peu douteuses de l’achat immobilier réalisé par le requérant en PF.( il s’agit en fait d’achats de parts d’une SCI dirigée par son époux).
Au total, nous vous proposons donc de confirmer le jugement.
Rejet du recours du ministre.

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