CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 00PA02584

  • Police·
  • Ordre des avocats·
  • Étranger·
  • Bâtonnier·
  • Conseil·
  • Assistance·
  • Recours gracieux·
  • Confidentialité·
  • Maintien·
  • Téléphone

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, 150827, 30 novembre 1994, M. X et CE, 82797, 20 juin 1990, C D.

Sur les parties

Texte intégral

4e CHAMBRE A
PRESIDENT : G-PIERRE JOUGUELET
RAPPORTEUR : BERNARD EVEN
COMMISSAIRE DU GOUVERNEMENT : Y Z ***
AUDIENCE : MARDI 20 MARS 2001
LECTURE : 3 AVRIL 2001 ***
AFFAIRE : n ° 00PA02584
MINISTRE DE L’INTERIEUR
C / Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris, ( Me Simon FOREMAN, cabinet E-F) *c / jugement du 21 juin 2000 du tribunal administratif de Paris ***
CONCLUSIONS
La rétention administrative des étrangers est organisée par l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 issu de la loi du 29 octobre 1981, dite loi Questiaux, article qui a été modifié à chacune des modifications de l’ordonnance du 2 novembre 1945.
Cet article, dans sa rédaction applicable en l’espèce, c’est-à-dire dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, commence par énumérer les cas où l’exécution d’une décision ordonnant l’éloignement d’un étranger du territoire français peut conduire, sous réserve que l’étranger ne puisse quitter immédiatement le territoire français et qu’il y ait nécessité, à maintenir l’intéressé dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, pendant le temps strictement nécessaire à son départ.
Dans cette hypothèse, l’étranger en instance d’éloignement doit avoir fait l’objet
- soit d’une décision de remise aux autorités compétentes d’un Etat membre de la Communauté économique européenne en application de l’article 33 de la même ordonnance ;
- soit d’un arrêté d’expulsion ;
- soit d’un arrêté de reconduite à la frontière ;
- ou bien, il faut que l’étranger ait fait l’objet d’une décision de maintien en rétention au titre de l’un des trois cas précédents et n’ait pas déféré à la mesure d’éloignement prise à son encontre dans un délai de sept jours suivant le terme du maintien initial.
*Après la délimitation de son champ d’application, l’article 35 bis définit les droits de l’étranger placé en rétention.
Comme vous le savez, le législateur et le gouvernement ont pris en compte les dénonciations légitimes des conditions de maintien des étrangers dans les centres de rétention en votant ou adoptant des textes organisant la protection des droits de ces personnes et assurant l’effectivité des droits ainsi garantis.
Un effort réel pour un retour vers un état de droit a été fourni. Cependant, des textes sont encore en préparation : c’est le cas du projet de décret relatif aux centres et locaux de rétention administrative sur lequel l’assemblée plénière de la Commission nationale consultative des droits de l’homme a émis un avis le 2 mars 2000, avis que le Dictionnaire permanent du droit des étrangers reproduit. Le projet de décret a ensuite été soumis au Conseil d’Etat le 26 septembre dernier.
Il reste aussi à veiller à l’application concrète de ces textes.
*Au nombre des droits de l’étranger maintenu en rétention administrative d’ores et déjà reconnus, figure son droit à bénéficier de l’assistance d’un conseil.
L’avant-dernier alinéa de l’article 35 bis prévoit que l’intéressé est informé de la possibilité que la loi lui donne de demander l’assistance, en particulier, d’un conseil “ au moment de la notification de la décision de maintien”. Cet article ajoute que “mention en est faite sur le registre … émargé par l’intéressé".
Il s’agit du registre qui, conformément à l’article 35 bis, doit être tenu, dans tous les locaux recevant des personnes maintenues en rétention administrative, et qui mentionne l’état civil de ces personnes ainsi que les conditions de leur maintien. L’article 35 bis prévoit que le président du tribunal de grande instance ou le magistrat du siège délégué par lui, qui est obligatoirement saisi une fois écoulé un délai de quarante-huit heures depuis la décision de maintien en rétention, s’assure, d’après les mentions portées sur ce registre, que l’intéressé a été, au moment de la notification de la décision de maintien, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir. Par ailleurs, pendant toute la durée du maintien en rétention, le procureur de la République peut se faire communiquer ce registre.
La loi du 11 mai 1998 a apporté deux modifications à l’avant-dernier alinéa de l’article 35 bis.
Alors qu’antérieurement, le texte précisait que l’intéressé avait la faculté de demander l’assistance d’un conseil pendant toute la durée du maintien en rétention administrative, le texte modifié insiste sur le fait que cette demande peut être faite “dès le début du maintien”.
La deuxième modification consiste en un ajout : l’intéressé “peut, le cas échéant, bénéficier de l’aide juridictionnelle”. Cette seconde modification apportée par la loi du 11 mai 1998 insiste sur le bénéfice de l’aide juridictionnelle que la loi du 10 juillet 1991 avait déjà accordé, en particulier, à l’étranger en instance d’éloignement maintenu en rétention administrative.
On voit bien que ces deux modifications répondent au souci de permettre à l’étranger d’exercer effectivement son droit à l’assistance d’un conseil. D’une part, sans que ni l’insuffisance de ses ressources ni la rareté des avocats spontanément intéressés à la défense des étrangers y fassent obstacle, d’autre part, le plus tôt possible, afin de bénéficier de cette assistance en temps utile.
*** ** Dès le 7 mai 1998, le Bâtonnier du Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris fait connaître au Préfet de police la décision que l’Ordre a prise pour organiser l’intervention des avocats du Barreau de Paris au Centre de rétention de Vincennes. L’Ordre a décidé de mettre en place, à titre expérimental, une permanence d’avocats, qui, à la demande des étrangers maintenus en rétention administrative, se déplaceraient au Centre de Vincennes.
Le Bâtonnier demande au Préfet de Police de lui donner son accord sur les modalités d’organisation de cette permanence d’avocats qu’elle lui expose :
- 1) le Bâtonnier envisage d’organiser une permanence sur place, dans les locaux mêmes du Centre de rétention administrative de Vincennes, permanence juridique qui serait assurée, chaque jour, de 14 à 17 h, par une équipe de deux avocats ;
- 2) le Bâtonnier donne ensuite un numéro de téléphone permettant aux étrangers maintenus en rétention administrative de s’inscrire en vue d’une consultation pour la prochaine permanence d’avocats. Elle demande que ce numéro de téléphone soit porté à la connaissance des retenus, notamment par un affichage dans chaque chambre et dans les espaces de vie commune, ainsi que par une mention dans les notifications de placement en rétention.
- 3 ) Enfin, le Bâtonnier présente une exigence en matière d’aménagement des lieux de consultations. Elle demande que l’avocat de permanence dispose d’un bureau assurant la confidentialité de l’entretien de l’étranger avec son conseil et, par ailleurs, équipé d’un téléphone et d’un fax.
* Par une lettre du 18 août 1998, le Préfet de police rejette la demande tendant à l’instauration d’une permanence juridique dans les locaux du Centre de rétention administrative de Vincennes, en indiquant que l’association la CIMADE assure une permanence dans ce Centre, où elle dispose d’une cellule juridique.
En ce qui concerne l’information donnée aux étrangers, le Préfet de police considère qu’elle est d’ores et déjà assurée par la remise à l’étranger, au moment de la mise en rétention, d’un formulaire l’informant de ses droits et lui communiquant le numéro de téléphone de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris. Le Préfet de police fait également état de l’existence du registre prévu par la loi, qui porte le nom du retenu et est émargé par lui. Enfin, ils précisent que les avocats, en particulier, peuvent s’adresser téléphoniquement à la préfecture de police ou au centre de rétention pour avoir des renseignements sur la date, l’heure et le lieu de rétention d’un étranger en instance d’éloignement.
En ce qui concerne l’aménagement des lieux de consultations des avocats, le Préfet de police fait une réponse d’attente en indiquant que l’amélioration des conditions d’accueil des avocats, notamment lors des entretiens avec les retenus, est à l’étude.
* Par une lettre du 19 octobre 1998, le Bâtonnier adresse au Préfet de police un recours gracieux dirigé contre sa correspondance du 18 août précédent.
Le Bâtonnier reprend sa demande tendant à l’organisation d’une permanence d’avocats sur place, c’est-à-dire dans les locaux mêmes du Centre de rétention de Vincennes. Par ailleurs, elle estime insuffisante l’information donnée aux retenus d’après la lettre du 18 août du Préfet de police. Le Bâtonnier demande enfin que les avocats qu’elle désignera au titre de l’aide juridictionnelle disposent des “facilités nécessaires à la tenue d’une véritable permanence au Centre de rétention de Vincennes”.
*Par une lettre du 6 janvier 1999, le Préfet de police rejette le recours gracieux de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris en ce qui concerne l’instauration d’une permanence d’avocats au sein du Centre de rétention administrative de Vincennes. Il répète que les étrangers retenus reçoivent communication, dès leur arrivée au Centre, d’un numéro de téléphone et d’un numéro de télécopie leur permettant d’entrer immédiatement en contact avec un conseil.
*** * C’est cette dernière décision du Préfet de police qui fait l’objet du recours pour excès du pouvoir dont le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris a saisi le TAParis le 8 mars 1999.
Dans son mémoire de première instance enregistré le 5 mai 2000, le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris ajoute à ses conclusions à fin d’annulation des conclusions à fin d’injonction. Il demande qu’il soit enjoint au Préfet de police de mettre à la disposition des avocats désignés par le Bâtonnier pour rencontrer les retenus qui demandent l’assistance d’un conseil, un local permettant la confidentialité des entretiens et équipé d’une ligne pour le téléphone et d’une ligne pour la télécopie. Il demande qu’un délai d’un mois soit imparti au Préfet de police pour donner suite à ces injonctions.
*Par un jugement du 21 juin 2000, le TAParis annule la décision du 6 janvier 1999 par laquelle le préfet de police a rejeté le recours gracieux formé par le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris contre la décision du 18 août 1998 refusant la mise en place d’une permanence d’avocats au sein du Centre de rétention administrative de Vincennes.
En deuxième lieu, le TA prononce un Nl à statuer sur les conclusions du Conseil de l’Ordre tendant à ce que les locaux des consultations données par les avocats dans ce Centre soient aménagés de manière à assurer la confidentialité des entretiens, en relevant que deux boxes ont été aménagés à cette fin dans le Centre de rétention de Vincennes, depuis mars 2000.
Enfin, le TA rejette les conclusions du Conseil de l’Ordre tendant à ce qu’il soit enjoint au Préfet de police de faire mettre dans le centre de rétention de Vincennes des lignes de téléphone et de télécopie à la disposition des avocats.
*C’est le jugement que le MINISTRE DE L’INTÉRIEUR conteste devant vous en tant qu’il annule, en son article 1er, la décision du 6 janvier 1999 du Préfet de police.
Le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris vous demande de rejeter le recours du ministre. Il vous demande également d’annuler les articles 2 et 3 du jugement qui respectivement prononce un NL à statuer sur une partie de ses conclusions à fin d’injonction et rejette le surplus de ces conclusions et d’enjoindre au ministre de l’intérieur de faire mettre à la disposition des avocats désignés par le Bâtonnier pour rencontrer les retenus qui demandent l’assistance d’un conseil, un local permettant la confidentialité des entretiens et équipé d’une ligne pour le téléphone et d’une ligne pour la télécopie, en fixant au ministre de l’intérieur un mois pour exécuter ces injonctions.
***
I Appel du MINISTRE DE l’INTERIEUR :
* I-1 Moyen d’annulation retenu par les juges de premier ressort :
Les premiers juges ont estimé que le préfet de police avait commis une erreur de droit, avait méconnu la portée de la nouvelle rédaction de l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 issue de la loi du 11 mai 1998, en rejetant la demande du Conseil de l’ordre des avocats à la Cour de Paris tendant à la mise en place d’une permanence d’avocats dans les locaux du Centre de rétention de Vincennes.
Ils ont motivé leur décision dans les termes suivants :“si les étrangers placés en rétention reçoivent, dès leur arrivée au Centre de rétention de Vincennes, toutes les informations utiles, en plusieurs langues, sur leurs droits et sur les modalités leur permettant d’entrer en contact avec un avocat … et disposent, dans ces locaux, de l’assistance juridique et matérielle assurée par les permanents de la CIMADE …, qui n’ont pas la qualité d’avocat, ce dispositif d’accueil des étrangers au Centre de rétention administrative de Vincennes ne garantit toutefois pas aux intéressés la présence effective du conseil de leur choix dès le début de leur maintien en rétention”.
*Le MINISTRE DE L’INTERIEUR invoque la fiche intitulée “Vos droits au Centre de rétention” qui est systématiquement remise aux étrangers placés en rétention administrative an Centre de Vincennes.
Ce document, que le préfet de police avait d’ailleurs annexé à la première lettre datée du 18 août 1998 qu’il avait adressée au Bâtonnier du Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris, informe l’étranger placé en rétention administrative qu’il peut demander l’assistance notamment d’un interprète et d’un conseil, qu’un téléphone est mis à sa disposition dans chaque bâtiment d’hébergement et qu’un représentant de la CIMADE, association indépendante à but non lucratif qui assure une permanence au centre de rétention, peut l’aider à régler des questions diverses, notamment, juridiques. Enfin, ce document mentionne le n° de téléphone et le n° de télécopie de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris.
Le ministre soutient que les exigences de l’article 35 bis sont ainsi satisfaites.
Il fait valoir à juste titre que le législateur n’a pas entendu imposer la présence d’avocats dans les lieux de rétention hors le cas où l’assistance d’un conseil est demandée par des étrangers retenus et que, d’ailleurs, l’hypothèse de permanences d’avocats sur place n’a jamais été envisagée lors des débats parlementaires à l’origine des modifications apportées à l’avant-dernier alinéa de l’article 35 bis par la loi du 11 mai 1998.
Il ajoute que le législateur n’a pas non plus prévu l’instauration de permanences d’avocats sur place dans les zones d’attente prévues à l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 ni pour l’application de l’article L. 63-4 du code de procédure pénale relatif aux droits des personnes gardées à vue.
* Contrairement à ce que le Conseil de l’Ordre des avocats à la cour de Paris affirme, le ministre ne se contente pas de soutenir que les exigences de ces dispositions législatives seraient pleinement satisfaites par la présence d’avocats de permanence auprès des juridictions devant lesquelles l’étranger retenu comparaîtra : juridiction administrative, s’il conteste la mesure d’éloignement prise à son encontre, juge judiciaire si l’administration envisage de prolonger la rétention administrative.
En revanche, le Conseil de l’Ordre souligne utilement que notamment les délais impartis par le législateur à cette comparution supposent que l’étranger soit en mesure de faire appel à un avocat sans retard, conformément à l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 .
*Mais qu’impliquent ces dispositions législatives?
- En premier lieu, que soient effectivement mis en place des moyens matériels suffisants pour permettre au retenu qui le souhaite de faire appel à un avocat, (téléphone), ainsi que l’accompagnement humain indispensable pour que l’étranger en instance d’éloignement maintenu dans un centre de rétention administrative exerce pleinement son droit à l’assistance d’un conseil,
- en second lieu, que l’administration informe, dès le début du placement en rétention administrative, le retenu sur ses droits et sur les moyens qu’elle met à sa disposition pour les exercer,
-enfin, que l’accès au centre de rétention de l’avocat dont le retenu a demandé l’assistance soit assuré et que les conditions dans lesquelles les consultations juridiques sont données à l’intérieur du Centre de rétention permettent à l’avocat d’exercer son métier dans le respect de la déontologie qui s’impose à lui, singulièrement, en matière de confidentialité.
Toutefois, la loi ne va pas jusqu’à imposer l’organisation d’une permanence d’avocats sur place.
A supposer même que la fiche sur les droits des retenus qui leur est remise à leur arrivée au centre de rétention de Vincennes ne soit rédigée qu’en français, -comme l’affirme le Conseil de l’Ordre devant vous, alors que, dans son second mémoire en défense de première instance, le préfet de police a affirmé qu’il était indiqué aux retenus en dix-sept langues qu’ils ont la possibilité de contacter un avocat et quels sont les moyens dont ils disposent à cet effet-, cette circonstance ne serait pas de nature à établir que la loi exige l’instauration d’une permanence d’avocats sur place.
Il suffirait, qu’outre l’assistance d’un interprète et de la CIMADE, cette fiche soit traduite en plusieurs langues pour que les obligations que l’avant-dernier alinéa de l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945 fait peser sur l’administration soient regardées comme remplies.
Il en est de même en ce qui concerne les erreurs que cette fiche comporterait en ce qui concerne le n° de télécopie de l’Ordre. Cette circonstance, (à la supposer établie, car le n° de télécopie est celui du Bâtonnier du Conseil de l’Ordre des avocats à la cour de Paris qui figure sur les deux lettres qu’il a adressées au Préfet de police), ne serait pas de nature à démontrer que l’article 35 bis impose l’instauration d’une permanence d’avocats sur place.
On peut relever que, dans les lettres du 7 mai et du 19 octobre 1998 qu’elle a adressées au préfet de police, le bâtonnier du Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris n’a pas envisagé la possibilité de consultations “libres”, c’est-à-dire données par l’avocat de permanence à un étranger retenu sans demande téléphonique préalable de celui-ci pour avoir un rendez-vous.
Rappelons enfin que l’article 35 bis prévoit que “pendant toute la durée du maintien [en rétention administrative], le procureur de la République peut se transporter sur les lieux, vérifier les conditions du maintien et se faire communiquer le registre” dont les mentions doivent permettre de contrôler que le retenu a été pleinement informé, au moment de la notification de la décision de maintien, de la possibilité qui lui est garantie de demander l’assistance notamment d’un conseil. Ce contrôle est également confié au juge judiciaire lorqu’il est saisi après l’expiration d’un délai de quarante-huit heures depuis la décision de maintien.
** Nous pensons donc que c’est à tort que le TA s’est fondé sur une erreur de droit prétendûment commise par le préfet de police pour annuler la décision du 6 janvier 1999 par laquelle celui-ci a opposé un refus à la demande du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris tendant à l’instauration d’une permanence d’avocats dans les locaux mêmes du Centre de rétention administrative de Vincennes.
* I-2 Toutefois, l’effet dévolutif de l’appel conduit à examiner les autres moyens soulevés par le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris devant le TAParis.
** I-2-1 Les deux fins de non recevoir opposées à la demande de première instance par le préfet de police peuvent être aisément écartées.
*Comme le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris l’a indiqué en première instance, sans être contredit, le Bâtonnier avait qualité pour agir au nom du Conseil de l’Ordre en vertu de l’article 2. 1.1 du règlement intérieur de l’Ordre.
*Par ailleurs, le Conseil de l’Ordre a intérêt à déférer devant la juridiction administrative la décision du Préfet de police qui touche aux conditions matérielles et morales de l’exercice de la profession d’avocat. Voir, par analogie, les conclusions de G-H I sur CE, 7 juillet 1978, Syndicat des avocats de France et Sieur Essaka, publiées à la RDP 1979, p. 263.
En tout état de cause, nous allons vous proposer de rejeter les autres moyens invoqués par le Conseil de l’Ordre, sans qu’il soit besoin de statuer sur ces FNR.
** I-2-2 D’abord, les moyens de légalité externe, qu’il convient d’examiner même s’ils ne sont pas repris en appel par le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris :
- I-2-2-1 : la décision attaquée serait entachée d’un vice d’incompétence, dès lors qu’elle émanerait en réalité, non pas du préfet de police, mais du ministre de l’intérieur. Le moyen manque en fait ; il ressort du dossier que le préfet de police, s’il a saisi le ministre pour avis, d’ailleurs postérieurement à sa décision initiale que la décision attaquée, prise sur recours gracieux, confirme, ne peut être regardé comme s’étant borné à recopier une décision prise par le ministre.
Voir la décision du CE citée par le préfet de police en première instance : CE, 94320, 6 avril 1990, M. A B ; le CE a considéré que le préfet du département de la Moselle n’avait pas méconnu sa compétence en consultant le ministre sur le recours gracieux formé par le requérant à l’encontre d’une décision précédente distincte de la décision contestée.
-I-2-2-2: la décision attaquée ne serait motivée que par référence à l’avis du ministre de l’intérieur que le préfet de police a sollicité et serait, par suite, insuffisamment motivée.
On peut douter du caractère opérant du moyen ; la décision atttaquée n’entre en effet dans aucune des catégories de décisions pour lesquelles la motivation est obligatoire en vertu de la loi du 11 juillet 1979.
Le préfet de police a invoqué pour sa part, en première instance, deux décisions par lesquelles le CE a considéré que la motivation d’une décision confirmant un refus régulièrement motivé n’était pas obligatoire : CE, 150827, 30 novembre 1994, M. X et CE, 82797, 20 juin 1990, C D.
En tout état de cause, le moyen manque en fait. Le préfet de police ne se contente pas en effet de se référer à l’avis du ministre de l’intérieur ; il se réfère également à sa décision initiale du 18 août 1998, dont il rappelle l’essentiel, en décrivant les mesures alors appliquées au centre de rétention de Vincennes et en concluant qu’elles lui paraissent de nature à garantir les droits reconnus aux étrangers retenus par l’article 35 bis de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dans sa version issue de la loi du 11 mai 1998.
- I-2-2-3 : la décision attaquée serait entachée d’un vice de procédure, aucun texte ne prévoyant que le préfet de police, compétent en matière de gestion matérielle des centres de rétention, a l’obligation de consulter le ministre de l’intérieur et de se conformer à l’avis rendu par celui-ci.
Bien entendu, rien n’interdit au préfet de police de se tourner vers le ministre qu’il représente pour connaître sa position sur la question de l’instauration de permanences d’avocats au sein d’un centre de rétention, tel celui de Vincennes. C’est même de bonne gestion : la réponse à cette question étant susceptible d’avoir une valeur de précédent par rapport aux autres lieux de rétention administrative.
Par ailleurs, le préfet de police souligne qu’il n’a saisi le ministre de l’intérieur qu’après avoir pris sa décision initiale du 18 août 1998.
** I-2-3 Il faut maintenant examiner les moyens de légalité interne.
- I-2-3-1 Le premier est tiré d’une violation des droits de la défense, dont le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris rappelle qu’il constitue un droit fondamental à caractère constitutionnel.
Compte tenu des circonstances de l’espèce que nous avons rappelées, le refus du préfet de police opposé le 6 janvier 1999 à l’instauration d’une permanence d’avocats sur place, dans les locaux mêmes du centre de rétention de Vincennes, ne peut être interprété comme signifiant que le préfet de police a refusé par là même de garantir à l’étranger maintenu en rétention administrative l’assistance d’un avocat en amont, c’est-à-dire avant et en dehors d’une audience juridictionnelle, ni qu’il a refusé de prendre les mesures matérielles indispensables pour permettre que le droit à l’assistance d’un avocat puisse s’exercer de manière effective dès le début du maintien en rétention.
En particulier, le préfet de police n’a pas écarté la nécessité d’aménager les locaux du centre de rétention de Vincennes accueillant les consultations juridiques, afin de préserver la confidentialité des entretiens. Cet aménagement, qui était à l’étude à la date de la décision attaquée, aboutira à la mise en service de deux boxes fermés à partir du 15 décembre 1999.
- I-2-3-2 Reste le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation.
Il ne vient pas directement à l’appui des conclusions dirigées contre la décision du 6 janvier 1999 par laquelle le préfet de police a opposé un refus à la demande du Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris tendant à l’instauration d’une permanence d’avocats au sein du centre de rétention de Vincennes.
Il s’agit d’une contestation du caractère suffisant des moyens mis en place par le préfet de police dans ce centre de rétention pour assurer concrètement l’exercice de son droit à l’assistance d’un conseil par l’étranger retenu dès le début de son placement dans ce centre.
Cependant, même si ces moyens étaient effectivement insuffisants à la date de la décision attaquée, – du moins au regard de l’exigence d’aménager des locaux garantissant la confidentialité des entretiens de l’étranger retenu avec son avocat-, cette circonstance n’est pas de nature à établir que le préfet de police avait l’obligation d’autoriser et d’organiser une permanence d’avocats dans les locaux mêmes du centre de rétention de Vincennes.
Dans ces conditions, nous vous proposons d’annuler le jugement attaqué en tant que, par son article 1er, il annule la décision du 6 janvier 1999 par laquelle le préfet de police a rejeté le recours gracieux formé par le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris contre la décision du 18 août 1998 refusant la mise en place d’une permanence d’avocats au sein du Centre de rétention administrative de Vincennes et de rejeter la demande du Conseil de l’Ordre dirigée contre cette décision.
II Conclusions à fin d’injonction présentées par le Conseil de l’Ordre devant vous :
Si vous nous suivez, l’exécution de votre arrêt n’implique aucune mesure d’exécution.
Par ailleurs, les conclusions dirigées par la partie intimée contre les articles 2 et 3 du jugement attaqué sont irrecevables, dans la mesure où elles soulèvent un litige distinct de l’appel principal.
En tout état de cause, dès lors qu’il convient de se placer à la date à laquelle vous statuez, vous pourrez constater l’amélioration apportée aux lieux de consultations juridiques aménagés dans les locaux du Centre de rétention de Vincennes au regard de l’exigence de confidentialité des entretiens, même si ces locaux ne sont pas équipés d’une ligne téléphonique et d’une télécopie réservées aux avocats de permanence. La circonstance que ceux-ci soient contraints d’utiliser les cabines téléphoniques et les télécopies déjà existantes dans le centre ne paraît pas par elle-même faire obstacle aux exigences du secret professionnel.
A notre avis, on ne peut dire que l’application de l’avant-dernier alinéa de l’article 35 bis fait obligation au préfet de police d’installer des équipements de communication réservés aux avocats de permanence, même si ceux-ci peuvent légitimement apparaitre comme hautement souhaitables.
***
PAR CES MOTIFS […]
- à l’annulation de l’article 1er du jugement du 21 juin 2000 du TAParis et au rejet de la demande du Conseil de l’Ordre des avocats de Paris dirigée contre la décision du 6 janvier 1999 par laquelle le préfet de police a rejeté le recours gracieux formé par le Conseil de l’Ordre des avocats à la Cour de Paris contre la décision du 18 août 1998 refusant la mise en place d’une permanence d’avocats au sein du Centre de rétention administrative de Vincennes ;
- au rejet des conclusions dirigées par le Conseil de l’Ordre des avocats de Paris contre les articles 2 et 3 de ce jugement.

Chercher les extraits similaires
highlight
Chercher les extraits similaires
Extraits les plus copiés
Chercher les extraits similaires
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 00PA02584