CAA de Paris, conclusions du rapporteur public sur l'affaire n° 99PA00542

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Sur la décision

Référence :
CAA
Juridiction : Cour administrative d'appel
Précédents jurisprudentiels : CE, 147141-154883, 16 octobre 1998
CE du 22 février 1999, Useyin, n° 197243
Conseil d'Etat, 206903, 17 mars 2000, M. B.

Texte intégral

AFFAIRE : n° 99PA00542 M. G E F
C / Ministre de l’intérieur
LECTURE : 10 OCTOBRE 2000
CONCLUSIONS de Mme C D, commissaire du gouvernement M. G E F, ressortissant marocain, conteste le jugement du 30 octobre 1998 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision du préfet de police du 15 juin 1998 rejetant la demande que M. E F lui avait présentée, le 1er novembre 1997, en vue de son admission exceptionnelle au séjour dans le cadre de la circulaire ministérielle du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d’étrangers en situation irrégulière. M. E F vous demande d’annuler, outre ce jugement, cette décision préfectorale et d’enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de résident, en application de l’article L.8-2 du CTACAA.
* La décision attaquée repose sur deux motifs successivement examinés par le préfet de police :
- le préfet de police a d’abord examiné la situation du requérant au regard de l’ordonnance du 2 novembre 1945.
En effet, en premier lieu, si l’intéressé remplissait les conditions prévues par cette ordonnance pour la délivrance d’un titre de séjour, il n’y aurait pas lieu pour l’autorité administrative d’exercer son pouvoir de prendre, à titre exceptionnel, une mesure gracieuse de régularisation de la situation du demandeur d’un titre de séjour.
Le préfet de police a constaté que M. E F ne peut prétendre à la délivrance d’un titre de séjour par application de l’ordonnance de 1945 dès lors qu’il ne détient pas le visa de séjour d’une durée supérieure à trois mois exigé par l’ordonnance et son décret d’application pour la délivrance, à l’étranger non déjà admis à résider en France, d’une carte de séjour temporaire.
Contrairement aux allégations du requérant, le préfet de police ne s’est pas fondé exclusivement sur les dispositions de l’ordonnance pour refuser de prendre en sa faveur une mesure gracieuse de régularisation. Il a légitimement vérifié au préalable si seule une mesure gracieuse était susceptible de régulariser le séjour en France du requérant.
En second lieu, pour l’exercice même du pouvoir de régularisation qu’il détient, le préfet a notamment à prendre en compte les conditions prévues par l’ordonnance de 2 novembre 1945 pour la délivrance d’un titre de séjour et non remplies par le demandeur dont il examine la situation particulière.
Cf, en ce sens, CE, 147141-154883, 16 octobre 1998, Mlle X : “l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France et les textes pris pour son application, qui précisent les cas dans lesquels les étrangers présents sur le territoire national ont droit à la délivrance d’un titre de séjour, ne font pas obligation au préfet de refuser un titre de séjour à un étranger qui ne remplit pas l’ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit, sauf lorsque les textes l’interdisent expressément ; dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est ainsi confié, il appartient au préfet d’apprécier, compte tenu de l’ensemble des éléments de la situation personnelle de l’intéressé et des conditions non remplies, l’opportunité d’une mesure de régularisation”.
Vous écarterez donc le premier moyen du requérant tiré de ce que le préfet aurait à tort examiné sa situation au regard de l’ordonnance du 2 novembre 1945, dès lors qu’après avoir relevé le défaut de détention par le requérant d’un visa de long séjour, le préfet ne s’est pas cru tenu de rejeter sa demande de titre de séjour. En effet, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet aurait exclu, pour ce motif, la possibilité qui lui appartenait de régulariser la situation de M. E F et qu’il aurait ainsi méconnu l’étendue de sa compétence et entaché sa décision de refus d’une admission exceptionnelle au séjour d’une erreur de droit. La présente affaire n’est pas analogue à l’espèce qui a donné lieu à la décision n° 100639 du 7 octobre 1991 du CE, M. Y, où le préfet avait à tort considéré qu’il avait compétence liée.
- En effet, le préfet de police, loin de s‘abstenir d’examiner la situation de M. E F au regard de la circulaire du 24 juin 1997, a, dans un second temps, examiné sa situation au regard du par.1-6 de la circulaire relatif aux étrangers célibataires et sans charge de famille régularisables, paragraphe qui invite les préfets à apprécier l’insertion dans la société française de l’étranger entrant dans cette catégorie à l’aide d’un faisceau de critères :
-l’ancienneté de séjour, à apprécier “avec souplesse” dès lors que l’intéressé a été au moins pendant une période en situation régulière ;
-l’existence de ressources issues d’une activité régulière ;
-le respect des obligations fiscales.
Le préfet de police a estimé que la situation du requérant n’était pas régularisable au regard de ces critères.
Cependant, M. E F excipe de l’illégalité de ce par. 1-6 de la circulaire en ce qu’il aurait réservé aux étrangers célibataires et sans charge de famille, à l’exclusion des étrangers mariés, l’assouplissement du critère de résidence habituelle en France prévu à l’article 12 bis, 3° de l’ordonnance du 2 novembre 1945, lequel dispose que “sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, la carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit … à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de quinze ans”. Le requérant ajoute qu’en particulier, le cas des étrangers mariés dont la famille ne réside pas en France ne relève d’aucune des catégories d’étrangers régularisables prévues par la circulaire. Il conclut qu’il y aurait ainsi une rupture de l’égalité entre étrangers.
Selon le requérant, ce paragraphe de la circulaire érigerait donc une règle de droit nouvelle et limiterait le pouvoir qui appartient à l’administration de régulariser la situation des étrangers.
En ce qui concerne la prétendue inégalité entre étrangers que ce paragraphe de la circulaire instituerait, en tout état de cause, le requérant l’invoque inutilement, dès lors qu’il n’allègue pas que cette inégalité jouerait à son détriment. En effet, il ne conteste pas être célibataire et sans charge de famille ; il ne saurait donc en tout état de cause utilement invoquer une illégalité que la circulaire instituerait au détriment des étrangers mariés.
D’ailleurs, par plusieurs décisions du 1er ou du 29 décembre 1999, le conseiller d’Etat délégué par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, statuant sur des requêtes dirigées contre des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l’encontre d’étrangers célibataires et sans charges de famille, a affirmé que “la circulaire du 24 juin 1997 n’a pas restreint les critères d’admission au séjour fixés par l’ordonnance du 2 novembre 1945 et que “par suite, le requérant n’est pas fondé, en tout état de cause, à invoquer son illégalité”.
CF, par exemple, la décision n° 207018, du 1er décembre 1999, M. Z.
De manière plus générale, le CE a écarté la critique tirée de ce que la circulaire instituerait une règle de droit nouvelle et restreindrait le pouvoir de régularisation dont dispose l’autorité administrative.
Une abondante jurisprudence du CE affirme en effet que la circulaire “Chevènement” du 24 juin 1997 “est dépourvue de caractère réglementaire”.
Il suffit sur ce point de se référer à la décision du CE du 22 février 1999, Useyin, n° 197243, commentée dans DA 1999 n° 164.
Par ailleurs, le commissaire du Gouvernement, M. A, a évoqué l’hypothèse d’une assimilation de la circulaire à une “directive” au sens de CE, Section, 11 décembre 1970 “Crédit foncier de France”, L. p. 750 et a expressément écarté cette hypothèse.
Rappelons qu’une “directive” définit des critères d’attribution pour orienter le pouvoir discrétionnaire dont dispose l’autorité administrative. La décision individuelle prise en application d’une “directive” ne peut s’ écarter régulièrement de ces critères que pour un motif d’intérêt général ou pour un motif tenant à la situation particulière de l’administré et non pour appliquer un critère non prévu par la “directive”. Dans le cas d'“une directive”, l’administré peut donc se prévaloir des critères prévus par elle. M. A n’a pas proposé aux sous-sections réunies devant lesquelles il concluait d’examiner la piste juridique de l’éventuelle application de la notion de “directive” en raison de l’existence d’une jurisprudence de même niveau rendue en matière de reconduite à la frontière qui avait d’ores et déjà transposé à la circulaire dite “Chevènement” la jurisprudence rendue à l’occasion de l’application de la circulaire du 23 juillet 1991 qui prévoyait également des conditions exceptionnelles d’admission au séjour mais seulement au profit des déboutés du droit d’asile.
Par ailleurs, comme le précise la note sur cette décision du CE publiée au DA de 1999 n° 164, l’assimilation de la circulaire du 24 juin 1997 à une directive “n’aurait ouvert aucun avantage aux étrangers, ni présenté un quelconque intérêt, les services préfectoraux s’étant en pratique strictement conformés aux orientations posées par la circulaire. Il eût été sans doute inutile d’affirmer une solution originale qui n’aurait été d’aucune portée tout en ouvrant certainement de vains espoirs à des dizaines de milliers d’étrangers ayant saisi les tribunaux administratifs.”
Postérieurement à ces conclusions, des décisions juridictionnelles ont expressément affirmé que la circulaire du 24 juin 1997 “n’a pas le caractère d’une directive” : dans tous les cas, ces décisions, qui sont rendues par une sous-section du Conseil d’Etat siégeant seule ou par un conseiller d’Etat délégué par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, statuent sur des recours dirigés contre des décisions ordonnant la reconduite à la frontière du requérant, lequel excipe de l’illégalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé en invoquant la circulaire du 24 juin 1997. Cf, par exemple, CE, 6e sous-section, 200204, 27 mars 2000, M. Diallo ; ou Conseiller d’Etat délégué par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat, 206903, 17 mars 2000, M. B.
Au contraire de l’administré qui se trouve face à une “directive”, l’étranger n’est donc pas fondé à se prévaloir des critères retenus par la circulaire du 24 juin 1997.
Vous écarterez donc, en deuxième lieu, l’exception d’illégalité du paragraphe 1-6 de la circulaire du 24 juin 1997 opposée par le requérant.
*Enfin, il convient de citer l’avis n ° 359622 émis le 22 août 1996 par l’Assemblée générale du CE qui reconnait à l’autorité administrative le pouvoir de procéder à la régularisation du séjour d’un étranger, mais souligne la limitation du pouvoir d’appréciation de l’administration, en premier lieu, par le droit du demandeur à une vie familiale normale, -à cet égard, le juge exerce un contrôle de proportionnalité-, en second lieu, en cas de conséquences d’une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle du demandeur, en particulier sur son état de santé. A cet égard, le juge contrôle si le refus de titre de séjour est entaché d’une EMA.
Le troisième et dernier moyen invoqué par le requérant est tiré d’une erreur manifeste que le préfet de police aurait commise dans l’appréciation de sa situation personnelle.
Le requérant critique notamment la décision attaquée en ce qu’elle s’est en particulier fondée sur la circonstance qu’il ne pouvait pas justifier de ressources issues d’une activité “régulière”. Il fait valoir que, ne disposant pas d’un titre de séjour, il n’était pas en mesure d’exercer régulièrement une activité professionnelle.
Une circulaire du 10 août 1998 concernant l’application de la circulaire du 24 juin 1997, non publiée, mais que l’on trouve dans le Dictionnaire permanent du droit des étrangers, a précisé la notion “d’activité régulière” en ces termes : “cette notion … doit être comprise dans ses deux acceptions complémentaires, à la fois au sens d’activité conforme aux lois et règlements (régularité-légalité), et comme activité présentant une certaine continuité (régularité-continuité). Sur la régularité-légalité. S’il ne peut être exigé d’une personne en séjour irrégulier qu’elle exerce une activité professionnelle dans des conditions régulières, il faut en tout cas que l’activité en question soit exercée dans une entreprise déclarée (inscrite au registre du commerce, déclarée à l’administration fiscale et à la sécurité sociale), et qu’il s’agisse d’une activité licite, c’est-à-dire d’une activité qui ne soit contraire ni à la loi ni à l’ordre public. Sur la régularité-continuité. Il convient que l’activité invoquée … couvre la majeure partie du séjour en France de l’étranger considéré, certaines discontinuités pouvant toutefois être acceptées, tenant soit à l’état du marché du travail, soit à la nature des emplois exercés par le demandeur (intérimaire, emploi à temps partiel).”
Dans la présente affaire, même si cette circulaire est postérieure à la décision préfectorale attaquée du 15 juin 1998, il ressort de l’examen du dossier que le critère de l'“activité régulière” a effectivement été pris dans les deux acceptions précisées par la circulaire du 10 août 1998. Le requérant n’a pas apporté de preuves suffisantes pour établir qu’il a exercé une activité régulière. La circulaire indique que “cette preuve doit provenir essentiellement d’attestations d’emploi délivrées par l’entreprise, et de témoignages de tiers”. De telles preuves ne se trouvent pas au dossier.
Les autres éléments invoqués par l’intéressé ne suffisent pas à établir que la décision attaquée serait entachée d’une EMA.
Nous vous proposons donc de rejeter les conclusions à fin d’annulation du requérant.
*Reste à statuer sur les conclusions tendant à ce que la cour ordonne à l’administration de délivrer à M. E F une carte de résident.
Si vous rejetez les conclusions à fin d’annulation du requérant, votre arrêt n’impliquera aucune mesure d’exécution. Par suite, les conclusions à fin d’injonction présentées sur le fondement de l’article L. 8-2 du CTACAA devront être rejetées.
PAR CES MOTIFS […] au rejet de la requête.

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