Cour administrative d'appel de Versailles, 19 mai 2009, n° 08VE01882

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 19 mai 2009, n° 08VE01882
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 08VE01882
Décision précédente : Tribunal administratif de Versailles, 21 avril 2008, N° 0405740

Sur les parties

Texte intégral

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL

DE VERSAILLES

N° 08VE01882


M. Jean-Marie SOUBRIER


Mme Corouge

Présidente


Mme Riou

Rapporteur


M. Brunelli

Rapporteur public


Audience du 5 mai 2009

Lecture du 19 mai 2009

____________

Code CNIJ : 19-04-01-04-01

Code Lebon : C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La Cour administrative d’appel de Versailles

3e Chambre

Vu la requête, enregistrée le 23 juin 2008 au greffe de la Cour administrative d’appel de Versailles, présentée pour M. Jean-Marie SOUBRIER, demeurant 14, rue du Donjon à Brunoy (91800), par Me Dubault ; M. SOUBRIER demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0405740 du Tribunal administratif de Versailles en date du 22 avril 2008 en tant que, par ledit jugement, ce tribunal a rejeté partiellement sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l’année 2000, ainsi que des intérêts de retard y afférents, mis en recouvrement le 31 décembre 2002 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le régime dérogatoire de l’article 239 ter du code général des impôts doit être entendu strictement et ne pouvait être appliqué à la SCI La Coque, dont il est associé, dès lors que l’objet social de la société ne se limitait pas à la construction d’immeuble en vue de la revente ; que la circonstance que les statuts de la société prévoient la responsabilité indéfinie des associés, en proportion des parts qu’ils détiennent, n’est pas suffisante pour justifier l’application du régime dérogatoire de l’article 239 ter susmentionné du code général des impôts, les trois conditions posées par cet article relatives à la responsabilité des associés, à la forme et à l’objet de la société étant cumulatives ; qu’en ce qui concerne la méthode d’évaluation des stocks de travaux en cours, l’administration a estimé que ces travaux auraient dû être évalués en fonction des seuls tantièmes généraux, pour tenir compte de l’importance relative de chaque bâtiment au sein de l’ensemble immobilier ; que cette dernière méthode a pour seule finalité d’accroître artificiellement la valeur de ces travaux ; que la doctrine 8 E-22 n° 13 du 30 juin 1998 précise qu’en cas de ventes successives de fractions d’immeubles, il appartient à l’entreprise de répartir le prix de revient global entre les diverses fractions de ces immeubles ; que la jurisprudence admet qu’à défaut de méthode d’évaluation plus précise, une ventilation du prix de revient soit effectuée au prorata des millièmes de copropriété ; qu’en outre, la méthode d’évaluation n’a aucune incidence sur le calcul de la marge globale réalisée par la SCI La Coque à l’occasion de l’opération de construction-vente en litige ; que les pénalités infligées doivent également faire l’objet d’une décharge ; que l’administration devait motiver l’application de l’intérêt de retard, en application de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que l’intérêt de retard constitue une sanction et non pas simplement le prix du temps en vue de réparer le préjudice financier subi par le Trésor, compte tenu, notamment, du taux appliqué, qui est manifestement excessif et constitue un enrichissement sans cause pour le Trésor public ; que le juge dispose d’un pouvoir de modulation, conformément à l’article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et qu’il y a lieu de tenir compte de l’amendement Cousin, qui a fait l’objet d’une codification à l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, en vertu de l’article 25 de la loi de finances rectificative pour 2004, permettant, sous certaines conditions, la réduction de 50 % de cet intérêt de retard, ainsi que de l’article 19 de la loi de finances pour 2006 prévoyant l’alignement de l’intérêt de retard et des intérêts moratoires au taux de 4,80 % par an ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2008, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ; il conclut au rejet de la requête ; il soutient que la jurisprudence d’une cour administrative d’appel, invoquée par le requérant, selon laquelle, nonobstant la circonstance qu’une société civile ait limité dans les faits son activité à celle de construction-vente, le libellé de l’objet social de cette société faisait obstacle à l’application de l’article 239 ter du code général des impôts, ne peut être utilement invoquée dès lors qu’elle est contraire à la position de principe déjà adoptée et non remise en cause ; qu’en l’espèce, les opérations réalisées par la SCI La Coque n’ont concerné que le programme immobilier de construction-vente sis 175 boulevard Maxime Gorki à Villejuif ; qu’en outre, les associés de la société sont indéfiniment responsables ; que la méthode d’évaluation des travaux en cours, retenue par le vérificateur, est fondée sur la superficie réelle des bâtiments par rapport à l’ensemble immobilier, en retenant les seuls tantièmes généraux, dès lors qu’elle permet une meilleure approximation du prix de revient des stocks ; qu’en ce qui concerne l’intérêt de retard, il a été fait application des dispositions de l’article 1727 du code général des impôts ; que la jurisprudence judiciaire invoquée par le requérant n’a pas été retenue par le juge administratif ; qu’en l’absence du caractère de sanction reconnu à l’intérêt de retard, le principe d’application de la loi pénale plus douce ne peut être utilement invoqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 mars 2009, présenté pour M. SOUBRIER, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; il soutient en outre que, contrairement aux allégations de l’administration, les tantièmes généraux correspondent à une quote-part des parties communes de l’ensemble immobilier alors que l’évaluation des stocks de travaux en cours de la société correspond aux quotités invendues à la fois des parties privatives et communes composant dans son intégralité l’ensemble immobilier ; que la méthode ainsi retenue a pour conséquence d’aboutir à des taux de marge annuelle disparates et sans signification économique ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 avril 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 5 mai 2009 :

— le rapport de Mme Riou, premier conseiller, X

— les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

— et les observations de Me Nerrant, substituant Me Dubault, pour M. SOUBRIER ;

Sur la remise en cause de l’assujettissement de la SCI La Coque à l’impôt sur les sociétés :

Considérant qu’aux termes de l’article 206 du code général des impôts : « 2. Sous réserve des dispositions de l’article 239 ter, les sociétés civiles sont également passibles de l’impôt sur les sociétés (…) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 » ; qu’aux termes de l’article 239 ter du code général des impôts : « Les dispositions de l’article 206-2 ne sont pas applicables aux sociétés civiles (…) qui ont pour objet la construction d’immeubles en vue de la vente (…) / Les sociétés civiles visées à l’alinéa précédent sont soumises au même régime que les sociétés en nom collectif effectuant les mêmes opérations » ; qu’aux termes de l’article 35 du même code : « I. Présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : / 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles (…) » ; qu’il résulte des dispositions combinées du 2 de l’article 206 et du I-1° de l’article 35 précités dudit code que les sociétés civiles immobilières sont passibles de l’impôt sur les sociétés lorsqu’elles peuvent être regardées comme des personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles ;

Considérant que la SCI La Coque, qui a pour activité la construction et la promotion d’une résidence universitaire à Villejuif et qui a opté pour le régime de l’impôt sur les sociétés, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle l’administration fiscale a remis en cause cette option et l’a soumise au régime fiscal des sociétés de personnes ; que les conséquences fiscales qui en ont résulté ont été notamment mises à la charge de M. SOUBRIER, gérant et associé de la société, à hauteur de 10 % de ses parts sociales ;

Considérant que l’article 239 ter précité du code général des impôts limite l’exemption d’impôt sur les sociétés qu’il institue aux sociétés civiles qui réalisent uniquement des opérations de construction en vue de la vente ;

Considérant que, d’une part, il résulte des statuts de la SCI La Coque que celle-ci a pour objet « la mise en place du financement, l’acquisition, la construction, la promotion, la gestion et l’entretien de biens immobiliers et en général, toutes opérations civiles se rattachant directement ou indirectement à l’objet ainsi défini » ; que, contrairement à l’allégation de M. SOUBRIER, il résulte de l’énoncé ci-dessus reproduit de l’objet social de la SCI La Coque que celle-ci a limité le champ de son activité à la construction-vente et aux activités purement civiles qui y sont rattachées ; qu’en outre, l’administration soutient, sans être contredite, que depuis la création de la société, en 1998, les opérations réalisées par cette dernière n’ont concerné qu’un unique programme de construction-vente, sis 175, boulevard Maxime Gorki à Villejuif, alors qu’en tout état de cause, M. SOUBRIER n’établit pas, ni même n’allègue, que la société dont s’agit remplirait la condition d’habitude posée par le 1° du I de l’article 35 précité du code général des impôts ; que, d’autre part, l’article 8 des statuts de la société prévoit effectivement, ainsi que l’exige l’article 239 ter du code général des impôts, la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social ; qu’il suit de là que, compte tenu de l’objet social de la SCI La Coque, dont il n’est pas établi que celle-ci se serait écartée, de sa forme et de ses statuts, M. SOUBRIER n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que l’administration a remis en cause l’assujettissement de cette société à l’impôt sur les sociétés au titre de l’année d’imposition en litige ;

Sur l’évaluation des stocks de travaux en cours :

Considérant que la SCI La Coque a évalué le stock des travaux en cours au 31 décembre 2000 relatifs à la construction d’une résidence universitaire à Villejuif, comprenant trois bâtiments A, B et D ainsi qu’un sous-sol C, en calculant d’abord la superficie des locaux vendus par l’addition des tantièmes par bâtiment et des tantièmes généraux puis en soustrayant le résultat ainsi obtenu du total général des tantièmes, pour obtenir le nombre de tantièmes invendus, soit 13 559 tantièmes sur 55 294 ; que l’administration a critiqué cette méthode en faisant valoir que l’addition des tantièmes par bâtiment et des tantièmes généraux ne permettait pas une évaluation pertinente des travaux en cours, dès lors que cette méthode ne tenait pas compte de l’importance relative de chaque bâtiment au sein de l’ensemble immobilier, et lui a substitué la méthode des tantièmes généraux ; que, toutefois, il ne résulte pas de l’instruction que la méthode ainsi mise en œuvre par l’administration serait plus précise et pertinente que celle adoptée par la société ; que, dans ces conditions, il y a lieu de retenir la méthode de la société, en y réintégrant par ailleurs les taxes d’urbanisme enregistrées par ladite société au cours de l’exercice 2000, pour un montant de 1 965 847 F, cette somme n’ayant pas été intégrée dans l’évaluation du prix de revient du stock au 31 décembre 2000 et d’accorder, dans cette mesure, la décharge sollicitée par M. SOUBRIER ;

Sur les intérêts de retard :

Considérant qu’aux termes de l’article 1727 du code général des impôts : « Le défaut ou l’insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l’un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d’un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n’est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l’article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l’intérêt de retard est fixé à 0,75 p. 100 par mois. Il s’applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé » ;

Considérant, d’une part, que l’intérêt de retard prévu à l’article 1727 du code général des impôts vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l’Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l’impôt aux dates légales ; que, si l’évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d’une sanction, y compris au regard de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, dès lors que son niveau n’est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que la référence au taux de l’intérêt légal, qui ne reflète qu’imparfaitement le taux du marché monétaire, ne constitue pas une référence plus pertinente pour établir le caractère manifestement excessif du taux de l’intérêt appliqué à M. SOUBRIER ; qu’il en va de même du taux de rendement brut des obligations des sociétés privées ou du taux d’intérêt du marché monétaire, qui concernent des situations différentes ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, l’intérêt de retard constitue la réparation pécuniaire d’un préjudice et non une sanction ; que, par ailleurs, il n’appartient pas au juge de l’impôt de moduler le montant des intérêts de retard dus ; qu’en tout état de cause, le moyen tiré de l’enrichissement sans cause de l’Etat ne saurait être invoqué à l’appui d’une contestation des intérêts de retard ; que la possibilité offerte à l’administration par l’article L. 247 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à compter de l’année 2004, de procéder à des remises à titre gracieux des intérêts de retard est sans influence sur le taux de l’intérêt légalement applicable ; qu’en conséquence, les moyens invoqués tirés du défaut de motivation au sens de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales, du caractère excessif des intérêts de retard appliqués et de l’absence de modulation de ceux-ci doivent être écartés ;

Considérant, d’autre part, que si le requérant fait valoir que le législateur a, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006, prévu de fixer au même niveau le taux des intérêts moratoires dus par l’Etat et celui des intérêts de retard dus par les contribuables, cette circonstance se suffit pas à établir que les intérêts de retard dont ont été assortis les droits mis à sa charge revêtent, pour la partie excédant le taux légal, le caractère d’une sanction ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. SOUBRIER est seulement fondé à demander la réformation, dans la mesure ci-dessus énoncée, du jugement qu’il attaque ;

Sur l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros que M. SOUBRIER demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La base de la cotisation supplémentaire d’impôt sur le revenu due par M. SOUBRIER au titre de l’année 2000 est réduite, en droits et pénalités, du montant du redressement afférent à la rectification du montant des travaux en cours au 31 décembre 2000 dans la comptabilité de la SCI La Coque.

Article 2 : M. SOUBRIER est déchargé de la différence entre le montant de l’impôt sur le revenu mis à sa charge au titre de l’année 2000 et celui qui résulte de l’article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles n° 0405740 en date du 22 avril 2008 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. SOUBRIER est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Marie SOUBRIER et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

Délibéré après l’audience du 5 mai 2009, où siégeaient :

Mme COROUGE, présidente ;

Mme RIOU, premier conseiller ;

M. LOCATELLI, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 19 mai 2009.

Le rapporteur, La présidente,

C. RIOU E. COROUGE

Le greffier,

J. FREMINEUR

La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

Le greffier,

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