Cour Administrative d'Appel de Versailles, 3ème Chambre, 4 mars 2014, 13VE02596, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la requête, enregistrée le 5 août 2013, présentée pour la société RELAIS FNAC, dont le siège social est 9 rue des Bateaux-lavoirs à Ivry-sur-Seine (94200), représentée par son président en exercice, par Me Meier, avocat ; la société RELAIS FNAC demande à la Cour :

1° d’annuler le jugement n° 1205651 en date du 18 juillet 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes qu’elle a acquittée au cours des années 2009, 2010 et 2011 ;

2° de prononcer la restitution demandée ;

3° à titre subsidiaire, de poser, en application de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, les questions préjudicielles suivantes :

— la disparition du pouvoir de décision et de contrôle du Parlement sur l’affectation des ressources destinées à financer le régime français d’aide au cinéma et à l’audiovisuel constitue-t-elle une modification substantielle du régime d’aide qui aurait dû faire l’objet d’une notification à la Commission européenne sur le fondement de l’article 108 paragraphe 3 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) '

 – l’augmentation significative des ressources finançant le régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel (environ 60 % sur la période 2007-2011) constitue-t-elle une modification substantielle du régime d’aide qui aurait dû faire l’objet d’une notification à la Commission européenne sur le fondement de l’article 108 paragraphe 3 du TFUE '

 – l’augmentation significative des ressources finançant le régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel, associée à la disparition du pouvoir de décision et de contrôle du Parlement sur l’affectation desdites ressources, constitue-t-elle une modification substantielle du régime d’aide qui aurait dû faire l’objet d’une notification à la Commission européenne sur le fondement de l’article 108 paragraphe 3 du TFUE '

 – le recouvrement de taxes, pour des montants très significatifs et sur plusieurs années, affectées à une réserve destinée au financement d’un régime d’aide nouveau, antérieurement à la décision de la Commission européenne approuvant ledit régime, aurait-il dû faire l’objet d’une notification à la Commission européenne en application de l’article 108 paragraphe 3 du TFUE '

 – le recouvrement de taxes et leur affectation au financement d’aides futures devant faire l’objet d’une autorisation de prolongation de la Commission européenne, avant toute décision de celle-ci approuvant cette prolongation, auraient-ils dû faire l’objet d’une notification à la Commission européenne en application de l’article 108 paragraphe 3 du TFUE '

4° de mettre à la charge de l’Etat une somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

— alors que la taxe sur les vidéogrammes constitue une aide d’Etat au sens de l’article 107, paragraphe 1 du TFUE, des modifications substantielles ont affecté cette taxe à partir du 1er janvier 2009 en application de l’article 55 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 ; elles résultent de l’affectation directe du produit de la taxe au Centre national de la cinématographie créé par la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, ce qui a eu pour effet de supprimer le pouvoir de décision du Parlement sur l’affectation des fonds nonobstant le fait que ce dernier soit rendu destinataire d’un rapport sur cette affectation ; la Cour des comptes a d’ailleurs confirmé dans un rapport rendu public en octobre 2012 que les données produites par le Centre national de la cinématographie dans le cadre de la procédure budgétaire n’offrent pas au Parlement une visibilité suffisante ;

 – en outre, il y a eu un accroissement substantiel du montant des taxes qui ont été affectées à ce régime d’aide ;

 – l’article 4 § 1 du règlement CE n° 794/2004 de la Commission européenne du 21 avril 2004 prévoit une nouvelle notification à la Commission dès lors que le budget d’un régime d’aides autorisé augmente de plus de 20 % ;

 – les excédents financiers, dont a bénéficié le Centre national de la cinématographie, ont servi à financer des aides qui n’ont été approuvées par la Commission européenne que postérieurement ; il en a été ainsi du nouveau régime d’aide en faveur de la numérisation des oeuvres qui a été mis en application dès 2009 mais n’a été approuvé que par une décision de la Commission européenne du 21 mars 2012 ;

 – une partie des sommes collectées par le Centre national de la cinématographie au moyen notamment de la taxe sur les vidéogrammes a permis de financer, par avance, la prolongation du régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel, qui n’avait pas encore été approuvée lors du prélèvement de ladite taxe au titre de la période litigieuse et qui a donné lieu à la décision de la Commission européenne du 20 décembre 2011 ; un tel prélèvement en amont est contraire à l’article 108 paragraphe 3 du TFUE ;

 – par l’arrêt Van Calster du 21 octobre 2003 la Cour de justice de l’Union européenne a pourtant jugé qu’une cotisation destinée à financer un régime d’aide ne pouvait être perçue rétroactivement sur une période antérieure à la décision de la Commission européenne ayant approuvé le régime d’aide ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu le règlement n° 659/1999 du conseil de l’Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission européenne du 21 avril 2004 concernant la mise en oeuvre du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE ;

Vu la décision du 22 mars 2006 de la Commission européenne ;

Vu la décision du 21 décembre 2011 de la Commission européenne ;

Vu la décision du 21 mars 2012 de la Commission européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 92-1376 du 30 décembre 1992 portant loi de finances pour 1993 ;

Vu la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 relative à la rémunération au titre du prêt en bibliothèque et renforçant la protection sociale des auteurs ;

Vu la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 11 février 2014 :

— le rapport de M. Bresse, président assesseur,

 – et les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public ;

1. Considérant que la société RELAIS FNAC, qui a spontanément acquitté la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public au titre des années 2009, 2010 et 2011, fait appel du jugement du 20 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution de ladite taxe ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l’économie et des finances ;

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne, devenu l’article 107, paragraphe 1, du nouveau traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) : « 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats au moyen de ressources d’Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (…) » ; qu’aux termes de l’article 88, devenu l’article 108, du même traité : « 1. La Commission procède avec les Etats membres à l’examen permanent des régimes d’aides existant dans ces Etats. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun (…) 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale » ; qu’enfin, aux termes de l’article 1er du règlement n° 659/1999 du Conseil de l’Union européenne portant modalités d’application de l’article 88 du traité instituant la Communauté économique européenne : « Aux fins du présent règlement, on entend par : (…) c) »aide nouvelle« : toute aide, c’est à dire tout régime d’aides ou toute aide individuelle, qui n’est pas une aide existante, y compris toute modification d’une aide existante » ;

3. Considérant qu’il résulte de ces stipulations que, s’il ressort exclusivement à la Commission de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l’Union européenne, si une aide de la nature de celles visées à l’article 87 du traité CE, devenu l’article 107 du TFUE, est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ledit traité, compatible avec le marché commun, il incombe aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l’invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l’obligation, qu’impose aux Etats membres la dernière phrase du paragraphe 3 précité de l’article 88 du traité CE, devenu l’article 108 du TFUE, d’en notifier le projet à la Commission, préalablement à toute mise à exécution ;

4. Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article 302 bis KE, inséré au code général des impôts par l’article 7 de la loi susvisée du 18 juin 2003, dans sa rédaction applicable à la taxe en litige : « Il est institué, à compter du 1er juillet 2003, une taxe sur les ventes et locations en France, y compris dans les départements d’outre-mer, de vidéogrammes destinés à l’usage privé du public. (…) Cette taxe est due par les redevables qui vendent ou louent des vidéogrammes à toute personne qui elle-même n’a pas pour activité la vente ou la location de vidéogrammes. La taxe est assise sur le montant hors taxe sur la valeur ajoutée du prix acquitté au titre des opérations visées ci-dessus. Le taux est fixé à 2 %. La taxe est exigible dans les mêmes conditions que celles applicables en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Elle est constatée, liquidée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe » ;

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les autorités françaises ont notifié par un courrier en date du 24 mai 2004 à la Commission européenne l’ensemble des régimes d’aide au cinéma et à l’audiovisuel ; que, par la décision du 22 mars 2006, la Commission européenne a déclaré le régime de soutien à la production cinématographique et audiovisuelle, en vigueur depuis l’intervention de la loi du 18 juin 2003, compatible avec les stipulations du paragraphe 1 de l’article 87 du traité CE, devenu l’article 107 du TFUE, après avoir notamment examiné le financement des aides en décrivant, en particulier, aux points 27 et 28 du II de ladite décision, le dispositif prévu par les dispositions précitées de l’article 302 bis KE du code général des impôts dans sa rédaction issue de l’article 7 de la loi n° 2003-517 du 18 juin 2003 et en appréciant leur conformité au droit communautaire aux points 32 à 37 du II de cette décision ; que, toutefois, la société requérante soutient que les diverses modifications ayant affecté, depuis la décision d’approbation de la Commission européenne du 22 mars 2006, le régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel ont été substantielles et justifiaient une nouvelle notification de ce régime à la Commission européenne en application du paragraphe 3 de l’article 88 du traité CE devenu l’article 108 du TFUE ;

6. Considérant, en premier lieu, que la société requérante soutient que la suppression du compte spécial du Trésor, par lequel transitait l’aide au cinéma et à l’audiovisuel versée au Centre national de la cinématographie, par l’article 55-IV de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009, codifié à l’article 1609 sexdecies B du code général des impôts, a substantiellement modifié ce régime d’aide ; que, cependant, cette évolution n’emporte pas de modification des éléments structurels du système de financement de l’aide et n’a d’effet ni sur le contenu, ni sur le volume des aides ; qu’au surplus, le Parlement ne saurait être regardé comme ayant perdu tout contrôle sur ce régime dès lors qu’il est destinataire d’un rapport annuel établi par le Centre national de la cinématographie au vu duquel il pourrait remettre en cause cette affectation ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante soutient que l’augmentation très forte des ressources affectées au Centre national de la cinématographie a également constitué une modification substantielle du régime d’aide de nature à justifier une nouvelle notification à la Commission européenne dès lors que l’article 4 § 1 du règlement CE n° 794/2004 de la Commission européenne du 21 avril 2004 prévoit que toute augmentation de plus de 20 % du budget initial d’un régime d’aide existant doit donner lieu à une nouvelle notification à la Commission ; que, toutefois, la société requérante n’établit pas l’existence d’une augmentation de plus de 20 % du budget initial alloué au cinéma et à l’audiovisuel en se référant à la seule hausse constatée durant les années en cause du produit des trois taxes affectées au Centre national de la cinématographie, à savoir la taxe sur les entrées en salle de cinéma, la taxe sur les éditeurs et les distributeurs de service de télévision et la taxe sur les vidéogrammes, dès lors, notamment, qu’ainsi que le fait valoir le ministre, une partie substantielle des taxes ainsi collectées a été mise en réserve, ce qui a d’ailleurs autorisé un prélèvement exceptionnel de 20 millions d’euros sur les réserves du Centre national de la cinématographie en application de l’article 35 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 et un prélèvement de 150 millions d’euros sur ces mêmes réserves en application de l’article 41 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ; que, par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes d’août 2012 auquel la requérante se réfère ne fait état que d’une hausse moyenne du montant des aides allouées entre 2007 et 2011 de 23 % au titre du soutien automatique ou du soutien sélectif au cinéma et à l’audiovisuel sans qu’il soit indiqué dans ce rapport que les plafonds des différentes aides tels qu’ils étaient fixés par la décision de la Commission du 22 mars 2006, qui constituent le budget initial du régime d’aide au sens de l’article 4 du règlement précité, auraient été dépassés ; que, dans ces conditions, la société requérante n’établit pas qu’il y avait lieu pour les autorités françaises de procéder à une nouvelle notification à la Commission européenne de ce régime d’aide ; qu’il ne résulte pas davantage de la combinaison de l’article 55 de la loi du 27 décembre 2008 et de l’évolution du niveau des ressources du Centre national de la cinématographie qu’une nouvelle notification aurait été nécessaire ;

8. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la société requérante, aucune aide destinée au plan de numérisation des films n’a été versée aux opérateurs concernés par le Centre national de la cinématographie antérieurement à l’approbation de ce plan d’aide par une décision du 21 mars 2012 de la Commission européenne, laquelle a d’ailleurs expressément relevé ce fait ; que, dans ces conditions, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que des sommes auraient été prélevées durant les années 2008 et 2009 afin de financer la numérisation des films avant que la Commission européenne n’ait approuvé cette extension du régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel ; que la société requérante n’est pas fondée à se prévaloir sur ce point de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 21 octobre 2003 Aff. 261/10 Van Calster qui a sanctionné la perception de cotisations avec effet rétroactif au titre d’opérations ayant été effectuées antérieurement à la décision autorisant un régime d’aides dès lors que, dans le cas d’espèce, les fonds destinés à la numérisation des films et des salles n’ont pas été engagés préalablement à la décision d’autorisation de la Commission du 21 mars 2012 ;

9. Considérant, enfin, que la prolongation du régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel au delà du 31 décembre 2011 a été approuvée par une nouvelle décision de la Commission européenne en date du 20 décembre 2011 ; que, dans ces conditions, le produit de la taxe n’a pas été utilisé pour financer un régime d’aide non notifié à la commission ; que la société requérante ne peut utilement se prévaloir de ce que des fonds destinés à financer la prolongation de ce régime au-delà du 31 décembre 2011 auraient été prélevés durant les années 2008 et 2009 ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il y ait lieu de saisir, sur le fondement de l’article 267 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, la Cour de justice de l’Union européenne de questions préjudicielles relatives au régime d’aide au cinéma et à l’audiovisuel et à son financement au regard des dispositions de l’article 108 paragraphe 3 du traité précité, que la société requérante n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;


DECIDE :


Article 1er : La requête de la société RELAIS FNAC est rejetée.

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N° 13VE02565

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