CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 6 mars 2018, 16VE02368, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CAA Versailles, 3e ch., 6 mars 2018, n° 16VE02368
Juridiction : Cour administrative d'appel de Versailles
Numéro : 16VE02368
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Tribunal administratif de Montreuil, 30 mars 2016, N° 1412157
Identifiant Légifrance : CETATEXT000036693055

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A… B… ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant total de 228 500 euros.

Par un jugement n° 1412157 du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 juillet 2016, 23 mars et 11 juillet 2017, M. et Mme B…, représentés par Me Sollier, avocat, demandent à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge sollicitée ;

3° de mettre à la charge de l’État la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme B… soutiennent que :

 – à suivre le raisonnement du service, le prétendu avantage salarial retenu par l’administration, correspondant à une fraction des gains de cession des actions de préférence de la société Compagnie de l’Odyssée (CDO), trouve sa source en 2004, date de l’acquisition de ces actions de préférence ; en outre, et en tout état de cause, elles ont été cédées à la société civile Harcelor en 2007, de sorte que l’avantage en cause aurait dû être constaté au plus tard lors de ce transfert de propriété ; par conséquent, la proposition de rectification du 12 décembre 2011 est intervenue en période prescrite ;

 – en imposant l’avantage salarial en cause en 2008, alors que les règles d’imposition des sociétés translucides, telles que la société Harcelor, empêchaient toute taxation dans la catégorie des traitements et salaires, l’administration a implicitement écarté l’acte de cession des titres de la société CDO à cette société en 2007 et aurait dû, à cette fin, recourir à la procédure de répression des abus de droit visée à l’article L. 64 du livre des procédures fiscale ; ainsi, et dès lors qu’il ont été privés des garanties attachées à cette qualification, la procédure se trouve entachée d’irrégularité ;

 – ainsi que le montrent les expertises versées aux débats, les managers du groupe Wendel qui ont participé à la reprise du groupe Editis ont acquis les actions de préférence de la société CDO à leur juste prix et ont supporté un risque d’investisseur important qui était la contrepartie du gain élevé promis en cas de succès de l’opération ; l’administration, qui n’a pas démontré l’absence de risque encouru, n’était donc pas fondée à requalifier une fraction de la plus-value réalisée en traitements et salaires, une telle requalification partielle étant, du reste, incohérente par principe ;

 – la pénalité de 40 % pour manquement délibérée a été irrégulièrement appliquée au rehaussement en litige, faute de visa de l’inspecteur principal sur la proposition de rectification adressée à la société Harcelor ;

 – cette pénalité n’est pas justifiée en l’absence de règles claires qui auraient permis d’anticiper les griefs retenus par le service ; au surplus, tant le comité de l’abus de droit fiscal que le Tribunal administratif de Paris ont, s’agissant de schémas comparables à celui de l’espèce, pris une position contraire à celle de l’administration.

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. Huon,

 – les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public,

 – et les observations de Me Sollier et de Me C…, avocats de M. et Mme B….

1. Considérant qu’en 2004, le groupe Wendel a racheté le groupe Editis, au prix de

600 millions d’euros avant de le revendre en juin 2008 au groupe espagnol Planeta pour

1 026 millions d’euros ; que, parallèlement, la société Wendel a mis en place des instruments juridiques et financiers visant à associer à cette opération certains de ces cadres dirigeants qui, réunis au capital de la société Compagnie de l’Odyssée (CDO), avaient vocation, le cas échéant, à percevoir une partie des gains réalisés lors de la cession d’Editis ; que, Mme B…, directrice de la communication et membre du comité opérationnel du groupe Wendel a ainsi, le 27 décembre 2004, acquis 1 000 actions de préférence de la société CDO au prix unitaire de

20 euros, qu’elle a cédées à prix coûtant, le 18 décembre 2007, à la société civile Harcelor, constituée à parts égales avec son époux le 26 mars précédent et dont elle était la gérante ; que, conformément au schéma de revente d’Editis, cette société a, le 20 mai 2008, cédé ses actions de préférence à la société Ofilux Finances pour un montant total de 637 257 euros ; que la plus-value de 617 257 euros ainsi réalisée, a été déclarée par la société Harcelor puis reportée, en tant que telle, sur la déclaration de revenus de l’année 2008 de M. et Mme B… ; qu’aux termes d’une proposition de rectification du 12 décembre 2011, l’administration a estimé qu’à hauteur de 63,54 %, soit 392 205 euros, la fraction du gain résultant de la cession des actions de préférence de la société CDO ne relevait pas du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières des particuliers mais était constitutive de traitements et salaires, dès lors qu’elle résultait, dans cette proportion, du mécanisme d’investissement mis en place, financé et contrôlé par le groupe Wendel et qu’elle n’avait demandé de la part de Mme B…, éligible à ce mécanisme en raison de ses fonctions dans le groupe, qu’un investissement limité et préservé des risques habituels d’un actionnaire ; que M. et Mme B… relèvent appel du jugement du 31 mars 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant total de 228 500 euros ;

Sur les conclusions à fin de décharge :

Sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens de la requête ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 8 du code général des impôts : « Sous réserve des dispositions de l’article 6, les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n’ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l’impôt sur le revenu pour la part de bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société (…) Il en est de même, sous les mêmes conditions : / 1° Des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas, en droit ou en fait, l’une des formes de sociétés visées à l’article 206 1 et qui, sous réserve des exceptions prévues à l’article 239 ter, ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 (…) » ; qu’aux termes de l’article 60 du même code : « Le bénéfice des sociétés visées à l’article 8 est déterminé, dans tous les cas, dans les conditions prévues pour les exploitants individuels (…) » ; qu’aux termes de l’article 238 bis K de ce code : « I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux articles 8,8 quinquies, 239 quater, 239 quater B, 239 quater C ou 239 quater D sont inscrits à l’actif d’une personne morale passible de l’impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou d’une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole imposable à l’impôt sur le revenu de plein droit selon un régime de bénéfice réel, la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l’entreprise qui détient ces droits (…) / II. Dans tous les autres cas, la part de bénéfice ainsi que les profits résultant de la cession des droits sociaux sont déterminés et imposés en tenant compte de la nature de l’activité et du montant des recettes de la société ou du groupement » ; qu’il résulte de ces dispositions que les bénéfices d’une personne physique soumise à l’impôt sur le revenu correspondant aux parts de la société civile dans laquelle elle détient une participation, sont calculés en faisant application des règles propres à la catégorie de bénéfices ou de revenus relative à l’activité de la société ;

3. Considérant que la société Harcelor, qui a cédé les actions de préférence dont elle était détentrice et qui avait pour objet social la constitution et la gestion d’un portefeuille composé de valeurs ou autres droits mobiliers émis par des sociétés ou autres groupements français ou étrangers n’était, par hypothèse, pas salariée du groupe Wendel ni d’aucun autre employeur ; que, par suite, l’administration ne pouvait requalifier une partie du gain dégagé par cette cession en traitements et salaires ; qu’à cet égard, elle ne saurait, sauf à confondre, à tort, l’activité de la société Harcelor et celle de Mme B…, associée, se prévaloir d’une « prétendue activité réelle » de la société, désignée comme un « véhicule d’encaissement de la rémunération » de cette dernière, dès lors qu’écartant elle-même expressément la qualification d’abus de droit, elle a estimé que la création de la société à laquelle les titres détenus par
Mme B… avaient été cédés en 2007 ne revêtait pas un caractère fictif et ne poursuivait pas un but exclusivement fiscal ; qu’en conséquence, et alors que la plus-value réalisée par ladite société l’a été à raison du droit qu’elle tirait des actions cédées et non au titre d’un prétendu acte de disposition de la part de Mme B…, c’est par une inexacte application des dispositions précitées du II de l’article 238 bis K du code général des impôts, que le service a requalifié une fraction de cette plus-value en traitements et salaires et l’a imposée, dans cette catégorie, entre les mains des requérants ;

4. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B… sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à leur demande en décharge des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

« Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

6. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de l’État une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M et Mme B… et non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1412157 du 31 mars 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : M. et Mme B… sont déchargés des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2008 dans la catégorie des traitements et salaires, ainsi que des pénalités correspondantes, pour un montant total de 228 500 euros.


Article 3 : L’État versera à M. et Mme B… une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. et Mme B… sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 16VE02368

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