CAA de VERSAILLES, 1ère chambre, 6 juillet 2020, 19VE00370, Inédit au recueil Lebon

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E… D… a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution des prélèvements sociaux qu’il a acquittés au titre des années 2012 à 2014 à raison de ses revenus de location de biens immobiliers situés en France.

Par un jugement n°1709798 du 4 décembre 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 2 février 2019, M. D…, représenté par Me C…, demande à la Cour :

1° d’annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution demandée ;

3° à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union Européenne de la question de savoir si les prélèvements sociaux en litige présentent le caractère d’impôts ou de cotisations sociales ;

4° et de mettre à la charge de l’Etat la somme 3 000 euros, sur le fondement de l’article L 761-1 du Code de justice administrative.

Il soutient que :

 – il réside en Nouvelle-Calédonie et à ce titre ne peut être assujetti aux prélèvements sociaux affectés au financement du régime de sécurité sociale française, conformément au règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;

 – ces prélèvements sont contraires au décret du 19 novembre 2002.

……………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

 – la Constitution, notamment son préambule et ses articles 76 et 77 ;

 – le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, notamment sa quatrième partie, son article 355 et son annexe II ;

 – la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie, notamment son article 22 ;

 – la loi n° 2012-958 du 16 août 2012, notamment son article 29 ;

 – le décret n° 20021371 du 19 novembre 2002 ;

 – l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 février 2015, Ministre de l’économie et des finances contre M. F…-623/13) ;

 – l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 18 janvier 2018, M. A… contre Ministre de l’économie et des finances et le ministre des affaires sociales et de la santé

(C-45/17) ;

 – la décision n° 397881 du Conseil d’État du 5 mars 2018 statuant au contentieux ;

 – la décision du Conseil constitutionnel n° 2012-654 DC du 9 août 2012 ;

 – la décision 2013/755/Union européenne du Conseil du 25 novembre 2013,

 – l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l’ordre administratif ;

 – le règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil ;

 – le règlement (CEE) nº 1408/71 du 14 juin 1971

 – le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

 – le code de justice administrative.

En application de l’article 7 de l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020, les parties ont été régulièrement informées de la tenue d’une audience partiellement dématérialisée.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

 – le rapport de M. B… ;

 – et les conclusions de Mme Méry, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. D…, citoyen français demeurant en Nouvelle-Calédonie, relève appel du jugement du Tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté sa demande en restitution des prélèvements sociaux qu’il a acquittés sur ses revenus de location de biens immobiliers situés en métropole au titre des années 2012 à 2014, conformément à l’article 29 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 pour 2012.

Sur la méconnaissance du droit communautaire :

2. En premier lieu, en vertu des stipulations des articles 45 et suivants du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, les travailleurs ressortissants des Etats membres de l’Union jouissent de la libre circulation, et le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire, prennent les mesures nécessaires pour que les paiement des cotisations et le versement des prestations ne créent pas une discrimination à l’encontre de ressortissants d’un Etat membre travaillant dans une autre Etat membres. En vertu des dispositions de l’article 198 de la quatrième partie de ce traité, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les États membres et des travailleurs des États membres dans les pays et territoires est régie par des actes adoptés conformément à une procédure prévue à l’article 203. Et aux termes de l’article 11, paragraphe 1 du règlement n° 883/2004, pris en application des stipulations de l’article 48 de ce Traité : " Les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul Etat membre. […] ".

3. Il résulte des dispositions qui viennent d’être rappelées que le droit de l’Union n’est applicable, en matière notamment de libre circulation des travailleurs, dans les pays et territoires d’outre-mer, qui font l’objet d’un régime spécial d’association défini dans la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, de manière analogue aux Etats membres que lorsqu’une telle assimilation de ces pays et territoires est expressément prévue.

4. M. D…, étant résident fiscal de Nouvelle-Calédonie et affilié à la caisse de protection sociale de Nouvelle-Calédonie, ne peut être regardé comme étant affilié à un régime de sécurité sociale d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse au sens du règlement du 29 avril 2004 du Parlement européen et du Conseil sur la coordination des systèmes de sécurité sociale du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne, pris en application de l’article 48 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. Il ne saurait donc utilement se prévaloir des dispositions prévues par le 1 de l’article 11 de ce règlement du 29 avril 2004, qui a pour objet et pour seul effet de coordonner les régimes de protection sociale au sein de l’Union européenne, ne concerne que les ressortissants de l’Union européenne et leur famille qui sont couverts par la législation de sécurité sociale de l’un des États membres de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse. Il ne saurait davantage utilement invoquer la décision du Conseil du 25 novembre 2013, relative à l’association des pays et territoires d’outre-mer à l’Union européenne, dite « décision d’association outre-mer », qui ne comporte aucune mesure concernant la libre circulation des travailleurs et dont il ne précise d’ailleurs pas quel article a été méconnu par l’administration dans le présent litige.

5. En deuxième lieu, la circonstance que, pour l’application du principe d’unicité d’affiliation à une législation de sécurité sociale garanti par le règlement du 29 avril 2004, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les prélèvements fiscaux établis par un État membre et contribuant au financement des régimes de sécurité sociale de cet État membre présentent un lien direct avec ces régime de sécurité sociale, est sans incidence sur la qualification des prélèvements en litige au regard de l’accord entre la France et la

Nouvelle-Calédonie dans une situation telle que celle de M. D… qui ne relève pas du règlement européen, ainsi qu’il a été dit ci-dessus. Par conséquent, le fait que l’intéressé se soit vu imposer ces prélèvements ne suffit pas à le faire regarder comme affilié à un régime de sécurité sociale applicable en France métropolitaine. Par suite, le requérant ne saurait, pour demander la décharge des contributions en litige, utilement se prévaloir du principe d’unicité de législation tel qu’il résulte de l’article 2 du règlement (CE) du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, interprété par la Cour de justice de l’Union européenne, notamment de son arrêt du 26 février 2015, Ministre de l’économie et des finances contre Gérard de Ruyter portant sur l’interprétation du règlement du 14 juin 1971 mais transposable à l’interprétation du règlement du 29 avril 2004, quand bien même certaines de ces contributions qui participent au financement de régimes obligatoires métropolitains présentent un lien direct et pertinent avec certaines branches de sécurité sociale énumérées à l’article 3 de ce dernier règlement.

6. En troisième lieu, il résulte des stipulations précitées du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne qu’elles introduisent une distinction, pour l’application de la loi communautaire, entre les ressortissants communautaires selon qu’ils résident ou pas dans le pays et territoires d’Outre-mer. Par suite, M. D… ne saurait exciper sur le fondement de ce traité, de la discrimination dont il ferait l’objet au regard des prélèvements en litige.

7. Enfin, à supposer qu’un citoyen français résidant en Nouvelle Calédonie puisse se prévaloir, au même titre qu’un ressortissant d’un pays tiers, du principe de libre circulation des capitaux au titre de l’imposition de ses revenus fonciers en métropole, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit, par l’arrêt du 18 janvier 2018 susvisé sur question préjudicielle du Conseil d’État, statuant au contentieux, que « les articles 63 et 65 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à la législation d’un État membre, telle que la législation française, en vertu de laquelle un ressortissant de cet État membre, qui réside dans un État tiers autre qu’un État membre de l’Espace économique européen ou la Suisse, et qui y est affilié à un régime de sécurité sociale, est soumis, dans cet État membre, à des prélèvements sur les revenus du capital au titre d’une cotisation au régime de sécurité sociale instauré par celui-ci, alors qu’un ressortissant de l’Union relevant d’un régime de sécurité sociale d’un autre État membre en est exonéré en raison du principe de l’unicité de la législation applicable en matière de sécurité sociale en vertu de l’article 11 du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ». Par suite, le moyen tiré de ce qu’en excluant les redevables non affiliés à un régime de sécurité sociale d’un Etat membre de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse du champ du remboursement des prélèvements sur les revenus du patrimoine, la loi française méconnaîtrait le principe de liberté de circulation des capitaux garanti par l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, doit être écarté.

En ce qui concerne l’accord de coordination des régimes de sécurité sociale :

8. En se bornant à soutenir sans aucun argument que le jugement est affecté d’ « irrégularité » dans son interprétation des articles 3 et 4 de l’accord portant coordination des régimes métropolitains et calédoniens de sécurité sociale, accord approuvé par le décret du 19 novembre 2002, M. D… n’assortit son moyen d’aucune précision permettant d’en apprécier la portée. Comme tel, il ne peut qu’être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il y ait lieu de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle, que M. D… n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la restitution des prélèvements sociaux qu’il a acquittés au titre des années 2012 à 2014 à raison de ses revenus de location de biens immobiliers situés en France. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :


Article 1er : La requête de M. D… est rejetée.

2

N°19VE00370

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