Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 11 février 1965, 64-91.485, Publié au bulletin

  • Atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance·
  • Discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle·
  • Infraction commise par voie de la presse·
  • Contrainte par corps·
  • Application·
  • Nécessité·
  • Auteur·
  • Sans logis·
  • Commentaire·
  • Publication

Résumé de la juridiction

L’article 226 du Code pénal, punissant ceux qui publiquement, par actes, paroles ou écrits auront cherché à jeter le discrédit sur un acte ou une décision juridictionnelle, exige que cette action ait été accomplie dans les conditions "de nature à porter atteinte à l’autorité de la justice ou à son indépendance" (1).

La contrainte par corps est applicable, même si l’infraction a été commise par la voie de la presse.

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Sur la décision

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Rejet du pourvoi de : 1° x… (pierre) ;

2° y… (robert) ;

3° la societe france-edition, contre un arret de la cour d’appel de paris du 10 mars 1964 qui, pour infraction a l’article 226 du code penal, a condamne de ce chef : le premier comme auteur principal, le second comme complice, chacun a 2000 francs d’amende, a ordonne la publication de l’arret et a declare la societe susvisee civilement responsable. La cour, vu le memoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l’article 226 du code penal et fausse application de la loi du 27 juillet 1881 sur la presse et violation de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale ;

En ce que l’arret attaque a declare x… coupable d’avoir, par ecrit, cherche a jeter le discredit sur une decision juridictionnelle dans des conditions de nature a porter atteinte a l’autorite de la justice et y… coupable de complicite de ce delit, au motif que l’auteur de l’article avait dans un commentaire outrancier et injurieux de l’arret de la cour de colmar porte atteinte a l’autorite de la justice dont les decisions etaient representees comme denuees de bon sens et rendues a tort et a travers et qu’en passant sous silence l’appreciation des juges selon laquelle les batiments et locaux avaient ete construits et amenages au mepris des regles les plus elementaires d’hygiene, de salubrite et meme de securite publique, le prevenu avait donne une analyse incomplete et tendancieuse de la decision ;

Alors que les expressions employees par l’auteur de l’article, telles que rapportees par l’arret des juges font abattre cette maison neuve alors que tant de francais sont sans logis – en pleine folie – il y a de quoi faire tomber bras et jambes de stupefaction a tous ceux qui conservent encore un gramme de bon sens – il y a de quoi rendre furieux des dizaines de milliers de francais qui cherchent un logis – des juges sans jugeotte qui devraient reflechir avant de prendre des decisions a tort et a travers – revelent que l’auteur de l’article qui, par ailleurs, admet la repression penale des faits poursuivis, a envisage du seul point de vue social et humain les consequences de la demolition d’un immeuble et que cette intention qui resulte a l’evidence des enonciations memes de l’arret est exclusive de toute attaque d’ordre general a l’egard de la justice, envisagee comme une institution fondamentale de l’etat, sur laquelle l’auteur de l’article incrimine n’a nullement tente de jeter le discredit, pas plus qu’il n’a voulu l’atteindre dans son autorite et son independance ;

Et alors que si la cour a pu estimer que y… avait fait un compte rendu incomplet de l’arret de la cour de colmar, il n’en resulte pas pour autant une atteinte a l’autorite de la justice, mais seulement une critique d’une decision particuliere de justice qui, fut-elle injustifiee, echappe a toute poursuite ;

Attendu que le journal hebdomadaire france-dimanche, dont x… pierre est le directeur de la publication, a fait paraitre dans son numero 761 du 23-29 mars 1961 un article de y… robert, intitule en pleine folie, critiquant violemment un arret du 16 fevrier 1961, par lequel la cour d’appel de colmar, chambre detachee a metz, avait ordonne la demolition d’un immeuble construit sans autorisation ;

Qu’a la suite de cette publication les susnommes ont ete poursuivis, le premier pour infraction a l’article 226 du code penal et le second pour complicite de ce delit, la societe france-edition et publication etant mise en cause en tant que civilement responsable ;

Attendu que, pour retenir les demandeurs dans les liens de la prevention, l’arret attaque constate que le sous-titre de l’article incrimine et qui est ainsi libelle : des juges font abattre cette maison neuve alors que tant de francais sont sans logis, demontre sans ambiguite que, par le titre dudit article – en pleine folie – son auteur a bien entendu qualifier ainsi la decision qu’il critique ;

Qu’au sujet de celle-ci, apres avoir ecrit il y a de quoi faire tomber bras et jambes de stupefaction a tous ceux qui conservent encore un gramme de bon sens et plus loin il y a de quoi rendre furieux les dizaines de milliers de francais qui cherchent un logis -, le meme auteur, s’etonnant qu’une telle decision ait pu etre rendue par des juges de cour d’appel que leur metier, leur culture devraient avoir habitues a reflechir avant de prendre des decisions a tort et a travers, conclut des juges sans jugeotte, ce n’est guere a l’honneur de la france ;

Attendu que c’est a bon droit que les juges du fond ont estime qu’un pareil commentaire est tout a la fois outrancier, injurieux pour les magistrats qui ont rendu l’arret qui en fait l’objet et de plus tendancieux puisque la cour d’appel constate que l’article incrimine a ete ecrit par y…, avant meme que celui-ci ait pris connaissance du jugement que confirme l’arret qu’il critiquait, et qu’en outre, sa critique a passe sous silence l’appreciation, cependant essentielle, des juges selon laquelle les batiments et locaux dont ils ont ordonne la demolition, denoncee par ledit y…, avaient ete construits et amenages au mepris des regles les plus elementaires d’hygiene, de salubrite et meme de securite publique ;

Qu’en cet etat, la cour d’appel etait donc fondee a decider que l’auteur d’un tel commentaire, encore bien qu’il ait declare limiter sa critique a la demolition ordonnee par la cour de colmar – et cela, est-il precise au moyen, du seul point de vue social et humain -, a voulu, en cherchant a jeter le discredit sur une decision juridictionnelle, atteindre dans son autorite, par-dela les magistrats mis en cause, la justice consideree comme une institution fondamentale de l’etat ;

D’ou il suit que le moyen n’est pas fonde ;

Et attendu que l’arret attaque est regulier en la forme ;

Rejette le pourvoi. Condamne les demandeurs a l’amende et aux depens et ce par corps en ce qui concerne x… pierre et y… robert ;

Fixe pour ces derniers au minimum edicte par la loi la duree de la contrainte par corps. President : m zambeaux – rapporteur : m turquey – avocat general : m boucheron – avocat : m chareyre.

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Textes cités dans la décision

  1. Loi du 20 avril 1810
  2. CODE PENAL
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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 11 février 1965, 64-91.485, Publié au bulletin