Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 8 novembre 1972, 71-90.911, Publié au bulletin

  • Refus de statuer sur un chef de prévention·
  • Loi du 24 décembre 1969 (article 459·
  • Faits relatés dans le procès-verbal·
  • Faits résultant du procès-verbal·
  • Publication de la condamnation·
  • Juridictions correctionnelles·
  • Faits relatés dans le procès·
  • Appel de l'administration·
  • Appel du ministère public·
  • Application dans le temps

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Les infractions à la législation relative aux relations financières avec l’étranger étant constatées et poursuivies comme en matière douanière, l’objet de l’inculpation et l’étendue de la poursuite sont déterminés par le procès-verbal. Encourt donc la cassation, l’arrêt qui refuse de statuer sur un chef de prévention, fondé sur les constatations dudit procès-verbal (1).

Les juges du second degré, saisis des seuls appels du Ministère public et de l’administration des douanes, ne sauraient, sans méconnaître le principe énoncé à l’article 515 du Code de procédure pénale, modifier dans un sens défavorable à cette administration, les sanctions douanières prononcées en première instance à l’encontre d’un prévenu non appelant, alors que l’action de l’administration, indépendante de l’action publique, a principalement pour objet la réparation du préjudice causé par la fraude au Trésor public (2).

En l’absence de dérogation expressément et clairement affirmée par le législateur, ne sauraient comporter d’effet rétroactif, les dispositions de l’article 73 de la loi de finances du 24 décembre 1969, reprise sous l’article 459-5 actuel du Code des douanes et instituant une peine complémentaire de publication, en cas de condamnation pour infraction à la réglementation des relations financières avec l’étranger (3).

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Sur la décision

Sur les parties

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Cassation partielle sur le pourvoi forme par l’administration des douanes, contre un arret de la cour d’appel de montpellier, du 20 janvier 1971, qui a prononce sur les poursuites dirigees contre x… (juliette), epouse y…

Z…, a… (georges) et plusieurs autres, des chefs d’infractions douanieres et d’infractions a la legislation relative aux relations financieres avec l’etranger. La cour, vu les memoires en demande et en defense ;

Attendu qu’il resulte de l’arret attaque adoptant les motifs des premiers juges ainsi que du proces-verbal de douane, base de la poursuite, qu’entre mai et octobre 1969, x… juliette epouse y…

Z…, soucieuse de regler le prix d’achat d’un immeuble qu’elle venait d’acquerir en espagne, a obtenu de b… anais epouse c…, d… odette epouse e…, f… claude, g… marie, epouse f…, h… bernard, h… lucien, h… francis, et i… jean-jacques, la remise de cartes d’identite et de photographies qui lui ont permis de se procurer, sous le nom de tiers, des carnets de change de voyageurs et les allocations de devises etrangeres auxquelles ces documents ouvraient droit, a raison de 1 000 francs par personne et par an ;

Que, d’autre part, a… georges, employe de banque, a accepte de lui delivrer irregulierement lesdits carnets et les devises etrangeres qui s’y rapportent, en se rendant d’ailleurs coupable de contrefacons de signatures ;

Qu’il appert, en outre, desdits arret, jugement et proces-verbal, que dame y…

Z…, qui s’est rendue elle-meme en espagne a quinze reprises, a pu transferer illicitement dans ce pays, grace a ces agissements, la contre-valeur de 15 000 francs francais en devises espagnoles ;

Que, de plus, elle a emporte, lors de ses deplacements, un montant de 12 887 francs en billets de banque francais, en les dissimulant dans son sac a main, a raison de 2 000 a 3 000 francs par voyage, sans les declarer au bureau de sortie du territoire douanier ;

Qu’enfin, elle a apporte en espagne, dans les memes conditions, un montant supplementaire de 5 000 francs francais dont elle a depose l’equivalent dans une banque espagnole, tandis que les devises etrangeres et les autres billets francais, frauduleusement exportes, ont ete utilises pour payer, a concurrence de la contre-valeur de 25 000 francs, le prix d’achat de sa residence secondaire en espagne et de 2 887 francs celui d’un mobilier acquis dans ce meme pays ;

En cet etat ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 399 et 414 du code des douanes, des dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 decembre 1968 et du decret du 24 novembre 1968, exces de pouvoir, denaturation des termes de l’ordonnance de renvoi et des conclusions de l’administration des douanes, ensemble violation de l’article 593 du code de procedure penale, contradiction, defaut de motifs et manque de base legale, "en ce que l’arret attaque, tout en constatant que la prevenue a exporte irregulierement des billets francais, a refuse de lui appliquer les penalites prevues tant par la loi douaniere que par la reglementation des changes ;

« aux motifs que »malgre une certaine amphibologie il semble bien« que ni dans ses motifs ni dans son dispositif l’ordonnance de renvoi ne retienne l’exportation de monnaie francaise de sorte qu’il y a lieu d’accorder a la prevenue pour ce chef d’inculpation »le benefice du doute" ;

« alors qu’il ressort des constatations de l’arret attaque incompatibles avec ses propres motifs que l’ordonnance rendue par le juge d’instruction le 13 mai 1970 a renvoye la dame y… devant le tribunal correctionnel pour avoir »exporte des billets sans autorisation prealable du ministre de l’economie et des finances" ;

Qu’au demeurant l’ordonnance de renvoi vise expressement le fait d’avoir « exporte des billets » ;

Que les motifs dubitatifs par lesquels l’arret ecarte le fait ainsi vise a la prevention ne sauraient conferer une base legale a sa decision de relaxe partielle" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’aux termes de l’article 593 du code de procedure penale, les arrets et jugements en dernier ressort sont declares nuls lorsqu’il a ete omis ou refuse de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ;

Attendu qu’il appert de l’arret attaque que, saisie au regard des faits ci-dessus exposes et en conformite de l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, des poursuites dirigees contre dame y…

Z… pour exportation sans declaration de devises, marchandises prohibees, en application des articles 428-1, 414 et 435 du code des douanes et, en outre, pour avoir effectue, sans autorisation prealable des operations de change, des transports de capitaux et des reglements de toute nature entre la france et l’etranger, ou exporte des billets, moyens de payement, aux termes des articles 3 et 5-1 de la loi n° 66-1008 du 28 decembre 1966 et du decret n° 68-1021 du 24 decembre 1968, la cour d’appel estimant que l’exportation de billets de banque francais n’avait pas ete retenue par la prevention, a refuse de se prononcer, de ce chef, sur la culpabilite de l’interessee ;

Mais attendu que, quels que soient les termes de l’ordonnance de renvoi, l’administration des douanes etait fondee a poursuivre devant les juges correctionnels, tant au point de vue de la legislation douaniere que de la reglementation relative aux relations financieres avec l’etranger, l’exportation illicite, de france en espagne, des billets de banque francais dont il a ete fait mention dans le proces-verbal, base de la poursuite, et, qu’en consequence, les juges du second degre etaient tenus de statuer sur les conclusions dont ils ont ete regulierement saisis a cette fin par ladite administration ;

Qu’en effet, en matiere douaniere, c’est par le proces-verbal qu’est fixe l’objet de l’inculpation et l’etendue de la poursuite ;

Qu’il en est de meme en ce qui concerne les infractions a la legislation relative aux relations financieres avec l’etranger, des lors qu’aux termes de l’article 5-11 de la loi n° 66-1008 du 28 decembre 1966, celles-ci sont constatees, poursuivies et reprimees, comme en matiere douaniere, ainsi que l’indique d’ailleurs l’article 451 insere dans le code des douanes par le decret du 28 avril 1972 ;

Qu’en cet etat, la cour d’appel ayant, par son refus de statuer, viole les textes vises au moyen, la cassation est encourue de ce chef ;

Sur le deuxieme moyen de cassation, pris de la violation des articles 399 et 414 du code des douanes, des dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 decembre 1968 et du decret du 24 novembre 1968, exces de pouvoir, ensemble violation de l’article 593 du code de procedure penale. "en ce que l’arret attaque a prononce la relaxe au profit de la prevenue b… epouse c… ;

« aux motifs qu' »elle a toujours proteste de son innocence ;

Qu’il existe en sa faveur un doute dont elle doit beneficier" ;

« alors que la prevenue n’a pas fait appel du jugement qui l’a retenue dans les liens de la prevention » ;

Vu lesdits articles, ensemble l’article 515 du code de procedure penale ;

Attendu qu’aux termes de ce dernier texte, la juridiction du second degre ne peut, sur les seuls appels du ministere public et de l’administration des douanes dont l’action est independante de l’action publique, modifier le jugement entrepris dans un sens defavorable a cette administration qui poursuit la reparation du prejudice cause par la fraude au tresor public ;

Que, d’autre part, les condamnations pecuniaires, prononcees en matiere douaniere, ont principalement le caractere de reparations civiles ;

Attendu qu’il resulte de l’arret attaque que b… anais, epouse c…, a ete condamnee par les premiers juges pour complicite, par interet d’exportation sans declaration de devises, a 500 francs d’amende et au payement d’une somme de 1 000 francs pour tenir lieu de confiscation ;

Que saisie des seuls appels de l’administration des douanes et du ministere public, la cour d’appel n’a pas maintenu ces condamnations ;

Attendu qu’en statuant ainsi elle a meconnu et par la meme viole les principes susrappeles ;

Que sa decision encourt donc egalement cassation de ce chef ;

Sur le troisieme moyen de cassation, pris de la violation des articles 399 et 414 du code des douanes, des dispositions de la loi n° 66-1008 du 28 decembre 1968 et du decret du 24 novembre 1968, exces de pouvoir, ensemble violation de l’article 593 du code de procedure penale. "en ce que l’arret attaque a refuse d’appliquer les penalites douanieres a tous les coprevenus de la dame y… et leur a exclusivement applique les penalites edictees par la reglementation cambiaire ;

« aux seuls motifs qu’ils n’ont pas participe a la realisation du delit douanier ;

« alors que l’arret attaque constate que les prevenus ont »prete leurs cartes d’identite« et remis leurs photographies respectives a la dame y… »sachant l’usage illicite qu’elle allait en faire" ;

Qu’un tel acte de cooperation a la fraude douaniere est reprime par les dispositions de l’article 399 2 b du code des douanes ;

« que, en outre il existe entre les delits douanier et cambiaire un cumul reel d’infractions entrainant l’application cumulative des peines edictees respectivement par la loi douaniere et par la reglementation des changes » ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que si les cours d’appel sont investies du droit d’apprecier les circonstances qui permettent de depouiller les faits imputes aux prevenus de leur caractere de criminalite, leur appreciation, a cet egard, n’echappe au controle de la cour de cassation qu’autant qu’elle n’est pas en contradiction avec les faits constates par les arrets eux-memes ou avec le caractere legal qui leur appartient ;

Attendu qu’il appert de l’arret attaque, qu’apres avoir declare dame y… coupable, a la fois, du delit douanier d’exportation sans declaration de devises etrangeres, marchandises prohibees, et de l’infraction a la legislation relative aux relations financieres avec l’etranger d’exportation, sans autorisation ministerielle prealable, de ces moyens de payement, la cour d’appel a releve expressement que les epoux f…

G…, les freres h… bernard, lucien et francis, i… jean-jacques, et dame e… qui ont mis a la disposition de leur coprevenue des cartes d’identite et des photographies, lui ayant permis de se procurer frauduleusement lesdites devises, reservees aux voyageurs, savaient l’usage illicite que celle-ci allait faire de ces cartes et photographies ;

Que neanmoins, tout en retenant a la charge des interesses leur complicite en ce qui concerne les infractions a la legislation relative aux relations financieres avec l’etranger, la juridiction du second degre a ecarte cette prevention quant au delit douanier, au motif qu’ils n’y auraient participe ni directement ni indirectement ;

Attendu, qu’en statuant ainsi les juges d’appel se sont mis en contradiction avec leurs propres constatations, d’autant que, selon l’article 428-1 du code des douanes, est reputee exportation sans declaration des marchandises prohibees, toute infraction aux dispositions soit legislatives soit reglementaires, portant prohibition d’exportation ou subordonnant l’exportation a l’accomplissement de formalites particulieres, lorsque la fraude, comme en l’espece, a ete commise par les bureaux ;

D’ou il suit que le moyen doit etre accueilli, en ce qui concerne les coprevenus de dame y… susvises, auxquels, seuls, il est susceptible de s’appliquer ;

Sur le quatrieme moyen de cassation, pris de la violation de l’article 73 paragraphe 5° de la loi de finances n° 69-1161 du 24 decembre 1969, fausse application de l’article 2 du code civil, ensemble violation de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale, "en ce que l’arret attaque refuse d’ordonner l’insertion de l’extrait de sa decision dans un journal d’information aux frais de la prevenue ;

« aux motifs que l’infraction a ete commise avant la publication de la loi de finances du 24 decembre 1969 ;

« alors qu’aux termes de cette loi, »a compter de sa promulgation« les tribunaux doivent ordonner la publication de leurs decisions portant condamnation » ;

Attendu que la prevention vise des infractions a la legislation, relative aux relations financieres avec l’etranger, commises courant 1969 et qui ont ete constatees par proces-verbal du 7 octobre de la meme annee ;

Attendu, d’autre part, que l’article 73-1 de la loi de finances n° 69-1160 du 24 decembre 1969, publiee au journal officiel du 27 du meme mois, et qui a remplace le paragraphe i de l’article 5 de la loi n° 66-1008 du 28 decembre 1966, relative aux relations financieres avec l’etranger, par des dispositions nouvelles, a edicte, sous l’article 5 de celles-ci : « a compter de la promulgation de la presente loi, les tribunaux ordonneront, en outre, que leurs decisions, portant condamnation seront, aux frais des personnes condamnees, inserees en entier ou par extraits dans les journaux qu’ils designeront » ;

Attendu, en cet etat, que c’est a bon droit que la cour d’appel a declare n’y avoir lieu, au cas de l’espece, a publication de sa decision, par application de l’article susvise, promulgue posterieurement a la perpetration des faits delictueux qu’elle a sanctionnes et dont le texte integral n’a d’ailleurs pas ete incorpore dans le code des douanes, sous l’article 459-5, par le decret du 28 avril 1972 ;

Qu’en effet, il ne resulte avec certitude ni du libelle meme dudit texte, ni des autres dispositions nouvelles de l’article 73 de la loi de finances du 24 decembre 1969, portant creation ou aggravation de sanctions en matiere d’infraction a la legislation relative aux relations financieres avec l’etranger, que l’intention du legislateur ait ete de conferer a la peine complementaire de la publication qu’il a instituee, en l’occurrence, un effet retroactif, alors que la regle fondamentale de la non-retroactivite de la loi penale ne permet d’autres derogations que celles qui seraient expressement et clairement affirmees par elle ;

D’ou il suit que le moyen ne saurait etre accueilli ;

Par ces motifs ;

Casse et annule l’arret de la cour d’appel de montpellier du 20 janvier 1971 mais seulement en ce que : 1° il a refuse de prononcer sur le delit douanier d’exportation sans declaration et sur l’infraction a la legislation relative aux relations financieres avec l’etranger, d’exportation sans autorisation prealable de billets de banque francais, imputes a dame y…

Z… ;

2° il n’a pas maintenu la condamnation a l’amende et a la confiscation prononcee par les premiers juges a l’encontre de dame c… du chef de complicite d’exportation de devises etrangeres sans declaration ;

3° il a dit non etabli, a la charge des epoux f…-g…, des consorts h… bernard, lucien et francis, de i… jean-jacques et de dame e…, le delit douanier de complicite d’exportation sans declarations de devises etrangeres ;

Toutes autres dispositions de l’arret susvise demeurant expressement maintenues ;

Et pour etre statue a nouveau, conformement a la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcee, renvoie la cause et les parties devant la cour d’appel de nimes.

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