Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 juin 1972, 70-90.819, Publié au bulletin

  • Diffamation contre la mémoire des morts·
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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Le droit de réponse institué par l’article 34 paragraphe 2 de la loi du 29 juillet 1881 peut être exercé par les héritiers d’une personne décédée dont la mémoire a été attaquée par la voie de la presse, lorsque la publication incriminée présente les éléments constitutifs des délits d’injure ou de diffamation (1). Pour l’appréciation de la légitimé du refus d’insertion, le contrôle de la Cour de cassation s’exerce non seulement sur les énonciations de l’arrêt mais aussi sur les documents visés par les juges du fond et versés au procès (2). Ne saurait être considérée comme portant atteinte à l’honneur du journaliste une réponse dont les termes ne dépassent pas en gravité et en vivacité ceux de l’article auquel il est répondu (3).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 14 juin 1972, n° 70-90.819, Bull. crim., N. 205 P. 534
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 70-90819
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin Criminel Cour de Cassation Chambre criminelle N. 205 P. 534
Décision précédente : Cour d'appel de Montpellier, 15 février 1971
Précédents jurisprudentiels : Confère :
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 01/07/1954 Bulletin Criminel 1954 N. 246 p.422 (REJET). (3)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 06/10/1959 Bulletin Criminel 1959 N. 409 p.799 (CASSATION). (3)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 09/01/1948 Bulletin Criminel 1948 N. 9 p.11 (REJET). (2)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 16/01/1969 Bulletin Criminel 1969 N. 36 p.81 (CASSATION). (3)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 16/01/1969 Bulletin Criminel 1969 N. 36 p.81 (CASSATION)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 21/02/1930 Bulletin Criminel 1930 N. 61 p.114 (REJET). (2)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 27/10/1910 Bulletin Criminel 1910 N. 524 p.963 (CASSATION). (2)
Cour de Cassation (Chambre criminelle) 28/12/1933 Bulletin Criminel 1933 N. 251 p.479 (REJET). (1)
Textes appliqués :
LOI 1881-07-29 ART. 34 PAR. 2
Dispositif : REJET
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007057288
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Sur les parties

Note : Cet arrêt était rédigé entièrement en majuscules. Pour plus de lisibilité, nous l’avons converti en minuscules. Néanmoins, ce processus est imparfait et explique l’absence d’accents et de majuscules sur les noms propres.

Texte intégral

Rejet du pourvoi de x… (pierre), directeur de la publication de l’hebdomadaire france-dimanche, contre un arret de la cour d’appel de montpellier, du 16 fevrier 1971 qui, pour refus d’insertion d’une reponse, l’a condamne a une amende de 200 francs, ainsi qu’a des reparations civiles. La cour, vu le memoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 13 et 34 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale, « en ce que l’arret attaque a retenu le demandeur dans les liens de la prevention de refus d’insertion d’une reponse a un article paru dans l’hebdomadaire france-dimanche, au motif que la demande d’insertion de la reponse etait justifiee, les faits relates par l’article etant diffamatoires en raison des qualificatifs d’ivresse et de l’intitule en gros caracteres »les revelations d’un matelot ivre" ;

« alors qu’il est constant que, pour constituer une diffamation de nature a justifier le droit de reponse, les propos incrimines doivent contenir l’allegation ou l’imputation d’un fait qui porte atteinte a l’honneur ou a la consideration de la personne et que s’agissant d’un jeune marin qui, tout a fait exceptionnellement, avant de regagner son batiment avait ete boire dans un bar un peu plus que de coutume, il n’apparait pas que le rappel de ce fait ait pu porter atteinte a l’honneur et a la consideration d’un garcon qualifie par ailleurs dans le meme article comme bien sympathique et surtout tres gentil » ;

Attendu que l’hebdomadaire france-dimanche a publi dans son numero 1227 de la semaine du 10 au 16 mars 1970 un article intitule « demain on plonge et on ne reviendra pas » , avec en intertitre, « la premonition du marin ivre » , et relatif a la perte d’un sous-marin de la marine nationale, disparu en mer, corps et biens, le 4 du meme mois ;

Qu’il est relate dans cet article, que le quartier-maitre electricien y… jean-claude, qui a peri dans ce naufrage, s’est rendu, avant d’embarquer, dans un cabaret ou il a passe un certain temps a boire de l’alcool et a « faire la foire » ;

Qu’il a « bu sans arret jusqu’a la fermeture du bar » ;

Que « les whiskies succedaient aux whiskies » , qu’il a fait certaines declarations alors qu’il etait en etat d’ebriete, et que, lorsqu’il est parti pour rejoindre son bord, « il etait ivre » ;

Que y… jean, pere du quartier-maitre defunt, agissant en sa qualite d’heritier de celui-ci, et se fondant sur les articles 13 et 34 de la loi du 29 juillet 1881, a requis l’insertion dans le journal precite, d’une reponse par laquelle il contestait les faits ainsi imputes a son fils et protestait contre l’atteinte portee a sa memoire ;

Que, cette reponse n’ayant pas ete inseree, y… jean et son epouse ont, en vertu des articles precites, poursuivi x…, directeur de la publication de france-dimanche ;

Que ce dernier a ete declare coupable, par l’arret attaque, de la contravention de refus d’insertion d’une reponse ;

Attendu que l’imputation, portee contre un tiers, d’avoir ete, a un moment donne, en etat d’ivresse publique et manifeste vise un fait tombant sous le coup de la loi penale et presente par la meme un caractere diffamatoire ;

Que ce caractere est encore aggrave en l’espece, a raison des circonstances dans lesquelles, selon le journal, ce fait se serait produit ;

Qu’ainsi c’est a bon droit que l’arret attaque a declare que l’article incrimine contenait une diffamation publique envers la memoire d’un mort et donnait, des lors, ouverture au droit de reponse institue par la loi en faveur, notamment, des heritiers vivants du defunt ;

Qu’il suit de la que le moyen n’est pas fonde ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation de l’article 13 et 34 de la loi du 29 juillet 1881 et de l’article 7 de la loi du 20 avril 1810, defaut de motifs et manque de base legale, "en ce que l’arret attaque a retenu le demandeur dans les liens de la prevention de refus d’insertion d’une reponse a un article paru dans l’hebdomadaire france-dimanche ;

« au motif que les passages de la lettre dont l’insertion etait demandee constituaient une reponse qui ne depassait pas l’attaque ;

« alors que, d’une part, la reponse qui comportait des expressions injurieuses a l’egard des journalistes accuses d’avoir voulu salir la memoire d’un disparu, d’avoir ecrit un article scandaleux et qui etait un tissu de mensonges, qui traitait les journalistes de peu scrupuleux et indignes, etait sans rapport avec l’article incrimine qui ne faisait que relater le fait anodin d’un jeune matelot qui, avant de s’embarquer, s’arret a un bar pour y boire un peu plus que de coutume et qu’ainsi l’equilibre voulu par le legislateur entre l’article litigieux et la reponse a ete compromis par riposte venimeuse comportant, de surcroit, des enonciations parfaitement etrangeres aux mentions de la publication incriminee ;

« et alors que, d’autre part, contrairement a ce qu’enonce l’arret le »dont acte", figurant a la lettre de y…, devait etre envisage pour juger de la recevabilite de la reponse notamment en ce qu’elle porte atteinte a l’honneur et a la consideration des journalistes ;

Qu’en effet, le directeur de la publication de france-dimanche ne pouvait pas determiner si ce « dont acte » faisait ou non partie de la reponse a publier, dans la mesure ou la demande de publication de ce « dont acte » dans les journaux regionaux faisait partie integrante de la lettre de y… puisqu’elle etait presentee avant la formule de politesse et la signature de l’expediteur, sans mention expresse de ce qu’elle ne faisait pas partie du texte a inserer ;

Attendu que le prevenu a sollicite sa relaxe en soutenant que s’il avait refuse d’inserer la reponse de y… jean, c’etait en raison du caractere offensant de celle-ci pour les journalistes auteurs de l’article susvise ;

Qu’il s’est fonde, a cet effet, sur les cinq passages suivants de ladite reponse « je ne puis comprendre que des hommes qui se disent journalistes puissent arriver a salir la memoire de jeunes gens morts en service commande… » , « … l’article est un tissu de mensonges sortis de l’imagination de vos collaborateurs certainement a court de sujets, voila donc le garcon que vos journalistes ont pris en exemple pour ecrire ce scandaleux article, » « il est de mon devoir de ne pas laisser salir la memoire de mon fils et celle de ses 56 camarades disparus avec lui » , je me reserve de demander completement reparation du prejudice cause et, eventuellement, d’engager toutes poursuites contre votre journal en raison des propos diffamatoires tenus" ;

Attendu qu’apres avoir observe que la diffamation commise envers la memoire du quartier-maitre y… revetait un caractere particulierement « indecent », en raison des circonstances dans lesquelles ce marin avait peri, et que cette diffamation avait ete d’autant plus peniblement ressentie par la famille du defunt que, dans la region ou celle-ci habitait, l’article incrimine avait retenu l’attention d’un vaste public, la cour d’appel enonce, pour rejeter les conclusions du prevenu et retenir ce dernier dans les liens de la prevention, que les termes de la reponse « sont pertinents et presentent un certain »equilibre" avec ceux de l’article, et que la gravite de l’attaque justifie, en l’espece la vivacite de la reponse ;

Attendu qu’en prenant ainsi en consideration dans une juste mesure, la teneur de la reponse et celle de l’article, empreint de malveillance, auquel il etait repondu, la cour d’appel, qui n’avait pas a s’arreter a un autre texte, distinct de ladite reponse, et dont l’insertion dans le journal france-dimanche n’avait pas ete demandee, a fait une exacte application des articles 13 et 34 alinea 2 de la loi du 29 juillet 1881 ;

D’ou il suit que le moyen doit etre ecarte ;

Et attendu que l’arret est regulier en la forme ;

Rejette le pourvoi.

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Textes cités dans la décision

  1. Loi du 29 juillet 1881
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