Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 14 novembre 1995, 92-18.199, Publié au bulletin

  • Contamination par le virus d'immunodéficience humaine·
  • Obligation de livrer des produits exempts de vices·
  • Absence de prérogative de puissance publique·
  • Livraison de produits exempts de vices·
  • Compétence des tribunaux judiciaires·
  • Administration de produits anti·
  • Centre de transfusion sanguine·
  • Contrat de fourniture de sang·
  • Hémophiliques en janvier 1985·
  • Responsabilité contractuelle

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

°

Le service public de la transfusion sanguine est assuré par des associations de droit privé dépourvues de prérogatives de puissance publique, l’Etat étant seul détenteur des pouvoirs de police et aucun texte n’excluant la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire pour les actions en réparation engagées par les receveurs de produits sanguins ou leurs dérivés.

Le contrat de fourniture de sang par les centres de transfusion sanguine met à leur charge une obligation de livrer des produits exempts de vices, sans faculté d’exonération autre que la cause étrangère.

Ayant relevé que selon l’avis de deux experts " aucun autre mode de contamination que les interventions et les transfusions de janvier 1985, tant par le virus VIH que par celui de l’hépatite C ne saurait être retrouvé ni retenu ", que les experts évaluaient à plus de 90 % pour le virus du SIDA, et à plus de 80 % pour celui de l’hépatite C, les probabilités scientifiques de contamination de la victime par des produits anti-hémophiliques administrés en janvier 1985, qu’en raison de l’absence de dépistage, à cette époque, effectué sur les donneurs et du non-respect des mesures de prévention préconisées par l’Administration, les lots de facteurs VIII, non chauffés, fournis par le Centre national de transfusion sanguine ne pouvaient qu’être contaminés, la cour d’appel a pu en déduire que la preuve était rapportée de l’imputabilité de la maladie aux transfusions de produits sanguins.

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Revue Générale du Droit

Contexte : Cette décision rendue le 12 novembre 2015 par la première chambre civile tranche une difficulté tenant à la compétence du juge pour connaître des actions en responsabilité dirigées contre des établissements de santé privé pour des produits sanguins contaminés, tout en apportant une utile précision sur les conditions désormais requises pour obtenir leur condamnation à réparer les dommages en résultant. Litige : A l'occasion d'un acte médical pratiqué en mars 1985 dans un établissement de santé privé, une patiente subit plusieurs transfusions sanguines de produits sanguins …

 
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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 14 nov. 1995, n° 92-18.199, Bull. 1995 I N° 414 p. 289
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 92-18199
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin 1995 I N° 414 p. 289
Décision précédente : Cour d'appel de Toulouse, 8 juin 1992
Précédents jurisprudentiels : A rapprocher :
(2°). Chambre civile 1, 12/04/1995, Bulletin 1995, I, n° 180 (1), p. 130 (rejet et cassation partielle).
Dispositif : Cassation partielle.
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007034691
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Sur les parties

Texte intégral

Attendu que M. X… a été hospitalisé le 9 janvier 1985 pour subir une intervention chirurgicale ; que l’examen préopératoire a révélé qu’il était hémophile ; qu’après l’opération, effectuée le 11 janvier 1985, il a reçu des perfusions de cryoprécipité lyophilisé et de facteur VIII concentré provenant d’un lot identifié fourni par le centre régional de transfusion sanguine de Toulouse et fabriqué par le Centre national de transfusion sanguine, devenue la Fondation nationale de transfusion sanguine ; que la contamination de M. X… par les virus VIH et de l’hépatite C a été établie au mois de janvier 1987 ; qu’au vu du rapport d’un collège d’experts et d’une consultation du professeur Montagnier, ordonnés en référé, M. X… a assigné en déclaration de responsabilité et en indemnisation de son préjudice le Centre et la Fondation, laquelle a appelé en garantie le Groupe Azur, compagnie apéritrice d’un groupe d’assureurs couvrant sa responsabilité, deux autres assureurs membres du groupe, Les Mutuelles du Mans assurances IARD et le Groupe des assurances nationales intervenant volontairement à l’instance ; que l’arrêt attaqué a condamné in solidum le Centre et la Fondation à indemniser M. X… et dit que le Groupe Azur devrait, dans la limite du plafond convenu, garantir la Fondation de cette condamnation ;

Sur le premier moyen du pourvoi du Groupe Azur, auquel s’associent Les Mutuelles du Mans assurances IARD :

Attendu qu’il est fait grief à la cour d’appel de s’être reconnue compétente pour statuer sur la responsabilité de la Fondation et du Centre alors, selon le moyen, que les juridictions de l’ordre judiciaire n’ont pas compétence pour connaître de l’action en réparation exercée en raison de la délivrance de sang contre ces personnes morales chargées de l’exécution du service public administratif de la transfusion et de la délivrance du sang et de ses dérivés, cette activité revêtant un caractère de prérogative de puissance publique, les juges du second degré ayant ainsi violé la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;

Mais attendu que la cour d’appel a exactement retenu que le service public de la transfusion sanguine était assuré par des associations de droit privé dépourvues de prérogatives de puissance publique, l’Etat étant seul détenteur des pouvoirs de police ; qu’aucun texte du Code de la santé publique n’excluait la compétence des tribunaux de l’ordre judiciaire pour les actions en réparation engagées par les receveurs de produits sanguins ou leurs dérivés ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen du pourvoi, pris en ses trois branches, auquel s’associent la Fondation et Les Mutuelles du Mans :

Attendu qu’il est encore reproché à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la Fondation et le Centre, alors que, d’une part, la cour d’appel aurait méconnu les termes du litige en énonçant qu’il n’était discuté par aucune partie qu’un contrat avait été passé entre les prescripteurs de la transfusion et les fournisseurs de produits sanguins ; alors que, d’autre part, en considérant qu’un contrat avait pu se former entre le Centre et la Fondation, qui avait pour objet la délivrance du sang humain, les juges du second degré auraient violé l’article 1128 du Code civil ; alors que, enfin, ils auraient privé leur décision de base légale au regard de l’article 1121 du même Code en s’abstenant de caractériser une quelconque manifestation de volonté du Centre ou de l’établissement hospitalier tendant à faire naître au profit de M. X… un droit envers la Fondation ;

Mais attendu, d’abord, que M. X… ayant invoqué, dès la première instance, l’existence d’une stipulation faite à son profit par les prescripteurs, la cour d’appel, en retenant l’existence d’un rapport direct entre le bénéficiaire et la Fondation n’a pas méconnu les termes du litige ; qu’ensuite, le contrat de fourniture de sang par les centres de transfusion sanguine met à leur charge une obligation de livrer des produits exempts de vices sans faculté d’exonération autres que la cause étrangère ; qu’ainsi, la cour d’appel a légalement justifié sa décision ; qu’enfin le Groupe Azur n’a pas invoqué devant la cour d’appel l’absence de manifestation de volonté du Centre et de l’établissement hospitalier de stipuler en faveur de M. X… ; que le grief est nouveau, mélangé de fait et de droit ; d’où il suit que le moyen, non fondé en ses deux premières branches et irrecevable en sa troisième branche, ne peut être accueilli ;

Sur le cinquième moyen, auquel s’associent la Fondation et Les Mutuelles du Mans :

Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir inversé la charge de la preuve en énonçant qu’aucune cause de contamination autre que celle résultant de la délivrance de produits sanguins contaminés n’était démontrée ;

Mais attendu que l’arrêt attaqué a relevé que, selon l’avis des deux experts, « aucun autre mode de contamination que les interventions et les transfusions sanguines de janvier 1985, tant pour le virus VIH que pour celui de l’hépatite C, ne saurait, au terme de cette analyse, être retrouvé ni retenu » ; que les experts évaluaient à plus de 90 % pour le virus du SIDA, et à plus de 80 % pour celui de l’hépatite C, les probabilités scientifiques de contamination de M. X… par l’intermédiaire des produits anti-hémophiliques administrés en janvier 1985 ; qu’à cette date, en raison notamment de l’absence de dépistage effectué par les donneurs, ce dépistage nétant pas encore scientifiquement et technologiquement réalisable et les mesures générales de prévention préconisées par la circulaire ministérielle du 20 juin 1983 n’ayant pas été respectées, les lots de facteurs VIII non chauffés fournis, comme en l’espèce, par le CNTS, ne pouvaient qu’être contaminés ; que la cour d’appel, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation, a pu en déduire, sans en inverser la charge, que la preuve était rapportée de l’imputabilité de la maladie aux transfusions de produits sanguins ; d’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa seconde branche, auquel s’associent Les Mutuelles du Mans assurances :

Vu l’article 564 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que les parties peuvent soumettre à la cour d’appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la prétention du Groupe Azur à faire prononcer la nullité du contrat d’assurance le liant à la Fondation, l’arrêt attaqué a retenu que cet assureur ne pouvait se prévaloir de l’article 564 du nouveau Code de procédure civile dès lors que les prétentions de la Fondation, autres que celles en réplique à celles des assureurs, ne portaient pas sur la validité du contrat d’assurance, mais sur la contestation de sa responsabilité et que, au moment de l’audience devant le Tribunal, tous les éléments de fait soumis à l’appréciation de la cour d’appel se trouvaient dans le débat ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la prétention nouvelle de l’assureur relative à la nullité du contrat tendait à faire écarter la demande en garantie dirigée contre lui par l’assuré, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer ni sur la première branche du deuxième moyen ni sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans les rapports entre la Fondation, le Groupe Azur et Les Mutuelles du Mans assurances, l’arrêt rendu le 9 juin 1992, entre les parties, par la cour d’appel de Toulouse ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bordeaux.

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Textes cités dans la décision

  1. Code de procédure civile
  2. Code civil
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