Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 24 octobre 1996, 95-85.617, Inédit

  • Extension à l'infraction douanière expressément exclue·
  • Prévenu cité à personne non comparant et non excusé·
  • Annulation par voie de retranchement·
  • Extradition limitée à une infraction·
  • Appel correctionnel ou de police·
  • Principe de la spécialité·
  • Signification à parquet·
  • Point de départ·
  • Extradition·
  • Marc

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-seize, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire de LAROSIERE de CHAMPFEU, les observations de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN et de la société civile professionnelle BORE et XAVIER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général AMIEL;

Statuant sur le pourvoi formé par : – X… Marc,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 10e chambre, en date du 12 octobre 1995, qui a déclaré irrecevable son appel formé contre un jugement rendu le 8 octobre 1990 par le tribunal correctionnel de BOBIGNY, lequel, pour infractions à la législation sur les stupéfiants et délit douanier, l’a condamné à 6 ans d’emprisonnement, à l’interdiction définitive du territoire français, a décerné mandat d’arrêt à son encontre, et prononcé sur les pénalités douanières;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 498, 555, 559, 562 du Code de procédure pénale, ensemble 593 du même Code, défaut de motifs, manque de base légale, violation des articles 6 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable comme tardif, l’appel d’un jugement prononcé le 8 octobre 1990 par le tribunal correctionnel de Bobigny à l’encontre de Marc X…;

« aux motifs que »… le jugement a été signifié au parquet de Pontoise le 6 janvier 1992; le 8 octobre 1990, l’avocat de Marc X… avait adressé au président du tribunal une lettre d’accompagnement d’un courrier de son client aux termes duquel celui-ci avait quitté la France pour la Suisse le 7 octobre 1990; le 13 décembre 1994, Marc X…, représenté par un avocat au barreau de Paris, a interjeté appel du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny en date du 8 octobre 1990; l’appel a été interjeté après l’expiration du délai fixé par l’article 498 du Code de procédure pénale";

« alors, d’une part, qu’il résulte des pièces de la procédure et des énonciations de l’arrêt attaqué que Marc X… n’a pas été touché par la signification du jugement effectuée au parquet étranger le 6 janvier 1992 et que, n’ayant pas eu connaissance du jugement rendu à son encontre, il s’est trouvé dans l’impossibilité absolue d’interjeter appel dans le délai prescrit; qu’il ne saurait, dans ces conditions, encourir aucune forclusion;

« alors, d’autre part, que Marc X…, qui est de nationalité suisse, ayant indiqué par lettre adressée au président du tribunal de grande instance de Bobigny, le 8 octobre 1990, qu’il avait quitté la veille la France pour la Suisse, il appartenait au parquet de transmettre le jugement à signifier aux autorités helvétiques compétentes, aux fins de rechercher Marc X… et de lui remettre copie de l’exploit dont s’agit; que ces diligences n’ayant pas été accomplies, la signification faite à parquet le 6 janvier 1992 doit être considérée comme irrégulière et de nul effet;

« alors, enfin, qu’à tout le moins, le parquet étranger devait-il transmettre l’exploit intéressant Marc X… au parquet d’Etat de Francfort, ledit exploit mentionnant l’adresse du prévenu à Francfort – Allemagne; qu’en l’absence de toute justification de l’accomplissement de cette formalité, la cour d’appel ne pouvait considérer la signification comme légalement faite et déclarer l’appel irrecevable";

Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 465, 496 et suivants, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation des articles 6 paragraphes 1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable l’appel interjeté par le conseil de Marc X…, du jugement prononcé le 8 octobre 1990 par le tribunal correctionnel de Bobigny;

« aux motifs que »… Marc X…, par l’organe de son avocat Me Y…, a interjeté appel le 13 décembre 1994, alors qu’il faisait l’objet d’un mandat d’arrêt décerné par le tribunal le 8 octobre 1990 et qu’il devait dès lors se constituer prisonnier…";

« alors qu’il résultait des éléments de la procédure soumise à la cour d’appel que Marc X… avait été placé sous écrou extraditionnel le 9 novembre 1994 à Bruxelles et a été extradé vers la France le 15 mars 1995; que le 13 décembre 1994, il se trouvait dès lors dans l’impossibilité absolue d’interjeter, en personne, appel du jugement du tribunal de grande instance de Bobigny; que c’est par conséquent à tort et en méconnaissance des éléments du débat, que la cour d’appel a considéré que Marc X…, placé sous la garde des autorités belges et prisonnier, devait se constituer prisonnier en France et ne pouvait se faire représenter pour interjeter appel";

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu’il résulte des pièces de procédure que Marc X… a été condamné, par jugement contradictoire, rendu conformément à l’article 410 du Code de procédure pénale, le 8 octobre 1990, à 6 ans d’emprisonnement ainsi qu’à l’interdiction définitive du territoire français, un mandat d’arrêt étant décerné à son encontre; que cette décision a été signifiée à Parquet le 6 janvier 1992;

Attendu que, pour déclarer irrecevable comme tardif l’appel formé au nom du prévenu le 13 décembre 1994, la cour d’appel relève que ce recours a été interjeté après l’expiration du délai de dix jours suivant la signification du jugement;

Attendu qu’en l’état de ce seul motif, abstraction faite de tous autres surabondants, et dès lors que le prévenu, qui n’avait justifié d’aucune excuse pour ne pas comparaître devant le tribunal, n’invoquait aucune circonstance insurmontable l’ayant mis dans l’impossibilité de se soumettre à l’action de la justice et d’exercer son recours dans les délais utiles, la cour d’appel a justifié sa décision;

Qu’en effet, le délai d’appel court à compter de la signification du jugement, quel qu’en soit le mode, pour le prévenu qui, cité à personne, ne comparaît pas et n’est pas excusé;

Que les moyens ne sauraient, dès lors, être admis ;

Mais sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 7 et 23 de la loi du 10 mars 1927 relative à l’extradition, de l’article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du principe de la spécialité en matière d’extradition;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré l’appel interjeté par Marc X… irrecevable et a dit qu’en conséquence le jugement sera exécuté selon ses forme et teneur, tant sur l’action pénale que sur l’action douanière;

« alors que l’extradition de Marc X… intervenu par le fait des autorités belges pour l’exécution du jugement a été expressément refusée pour ce qui est de l’infraction au Code »des douanes"; qu’en déclarant à la fois irrecevable l’appel de Marc X… et le jugement exécutoire, tant sur l’action pénale que sur l’action douanière, la cour d’appel a empêché le prévenu de faire valoir ses droits quant à l’action douanière et a méconnu le principe de la spécialité de l’extradition et de ses effets limitatifs, la décision du ministre de la justice belge ayant expressément refusé l’extradition « pour ce qui est du délit douanier », le jugement ne pouvait donc être déclaré exécutoire sur l’action douanière;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu’en vertu du principe de spécialité, une peine ne peut être exécutée si elle réprime une infraction pour laquelle l’extradition a été refusée;

Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats et communiquées aux parties que, le 13 février 1995, le ministre de la Justice du Royaume de Belgique a fait connaître au gouvernement français qu’il avait accordé l’extradition de Marc X… pour la peine de 6 ans d’emprisonnement assortie d’un mandat d’arrêt, prononcée par le tribunal correctionnel de Bobigny le 8 octobre 1990, et qu’il refusait l’extradition pour l’infraction douanière réprimée par le même jugement;

Attendu que l’arrêt attaqué, après avoir déclaré irrecevable l’appel de ce jugement formé au nom de Marc X…, a ordonné, surabondamment, que cette décision soit exécutée : « en ses forme et teneur, tant sur l’action pénale que sur l’action douanière »;

Mais attendu qu’en prononçant ainsi, alors que l’Etat requis avait refusé d’accorder l’extradition pour l’infraction douanière, la cour d’appel a méconnu le principe rappelé ci-dessus;

Que, dès lors, la cassation est encourue; qu’elle aura lieu sans renvoi, la Cour de Cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit, ainsi que le permet l’article L. 131-5 du Code de l’organisation judiciaire, et de mettre fin au litige;

Par ces motifs,

CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions ordonnant que le jugement soit exécuté en ses forme et teneur, sur l’action douanière, l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, en date du 12 octobre 1995;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de PARIS, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Roman conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. de Larosière de Champfeu conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Pibouleau conseillers de la chambre, M. de Mordant de Massiac, Mme de la Lance conseillers référendaires;

Avocat général : M. Amiel ;

Greffier de chambre : Mme Mazard ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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