Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 janvier 2003, 01-87.867, Publié au bulletin

  • Citoyens chargés d'un service ou d'un mandat public·
  • Exercice de prérogatives de puissance publique·
  • Dépositaires de l'autorité publique·
  • Personnes et corps protégés·
  • Diffamation·
  • Exclusion·
  • Premier ministre·
  • Autorité publique·
  • Parcelle·
  • Partie civile

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La qualité de dépositaire ou agent de l’autorité publique ou de citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public au sens de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 n’est reconnue qu’à celui qui accomplit une mission d’intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique. Encourt la cassation l’arrêt qui reconnaît cette qualité à un conseiller de premier ministre qui n’est investi d’aucune délégation de compétence ou de signature de nature à lui conférer une prérogative de puissance publique (1).

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 14 janv. 2003, n° 01-87.867, Bull. crim., 2003 N° 7 p. 25
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 01-87867
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin criminel 2003 N° 7 p. 25
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 6 novembre 2001
Précédents jurisprudentiels : Confère :
(1°).
(1)
A rapprocher :
cassation (arrêt n° 2)
cassation (arrêt n° 3).
Ch. mixte, 04/11/2002, Bulletin criminel 2002, Ch. mixte n° 1, p. 1 (cassation sans renvoi (arrêt n° 1)
Textes appliqués :
Loi 1881-07-31 art. 31
Dispositif : Cassation sans renvoi
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000007070894
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Sur les parties

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze janvier deux mille trois, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller CHANET, les observations de la société civile professionnelle LESOURD et de la société civile professionnelle THOMAS-RAQUIN et BENABENT, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général DAVENAS ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

— X… Sophie,

— Y… Alexandre,

— Z… Francis,

— La SOCIETE des EDITIONS ALBIN MICHEL, civilement responsable,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 7 novembre 2001, qui, pour diffamation publique envers un dépositaire ou agent de l’autorité publique ou un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public et complicité, a condamné les trois premiers à 30 000 francs d’amende et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble violation des droits de la défense ;

« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté la demande des prévenus tendant à ce que le président de la 11ème chambre correctionnelle, M. Charvet, se déporte pour le jugement des faits qui leur étaient reprochés ;

« aux motifs que la Cour constatait qu’il n’avait été formulé ni demande de récusation, ni demande de renvoi pour suspicion légitime ; qu’il n’était allégué aucun fait précis accompli lors de ses fonctions, la simple participation antérieure de l’un des magistrats de la Cour à la vie publique, en l’espèce en qualité de conseiller technique d’un ministre, ne pouvait être de nature à faire naître, dans l’esprit des prévenus, un doute sur l’objectivité de la juridiction et ne pouvait porter atteinte à l’apparence de son impartialité ;

« alors, d’une part, que tout prévenu a droit d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial ; que l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui exige le respect de ce droit pour tout accusé, ne subordonne nullement l’appréciation de l’impartialité à la formulation d’une requête en suspicion légitime ou en récusation dans les formes prévues par le Code de procédure pénale ; que, dès lors, le fait d’adresser au président d’une chambre correctionnelle, qui a exercé des fonctions publiques au sein du gouvernement dans lequel la partie civile a également exercé des fonctions auprès du Premier ministre, un courrier pour lui demander s’il estimerait « préférable de se déporter » et que, dans ce cas, l’affaire soit renvoyée devant une autre section de la même chambre constitue une invocation expresse et suffisante d’un manque d’impartialité visant la juridiction ; que la forme courtoise du courrier, qui laisse au magistrat le soin « d’estimer s’il est préférable qu’il se déporte » après lui avoir exposé les raisons de la démarche, constitue une dénonciation de la partialité objective possible de la juridiction ; qu’en affirmant ne trouver dans les circonstances de l’espèce aucun élément susceptible de remettre en cause son aptitude à en connaître, la cour d’appel a méconnu le sens et la portée de la demande dont le président de la juridiction avait été saisi ainsi que de l’article 6 de la Convention européenne, et a violé les droits de la défense ;

« alors, d’autre part, que l’impartialité s’apprécie selon une démarche objective qui amène à rechercher si le juge offre des garanties suffisantes pour écarter tout doute légitime sur son attitude ; qu’en l’espèce, les prévenus étaient fondés à demander au président de la 11ème chambre correctionnelle de se déporter dès lors qu’il était établi que ce magistrat avait participé, en qualité de conseiller technique d’un ministre, à l’exercice du gouvernement de Michel A… dont Guy B… avait été le conseiller à la même époque ; qu’en effet, les fonctions occupées par le juge et la partie civile au sein du même gouvernement étaient de nature à entretenir un doute légitime sur l’attitude que pourrait avoir le magistrat et à démontrer, sans qu’il soit nécessaire d’alléguer un fait précis, que, objectivement, ledit magistrat ne présentait pas de garantie suffisante d’impartialité ; qu’en rejetant la demande des prévenus, la cour d’appel a derechef porté atteinte aux droits de la défense" ;

Attendu que, pour écarter la demande des prévenus tendant à ce que l’un des magistrats, ayant, à la même époque, exercé des fonctions dans un cabinet ministériel, s’abstienne de faire partie de la composition de la cour d’appel, les juges prononcent par les motifs repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, l’arrêt n’encourt pas les griefs allégués ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 21 de la Constitution du 4 octobre 1958, défaut de motifs, manque de base légale ;

« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré les prévenus coupables de diffamation et de complicité de ce délit envers Guy B…, ancien conseiller de M. Michel A… , chargé des relations avec le Parlement et avec la presse, à l’occasion de la publication d’un ouvrage intitulé »L’Omerta Française" ;

« aux motifs que Guy B… avait été nommé conseiller pour les relations avec le Parlement par un arrêté du 17 mai 1988 portant nomination au cabinet du Premier ministre ; que cette qualité de collaborateur d’un membre du pouvoir exécutif était, à elle seule, insuffisante pour lui conférer la protection de l’article 31 qui ne pouvait être reconnue qu’aux personnes détentrices d’une parcelle de l’autorité publique ; que la partie civile, qui n’excipait d’aucune délégation de pouvoir écrite, produisait aux débats une attestation de M. Michel A… , ancien Premier ministre, dont il avait été le collaborateur, dans laquelle il était indiqué que tous les acteurs de la vie parlementaire étaient dûment informés de ce que Guy B… avait autorité pour exprimer et, le cas échéant, pour décider « en mon nom… » et qu’il « … était pleinement détenteur, au vu et au su de tous, de mon autorité dans le large domaine de compétence qui était le sien » ; qu’il n’apparaissait pas que cette attestation, établie pour les besoins de la procédure, eût fait l’objet de critique de la part des prévenus ; que ce document démontrait que la partie civile avait été effectivement détentrice d’une parcelle de l’autorité publique à l’occasion de ses fonctions de conseiller de M. Michel A… ; que les propos querellés constituant une critique de cette fonction, le bénéfice de l’article 31 devait être reconnu à Guy B…, la poursuite ayant été bien qualifiée ;

« alors, d’une part, que la diffamation réprimée par l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ne peut être poursuivie sur le fondement de ce texte que si la personne mise en cause a été investie, dans une mesure quelconque, d’une partie de l’autorité publique, soit qu’elle ait été membre d’un ministère ou de l’une ou l’autre des deux chambres du Parlement, soit qu’elle ait été fonctionnaire public ou dépositaire ou agent de l’autorité publique, citoyen d’un service ou d’un mandat public, temporaire ou permanent ; qu’en l’espèce, Guy B…, qui n’a jamais été investi d’une partie de l’autorité publique puisqu’il n’a jamais été membre ni d’un ministère ni d’aucune des deux chambres, qu’il n’a pas été mis en cause en sa qualité de fonctionnaire public et n’a jamais été un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, ne pouvait se prévaloir de l’article 31 pour fonder des poursuites du chef de la diffamation dont il prétendait avoir été victime ; qu’il s’ensuit que sa plainte avec constitution de partie civile sur le fondement de l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 était irrecevable et n’a pu valablement engager l’action publique en sorte que la déclaration de culpabilité est illégale ;

« alors, d’autre part, que la fonction de conseiller auprès d’un ministre, serait-il le Premier, ne comporte ni constitutionnellement, ni institutionnellement, aucune prérogative de puissance publique ni aucune parcelle de l’autorité publique s’il n’a reçu délégation de pouvoir régulièrement publiée ; que la circonstance qu’un conseiller auprès d’un ministre soit nommé par arrêté n’est pas non plus de nature à conférer audit conseiller, s’il n’a reçu délégation de pouvoir, des prérogatives de puissance publique ou à l’investir d’une parcelle de l’autorité publique ; qu’en vertu de l’article 21 de la Constitution du 4 octobre 1958, le Premier ministre ne peut déléguer ses pouvoirs qu’aux ministres ; que, par conséquent, l’attestation du Premier ministre dont Guy B… a été le conseiller personnel ne peut établir que celui-ci aurait été prétendument investi d’une parcelle de l’autorité publique ou de prérogative de puissance publique, puisque le Premier ministre ne pouvait, même au temps de la collaboration avec son conseiller, lui conférer partie de ses pouvoirs ; qu’en se fondant sur l’attestation de M. Michel A… , délivrée pour les besoins de la procédure, pour affirmer que ce document démontrait que Guy B… avait été effectivement détenteur d’une parcelle de l’autorité publique, la cour d’appel a purement et simplement violé les textes susvisés ;

« alors, enfin, que le fait que les prévenus se fussent, par décence, abstenus de critiquer l’attestation de complaisance délivrée à Guy B… par M. Michel A… , ancien Premier ministre, n’autorisait pas les juges d’appel à se dispenser de se livrer à une analyse rigoureuse et à rechercher sérieusement si la fonction de conseiller d’un Premier ministre pouvait légalement comporter, dans le cadre de nos institutions, une parcelle de l’autorité publique ; qu’en se bornant à énoncer que l’attestation de Michel A… démontrait que Guy B… avait été « effectivement » détenteur d’une parcelle de l’autorité publique à l’occasion de ses fonctions de conseiller, tout en relevant que la partie civile n’excipait d’aucune délégation de pouvoir écrite, et cependant que l’article 21 de la Constitution n’autorise le Premier ministre à déléguer ses pouvoirs qu’aux ministres, ce qui exclut nécessairement les conseillers, la cour d’appel, qui n’a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qu’elle comportait a encore violé l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881" ;

Vu l’article 31 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que la qualité de dépositaire ou agent de l’autorité publique ou de citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public, au sens de ce texte, n’est reconnue qu’à celui qui accomplit une mission d’intérêt général en exerçant des prérogatives de puissance publique ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que Guy B… a porté plainte avec constitution de partie civile contre Sophie X… , Alexandre Y… , journalistes, et Francis Z… , président du directoire de la société les Editions Albin Michel pour diffamation publique envers un dépositaire ou agent de l’autorité publique ou un citoyen chargé d’un service ou d’un mandat public au visa des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, à raison de certains passages d’un ouvrage intitulé « L’omerta française » qui contenaient l’imputation de faits se rapportant à l’exercice des fonctions de conseiller pour les relations avec le parlement auxquelles il avait été nommé par Michel A… , alors Premier ministre ;

Attendu que, renvoyés devant le tribunal correctionnel, les prévenus ont excipé de la nullité de la poursuite en soutenant que la partie civile n’ayant pas la qualité de fonctionnaire public, la plainte aurait dû être déposée pour diffamation publique envers un particulier, sur le fondement de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu que, pour écarter cette argumentation, les juges du second degré prononcent par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que, d’une part, la partie civile n’était investie d’aucune délégation de compétence ou de signature de nature à lui conférer une prérogative de puissance publique et que, d’autre part, l’attestation du Premier ministre de l’époque produite en cause d’appel ne pouvait établir l’existence de celle-ci, les juges ont méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

Que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner les troisième et quatrième moyens de cassation,

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt précité de la cour d’appel de Paris, en date du 7 novembre 2001,

Vu l’article L. 131-5 du Code de l’organisation judiciaire ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 618-1 du Code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Paris, sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, Mme Chanet conseiller rapporteur, M. Joly, Mmes Anzani, Mazars, MM. Beyer, Pometan conseillers de la chambre, MM. Desportes, Ponsot conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Davenas ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 janvier 2003, 01-87.867, Publié au bulletin