Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 février 2008, 07-82.977, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

La poursuite du délit de blanchiment, infraction générale, distincte et autonome, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales.

Justifie dès lors sa décision la cour d’appel qui, pour déclarer le prévenu coupable de blanchiment de fraude fiscale, retient, notamment, que l’article 324-1 du code pénal n’impose pas que des poursuites aient été préalablement engagées ni qu’une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes d’argent blanchies mais qu’il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— X… Roland,

contre l’arrêt de la cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, 5e chambre, en date du 28 mars 2007, qui, pour blanchiment de fraude fiscale, recel et complicité, l’a condamné à trente mois d’emprisonnement,100 000 euros d’amende, et a prononcé une mesure de confiscation ;

Vu le mémoire produit ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Roland X… a été interpellé le 30 mai 2002, conduisant un véhicule de forte cylindrée qu’il a dit appartenir à un ami qui n’était qu’un prête-nom ; que, porteur d’une somme importante en numéraire, il a prétendu qu’elle provenait de gains acquis à l’occasion de jeux clandestins ; qu’à nouveau contrôlé le 4 juin 2002 pour infraction routière et trouvé possesseur d’une somme plus importante encore, toujours en espèces, il a expliqué jouer habituellement au casino de Cassis et tirer du jeu l’essentiel de ses revenus ; qu’il a, en outre, fait l’objet de signalements de l’organisme Tracfin notant ses fréquentations d’établissements de jeux de hasard et l’utilisation des revenus qu’il en retirait en souscriptions de certificats négociables, de bons anonymes et de contrats d’assurance-vie ; qu’enfin, n’ayant déposé aucune déclaration annuelle de revenus pour les années 1999,2000 et 2001, celle de 2002 ne mentionnant qu’une somme minime, des redressements fiscaux lui ont été notifiés ;

Attendu que Roland X… a été condamné pour avoir, de mai 1999 à fin 2002, avec la circonstance d’habitude, d’une part, apporté son concours à des opérations de placement, de dissimulation et de conversion des produits du délit de fraude fiscale, en souscrivant puis en se faisant rembourser des bons anonymes, et en participant à des jeux de hasard, d’autre part, donné les instructions et les moyens de commettre le délit de blanchiment du produit d’une fraude fiscale reproché à André Y…, auquel il est imputé d’avoir facilité la justification mensongère de l’origine et de la propriété de l’automobile de marque Mercedès, conduite par Roland X… lors de son interpellation, enfin, sciemment recelé ce véhicule qu’il savait provenir du délit de blanchiment commis par André Y… ;

En cet état :

Sur le premier de cassation, pris de la violation des articles 53 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité de la procédure d’enquête diligentée en flagrance ;

«  aux motifs que les circonstances de l’interpellation de X… Roland au volant d’un véhicule de très grande valeur dont il n’était pas le propriétaire, en possession d’une forte somme d’argent en liquide dont il ne pouvait justifier l’origine, en compagnie d’André Z… également au volant d’un véhicule très coûteux dont il était incapable d’identifier le propriétaire et porteur d’une forte somme d’argent, alors qu’au cours des mois précédents, ils étaient sortis de prison où ils purgeaient des peines d’emprisonnement respectivement pour détention et port d’armes et pour extorsion, constituent des indices apparents de la commission du délit de blanchiment dans les conditions de la flagrance et justifiaient son placement en garde à vue et les mesures coercitives de perquisition et de saisie opérées au cours de l’enquête ;

«  alors, d’une part, que l’indice de la commission d’un délit dans les conditions de la flagrance doit être apparent lors de l’interpellation en flagrance, et ne peut pas résulter des actes de l’enquête ; qu’aucun indice apparent de la commission d’une infraction quelconque n’existait au moment de l’interpellation de Roland X…, la seule circonstance que deux conducteurs se trouvent au volant de deux véhicules de grande valeur n’étant pas constitutive d’une infraction ; que les éléments retenus par les juges du fond (absence de propriété du véhicule, détention d’argent liquide), n’ont été connus qu’après l’interpellation irrégulière ; qu’ainsi la flagrance n’était pas caractérisée et que la procédure d’enquête devait être annulée ;

«  alors, d’autre part, et en toute hypothèse, que la seule possession par la personne interpellée, d’une somme importante en espèces, et de la conduite d’un véhicule dont il n’est pas propriétaire, ne caractérisent pas la commission du délit de blanchiment dans les conditions de la flagrance ; qu’ainsi, la procédure était nulle » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt et du jugement qu’il confirme que, dans la nuit du 29 au 30 mai 2002, Roland X… et André Z… ont été interpellés par des policiers de Marseille alors qu’ils conduisaient des véhicules automobiles de forte cylindrée, immatriculées, la première, dans le département des Alpes de Haute-Provence, la seconde, dans celui du Var, et circulaient à une vitesse telle qu’ils n’ont pu être immédiatement interceptés ; que les vérifications concernant ces véhicules ont établi que Roland X… n’était pas propriétaire de celui qu’il conduisait et qu’André Z… ne pouvait fournir le nom du propriétaire du véhicule qu’il pilotait ; que ni l’un ni l’autre n’a pu justifier de l’origine des fortes sommes d’argent qu’ils détenaient en espèces ; que Roland X… a été placé en garde à vue pour blanchiment d’argent ;

Attendu que, pour écarter l’exception de nullité des actes de la procédure diligentée en flagrance, prise par Roland X… de ce qu’aucun indice apparent d’infraction n’existait lors de son interpellation, l’arrêt prononce par les motifs propres et adoptés partiellement repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, d’où il résulte qu’à la suite de vérifications régulièrement opérées lors d’un contrôle routier, les officiers de police judiciaire ont relevé des indices apparents de comportements délictueux révélant que des infractions se commettaient ou venaient de se commettre, ce qui justifiait qu’ils agissent selon la procédure de flagrant délit, la cour d’appel a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne peut qu’être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 324-1,324-2 du code pénal,1741 du code général des impôts,228 du livre des procédures fiscales,593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de nullité des poursuites engagées du chef de blanchiment de fraude fiscale de recel et de complicité de blanchiment, exception fondée par le prévenu sur l’absence de saisine préalable de la commission des infractions fiscales et de poursuites par l’administration fiscale ;

«  aux motifs que ce moyen ne touche pas à la régularité de la procédure, mais au fond ;

«  alors que concerne la régularité de la procédure la question de savoir si l’infraction alléguée peut être poursuivie à la seule requête du Ministère public, ou si elle ne peut l’être que sur plainte de l’administration fiscale et après saisine de la commission des infractions fiscales ; que la cour d’appel, en refusant de se prononcer sur la validité de la procédure et notamment du réquisitoire déposé du chef de blanchiment de fraude fiscale de complicité et de recel de ce délit, a violé les textes susvisés et excédé ses pouvoirs » ;

Attendu que, dès lors qu’il a été statué par le même arrêt sur les exceptions et sur le fond, le demandeur ne saurait se faire un grief de ce qu’à tort, l’exception d’irrecevabilité des poursuites, tirée des absences de saisine de la commission des infractions fiscales et de plainte préalable de l’administration des impôts, ait été considérée comme un incident sur le fond ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 324-1,324-2 du code pénal,1741 du code général des impôts,228 du livre des procédures fiscales,593 du code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale, violation du principe non bis in idem ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Roland X… coupable de blanchiment de fraude fiscale commis de manière habituelle ;

«  aux motifs que les termes de l’article 324-1 du code pénal n’imposent pas que des poursuites pénales aient été préalablement engagées du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes d’argent blanchies, et qu’une condamnation ait été prononcée de ce chef de prévention ; qu’en revanche, pour entrer en voie de condamnation du chef de blanchiment, il appartient à la cour de relever précisément les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses ; que sont réunis les éléments d’une fraude massive par dissimulation de revenus ;

«  alors, d’une part, que le délit de blanchiment de fraude fiscale n’est constitué que si le délit principal de fraude fiscale est caractérisé dans tous ses éléments constitutifs ; que le délit principal de fraude fiscale ne peut être légalement caractérisé en l’absence d’une plainte préalable de l’administration fiscale et de la procédure fiscale antérieure ; que cette exigence est la même pour tous les délits consécutifs à une éventuelle fraude fiscale, dont celui du blanchiment du résultat supposé de la fraude ; que la cour d’appel a donc violé les textes susvisés ;

«  alors, d’autre part, que le seul fait de dépenser les sommes non déclarées sous forme d’acquisition de voitures de prix, ou de participation à des jeux de hasard, ne constitue pas une opération de facilitation de la justification mensongère de l’origine des biens, au sens de l’article 324-1 du code pénal, et ne caractérise donc pas le délit de blanchiment,-lequel suppose le recours à un mécanisme permettant de dissimuler l’origine des fonds employés ;

«  alors, enfin, que la seule concomitance d’une absence de déclaration de revenus et de l’utilisation de fonds importants – qui peuvent provenir d’autres sources que des revenus – ne suffit pas à caractériser l’élément matériel d’une fraude fiscale – que l’administration fiscale n’a au demeurant pas poursuivie » ;

Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 121-6 et 121-7,321-1,324-1,324-2 du code pénal,1741 du code général des impôts,228 du livre des procédures fiscales,593 du code de procédure fiscale, défaut de motif, manque de base légale, violation du principe non bis in idem ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Roland X… coupable de recel d’un véhicule Mercedes, objet d’un délit de blanchiment commis par André Y… pour dissimuler un délit de fraude fiscale commis par Roland X…, et de complicité du délit de blanchiment commis par André Y… en lui fournissant les fonds ayant permis l’achat dudit véhicule ;

«  alors, d’une part, que les délits de blanchiment de fraude fiscale, de recel et de complicité de ce blanchiment ne peuvent être légalement caractérisés qu’en l’état d’une plainte préalable de l’administration fiscale et de la procédure fiscale antérieure ; qu’en l’absence d’une telle procédure, les juges correctionnels ne pouvaient, sans excéder leurs pouvoirs, retenir l’existence de délits de conséquence d’une éventuelle fraude fiscale ;

«  alors, d’autre part, qu’en incriminant trois fois le même fait, à savoir l’achat d’un véhicule avec une somme d’origine non déterminée, sous la triple qualification de blanchiment, recel et complicité, la cour d’appel a violé le principe non bis in idem ;

«  alors, encore, que lorsque l’auteur ou le complice du blanchiment supposé est le bénéficiaire direct de l’opération, il ne peut en être également le receleur ; que la cour d’appel a encore violé les textes et principes susvisés » ;

Les moyens étant réunis ;

Sur les moyens pris en leur première branche :

Attendu que, pour écarter l’exception d’irrecevabilité des poursuites du chef de blanchiment de fraude fiscale, prise par le prévenu de ce que l’administration n’avait pas préalablement porté plainte pour le délit de fraude fiscale, après avis conforme de la Commission des infractions fiscales, l’arrêt, par motifs propres et adoptés des premiers juges, énonce que l’article 324-1 du code pénal n’impose pas que des poursuites aient été préalablement engagées ni qu’une condamnation ait été prononcée du chef du crime ou du délit ayant permis d’obtenir les sommes d’argent blanchies mais qu’il suffit que soient établis les éléments constitutifs de l’infraction principale ayant procuré les sommes litigieuses ; qu’ils retiennent qu’en l’espèce, le délit de fraude fiscale résulte de la dissimulation de sommes sujettes à l’impôt, notamment par l’omission de déclaration de ressources ou la perception de recettes occultes, ces dissimulations excédant la somme de 153 euros, et que l’intention coupable se déduit de l’abstention réitérée de déclaration, de l’importance des sommes dissimulées et de la volonté de soustraire des revenus à l’administration fiscale ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, dépourvues d’insuffisance comme de contradiction, et dès lors que la poursuite du délit de blanchiment, infraction générale, distincte et autonome, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 228 du livre des procédures fiscales, le grief ne saurait être admis ;

Sur les moyens pris en leurs autres branches :

Attendu que, pour déclarer Roland X… coupable de blanchiment de fraude fiscale, l’arrêt, après avoir relevé les éléments du train de vie du prévenu et retenu qu’il n’avait jamais déclaré à l’administration fiscale des sommes sujettes à l’impôt, constituées de revenus occultes, énonce, notamment, qu’il s’est rendu coupable du délit de facilitation de blanchiment d’une fraude fiscale, en investissant ces sommes dans la souscription de bons anonymes et en les utilisant comme enjeux dans les casinos, pour les transformer en ressources licites et non imposables ;

Que, pour retenir la culpabilité de Roland X… des chefs de complicité et recel du délit de blanchiment de fraude fiscale imputé à André Y…, l’arrêt retient que ce dernier a accepté d’acquérir, d’immatriculer, d’assurer à son nom et de financer par l’emprunt l’achat d’une automobile, appartenant en réalité à Roland X…, qui a remis à André Y… la somme de 300 000 francs en espèces, en règlement d’une partie du prix, et qu’il lui a remboursé les mensualités du prêt souscrit pour payer la différence ; que les juges relèvent que Roland X… n’avait, en 2001, année de cette acquisition, déclaré aucun revenu ; qu’ils ajoutent que ce stratagème avait pour objet de dissimuler des revenus occultes ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors que, d’une part, les faits poursuivis sous la qualification de blanchiment de fraude fiscale sont distincts de ceux de complicité et recel de blanchiment, d’autre part, le complice de l’auteur principal d’un délit peut, lorsque l’infraction est consommée, en être le receleur, enfin, l’article 324-1 du code pénal est applicable à l’auteur du blanchiment du produit d’une infraction qu’il a lui-même commise, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré Roland X… coupable, a justifié sa décision, sans méconnaître les textes et principe invoqués ;

D’où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Cotte président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin, Mmes Thin, Desgrange, Nocquet, Ract-Madoux, M. Bayet, Mme Canivet-Beuzit, M. Finidori conseillers de la chambre, Mmes Slove, Degorce, Labrousse conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Finielz ;

Greffier de chambre : Mme Lambert ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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