Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 janvier 2009, 08-83.526, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur les pourvois formés par :

— X… Fabienne, épouse Y…,
- Y… Christophe, agissant tant en leur nom personnel qu’en qualité d’ayants-droit de leur fille Mélanie
parties civiles,

contre l’arrêt de la cour d’appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 10 avril 2008, qui les a déboutés de leurs demandes après relaxe de Véronique Z… du chef de blessures involontaires ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires et les observations complémentaires produits, en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 222-19 du code pénal, 1382 du code civil, 2, 470-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

"en ce que l’arrêt attaqué a renvoyé Véronique Z… des fins de la poursuite, a rejeté la demande de constitution de partie civile de Christophe et Fabienne Y… tant en leur nom personnel qu’en qualité d’ayants droit de leur fille Mélanie, décédée, et les a déboutés de leurs demandes en réparation ;

"aux motifs que « (…) la grossesse de Fabienne X…, épouse Y…, remontant au 22 avril 2000, le docteur Jacques A…, praticien au service de la Clinique de la Source, qui l’avait suivie avait prévu que l’accouchement pourrait avoir lieu aux environs du 10 janvier 2001 ; que « dans la soirée du 30 décembre 2000, Fabienne Y… constatait vers 23 heures 30, 23 heures 45 que du liquide s’écoulait entre ses jambes ; que sur les conseils de l’auxiliaire puéricultrice de la clinique de la Source, elle s’y rendait et arrivait dans le service d’obstétrique aux alentours de 0 heure, 0 heure 15 ; qu'« il était constaté : « - une hémorragie génitale avec poche des eaux rompue et pertes de liquide amniotique, « - des contractions utérines, mais avec relâchement de l’utérus entre les contractions, « - des mouvements foetaux avec activité cardiaque usuelle, « la sage-femme mettait en place un monitoring qui à ce moment là montrait des contractions utérines régulières et un rythme cardiaque foetal entre 140 et 160 battements par minute, très oscillant, sans toutefois de ralentissement péjoratif et donc sans signe évocateur a ce moment là de souffrance foetale aiguë ; que « la sage-femme téléphonait à 0 heure 20 à Véronique Z… ; que celle-ci lui donnait des consignes et souhaitait connaître le résultat d’une exploration écho-graphique ; que « la sage-femme procédait aux gestes usuels, échographie, mise en place du contrôle monitoring, prélèvement pour analyses et consultation du laboratoire ; que « l’échographie plaidait en faveur d’un placenta antérieur, normalement inséré, et absence de décollement placentaire ; qu'« une hémorragie de Benkiser qui avait été évoquée était écartée, comme l’existence d’un placenta preavia ; que « Véronique Z… était rappelée à 1 heure et était avertie qu’il s’agissait d’une grossesse précieuse, la parturiente ayant subi plusieurs fécondations artificielles avant de tomber spontanément enceinte. Il était alors décidé de procéder à une césarienne ; que « Véronique Z… demandait à la sage-femme de convoquer l’ensemble de l’équipe soignante sur place en salle d’opération et de la rappeler quand tout serait prêt et que tout le monde serait présent ; qu'« à l heure 25, l’équipe était présente dans la salle d’opération et le monitoring était débranché. A ce moment, il n’y avait aucun signe de souffrance foetale ; qu'« à 1 heure 45 l’induction anesthésique était mise en place ; que « Véronique Z… arrivait au bloc à l heure 45 et la césarienne permettait d’extraire l’enfant à 2 heure 8 ; qu’elle posait le diagnostic d’hématome rétro-placentaire devant l’état de l’enfant ; que « la défaillance d’oxygénation cérébrale de Mélanie juste avant son extraction, mais certainement après 1 heure 25 était à l’origine de son état ; qu'« un collège d’expert était commis et ils concluaient qu’en ne se déplaçant pas comme le reste de l’équipe interventionnelle après le deuxième appel de la sage femme, Véronique Z… n’avait pas rempli comme il se devait son obligation de moyens d’accoucheurs traitant et qu’il existait une causalité certaine entre le retard à l’extraction de l’enfant induit par ce non respect d’obligation de moyens par ce praticien et l’aggravation de l’anoxie foetale de Mélanie qui se soldera ultérieurement par l’état clinique déficitaire de ce nouveau né ; que « le docteur B… avait indiqué aux experts que l’hématome rétro-placentaire s’était constitué après l heure 25, que les symptômes étaient atypique, absence de sang noir, d’hypertonie utérine et d’hypertension gravidique ; « (…) que Véronique Z… a été renvoyée devant le tribunal correctionnel pour avoir à L’Isle d’Espagnac, le 31 décembre 2000, et en tout cas sur le territoire national depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, en l’espèce en tardant à intervenir pour effectuer une césarienne, involontairement causé une incapacité totale de travail supérieure à trois mois sur la personne de Mélanie Y… ; « qu’en effet, est directement responsable au sens de l’article 121-3 du code pénal le médecin qui n’a pas accompli les diligences normales compte tenu le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences, ainsi que du pouvoir ou des moyens dont il disposait ; « que n’est donc visée que la responsabilité directe et que c’est sur ce seul fondement que doit être appréciée la faute éventuellement commise par la prévenue ; « que l’article 121-3 du code pénal dans sa rédaction issue de la loi du 10 juillet 2000 trouve à s’appliquer aux faits s’agissant d’une loi pénale plus douce ; « que la faute reprochée à Véronique Z… doit être appréciée concrètement au regard des diligences qui devaient être les siennes ; « que l’erreur de diagnostic relève d’une erreur de jugement et qu’il n’y a faute que lorsqu’il existait une règle ou un devoir qui a été violé et qu’elle doit être la cause unique du dommage ; «  que le médecin n’est tenu que d’une obligation de moyen et non de résultat et que la simple survenance d’une complication ne permet pas de présumer la faute médicale qu’il faut prouver ; « que si le diagnostic d’hématome rétro-placentaire pouvait être évoqué, aucun signe de souffrance foetale n’était apparu avant 1 heure 25, heure à laquelle le monitoring a été ôté ; « que contrairement à ce que soutiennent les parties civiles, il ne résulte pas du dossier que l’hématome rétro-placentaire ait été en formation ; « que les symptômes d’un hématome rétro-placentaire n’étaient pas présents ; « qu’il ne peut être reproché à Véronique Z… de ne pas avoir interrogé Fabienne Y… qui n’avait pas décrit à la sage-femme des symptômes faisant présumer un hématome rétroplacentaire ; « que l’hémorragie n’était pas importante comme le démontrent les examens sanguins ; « que Véronique Z… a décidé de pratiquer une césarienne en apprenant qu’il s’agissait d’une grossesse précieuse ; « qu’il ne peut être reproché à Véronique Z… de s’être fiée aux examens pratiqués par la sage-femme, ces examens entrant dans sa compétence ; « qu’il est constant que le décollement du placenta est survenu après 1 heure 25 ; « qu’il est reproché à Véronique Z… de ne pas avoir procédé à la césarienne avant 1 heure 45, alors que si l’équipe médicale était présente à 1 heure 30, il n’a été procédé à l’induction anesthésique qu’à 1 heure 45 ; « qu’en conséquence, il ne peut être reproché une arrivée tardive à Véronique Z… qui n’aurait pu commencer l’intervention avant ce moment ; « que le jugement entrepris doit donc être confirmé en ce qu’il l’a renvoyée des fins de la poursuite et a débouté Fabienne X…, épouse Y… et Christophe Y… de leurs demandes ; « que Fabienne X…, épouse Y… et Christophe Y… sollicitent que leur préjudice et celui de Mélanie Y… soient réparés en application de l’article 470-1 du code de procédure pénale ; « que ne constitue pas une demande nouvelle la demande par laquelle pour la première fois en appel la partie civile, invoquant les dispositions de l’article 470-1 du code de procédure pénale réclame subsidiairement l’application des règles du droit civil pour obtenir réparation du dommage résultant des faits ayant fondé la poursuite ; « que selon ce texte, le tribunal ou la cour saisie de poursuites exercées pour une infraction non intentionnelle "au sens des deuxième, troisième et quatrième alinéas de l’article 121-3 du code pénal et qui prononce une relaxe demeure compétent, sur la demande de la partie civile pour accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant de fait» qui ont fondé la poursuite ; « que, cependant, pour prospérer cette demande doit être fondée sur une faute civile imputable à Véronique Z… ; « qu’il a été démontré qu’aucune faute civile engageant sa responsabilité n’était établie et que dès lors les demandes de Fabienne X…, épouse Y… et Christophe Y… ne sauraient être accueillis (…)» ;

"1°) alors que , la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en retenant, d’une part, que « le diagnostic d’hématome rétro-placentaire pouvait être évoqué » (arrêt attaqué, p. 18, § 8), ce qui supposait nécessairement la présence de symptômes d’un hématome rétro-placentaire, tout en affirmant, d’autre part, que « les symptômes d’un hématome rétro-placentaire n’étaient pas présents » (arrêt attaqué, p. 18, § 10), la Cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs ;

"2°) alors que, la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en affirmant que Véronique Z… n’avait décidé de pratiquer une césarienne qu'« en apprenant qu’il s’agissait d’une grossesse précieuse » (arrêt attaqué, p. 19, § 3), après avoir rappelé que Véronique Z… faisait elle-même valoir qu’elle avait décidé de procéder à une césarienne parce qu’un « saignement » de la parturiente « justifiait que l’on n’attende pas jusqu’au lendemain » (arrêt attaqué, p. 14, § 7), la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs ;

"3°) alors que, en toute hypothèse, Christophe et Fabienne Y… faisaient valoir, en se fondant notamment sur les rapports des experts judiciaires, que des saignements survenant chez une femme enceinte proche du terme devaient toujours être traités de manière extrêmement sérieuse et laisser suspecter la présence d’un hématome rétro-placentaire ; que l’évocation de ce diagnostic devait nécessairement conduire le médecin obstétricien à effectuer une césarienne en urgence (cf. les conclusions d’appel de Christophe et Fabienne Y…, p. 14) ; qu’il ressort des propres constatations des juges du fond, qu’à son arrivée à la clinique de la Source, Fabienne Y… présentait une « hémorragie génitale » (arrêt attaqué, p. 16) au point de faire « évoquer » une « hémorragie de Benkister », laquelle était finalement « écartée », « comme l’existence d’un placenta praevia » (arrêt attaqué, p. 17) ; que le diagnostic d’hématome rétro-placentaire « pouvait » être « évoqué » (arrêt attaqué, p. 18) ; qu’en jugeant que Véronique Z… n’aurait pas commis de faute en ne s’étant pas déplacée à la clinique aussitôt après avoir demandé au téléphone de réunir son équipe pour procéder à une césarienne, sans rechercher si, dans les circonstances susvisées, en présence notamment d’une « hémorragie génitale » survenue en fin de grossesse, un médecin obstétricien normalement prudent et diligent aurait nécessairement dû envisager le risque d’un hématome rétroplacentaire et décider en conséquence d’effectuer une césarienne en urgence, en rejoignant immédiatement son équipe, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ;

"4°) alors que, l’insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; qu’en énonçant « qu’il est reproché à Véronique Z… de ne pas avoir procédé à la césarienne avant 1 heure 45, alors que si l’équipe médicale était présente à 1 heure 30, il n’a été procédé à l’induction anesthésique qu’à 1 heure 45 », et « qu’en conséquence, il ne peut être reproché une arrivée tardive à Véronique Z… qui n’aurait pu commencer l’intervention avant ce moment » (arrêt attaqué, p. 19), sans expliquer en quoi il n’aurait pu être procédé à « l’induction anesthésique » plus tôt si Véronique Z… était elle-même arrivée plus tôt à la clinique, pour commencer la césarienne avant 1 heure 45, la cour d’appel a entaché sa décision d’une insuffisance de motifs" ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Fabienne X…, épouse Y…, a donné le jour, le 31 décembre 2000, à 2 heures 08, dans une clinique, à un enfant de sexe féminin, présentant un lourd handicap lié à l’hématome rétro-placentaire présenté par sa mère ; que cet enfant décédera le 4 novembre 2006 ; qu’à l’issue de l’information ouverte le 30 septembre 2002 à la demande des époux Y…, parties civiles, sur les circonstances de l’accouchement, Véronique Z…, gynécologue-obstétricienne, a été renvoyée devant le tribunal correctionnel sous la prévention du délit de blessures involontaires ; que le tribunal l’a relaxée et a débouté les parties civiles de leurs demandes ;

Attendu que, pour confirmer le jugement, l’arrêt, après avoir relevé que Fabienne Y…, atteinte, dix jours avant le terme prévu par son gynécologue, d’une hémorragie génitale accompagnée d’une rupture de la poche des eaux et de pertes du liquide amniotique, a été admise le 30 décembre entre 0 heure et 0 heure 15 à la clinique, retient, par les motifs repris au moyen, qu’il ne peut être reproché à l’obstétricienne de garde à domicile, qui s’est fiée aux comptes rendus d’examens faits par la sage-femme, qui relevaient de la compétence de celle-ci, de ne pas avoir diagnostiqué l’hématome rétro-placentaire dommageable avant de prendre la décision de pratiquer une césarienne ; que la cour d’appel ajoute que le reproche de ne pas avoir entrepris la césarienne dès 1 heure 30, heure à laquelle l’équipe médicale était en place, n’est pas fondé dès lors qu’il n’a été procédé à l’induction anesthésique qu’à 1 heure 45 ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations exemptes d’insuffisance comme de contradiction, la cour d’appel, qui a souverainement déduit de ses constatations que la prévenue avait accompli des diligences normales compte tenu de la nature de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont elle disposait, a justifié sa décision ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Delbano conseiller rapporteur, MM. Farge, Blondet, Palisse, Le Corroller, Mme Radenne conseillers de la chambre, M. Chaumont conseiller référendaire ;

Avocat général : Mme Magliano ;

Greffier de chambre : M. Souchon ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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