Cour de cassation, Chambre criminelle, 27 octobre 2009, 08-86.995, Inédit

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  • Partie civile·
  • Production·
  • Mission·
  • Homicide involontaire·
  • Mesure de protection·
  • Responsabilité pénale·
  • Homicides

Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— 

X… Isabelle, ès qualités de représentante légale de sa fille mineure, Charlène Y…, partie civile,

contre l’arrêt de la cour d’appel de TOULOUSE, chambre correctionnelle, en date du 15 septembre 2008, qui l’a déboutée de ses demandes après relaxe de Philippe Z… et Roger A… des chefs d’homicide involontaire et infractions à la réglementation sur la sécurité des travailleurs ;

Vu les mémoires en demande, en défense et en réplique produits ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 231-2 devenu L. 4111-6, L. 263-2 devenu L. 4741-1, R. 237-7 devenu R. 4512-6 du code du travail, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, contradiction de motifs, manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt confirmatif attaqué a relaxé Roger A… et Philippe Z… et déclaré, en conséquence irrecevable la constitution de partie civile d’Isabelle X… ès qualités d’administratrice légale de l’enfant mineure Charlène Y…-X… ;

« aux motifs que, par deux écrits du 3 février 2003, le président du directoire de la société Socotrap a délégué à Roger A…, en sa qualité de directeur de production, la mission de » prendre toutes dispositions utiles en vue d’assurer la protection du personnel et de veiller au respect des prescriptions législatives et réglementaires en vigueur « et à Philippe Z…, en sa qualité de conducteur de travaux, l’obligation de veiller » à l’observation stricte de la mise en oeuvre et de la surveillance effective de la réglementation en vigueur relative à sécurité et à l’hygiène des travailleurs » ; que Roger A… a lui-même, par écrit du même jour, subdélégué à Philippe Z… la mission qu’il avait reçue en matière de sécurité ; qu’enfin, par deux écrits de même date, Philippe Z… a subdélégué à Joël C… et Jean-Louis D…, chefs de chantier, la tâche de « faire appliquer les mesures utiles en vue d’assurer la protection du personnel et le respect de la réglementation du travail », de prendre en compte, sur les chantiers placés sous leur autorité « la formation du personnel y compris intérimaire », « l’approvisionnement et la mise en oeuvre de tout matériel nécessaire à la sécurité collective dans un parfait état de fonctionnement » ; que la note de service « Sécurité Chantiers » précise d’ailleurs, concernant le rôle des chefs de chantiers, qu’ils doivent appliquer et faire appliquer les règles de sécurité, mettre en place les matériels mis à disposition, compléter les mesures de protection générale arrêtées par le conducteur de travaux ; qu’il est précisé dans chacune des délégations et subdélégations les motifs qui les justifient, ainsi que, concernant les délégataires, leurs fonctions dans l’entreprise, leur formation et expérience, l’autorité dont ils disposent sur les salariés et les moyens leur permettant l’exercice effectif de leur mission ; que c’est donc à bon droit que le tribunal a déclaré régulières ces délégations et subdélégations ; que, dès lors, les prévenus se trouvent exonérés de toute responsabilité pénale quant aux infractions poursuivies ;

«  1°) alors que, si le chef d’entreprise ou son délégataire a la faculté de déléguer la direction d’un chantier à un préposé investi de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l’observation des dispositions en vigueur, il ne peut, en revanche, déléguer ses pouvoirs à plusieurs personnes pour l’exécution d’un même travail, un tel cumul étant de nature à restreindre l’autorité et à entraver les initiatives de chacun des prétendus délégataires ; qu’en relaxant Philippe Z… au motif que celui-ci avait régulièrement subdélégué les pouvoirs qui lui avaient été confiés, tout en constatant que celui-ci les avait simultanément délégués, pour les mêmes tâches, à deux chefs de chantier, la cour d’appel a méconnu le principe susvisé ;

«  2°) alors que les prévenus n’étaient pas seulement poursuivis pour avoir mal respecté la protection du personnel sur un chantier déterminé mais aussi pour avoir omis de respecter la réglementation relative à l’établissement d’un plan de prévention et de sécurité du travail ; qu’en se bornant à relever que Roger A…, directeur de production, avait donné une délégation régulière à Philippe Z…, conducteur de travaux, et ce dernier une délégation régulière à deux chefs de chantier, tout en constatant que ces derniers avaient pour mission d’appliquer et faire appliquer les règles de sécurité et, notamment, de compléter les mesures de protection générale arrêtées par le conducteur de travaux, sans rechercher si, comme il était soutenu, les subdélégations données aux chefs de chantier ne pouvaient porter sur la détermination même des règles applicables et, notamment, sur l’établissement du plan partiel de sécurité et de protection de la santé, la cour d’appel a privé sa décision de base légale » ;

Vu l’article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’Abdelmajid Y…, salarié de la société Socotrap, a été victime d’une chute mortelle, alors qu’il effectuait des travaux d’étaiement sur un balcon situé au quatrième étage d’un immeuble en construction ; qu’à la suite de cet accident, Roger A…, directeur de production, et Philippe Z…, conducteur de travaux, ont été poursuivis pour homicide involontaire et infractions à la réglementation relative à la sécurité des travailleurs ; qu’ils ont été renvoyés des fins de la poursuite et qu’Isabelle X…, ès qualités de représentante légale de sa fille mineure, Charlène Y…, et l’union syndicale de la construction CGT de la Haute-Garonne, parties civiles, ont été déboutées de leurs demandes ; que les parties civiles et le ministère public ont interjeté appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, l’arrêt retient que les prévenus ont délégué leurs pouvoirs en matière de sécurité à deux chefs de chantier disposant de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires pour veiller efficacement à l’application de la réglementation relative à la sécurité des travailleurs ;

Mais attendu qu’en se déterminant de la sorte, par des motifs insuffisants ne permettant pas à la Cour de cassation de s’assurer que les délégations consenties aux deux chefs de chantier étaient régulières et que, dès lors, les prévenus Roger A…, directeur de production, et Philippe Z…, conducteur de travaux, et, à ce titre, chargé plus spécialement d’élaborer le plan particulier de sécurité et de protection de la santé, devaient être exonérés de leur responsabilité pénale, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision ;

D’où il suit que la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Toulouse, en date du 15 septembre 2008, et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Bordeaux, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DÉCLARE IRRECEVABLE la demande fondée sur l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Toulouse et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Pelletier président, M. Beauvais conseiller rapporteur, Mmes Anzani, Palisse, Guirimand, MM. Guérin, Straehli, Finidori, Monfort conseillers de la chambre, Mme Degorce conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Salvat ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;

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