Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 décembre 2010, 09-16.811, Publié au bulletin

  • Actes incriminés commis sur le territoire français·
  • Décision rendue en dernier ressort·
  • Décision mettant fin à l'instance·
  • Action en concurrence déloyale·
  • Compétence internationale·
  • Exception d'incompétence·
  • Site en langue française·
  • Accessibilité en France·
  • Compétence territoriale·
  • Conflit de juridictions

Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

En matière internationale, la contestation élevée sur la compétence du juge français saisi ne concerne pas une répartition de compétence entre les tribunaux nationaux, mais tend à lui retirer le pouvoir de trancher le litige au profit d’une juridiction d’un Etat étranger.

Dès lors, est immédiatement recevable, le pourvoi en cassation contre l’arrêt d’une cour d’appel qui statue sur cette exception de procédure qui a pour fin de prévenir un excès de pouvoir, même s’il n’a pas été mis fin à l’instance

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 7 déc. 2010, n° 09-16.811, Bull. 2010, IV, n° 189
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 09-16811
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bulletin 2010, IV, n° 189
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 21 mai 2009
Décision(s) liée(s) :
  • Tribunal de grande instance de Paris, ordonnance du juge de la mise en état, 14 décembre 2007, 2006/17718
  • Cour d'appel de Paris, 22 mai 2009, 2007/21918
Précédents jurisprudentiels : Dans le même sens que : 1re Civ., 7 mai 2010, pourvoi n° 09-11.177, Bull. 2010, I, n° 106 (1), (rejet)
1re Civ., 7 mai 2010, pourvoi n° 09-14.324, Bull. 2010, I, n° 107 (1), (rejet)
Domaine propriété intellectuelle : MARQUE
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Référence INPI : M20100659
Identifiant Légifrance : JURITEXT000023222617
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2010:CO01261
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 22 mai 2009) que la société Louis Vuitton Malletier (LVM) ayant constaté que l’interrogation de certains moteurs de recherche, à partir de mots-clés reprenant certaines de ses marques avec parfois des fautes d’orthographe, générait l’apparition d’annonces publicitaires renvoyant les internautes vers les sites ebay.fr et ebay.com sur lesquels des objets étaient proposés à la vente, a assigné la société de droit américain eBay Inc et la société de droit suisse eBay international AG (les sociétés eBay) devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de les voir condamnées pour contrefaçon des marques dont elle est titulaire, subsidiairement pour atteinte à la renommée de ses marques ainsi que pour concurrence déloyale et publicité trompeuse ; que les sociétés eBay ont soulevé l’incompétence de la juridiction française au profit respectivement des juridictions américaines et suisses ;

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense :

Attendu que la société LVM oppose l’irrecevabilité du pourvoi formé par les sociétés eBay à l’encontre de l’arrêt qui, statuant sur appel d’une ordonnance du juge de la mise en état, a confirmé la compétence territoriale de la juridiction pour connaître du litige ;

Mais attendu qu’en matière internationale, la contestation élevée sur la compétence du juge français saisi ne concerne pas une répartition de compétence entre les tribunaux nationaux mais tend à lui retirer le pouvoir de trancher le litige au profit d’une juridiction d’un Etat étranger ; que dès lors, le pourvoi en cassation contre l’arrêt ayant statué sur cette exception de procédure a pour fin de prévenir un excès de pouvoir ; qu’il est immédiatement recevable, même s’il n’est pas mis fin à l’instance ;

Sur les premier et deuxième moyens, réunis, pris en leurs première, deuxième, troisième et sixième branches :

Attendu que les sociétés eBay font grief à l’arrêt d’avoir rejeté l’exception d’incompétence territoriale qu’elles avaient soulevée, alors, selon le moyen :

1°/ qu’en cas de doute sur la réalisation en France d’un élément générateur de responsabilité imputable au défendeur, le juge français doit se déclarer incompétent afin que ce défendeur puisse bénéficier du principe de compétence des juridictions étrangères de son domicile ; qu’au cas présent, la cour d’appel n’est parvenue à caractériser entre les sociétés eBay et le for français qu’un lien indirect (passant par des agissements imputables à des tiers), imprévisible (n’intégrant pas les visées de l’opérateur étranger) et fortuit (le lien caractérisé n’étant pas établi entre le litige en cause, portant sur les liens sponsorisés, et le for français, mais entre ce for et un autre litige, qui porterait directement sur les sites ebay) ; qu’en retenant malgré tout la compétence internationale du juge français, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs, en violation des articles 42 et 46 du code de procédure civile (en ce qui concerne la société eBay INC.) et des articles 2, 3 et 5. 3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1998 (en ce qui concerne la société International AG), ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

2°/ que lorsqu’il est reproché à un défendeur établi à l’étranger d’avoir commis un délit civil via un site Internet, la compétence du juge saisi n’est justifiée que si le site Internet litigieux est dirigé vers le public du for ; qu’il faut que le site soit destiné au public en cause, sans que ni la simple accessibilité du site par le public du for, ni le défaut d’obstacle à l’accès au site par le public du for, suffise à justifier le rattachement ; que seule cette règle de compétence, qui tient compte de la destination du site, respecte les attentes de l’opérateur Internet ; qu’en affirmant, au contraire, au cas d’espèce, pour justifier la compétence du juge français à l’égard de la société américaine eBay Inc., que les liens commerciaux litigieux n’auraient pas à «vis(er) de manière spécifique le public français», et qu’il suffirait que ce public français « n’en soit pas exclu » et que les actes et faits en cause lui soient «accessibles », la cour d’appel a retenu un critère tiré de l’accessibilité des agissements allégués, prétendument commis sur Internet, violant ainsi l’article 46 du code de procédure civile (en ce qui concerne la société eBay inc.) et l’article 5-3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 (en ce qui concerne la société eBay international AG) , ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

3°/ que le respect dû au principe de la liberté du commerce et de l’industrie impose de ne pas créer d’entrave arbitraire au commerce, et, notamment, de ne pas concevoir de règle de compétence qui pourrait soumettre un opérateur économique à un juge devant lequel il ne pouvait s’attendre à être attrait, et devant lequel l’opérateur en cause serait jugé au regard d’un droit qu’il ne pouvait prévoir ; qu’en matière de délits commis sur Internet, ce principe commande donc de ne pas retenir la compétence du juge local au motif que le délit est accessible aux internautes locaux, cette condition étant, par hypothèse, toujours remplie, en raison du caractère essentiellement ubiquitaire du réseau Internet ; qu’au cas présent, en adoptant un critère de compétence juridictionnelle, pour les délits commis sur Internet, tiré de l’idée d’accessibilité, sans faire place aux visées de l’opérateur économique, la cour d’appel a édicté un critère qui, du point de vue de l’opérateur en cause, était imprévisible et arbitraire, et qui constituait ainsi une atteinte substantielle à la liberté précitée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour a donc violé l’article 46 du code de procédure civile (en ce qui concerne la société eBay INC.) et l’article 5-3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 (en ce qui concerne la société eBay international AG), ensemble le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;

4°/ que la compétence du juge français ne peut dépendre d’éléments de rattachement qui sont imputables à des tiers par rapport au défendeur étranger attrait en France, et qui sont, pour ce défendeur, extrinsèques, fortuits et, dès lors imprévisibles; qu’en retenant la compétence du juge français, au motif que les produits marqués en vente sur des sites ebay en « com » comporteraient des annonces de vente de « produits de maroquinerie » qui seraient « proposés en français, en euros ou dans une conversion du prix en euros », annonces qui « précisent que les livraisons peuvent être effectuées en France » la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, dès lors que les sociétés eBay n’avaient pas la qualité de vendeur des produits présentés sur leurs sites ; qu’en statuant ainsi la cour d’appel a violé l’article 46 du code de procédure civile (s’agissant de la société eBay Inc.) et l’article 5-3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 (en ce qui concerne la société eBay international AG),

Mais attendu que l’arrêt relève que lors de la saisie de divers mots- clés reprenant certaines des marques de la société LVM, avec ou sans faute d’orthographe, l’internaute est orienté sur une plate-forme ebay puis sur les sites ebay.fr, fr.ebay.com ou ebay.com sur lesquels sont présentées des annonces d’enchères rédigées en français pour des produits de maroquinerie avec un prix en euros ou dans une conversion du prix en euros ; que l’arrêt relève encore que les annonces émanent de divers vendeurs s’engageant à livrer les produits en France et que ces sites de ventes aux enchères sont gérés par les sociétés eBay en cause ; qu’il en déduit que l’internaute français est sollicité par des mots-clés litigieux conduisant à proposer des produits de maroquinerie sur les divers sites de vente aux enchères d’eBay gérés par les sociétés eBay en cause ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations la cour d’appel, qui n’a pas retenu que les sociétés eBay vendaient des produits de maroquinerie et qui a constaté que la saisie de mots-clés en liaison avec les marques de la société LVM dirigeait les utilisateurs vers les sites relevant des sociétés eBay, que ceux-ci visaient les internautes français et que les produits qui y étaient proposés étaient livrables en France, a justifié sa décision de retenir la compétence des juridictions françaises ; que le moyen, qui manque en fait en sa sixième branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur les premier et deuxième moyens réunis pris en leurs quatrième et cinquième branches :

Attendu que les sociétés eBay formulent le même grief à l’encontre de l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge français n’est compétent pour connaître d’une action visant un défendeur établi à l’étranger que si, au préalable, la circonstance que le défendeur est l’auteur des actes incriminés n’est pas sérieusement contestée ; qu’au cas présent, les sociétés eBay soulignaient dans leurs écritures d’appel que les mots -clés litigieux avaient normalement été réservés par des tiers (les affiliés), qu’elles avaient fait interdiction à leurs affiliés de réserver des mots -clés correspondant à des vocables protégés par des droits de propriété intellectuelle, et qu’en tout état de cause, en tant que plateforme de commerce en ligne, elles n’avaient pas la qualité de vendeur des produits marqués, de sorte que si des liens sponsorisés dirigeaient des internautes français vers des pages hébergées par leurs sites, ce fait litigieux ne leur était pas imputable ; qu’en acceptant d’établir sa compétence pour connaître d’une action introduite en France contre un défendeur étranger (la société américaine eBay INC. et la société suisse eBay international AG), sans rechercher, au préalable, comme elle y était invitée, si, en apparence au moins, le défendeur étranger visé était, ou non, impliqué à un titre quelconque dans la réalisation des faits visés par l’assignation introductive d’instance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 46 du code de procédure civile (en ce qui concerne la société eBay INC.) et l’article 5-3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 (en ce qui concerne la société eBay international), ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

2°/ que la compétence du juge français ne peut dépendre d’éléments de rattachement qui sont imputables à des tiers par rapport au défendeur étranger attrait en France, et qui sont, pour ce défendeur, extrinsèques, fortuits et, dès lors, imprévisibles ; qu’en retenant la compétence du juge français au motif que des marques auraient été utilisées comme mots- clés pour qu’apparaissent, sur des moteurs de recherche, des liens sponsorisés vers des pages de sites eBay, sans examiner, ne fût-ce que sommairement, la circonstance invoquée par le défendeur étranger, selon laquelle l’existence de ces liens lui était étrangère, puisqu’il avait fait interdiction à ses affiliés de réserver de tels mots-clés, et qu’il n’était ainsi ni directement, ni indirectement, le promoteur des liens litigieux, lesquels s’étaient au contraire développés à son insu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de de l’article 46 du code de procédure civile (en ce qui concerne la société eBay INC.) et l’article 5-3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 (en ce qui concerne la société eBay international ), ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

Mais attendu qu’il ne résulte ni de l’arrêt, ni des écritures des sociétés eBay devant la cour d’appel qu’elles aient soutenu que la compétence du juge français devait être écartée au motif que la réservation des mots-clés permettant l’apparition de liens sponsorisés dirigeant les internautes vers leurs sites leur serait étrangère ; que le moyen, nouveau et mélangé de fait et de droit est irrecevable ;

Sur le premier moyen pris en ses septième, huitième, neuvième, quatorzième et quinzième branches :

Attendu que la société eBay Inc. fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que appelé à déterminer si des faits litigieux imputables au défendeur étranger et réalisés sur Internet ont, avec le dommage allégué en France, un lien suffisant, substantiel ou significatif, de nature à avoir un impact économique sur le public français, le juge doit appréhender les faits litigieux tels que décrits par le demandeur ; qu’au cas présent, appelée à déterminer si les liens sponsorisés litigieux avaient, ou non, avec le dommage allégué le lien qualifié précité, la cour d’appel devait vérifier si l’internaute français était sollicité de manière significative par des liens commerciaux renvoyant à des sites ebay relevant de la société américaine eBay INC., au point que cette voie spécifique d’accès aux sites ebay relevant de la société eBay INC. puisse être considérée comme ayant un impact économique sur le public français ; qu’en recherchant, pour appréhender cet impact, quelles étaient les caractéristiques des sites ebay eux-mêmes et en se demandant ainsi si les sites ebay étaient « accessibles aux internautes français depuis le territoire national », comme si le litige portait sur l’accès direct des internautes français à ces sites, et donc sans tenir compte de la spécificité des termes du litige, qui portait sur une voie originale d’accès aux sites ebay passant par des liens sponsorisés, la cour d’appel a violé l’article 46 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge appelé à vérifier sa compétence doit vérifier sa compétence à l’égard du litige dont il est saisi, et non d’un autre litige ; qu’au cas présent, en évaluant l’accessibilité des sites ebay dans le cas où ces sites seraient consultés directement par un internaute français, plutôt qu’en recherchant si le site www.ebay.com relevant de la société américaine eBay INC. était, ou non, accessible aux internautes français par le biais des liens sponsorisés stigmatisés par l’assignation introductive d’instance, la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ qu’appelé à déterminer si des faits litigieux imputables au défendeur étranger et réalisés sur Internet ont, avec le dommage allégué en France, un lien qualifié tel que précédemment décrit, le juge français doit appréhender l’impact des faits litigieux sur le public français, donc en se plaçant dans la position de l’internaute français de compétence informatique moyenne ; qu’en cherchant à appréhender cet impact en adoptant le point de vue de l’agent assermenté, averti en informatique, de l’Agence pour la protection des programmes, ou d’huissiers spécialisés, la cour d’appel a choisi un référentiel inopérant, en violation de l’article 46 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge français appelé à vérifier sa compétence internationale à l’égard d’un défendeur situé à l’étranger pour une infraction commise via Internet doit caractériser un lien qualifié de rattachement avec les faits litigieux, tels que décrits par le demandeur à l’action ; qu’au cas présent, en se référant à la langue du site www.ebay.fr et à l’existence de renvois via les liens sponsorisés à des pages du site www.ebay.fr au motif éventuellement adopté du premier juge que"la page d’ouverture de session du site ebay.fr serait associée à l’adresse International protocol de la société eBay INC., cependant que ce qui était reproché à la société américaine c’était d’avoir elle-même réservé des mots -clés susceptibles de faire apparaître des liens sponsorisés attirant les internautes français vers ses sites, et non d’avoir prétendument un lien informatique (une adresse international protocol) avec un site (www.ebay.fr) hébergé par un tiers (la société eBay international AG) sur lequel seraient attirés des internautes français via des liens sponsorisés par une personne indéterminée ; qu’en retenant, éventuellement, cette circonstance à l’appui de sa décision de se déclarer compétente à l’égard de la société eBay Inc., la cour d’appel a violé l’article 46 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge appelé à vérifier sa compétence doit vérifier sa compétence à l’égard du litige dont il est saisi, et non d’un autre litige ; qu’au cas présent, en relevant, éventuellement, à l’appui de sa décision, qu’il y aurait un lien informatique entre la société américaine eBay INC. et le site www.ebay.fr cependant qu’il était reproché à la société américaine, non pas d’avoir prétendument hébergé un site accessible, via des liens sponsorisés, aux internautes français, mais d’avoir réservé des mots -clés et, par ce biais, fait paraître des annonces susceptibles d’attirer des internautes français vers des sites exploités par eBay INC., la cour d’appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l’arrêt relève par motifs propres et adoptés qu’il ressort de constats d’huissiers de justice que, lors de la saisie de divers mots-clés (LV, vuitton, vitton) dans la zone de recherche de plusieurs moteurs de recherche (google, yahoo), l’internaute est orienté sur une plate-forme ebay puis sur le site ebay.com et le site ebayexpress.com ; qu’il relève encore que l’ensemble des constatations a été réalisé en France, à Paris et que les liens commerciaux avec des mots-clés en liaison avec les marques de la société LVM dirigent l’utilisateur vers des vendeurs accessibles sur des sites eBay, y compris sur des sites étrangers ; qu’il en déduit que l’internaute français est sollicité par des mots-clés litigieux conduisant à proposer en français et en euros des produits de maroquinerie sur les divers sites de ventes aux enchères d’eBay gérés par les sociétés eBay en cause ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui n’a pas méconnu les termes du litige, a fait ressortir qu’un internaute français de compétence moyenne était, lors de la saisie de divers mots-clés litigieux, attiré par des liens commerciaux sur le site ebay.com relevant de la société américaine eBay Inc. et justifié sa décision de retenir la compétence des juridictions françaises pour connaître des faits imputés à la société eBay Inc. ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens, réunis :

Attendu que les sociétés eBay font grief à l’arrêt de les avoir déboutées de leur demande subsidiaire tendant à voir limiter la compétence du juge français à la réparation des seuls préjudices allégués par la société LVM subis sur le territoire français, alors, selon le moyen :

1°/ que lorsqu’il est saisi d’une action en responsabilité civile délictuelle en tant que juge du lieu où est survenu le dommage, le juge français n’est compétent que pour connaître des dommages causés en France ; qu’en refusant de limiter la compétence internationale des juridictions françaises aux dommages causés en France, la cour d’appel a violé l’article 46 du code de procédure civile (s’agissant de la société eBay INC.) l’article 5-3° de la convention de Lugano du 16 septembre 1988 (s’agissant de la société eBay International) ;

2°/ qu’il appartient au juge appelé à vérifier sa compétence de limiter, le cas échéant, sa compétence à la connaissance de certains faits litigieux ; qu’il en va ainsi y compris lorsque le juge appelé à vérifier sa compétence est le juge de la mise en état ; qu’en affirmant, au cas d’espèce, qu’elle ne pourrait limiter la compétence internationale des juridictions françaises aux dommages causés en France, au motif que cette limitation supposerait « au préalable de déterminer le bien fondé du comportement fautif allégué » la cour d’appel a méconnu ses pouvoirs en violation de l’article 771 du code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d’appel étant uniquement saisie de l’appel d’une ordonnance du juge de la mise en état, statuant sur une exception de procédure, n’avait pas le pouvoir de limiter territorialement l’étendue du préjudice susceptible d’être réparé ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que le premier moyen pris en ses dixième, onzième, douzième et treizième branches ne serait pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés eBay Inc et eBay international AG aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme globale de 4 000 euros et rejette leur demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille dix.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Ebay INC et autre

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société américaine eBay Inc. ;

Aux motifs propres que « il est acquis que s’appliquent, en l’espèce, les dispositions de l’article 46 du Code de procédure civile et, en ce qui concerne la société eBay International AG, de l’article 5-3 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 ; que les sociétés eBay critiquent l’ordonnance déférée en ce qu’il n’a pas été fait droit à l’exception d’incompétence, alors que, selon ces sociétés, aucun fait dommageable ne s’est produit sur le territoire national ; qu’au soutien de l’exception, elles font valoir essentiellement : – qu’il n’est pas justifié d’un lien suffisant entre les actes de contrefaçon allégués et le préjudice que la société LVM prétend avoir subi sur le territoire français ; que le juge de la mise en état, bien que se référant au critère de la destination, l’a appliqué de manière incorrecte, retenant que « les faits visés sont susceptibles d’avoir un impact économique sur le public français » alors que le lien substantiel ne peut se satisfaire d’une éventualité, que le public visé doit être spécifiquement le public français ; – que l’accès à des sites en .com ne concerne aucunement le public français ; que pour s’opposer à cette exception d’incompétence, la société LVM soutient que les procès-verbaux de constat établissent, sans contestation possible, la commission d’actes de contrefaçon sur le territoire français, caractérisant ainsi un des critères de compétence retenu par les textes susvisés, celui du ressort dans lequel le dommage a été subi ; que, cela exposé, ainsi que le font valoir les sociétés eBay, sauf à vouloir conférer systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont pour support technique le réseau Internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, de nature à avoir un impact économique sur le public français, entre les faits ou actes et le dommage allégué ; qu’il n’est toutefois pas nécessaire que les faits ou actes en cause visent de manière spécifique le public français, qu’il suffit que celui-ci n’en soit pas exclu ; qu’il ressort de l’analyse du juge de la mise en état à laquelle la cour renvoie expressément et des divers constats établis que lors de la saisie de divers mots clés (Vuitton, vitton, viton) dans la zone de recherche de plusieurs moteurs de recherche (google, yahoo), l’internaute est orienté sur une plate-forme ebay puis sur les sites : ebay.fr, fr.ebay.com ou ebay.com ; que l’argumentation de la société eBay Inc. selon laquelle les sites se terminant par .com ne sont pas destinés à un public français ne saurait être retenue ; qu’en effet, la désinence .com constitue un TLD générique qui n’est pas réservé à un territoire déterminé, mais désigne, notamment, les entités commerciales pour tous publics, ce d’autant que les produits de maroquinerie sont proposés en français, en euros ou dans une conversion du prix en euros et précisent que les livraisons peuvent être effectuées en France ; que cela ressort notamment du procès-verbal de Maître Y… du 6 décembre 2006, selon lequel les annonces d’enchères sur des produits de maroquinerie sous le nom de Vitton sont présentés au moyen d’une interface en français, rédigées en français, avec un prix de vente transcrit en euros, émanant de vendeurs divers dont des vendeurs étrangers, s’engageant à livrer en France ainsi que du procès-verbal de Maître Z…, qui constate qu’à partir du mot clé vuitton sur le site www.yahoo.com, l’internaute est dirigé vers la plate-forme ebay sur www.ebayexpress.com ; que ces liens commerciaux avec des mots clés en liaison avec les marques de la société LVM dirigent l’utilisateur vers des vendeurs accessibles sur des sites ebay, y compris des sites étrangers ; qu’il est ainsi démontré que l’internaute français est sollicité par des mots clés litigieux conduisant à proposer des produits de maroquinerie sur les divers sites de ventes aux enchères d’eBay gérés par les sociétés eBay en cause ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’ordonnance mérite confirmation en ce qu’elle a retenu la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris dès lors que les actes incriminés sont de nature à avoir un impact économique sur le public français et de causer ainsi un dommage à la société LVM » (arrêt attaqué, p. 3 à 4) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que « en ce qui concerne la société eBay Inc., faute d’accords entre la France et les Etats-Unis d’Amérique, la compétence internationale des juridictions françaises en cas d’extranéité des parties se détermine par extension des règles de compétence interne ; que l’article 46 du nouveau Code de procédure civile dispose qu’en matière délictuelle, le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, « la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi » ; qu’il résulte ainsi du constat dressé à Paris le 23 janvier 2006 par M. Pierre A…, agent assermenté de l’Agence pour la protection des programmes, qu’une recherche à l’aide du mot clé «Vuitton » tapé dans la barre de requête du site Internet www.google.fr entraîne l’affichage, à droite de l’écran, d’un lien hypertexte « Vuitton : eBay – des milliers de sacs aux enchères Inscription gratuite et nécessaire fr.ebay.com », renvoyant à la page d’ouverture de session du site ebay.fr, associée à l’adresse International protocol de la société eBay Inc. ; que par procès-verbal du 13 juin 2006, Maître Z…, Huissier de Justice, a constaté qu’en tapant « LV » dans la barre de requête du site Internet Yahoo ! Shopping, accessible à l’adresse URL https://shopping.yahoo.com, apparaît notamment une mention renvoyant au site www.ebay.com ; que les captures d’écran réalisées à cette occasion permettent de constater que cette mention est précédée de l’expression « Looking for Louis Vuitton items ? » ; que dans les mêmes conditions, l’huissier de justice a constaté qu’en tapant « Vuitton » dans la barre de requête du même site, apparaît le nom de domaine www.ebayexpress.com ; que par procès-verbal du 3 décembre 2006, Me B…, Huissier de Justice à Paris, a constaté qu’en tapant le mot « vitton » dans la barre de requête du site www.google.fr, s’affiche à droite de l’écran un lien hypertexte « Vitton Faites de bonnes affaires sur eBay Petits prix, neuf & occasion », renvoyant au site ebay.fr ; qu’il a également constaté qu’en tapant « Vitton » sur le site www.yahoo.com et en cliquant sur le lien « shopping search » s’affiche notamment la mention « Vitton – Try ebay – discover great deals on thousands of women’s accessories including handbags and scarves.www.ebay.com » ; que l’ensemble de ces constatations ont été réalisées en France, à Paris ; qu’aux termes des actes introductifs d’instance, il est notamment reproché aux sociétés eBay Inc. et eBay International AG d’avoir « utilisé » les marques dont la société LVM est propriétaire ou des variations de celles-ci « afin de faire apparaître des annonces publicitaires dirigeant les internautes vers leurs sites proposant à la vente des produits non authentiques visés par lesdites marques » ; qu’il apparaît que les actes de contrefaçon ainsi allégués se matérialisent plus précisément non par l’offre à la vente, la distribution ou la commercialisation de produits contrefaisants, mais par la diffusion d’annonces publicitaires sur des moteurs de recherche, sous la forme de liens hypertextes renvoyant aux sites exploités par les sociétés du groupe eBay ; qu’il importe peu, à ce stade, de savoir si un internaute intéressé était en mesure de procéder à l’achat, depuis le territoire national, de produits proposés à la vente par l’intermédiaire des mentions litigieuses ; qu’il est incontestable que les sites auxquels renvoient ces dernières sont, en raison du mode de diffusion propre à Internet, accessibles aux internautes français, depuis le territoire national ; qu’au moins l’un de ces sites comporte des mentions en langue française ; que le fait que certaines des annonces prétendument contrefaisantes soient rédigées en langue anglaise n’exclut pas nécessairement les internautes français du public visé ; que les faits visés dans les actes introductifs d’instance sont susceptibles, dès lors, d’avoir un impact économique sur le public français, et de causer à la société LVM un préjudice sur le territoire national ; qu’il en résulte entre les actes incriminés et le dommage allégué un lien significatif justifiant la compétence du tribunal de céans » (ordonnance, p. 5 à 7) ;

1° Alors qu’en cas de doute sur la réalisation en France d’un élément générateur de responsabilité imputable au défendeur, le juge français doit se déclarer incompétent afin que ce défendeur puisse bénéficier du principe de compétence des juridictions étrangères de son domicile ; qu’au cas présent, la cour d’appel n’est parvenue à caractériser entre la société américaine eBay Inc. et le for français qu’un lien indirect (passant par des agissements imputables à des tiers), imprévisible (n’intégrant pas les visées de l’opérateur étranger) et fortuit (le lien caractérisé n’étant pas établi entre le litige en cause, portant sur les liens sponsorisés, et le for français, mais entre ce for et un autre litige, qui porterait directement sur les sites ebay) ; qu’en retenant malgré tout la compétence internationale du juge français, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs, en violation des articles 42 et 46 du Code de procédure civile, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

2° Alors que lorsqu’il est reproché à un défendeur établi à l’étranger d’avoir commis un délit civil via un site Internet, la compétence du juge saisi n’est justifiée que si le site Internet litigieux est dirigé vers le public du for ; qu’il faut que le site soit destiné au public en cause, sans que ni la simple accessibilité du site par le public du for, ni le défaut d’obstacle à l’accès au site par le public du for, suffise à justifier le rattachement ; que seule cette règle de compétence, qui tient compte de la destination du site, respecte les attentes de l’opérateur Internet ; qu’en affirmant, au contraire, au cas d’espèce, pour justifier la compétence du juge français à l’égard de la société américaine eBay Inc., que les liens commerciaux litigieux n’auraient pas à « vis(er) de manière spécifique le public français », et qu’il suffirait que ce public français « n’en soit pas exclu » (arrêt p. 3, avant-dernier alinéa) et que les actes et faits en cause lui soient « accessibles » (ordonnance, p. 6, antépénultième alinéa), la cour d’appel a retenu un critère tiré de l’accessibilité des agissements allégués, prétendument commis sur Internet, violant ainsi l’article 46 du Code de procédure civile, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

3° Alors que le respect dû au principe de la liberté du commerce et de l’industrie impose de ne pas créer d’entrave arbitraire au commerce, et, notamment, de ne pas concevoir de règle de compétence qui pourrait soumettre un opérateur économique à un juge devant lequel il ne pouvait s’attendre à être attrait, et devant lequel l’opérateur en cause serait jugé au regard d’un droit qu’il ne pouvait prévoir ; qu’en matière de délits commis sur Internet, ce principe commande donc de ne pas retenir la compétence du juge local au motif que le délit est accessible aux internautes locaux, cette condition étant, par hypothèse, toujours remplie, en raison du caractère essentiellement ubiquitaire du réseau Internet ; qu’au cas présent, en adoptant un critère de compétence juridictionnelle, pour les délits commis sur Internet, tiré de l’idée d’accessibilité, sans faire place aux visées de l’opérateur économique, la cour d’appel a édicté un critère qui, du point de vue de l’opérateur en cause, était imprévisible et arbitraire, et qui constituait ainsi une atteinte substantielle à la liberté précitée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour a donc violé l’article 46 du Code de procédure civile, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;

4° Alors en tout état de cause que le juge français n’est compétent pour connaître d’une action visant un défendeur établi à l’étranger que si, au préalable, la circonstance que le défendeur est l’auteur des actes incriminés n’est pas sérieusement contestée ; qu’au cas présent, la société américaine eBay Inc. soulignait dans ses écritures d’appel que les mots-clés litigieux avaient normalement été réservés par des tiers (les affiliés), qu’elle avait fait interdiction à ses affiliés de réserver des mots-clés correspondant à des vocables protégés par des droits de propriété intellectuelle (conclusions p. 8), et qu’en tout état de cause, en tant que plateforme de commerce en ligne, elle n’avait pas la qualité de vendeur des produits marqués (conclusions p. 4 et 5), de sorte que si des liens sponsorisés dirigeaient des internautes français vers des pages hébergées par ses sites, ce fait litigieux ne lui était pas imputable ; qu’en acceptant d’établir sa compétence pour connaître d’une action introduite en France contre un défendeur étranger (la société américaine eBay Inc.), sans rechercher, au préalable, comme elle y était invitée, si, en apparence au moins, le défendeur étranger visé était, ou non, impliqué à un titre quelconque dans la réalisation des faits visés par l’assignation introductive d’instance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 46 du Code de procédure civile, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

5° Alors de la même manière que la compétence du juge français ne peut dépendre d’éléments de rattachement qui sont imputables à des tiers par rapport au défendeur étranger attrait en France, et qui sont, pour ce défendeur, extrinsèques, fortuits et, dès lors, imprévisibles ; qu’en retenant la compétence du juge français, au motif que des marques françaises et européennes auraient été utilisées comme mots-clés pour qu’apparaissent, sur des moteurs de recherche, des liens sponsorisés vers des pages de sites eBay, sans examiner, ne fût-ce que sommairement, la circonstance invoquée par le défendeur étranger (conclusions p. 8 § 1-4-2), selon laquelle l’existence de ces liens lui était étrangère, puisqu’il avait fait interdiction à ses affiliés de réserver de tels mots-clés, et qu’il n’était ainsi ni directement, ni indirectement, le promoteur des liens litigieux, lesquels s’étaient au contraire développés à son insu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 46 du Code de procédure civile, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

6° Alors de la même manière que la compétence du juge français ne peut dépendre d’éléments de rattachement qui sont imputables à des tiers par rapport au défendeur étranger attrait en France, et qui sont, pour ce défendeur, extrinsèques, fortuits et, dès lors, imprévisibles ; qu’en retenant la compétence du juge français, au motif que des produits marqués en vente sur des sites ebay en « .com » comporteraient des annonces de vente de «produits de maroquinerie » qui seraient « proposés en français, en euros ou dans une conversion du prix en euros », annonces qui « précisent que les livraisons peuvent être effectuées en France » (arrêt p. 3, dernier alinéa, et p. 4, alinéas 1 et 2), la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, dès lors que la société américaine eBay Inc. n’avait pas la qualité de vendeur des produits présentés sur son site ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 46 du Code de procédure civile ;

7° Alors subsidiairement que appelé à déterminer si des faits litigieux imputables au défendeur étranger et réalisés sur Internet ont, avec le dommage allégué en France, un lien suffisant, substantiel ou significatif, de nature à avoir un impact économique sur le public français, le juge doit appréhender les faits litigieux tels que décrits par le demandeur ; qu’au cas présent, appelée à déterminer si les liens sponsorisés litigieux avaient, ou non, avec le dommage allégué le lien qualifié précité, la cour d’appel devait vérifier si l’internaute français était sollicité de manière significative par des liens commerciaux renvoyant à des sites ebay relevant de la société américaine eBay Inc., au point que cette voie spécifique d’accès aux sites ebay relevant de la société eBay Inc. puisse être considérée comme ayant un impact économique sur le public français ; qu’en recherchant, pour appréhender cet impact, quelles étaient les caractéristiques des sites ebay eux-mêmes (l’accès aux annonces figurant sur les sites étant étudié, arrêt p. 3, dernier alinéa, et p. 4, alinéas 1 et 2 ; la langue et la désinence du site étant étudiées, arrêt p. 3, dernier alinéa, p. 4, alinéa 2, et ordonnance p. 6, deux derniers alinéas) et en se demandant ainsi si les sites ebay étaient «accessibles aux internautes français depuis le territoire national » (ordonnance p. 6, antépénultième alinéa), comme si le litige portait sur l’accès direct des internautes français à ces sites, et donc sans tenir compte de la spécificité des termes du litige, qui portait sur une voie originale d’accès aux sites ebay passant par des liens sponsorisés, la cour d’appel a violé l’article 46 du Code de procédure civile ;

8° Alors également subsidiairement que le juge appelé à vérifier sa compétence doit vérifier sa compétence à l’égard du litige dont il est saisi, et non d’un autre litige ; qu’au cas présent, en évaluant l’accessibilité des sites ebay dans le cas où ces sites seraient consultés directement par un internaute français, plutôt qu’en recherchant si le site www.ebay.com relevant de la société américaine eBay Inc. était, ou non, accessible aux internautes français par le biais des liens sponsorisés stigmatisés par l’assignation introductive d’instance (notamment en pages 17-18 et 21), la cour d’appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du Code de procédure civile ;

9° Alors également subsidiairement que appelé à déterminer si des faits litigieux imputables au défendeur étranger et réalisés sur Internet ont, avec le dommage allégué en France, un lien qualifié tel que précédemment décrit, le juge français doit appréhender l’impact des faits litigieux sur le public français, donc en se plaçant dans la position de l’internaute français de compétence informatique moyenne ; qu’en cherchant à appréhender cet impact en adoptant le point de vue de l’agent assermenté, averti en informatique, de l’Agence pour la Protection des Programmes, ou d’huissiers spécialisés, la cour d’appel a choisi un référentiel inopérant, en violation de l’article 46 du Code de procédure civile ;

10° Alors plus subsidiairement que appelé à déterminer si des faits litigieux imputables au défendeur étranger et réalisés sur Internet ont, avec le dommage allégué en France, un lien qualifié tel que précédemment décrit, le juge français doit déterminer si l’internaute français a accès de manière caractérisée aux faits incriminés ; qu’au cas présent, la cour d’appel était ainsi invitée à rechercher si l’internaute français a accès, via un moteur de recherche normalement accessible depuis un ordinateur français, à des liens sponsorisés rédigés en français et renvoyant à des sites relevant de la société américaine eBay Inc. (conclusions des sociétés eBay p. 15 et 16, et p. 19 à 23) ; qu’au cas présent, à supposer qu’une recherche par les juges du fond du cheminement spécifique stigmatisé par l’assignation introductive d’instance puisse résulter des motifs selon lesquels « lors de la saisie de divers mots clés (Vuitton, vitton, viton) dans la zone de recherche de plusieurs moteurs de recherche (google, yahoo), l’internaute est orienté sur une plate-forme ebay puis sur les sites : ebay.fr, fr.ebay.com ou ebay.com » (arrêt p. 3, dernier alinéa), en ne précisant pas les moteurs de recherche visés, en n’indiquant pas s’ils étaient aisément accessibles depuis la France, en ne précisant pas quels moteurs de recherche renvoyaient à quelles annonces, et en n’indiquant pas plus la langue de l’annonce, la cour d’appel a adopté une motivation qui n’est pas de nature à s’assurer de l’existence d’un lien qualifié entre les faits et le dommage allégués, caractéristique d’un véritable flux massif concernant les internautes français ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 46 du Code de procédure civile ;

11° Alors également plus subsidiairement que à supposer par extraordinaire qu’une recherche par les juges du fond du cheminement spécifique stigmatisé par l’assignation introductive d’instance puisse ressortir des motifs en pages 5 et 6 de l’ordonnance et en page 4, alinéa 2, de l’arrêt, se contentant de décrire les procès-verbaux de constat versés aux débats, la cour d’appel aurait alors privé sa décision de base légale au regard de l’article 46 du Code de procédure civile, en ne relevant pas, comme elle y était pourtant invitée (conclusions p. 15 et 16, et p. 19 à 23), que, aux termes des constats décrits, toutes les recherches ayant fait apparaître un renvoi vers une page du site www.ebay.com, susceptible d’offrir un point de rattachement avec la société américaine eBay Inc. exploitant ce site, avaient été effectuées sur des sites de moteurs de recherche américains, normalement non visités par les internautes français, de sorte qu’il n’y avait, en réalité, aucun lien possible entre les faits imputés, à tort, à la société américaine eBay Inc. et les internautes français ;

12° Alors de la même façon que si « le fait que certaines des annonces prétendument contrefaisantes soient rédigées en langue anglaise n’exclut pas nécessairement les internautes français du public visé » (ordonnance p. 6, dernier alinéa), la simple visibilité, depuis la France, de ce type d’annonces non rédigées en français n’était pas susceptible de contribuer à caractériser le lien significatif défini comme critère de rattachement par la cour d’appel ; qu’en statuant par le motif précité, la cour a donc privé sa décision de base légale au regard de l’article 46 du Code de procédure civile ;

13° Alors plus subsidiairement encore et pour être complet que en considérant qu’il ressortirait des constats versés aux débats que certains liens sponsorisés orienteraient l’internaute vers un « site fr.ebay.com » (arrêt p. 3, dernier alinéa), cependant que les procès-verbaux de constats en cause font tous état de la circonstance que si la saisie de noms marqués sur certains moteurs de recherche fait apparaître des annonces incluant le label « fr.ebay.com », le fait de cliquer sur ces liens renvoie systématiquement à une page spécifique du site ebay.fr (v. ainsi constat de l’Agence pour la protection des programmes, du 23 janvier 2006, p. 7 ; constat de Me Z…, du 3 décembre 2006, p. 4 ; constat de Me Y…, du 6 décembre 2006, p. 7), de sorte que « fr.ebay.com » n’est qu’une adresse de redirection, mais ni une adresse Internet autonome, ni un site Internet, la cour d’appel a dénaturé lesdits constats, en violation de l’article 1134 du Code civil ;

14° Alors de la même façon que le juge français appelé à vérifier sa compétence internationale à l’égard d’un défendeur situé à l’étranger pour une infraction commise via Internet doit caractériser un lien qualifié de rattachement avec les faits litigieux, tels que décrits par le demandeur à l’action ; qu’au cas présent, en se référant à la langue du site www.ebay.fr (ordonnance p. 6, avant dernier alinéa), et à l’existence de renvois via les liens sponsorisés à des pages du site www.ebay.fr (arrêt p. 3, dernier alinéa), au motif éventuellement adopté du premier juge que « la page d’ouverture de session du site ebay.fr » serait « associée à l’adresse International protocol (ci-après adresse IP) de la société eBay Inc. » (ordonnance, p. 5, avant dernier alinéa), cependant que ce qui était reproché à la société américaine demanderesse au pourvoi, c’était d’avoir elle-même réservé des mots-clés susceptibles de faire apparaître des liens sponsorisés attirant les internautes français vers ses sites, et non d’avoir prétendument un lien informatique (une adresse International protocol) avec un site (www.ebay.fr) hébergé par un tiers (la société eBay International AG) sur lequel seraient attirés des internautes français via des liens sponsorisés par une personne indéterminée ; qu’en retenant, éventuellement, cette circonstance à l’appui de sa décision de se déclarer compétente à l’égard de la société américaine eBay Inc., la cour d’appel a violé l’article 46 du Code de procédure civile ;

15° Alors enfin que le juge appelé à vérifier sa compétence doit vérifier sa compétence à l’égard du litige dont il est saisi, et non d’un autre litige ; qu’au cas présent, en relevant, éventuellement, à l’appui de sa décision, qu’il y aurait un lien informatique entre la société américaine eBay Inc. et le site www.ebay.fr (ordonnance, p. 5, avant dernier alinéa), cependant qu’il était reproché à la société américaine, non pas d’avoir prétendument hébergé un site accessible, via des liens sponsorisés, aux internautes français, mais d’avoir réservé des mots-clés et, par ce biais, fait paraître des annonces susceptibles d’attirer des internautes français vers des sites exploités par eBay Inc., la cour d’appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société de droit suisse eBay International AG ;

Aux motifs propres que « il est acquis que s’appliquent, en l’espèce, les dispositions de l’article 46 du Code de procédure civile et, en ce qui concerne la société eBay International AG, de l’article 5-3 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 ; que les sociétés eBay critiquent l’ordonnance déférée en ce qu’il n’a pas été fait droit à l’exception d’incompétence, alors que, selon ces sociétés, aucun fait dommageable ne s’est produit sur le territoire national ; qu’au soutien de l’exception, elles font valoir essentiellement : – qu’il n’est pas justifié d’un lien suffisant entre les actes de contrefaçon allégués et le préjudice que la société LVM prétend avoir subi sur le territoire français ; que le juge de la mise en état, bien que se référant au critère de la destination, l’a appliqué de manière incorrecte, retenant que « les faits visés sont susceptibles d’avoir un impact économique sur le public français » alors que le lien substantiel ne peut se satisfaire d’une éventualité, que le public visé doit être spécifiquement le public français ; – que l’accès à des sites en .com ne concerne aucunement le public français ; que pour s’opposer à cette exception d’incompétence, la société LVM soutient que les procès-verbaux de constat établissent, sans contestation possible, la commission d’actes de contrefaçon sur le territoire français, caractérisant ainsi un des critères de compétence retenu par les textes susvisés, celui du ressort dans lequel le dommage a été subi ; que, cela exposé, ainsi que le font valoir les sociétés eBay, sauf à vouloir conférer systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont pour support technique le réseau Internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, de nature à avoir un impact économique sur le public français, entre les faits ou actes et le dommage allégué ; qu’il n’est toutefois pas nécessaire que les faits ou actes en cause visent de manière spécifique le public français, qu’il suffit que celui-ci n’en soit pas exclu ; qu’il ressort de l’analyse du juge de la mise en état à laquelle la cour renvoie expressément et des divers constats établis que lors de la saisie de divers mots clés (Vuitton, vitton, viton) dans la zone de recherche de plusieurs moteurs de recherche (google, yahoo), l’internaute est orienté sur une plate-forme ebay puis sur les sites : ebay.fr, fr.ebay.com ou ebay.com ; que l’argumentation de la société eBay Inc. selon laquelle les sites se terminant par .com ne sont pas destinés à un public français ne saurait être retenue ; qu’en effet, la désinence .com constitue un TLD générique qui n’est pas réservé à un territoire déterminé, mais désigne, notamment, les entités commerciales pour tous publics, ce d’autant que les produits de maroquinerie sont proposés en français, en euros ou dans une conversion du prix en euros et précisent que les livraisons peuvent être effectuées en France ; que cela ressort notamment du procès-verbal de Maître Y… du 6 décembre 2006, selon lequel les annonces d’enchères sur des produits de maroquinerie sous le nom de Vitton sont présentées au moyen d’une interface en français, rédigées en français, avec un prix de vente transcrit en euros, émanant de vendeurs divers dont des vendeurs étrangers, s’engageant à livrer en France ainsi que du procès-verbal de Maître Z…, qui constate qu’à partir du mot clé vuitton sur le site www.yahoo.com, l’internaute est dirigé vers la plate-forme ebay sur www.ebayexpress.com ; que ces liens commerciaux avec des mots clés en liaison avec les marques de la société LVM dirigent l’utilisateur vers des vendeurs accessibles sur des sites ebay, y compris des sites étrangers ; qu’il est ainsi démontré que l’internaute français est sollicité par des mots clés litigieux conduisant à proposer des produits de maroquinerie sur les divers sites de ventes aux enchères d’eBay gérés par les sociétés eBay en cause ; qu’il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’ordonnance mérite confirmation en ce qu’elle a retenu la compétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris dès lors que les actes incriminés sont de nature à avoir un impact économique sur le public français et de causer ainsi un dommage à la société LVM » (arrêt attaqué, p. 3 à 4) ;

Et aux motifs éventuellement adoptés du premier juge que « s’agissant des demandes formées à l’encontre de la société eBay International AG, la compétence du tribunal est fixée par les dispositions de la convention de Lugano du 16 septembre 1988, dont l’article 5-3° dispose qu’en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, le défendeur domicilié sur le territoire d’un Etat contractant, en l’espèce la Suisse, peut être attrait dans un autre Etat contractant « devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit » (…) ; qu’il résulte ainsi du constat dressé à Paris le 23 janvier 2006 par M. Pierre A…, agent assermenté de l’Agence pour la protection des programmes, qu’une recherche à l’aide du mot clé « Vuitton » tapé dans la barre de requête du site Internet www.google.fr entraîne l’affichage, à droite de l’écran, d’un lien hypertexte « Vuitton : eBay – des milliers de sacs aux enchères Inscription gratuite et nécessaire fr.ebay.com », renvoyant à la page d’ouverture de session du site ebay.fr, associée à l’adresse International protocol de la société eBay Inc. ; que par procès-verbal du 13 juin 2006, Maître Z…, Huissier de Justice, a constaté qu’en tapant « LV » dans la barre de requête du site Internet Yahoo ! Shopping, accessible à l’adresse URL https://shopping.yahoo.com, apparaît notamment une mention renvoyant au site www.ebay.com ; que les captures d’écran réalisées à cette occasion permettent de constater que cette mention est précédée de l’expression « Looking for Louis Vuitton items ? » ; que dans les mêmes conditions, l’huissier de justice a constaté qu’en tapant « Vuitton » dans la barre de requête du même site, apparaît le nom de domaine www.ebayexpress.com ; que par procès-verbal du 3 décembre 2006, Me B…, Huissier de Justice à Paris, a constaté qu’en tapant le mot « vitton » dans la barre de requête du site www.google.fr, s’affiche à droite de l’écran un lien hypertexte « Vitton Faites de bonnes affaires sur eBay Petits prix, neuf & occasion », renvoyant au site ebay.fr ; qu’il a également constaté qu’en tapant « Vitton » sur le site www.yahoo.com et en cliquant sur le lien « shopping search » s’affiche notamment la mention « Vitton – Try ebay – discover great deals on thousands of women’s accessories including handbags and scarves.www.ebay.com » ; que l’ensemble de ces constatations ont été réalisées en France, à Paris ; qu’aux termes des actes introductifs d’instance, il est notamment reproché aux sociétés eBay Inc. et eBay International AG d’avoir « utilisé » les marques dont la société LVM est propriétaire ou des variations de celles-ci « afin de faire apparaître des annonces publicitaires dirigeant les internautes vers leurs sites proposant à la vente des produits non authentiques visés par lesdites marques » ; qu’il apparaît que les actes de contrefaçon ainsi allégués se matérialisent plus précisément non par l’offre à la vente, la distribution ou la commercialisation de produits contrefaisants, mais par la diffusion d’annonces publicitaires sur des moteurs de recherche, sous la forme de liens hypertextes renvoyant aux sites exploités par les sociétés du groupe eBay ; qu’il importe peu, à ce stade, de savoir si un internaute intéressé était en mesure de procéder à l’achat, depuis le territoire national, de produits proposés à la vente par l’intermédiaire des mentions litigieuses ; qu’il est incontestable que les sites auxquels renvoient ces dernières sont, en raison du mode de diffusion propre à Internet, accessibles aux internautes français, depuis le territoire national ; qu’au moins l’un de ces sites comporte des mentions en langue française ; que le fait que certaines des annonces prétendument contrefaisantes soient rédigées en langue anglaise n’exclut pas nécessairement les internautes français du public visé ; que les faits visés dans les actes introductifs d’instance sont susceptibles, dès lors, d’avoir un impact économique sur le public français, et de causer à la société LVM un préjudice sur le territoire national ; qu’il en résulte entre les actes incriminés et le dommage allégué un lien significatif justifiant la compétence du tribunal de céans » (ordonnance, p. 5 à 7) ;

1° Alors qu’en cas de doute sur la réalisation en France d’un élément générateur de responsabilité imputable au défendeur, le juge français doit se déclarer incompétent afin que ce défendeur puisse bénéficier du principe de compétence des juridictions étrangères de son domicile ; qu’au cas présent, la cour d’appel n’est parvenue à caractériser entre la société suisse eBay International AG et le for français qu’un lien indirect (passant par des agissements imputables à des tiers), et imprévisible (n’intégrant pas les visées de l’opérateur étranger) ; qu’en retenant malgré tout la compétence internationale du juge français, la cour d’appel a excédé ses pouvoirs, en violation des articles 2, 3 et 5-3° de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

2° Alors que lorsqu’il est reproché à un défendeur établi à l’étranger d’avoir commis un délit civil via un site Internet, la compétence du juge saisi n’est justifiée que si le site Internet litigieux est dirigé vers le public du for ; qu’il faut que le site soit destiné au public en cause, sans que ni la simple accessibilité du site par le public du for, ni le défaut d’obstacle à l’accès au site par le public du for, suffise à justifier le rattachement ; que seule cette règle de compétence, qui tient compte de la destination du site, respecte les attentes de l’opérateur Internet ; qu’en affirmant, au contraire, au cas d’espèce, pour justifier la compétence du juge français à l’égard de la société suisse eBay International AG, que les liens commerciaux litigieux n’auraient pas à « vis(er) de manière spécifique le public français », et qu’il suffirait que ce public français « n’en soit pas exclu » (arrêt p. 3, avant-dernier alinéa) et que les actes et faits en cause lui soit « accessible » (ordonnance, p. 6, antépénultième alinéa), la cour d’appel a retenu un critère tiré de l’accessibilité des agissements allégués, prétendument commis sur Internet, violant ainsi l’article 5-3° de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

3° Alors que le respect dû au principe de la liberté du commerce et de l’industrie impose de ne pas créer d’entrave arbitraire au commerce, et, notamment, de ne pas concevoir de règle de compétence qui pourrait soumettre un opérateur économique à un juge devant lequel il ne pouvait s’attendre à être attrait, et devant lequel l’opérateur en cause serait jugé au regard d’un droit qu’il ne pouvait prévoir ; qu’en matière de délits commis sur Internet, ce principe commande donc de ne pas retenir la compétence du juge local au motif que le délit est accessible aux internautes locaux, cette condition étant, par hypothèse, toujours remplie, en raison du caractère essentiellement ubiquitaire du réseau Internet ; qu’au cas présent, en adoptant un critère de compétence juridictionnelle, pour les délits commis sur Internet, tiré de l’idée d’accessibilité, sans faire place aux visées de l’opérateur économique, la cour d’appel a édicté un critère qui, du point de vue de l’opérateur en cause, était imprévisible et arbitraire, et qui constituait ainsi atteinte substantielle à la liberté précitée ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour a donc violé l’article 5-3° de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;

4° Alors en tout état de cause que le juge français n’est compétent pour connaître d’une action visant un défendeur établi à l’étranger que si, au préalable, la circonstance que le défendeur est l’auteur des actes incriminés n’est pas sérieusement contestée ; qu’au cas présent, la société suisse eBay International AG soulignait dans ses écritures d’appel que les mots-clés litigieux avaient normalement été réservés par des tiers (les affiliés), qu’elle avait fait interdiction à ses affiliés de réserver des mots-clés correspondant à des vocables protégés par des droits de propriété intellectuelle (conclusions p. 8), et qu’en tout état de cause, en tant que plateforme de commerce en ligne, elle n’avait pas la qualité de vendeur des produits marqués (conclusions p. 4 et 5), de sorte que si des liens sponsorisés dirigeaient des internautes français vers des pages hébergées par ses sites, ce fait litigieux ne lui était pas imputable ; qu’en acceptant d’établir sa compétence pour connaître d’une action introduite en France contre un défendeur étranger (la société suisse eBay International AG), sans rechercher, au préalable, comme elle y était invitée, si, en apparence au moins, le défendeur étranger visé était, ou non, impliqué à un titre quelconque dans la réalisation des faits visés par l’assignation introductive d’instance, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-3° de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

5° Alors de la même manière que la compétence du juge français ne peut dépendre d’éléments de rattachement qui sont imputables à des tiers par rapport au défendeur étranger attrait en France, et qui sont, pour ce défendeur, extrinsèques, fortuits et, dès lors, imprévisibles ; qu’en retenant la compétence du juge français, au motif que des marques auraient été utilisées comme mots-clés pour qu’apparaissent, sur des moteurs de recherche, des liens sponsorisés vers des pages de sites eBay, sans examiner, ne fût-ce que sommairement, la circonstance invoquée par le défendeur étranger (conclusions p. 8 § 1-4-2), selon laquelle l’existence de ces liens lui était étrangère, puisqu’il avait fait interdiction à ses affiliés de réserver de tels mots-clés, et qu’il n’était ainsi ni directement, ni indirectement, le promoteur des liens litigieux, lesquels s’étaient au contraire développés à son insu, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 5-3° de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988, ensemble les principes de sécurité juridique et de prévisibilité des règles de compétence ;

6° Alors de la même manière que la compétence du juge français ne peut dépendre d’éléments de rattachement qui sont imputables à des tiers par rapport au défendeur étranger attrait en France, et qui sont, pour ce défendeur, extrinsèques, fortuits et, dès lors, imprévisibles ; qu’en retenant la compétence du juge français, au motif que des produits marqués en vente sur des sites ebay en « .com » comporteraient des annonces de vente de «produits de maroquinerie » qui seraient « proposés en français, en euros ou dans une conversion du prix en euros », annonces qui « précisent que les livraisons peuvent être effectuées en France » (arrêt p. 3, dernier alinéa, et p. 4, alinéas 1 et 2), la cour d’appel s’est prononcée par un motif inopérant, dès lors que la société suisse eBay International AG n’avait pas la qualité de vendeur des produits présentés sur son site ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 5-3° de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société américaine eBay Inc. de sa demande subsidiaire tendant à voir limiter la compétence du juge français à la réparation des seuls préjudices allégués par la société LVM subis sur le territoire français ;

Aux motifs propres que « les sociétés appelantes demandent à la cour de limiter la compétence du tribunal de grande instance de Paris à la réparation des seuls préjudices allégués subis sur le territoire français ; mais que l’appréciation de l’indemnisation susceptible d’être allouée à la société LVM – et en conséquence de son étendue – relève de la seule compétence du juge du fond dès lors qu’il convient au préalable de déterminer le bien fondé du comportement fautif allégué ; que cette demande sera rejetée » (arrêt p. 4, alinéas 5 et 6) ;

Et aux motifs adoptés du premier juge que « il appartiendra cependant à ce dernier (le tribunal de grande instance de Paris), dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, de statuer sur le bien fondé de l’action, et notamment de juger tant de la réalité que de l’importance du préjudice allégué, avant d’ordonner les mesures de réparation appropriées » (ordonnance, p. 7, alinéa 3) ;

1° Alors d’une part que lorsqu’il est saisi d’une action en responsabilité civile délictuelle en tant que juge du lieu où est survenu le dommage, le juge français n’est compétent que pour connaître des dommages causés en France ; qu’en refusant de limiter la compétence internationale des juridictions françaises aux dommages causés en France, la cour d’appel a violé l’article 46 du Code de procédure civile ;

2° Alors d’autre part que il appartient au juge appelé à vérifier sa compétence de limiter, le cas échéant, sa compétence à la connaissance de certains faits litigieux ; qu’il en va ainsi y compris lorsque le juge appelé à vérifier sa compétence est le juge de la mise en état ; qu’en affirmant, au cas d’espèce, qu’elle ne pourrait limiter la compétence internationale des juridictions françaises aux dommages causés en France, au motif que cette limitation supposerait « au préalable de déterminer le bien fondé du comportement fautif allégué » (arrêt p. 4, alinéa 6), la cour d’appel a méconnu ses pouvoirs, en violation de l’article 771 du Code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir débouté la société suisse eBay International AG de sa demande subsidiaire tendant à voir limiter la compétence du juge français à la réparation des seuls préjudices allégués par la société LVM subis sur le territoire français ;

Aux motifs propres que « les sociétés appelantes demandent à la cour de limiter la compétence du tribunal de grande instance de Paris à la réparation des seuls préjudices allégués subis sur le territoire français ; mais que l’appréciation de l’indemnisation susceptible d’être allouée à la société LVM – et en conséquence de son étendue – relève de la seule compétence du juge du fond dès lors qu’il convient au préalable de déterminer le bien fondé du comportement fautif allégué ; que cette demande sera rejetée » (arrêt p. 4, alinéas 5 et 6) ;

Et aux motifs adoptés du premier juge que « il appartiendra cependant à ce dernier (le tribunal de grande instance de Paris), dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi, de statuer sur le bien fondé de l’action, et notamment de juger tant de la réalité que de l’importance du préjudice allégué, avant d’ordonner les mesures de réparation appropriées » (ordonnance, p. 7, alinéa 3) ;

1° Alors d’une part que lorsqu’il est saisi d’une action en responsabilité civile délictuelle en tant que juge du lieu où est survenu le dommage, le juge français n’est compétent que pour connaître des dommages causés en France ; qu’en refusant de limiter la compétence internationale des juridictions françaises aux dommages causés en France, la cour d’appel a violé l’article 5-3 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 ;

2° Alors d’autre part que il appartient au juge appelé à vérifier sa compétence de limiter, le cas échéant, sa compétence à la connaissance de certains faits ou à l’adoption de certaines décisions ; qu’il en va ainsi y compris lorsque le juge appelé à vérifier sa compétence est le juge de la mise en état ; qu’en affirmant, au cas d’espèce, qu’elle ne pourrait limiter la compétence internationale des juridictions françaises aux dommages causés en France, au motif que cette limitation supposerait « au préalable de déterminer le bien fondé du comportement fautif allégué » (arrêt p. 4, alinéa 6), la cour d’appel a méconnu ses pouvoirs, en violation de l’article 771 du Code de procédure civile.

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Cour de cassation, Chambre commerciale, 7 décembre 2010, 09-16.811, Publié au bulletin