Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2012, 10-28.151, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cass. com., 15 mai 2012, n° 10-28.151
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 10-28.151
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 27 octobre 2010
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000025899337
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2012:CO00556
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 28 octobre 2010), que lors de l’assemblée générale mixte des actionnaires de la société Eiffage du 18 avril 2007, le bureau de l’assemblée, se fondant sur l’existence d’une action de concert entre la société Sacyr, détentrice de 33,32 % du capital, et 89 autres actionnaires, dont la société Grupo Rayet, a « constaté » la privation légale des droits de vote de ces actionnaires au delà du seuil de 33,33 % du capital ; que la société Grupo Rayet a fait assigner la société Eiffage aux fins d’annulation de la décision du bureau la concernant et des résolutions adoptées par l’assemblée générale ;

Attendu que la société Eiffage fait grief à l’arrêt d’accueillir les demandes de la société Grupo Rayet, alors, selon le moyen, que le bureau de l’assemblée générale des actionnaires qui a le pouvoir et le devoir de contrôler l’exercice du droit de vote, peut apprécier, sous le contrôle du juge, l’existence de toute action de concert et doit, en présence d’indices graves, précis et concordants d’une action de concert ayant entraîné un franchissement de seuil irrégulier, appliquer la privation des droits de vote prévus par l’article L. 233-14, alinéa 1er, du code de commerce ; qu’en décidant que le bureau ne pouvait faire l’application de ce texte que pour certains cas de concert, la cour d’appel a violé les articles L. 233-7, L. 233-9, L. 233-10 et L. 233-14 du code de commerce ;

Mais attendu qu’aucun texte n’attribue au bureau de l’assemblée des actionnaires le pouvoir de priver certains d’entre eux de leurs droits de vote au motif qu’ils n’auraient pas satisfait à l’obligation de notifier le franchissement d’un seuil de participation dés lors que l’existence de l’action de concert d’où résulterait cette obligation est contestée ; que le moyen, qui soutient une thèse contraire, n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Eiffage aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Grupo Rayet la somme de 2 500 euros ; rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son

audience publique du quinze mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils pour la société Eiffage.

Le moyen reproche à l’arrêt confirmatif attaqué d’AVOIR « dit que la décision du bureau de l’assemblée générale d’Eiffage du 18 avril 2007 privant les demandeurs de leurs droits de vote attachés aux titres détenus par les actionnaires qui auraient agi de concert et excédant le seuil de 33,33 % est illégale », « prononcé en conséquence la nullité de ladite décision prise par le Bureau », « prononcé la nullité de l’ensemble des résolutions de l’assemblée générale de la société Eiffage en date du 18 avril 2007 » et condamné solidairement les sociétés Eiffage et Eiffaime à des frais irrépétibles de première instance ;

AUX MOTIFS QUE « le bureau de l’assemblée générale a compétence liée pour, dans le cadre de la mission de police qui lui est confiée, constater la privation, prévue par l’article L.233-14 du code de commerce, des droits de vote excédant la fraction du dixième ou du cinquième mentionnée au VII de l’article L.233-7 dudit code, de l’actionnaire n’ayant pas satisfait aux obligations de l’article L.233-7 de celui-ci ; que cependant, dans l’exercice de cette mission, ses pouvoirs sont limités par les textes susvisés à la constatation que les conditions d’application en sont réunies ; qu’en effet, s’il peut relever l’existence d’une action de concert lorsque l’une des conditions prévues par l’alinéa 2 de l’article L.233-10 du code de commerce est remplie, c’est en raison de l’existence d’un critère strictement statutaire précisément défini par la loi qui énumère limitativement les hypothèses dans lesquelles l’existence d’un accord de concert est légalement présumée ; que l’existence d’un fait répondant à un tel critère permet alors d’opérer la qualification d’une action de concert sur ce seul constat ; que s’il est certain que des actions de concert peuvent intervenir entre des actionnaires en dehors des hypothèses dans lesquelles elles sont légalement présumées, le bureau, de dispose d’aucun moyen ni pouvoir pour mener des investigations approfondies indispensables à leur détermination ; qu’au surplus son mode de fonctionnement ne permettrait pas aux actionnaires mis en cause d’assurer efficacement leur défense dès lors qu’il s’agit d’un organe éphémère ne présentant aucune garantie d’impartialité en raison de son mode de constitution ; qu’enfin la loi n’a pas conféré au bureau, qui tient ses attributions des articles réglementaires que sont les articles R.225-95, R.225-101, R.225-106 et R.225-107 du Code de commerce, l’imperium lui permettant de juger de l’existence d’une action de concert occulte et contestée, par une interprétation nécessaire de faisceaux d’indices divers tels notamment que le comportement des actionnaires mis en cause ; qu’enfin, surabondamment, EIFFAGE ne saurait être suivie dans la critique qu’elle formule de l’insuffisance des dispositions législatives relatives aux pouvoirs du bureau, tels qu’ils viennent d’être rappelés dans les motifs qui précèdent dès lors qu’à supposer cette affirmation exacte, il n’appartiendrait pas au juge d’y remédier en dénaturant les termes clairs de la loi ; qu’au demeurant, et contrairement aux allégations d’EIFFAGE, l’existence d’une suspicion d’action illégale de concert, lors de la convocation d’une assemblée générale, permet à ses organes de saisir le juge des référés, le cas échéant d’heure à heure, pour prévenir le dommage qui résulterait de l’utilisation, par les concertistes, de droits de vote dont ils sont légalement, de plein droit, privés, et de faire cesser un tel trouble manifestement illicite ; que dans ces conditions, c’est à bon droit que le tribunal a considéré que l’accord entre les supposés concertistes n’étant ni avéré, ni présumé lors de l’assemblée générale d’EIFFAGE, la décision de privation du droit de vote attaché aux titres détenus par GRUPO RAYET au-delà du seuil de 33,33%

prise le 18 avril 2008 était illégale ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé de ce chef » ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « Au-delà des attributions spécifiques, rappelées ci-dessus, il est admis par la jurisprudence, la doctrine et les usages que le bureau puisse exercer un pouvoir général de police de l’assemblée, notamment contrôler l’exercice du droit de vote, le droit d’arrêter le quorum et vérifier qu’il est atteint pour chaque résolution, vérifier l’application des règles de majorité et résoudre certaines difficultés qui peuvent survenir en cours de séance, qu’il ne peut le faire qu’a minima faute d’avoir reçu du législateur une délégation précise, et qu’il ne peut avoir qu’un pouvoir de constatation ; que l’article L.233-14, al. 1er, du Code de commerce dispose que « A défaut d’avoir été régulièrement déclarées dans les conditions prévues aux alinéas 1 et 11 de l’article L.233-7, les actions excédant la fraction qui aurait dû être déclarée (…) sont privées du droit de vote pour toute assemblée d’actionnaire qui se tiendrait jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification » ; qu’au regard de ces dispositions, le Bureau peut user de son pouvoir de police pour constater matériellement l’absence avérée de déclaration d’un franchissement de seuil et appliquer les mesures matérielles de privation des droits de vote ; que dans le cas d’un franchissement de seuil par des actionnaires agissant de concert, l’évidence ne pourra être invoquée que si un accord a été conclu « en vue d’acquérir ou de céder des droits de vote ou en vue d’exercer des droits de vote pour mettre en oeuvre une politique commune (vis-à-vis de la société), un tel accord pouvant être présumé en application de l’article L.233-10-11 du Code de commerce ; que le Bureau a constaté n’avoir reçu aucune déclaration de franchissement de seuil en relation avec les actions EIFFAGE qui seraient détenues de concert avec SACYR VALLEHERMOSO, ni d’aucun des autres actionnaires figurant sur la liste remise par la société EIFFAIME ; que saisi de cette demande, le Président du Bureau a questionné les intéressés sur l’existence d’un accord, que les réponses qui lui ont été apportées ont été négatives ; que dès lors, le Bureau ne pouvait se prévaloir de l’existence avérée d’un accord qui n’était pas démontré entre les prétendus concertistes ; de plus, que l’article L.233-10-11 du Code de commerce dispose que :

« Un tel accord est présumé exister

1 – Entre une société, le Président de son conseil d’administration et ses directeurs généraux ou les membres de son directoire ou ses gérants,

2 – Entre une société et les sociétés qu’elle contrôle au sens de l’article L.233-3,

3 – Entre des sociétés contrôlées par la même ou les mêmes personnes,

4 – Entre les associés d’une société par actions simplifiée à l’égard des sociétés que celle-ci contrôle,

5 – Entre le fiduciaire et le bénéficiaire d’un contrat de fiducie si ce bénéficiaire est le constituant ».

Attendu que le Bureau ne démontre pas avoir recherché si l’une des cinq présomptions légales était applicables au cas d’espèce ; qu’en conséquence, le Tribunal dira qu’en l’espèce, l’accord entre les présumés concertistes n’était ni avéré, ni présumé lors de l’assemblée générale du 18 avril 2007 ; que l’accord n’étant ni avéré ni présumé, le Bureau n’avait pas le pouvoir de réunir les éventuelles preuves d’une supposée action de concert ni d’apprécier les indices, qu’il ne lui appartenait pas de qualifier une situation juridique qu’il n’avait aucun pouvoir pour analyser ; qu’une telle qualification en peut être dévolue qu’à une autorité de nature juridictionnelle soumise au principe d’impartialité et du respect des droits de la défense ; que précisément les dispositions du 4e alinéa de l’article L.233-14 du Code de commerce auraient permis au Tribunal de céans d’être saisi à cet effet ; que dès lors, le Tribunal dira que la décision du Bureau de l’assemblée générale d’EIFFAGE du 18 avril 2007 privant des droits de vote attachés aux titres détenus par les actionnaires qui auraient agi de concert et excédant le seuil de 33,33 % était illégale et prononcera en conséquence la nullité de ladite décision du Bureau ».

ALORS QUE le bureau de l’assemblée générale des actionnaires qui a le pouvoir et le devoir de contrôler l’exercice du droit de vote, peut apprécier, sous le contrôle du juge, l’existence de toute action de concert et doit, en présence d’indices graves, précis et concordants d’une action de concert ayant entraîné un franchissement de seuil irrégulier, appliquer la privation des droits de vote prévus par l’article L.233-14 alinéa 1er du Code de commerce ; qu’en décidant que le bureau ne pouvait faire l’application de ce texte que pour certains cas de concert, la Cour d’appel a violé les articles L.233-7, L.233-9, L.233-10 et L.233-14 du Code de commerce.

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