Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 septembre 2012, 11-24.301, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Statuant sur l’application de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce, une cour d’appel a pu retenir que la relation commerciale établie avait été initialement nouée avec un tiers, dès lors qu’elle a constaté que cette relation avait été poursuivie par l’auteur de la rupture

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Sur la décision

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 juin 2011), que depuis 1991, la société Charles importait du Maroc des potages déshydratés « Chorba » et « Harira » certifiés Halal, fabriqués par la société Nestlé Maroc sous la marque Maggi ; que le 4 juillet 2003, la société Charles a conclu avec la société Nestlé France un contrat par lequel cette dernière lui concédait l’exclusivité de la distribution en France de ces deux potages, en contrepartie d’engagements d’achats, le contrat étant conclu pour une durée de trois ans, renouvelable par tacite reconduction pour une durée indéterminée, chacune des parties pouvant y mettre fin avec un préavis de douze mois ; que le 11 janvier 2008, la société Nestlé France a dénoncé le contrat pour le 16 janvier 2009 ; que la société Charles l’a assignée en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive et brutale ;

Attendu que la société Nestlé France fait grief à l’arrêt de sa condamnation, alors, selon le moyen, qu’en jugeant, pour considérer que le préavis de douze mois donné le 11 janvier 2008 par la société Nestlé France à la société Charles avant la résiliation du contrat conclu en 2003 était insuffisant, que la relation commerciale litigieuse comprenait la période allant de 1991 à 2003, au cours de laquelle la société Charles avait distribué les produits litigieux pour la société Nestlé Maroc, tout en admettant que les sociétés Nestlé France et Nestlé Maroc étaient des personnes juridiques distinctes et sans avoir relevé l’existence d’un avenant conclu entre la société Nestlé France et la société Charles par lequel les parties auraient entendu reprendre la relation contractuelle précédemment nouée avec la société Nestlé Maroc, au motif inopérant que cette précédente relation était rappelée dans le préambule du contrat conclu en 2003, la cour d’appel a violé l’article L. 442-6,I,5° du code de commerce ;

Mais attendu qu’après avoir rappelé les termes du préambule du contrat de 2003, selon lequel la société Nestlé France souhaitait à son tour commercialiser des produits ethniques et, eu égard aux relations nouées antérieurement par la société Charles avec la société Nestlé Maroc pour l’importation des deux potages, avait décidé de prendre appui sur les ressources marketing et industrielles du groupe, la cour d’appel a retenu que les parties avaient ainsi entendu se situer dans la continuation des relations antérieures, le but d’un contrat écrit étant de poursuivre et développer les relations existant entre la société Charles et le groupe Nestlé, en s’appuyant notamment sur l’expérience acquise par la société Charles dans le cadre de son partenariat informel avec la société Nestlé Maroc pour la commercialisation des mêmes produits ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations souveraines, d’où il ressort que la société Nestlé France avait poursuivi la relation initialement nouée avec la société Nestlé Maroc, la cour d’appel a pu retenir que cette relation avait commencé en 1991 ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Nestlé France aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Charles la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Nestlé France.

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR condamné la société NESTLE FRANCE à payer à la société CHARLES la somme de 450.000 € de dommages-intérêts ;

AUX MOTIFS QUE, aux termes de l’arrêt attaqué, « le Tribunal a justement rappelé les faits ; que le contrat de distribution conclu en juillet 2003 pour une durée initiale de trois ans s’est tacitement renouvelé et est devenu à durée indéterminée, pouvant être résilié avec préavis d’un an ; que la résiliation a eu lieu à l’initiative de NESTLE FRANCE le 11 janvier 2008 à effet au 16 janvier 2009 ; que le préavis a donc été formellement respecté ; que la société CHARLES estime toutefois qu’il était insuffisant et illusoire ; que les obligations durant le préavis n’ont pas été respectées et qu’en outre la résiliation résulte d’un abus de droit ; que sur ce dernier point l’appelante soutient que NESTLE FRANCE a voulu lui imposer la commercialisation d’un produit dont elle avait décidé seule et sans concertation le lancement « à rebours des attentes du marché », a voulu lui imposer des engagements de vente non contractuellement prévus, malgré la réticence de son partenaire en profitant sans vergogne des efforts déployés par lui pour installer sur le marché les produits en cause ; que la faculté de résiliation a été mise en oeuvre de mauvaise foi ; que toutefois il résulte de la propre argumentation de la société CHARLES qu’il y avait des divergences majeures entre les deux partenaires sur l’avenir de leurs relations et l’étendue de l’objet futur du contrat ; que celui-ci définissait des produits de manière précise mais comportait un article 10 stipulant « les parties considèrent de leur intérêt réciproque d’étendre leur gamme de produits ethniques » ; qu’une concertation était prévue mais que les offres faites par NESTLE de commercialiser de nouveaux produits ne constituaient pas des pressions illégitimes ; que NESTLE était libre d’avoir recours à d’autres distributions pour les produits non inclus dans l’exclusivité ; qu’elle était libre de tirer les conséquences des divergences résultant notamment du refus de la société CHARLES de commercialiser certains produits ; qu’il en résulte ainsi que des motifs non contraires du Tribunal qu’aucun abus de droit ni aucune mauvaise foi de la part de NESTLE FRANCE quant à la décision de mettre fin aux relations commerciales ne sont démontrés ; mais que la durée du préavis doit s’apprécier en fonction des réalités économiques spécifiques à la relation commerciale concernée ; que la société CHARLES fait valoir et qu’il n’est pas contesté que depuis 1991 elle avait commercialisé des produits, objet de l’exclusivité dans le contrat du 4 juillet 2003, dans le cadre d’une relation avec NESTLE MAROC sans contrat écrit ; que les sociétés NESTLE MAROC et NESTLE FRANCE sont certes des personnes juridiques distinctes, mais que le contrat du 4 juillet 2003 se réfère expressément aux relations antérieures entre les sociétés CHARLES et NESTLE MAROC ; que l’exposé préalable indique en effet « Depuis quelques années Etablissements CHARLES SA importe du Maroc des potages déshydratés »Chorba « et »Harira " certifiés Halal fabriqués par NESTLE MAROC sous la marque MAGGI, NESTLE FRANCE division FOOD SERVICE souhaite pour sa part s’intéresser au marché des produits ethniques… Elle considère qu’il est de son intérêt de prendre appui sur les ressources marketing et industrielle du groupe NESTLE à cette fin" ; que les parties ont ainsi clairement entendu se situer dans la continuation des relations antérieures ; que le but économique d’un contrat écrit et précis était de continuer et développer les relations entre la société CHARLES et le « GROUPE NESTLE » en s’appuyant notamment de (sic) l’expérience acquise par CHARLES dans le cadre de son partenariat informel avec NESTLE MAROC pour la commercialisation des produits, objet même du contrat ; qu’il y a eu totale continuité dans les relations et qu’il y a lieu de prendre en considération la date de 1991 comme point de départ de celle-ci ; qu’en outre il n’est pas contesté que la commercialisation des produits est soumise à une forte contrainte saisonnière, les potages « Harira » et « Chorba » étant consommés principalement par une clientèle musulmane au cours du jeûne du mois du Ramadan du calendrier lunaire musulman, les dates de ce mois étant variables par rapport au calendrier solaire, régressant chaque année solaire d’une dizaine de jours environ ; que la société CHARLES fait valoir que les dates respectives de début et de fin de Ramadan étaient le 2 septembre et le 2 octobre pour 2008, le 22 août et le 19 septembre pour 2009 ; que les commandes sont faites plusieurs mois à l’avance, NESTLE l’ayant sollicitée le 19 décembre 2007 pour la campagne de Ramadan 2008, lui précisant qu’il n’y aurait de possibilités de commande de volumes supplémentaires que jusqu’au 28 février 2008 ; qu’elle a donc procédé à cette précommande le 21 décembre 2007 puis l’a modifiée, en raison du planning de l’usine NESTLE, a passé des commandes supplémentaires en février 2008 ; qu’elle a pu ainsi assurer le Ramadan 2008, mais que le contrat se terminant en janvier 2009, NESTLE ne lui ayant proposé ni la reprise de stocks, ni d’assurer le Ramadan 2009, elle n’a pu utilement faire les commande de fin 2008 pour assurer dans les conditions habituelles le Ramadan 2009 mais seulement écouler les stocks au cours de l’année 2009 ; qu’en tenant compte des divers éléments du litige, notamment de l’ancienneté des relations commerciales, de la saisonnalité des ventes et des dates de commande, la Cour estime que, pour une résiliation en janvier, ne permettant pas d’optimiser les commandes sur une année complète, le préavis aurait dû être de deux ans ; que la société CHARLES déclare qu’elle a réalisé « au travers » du contrat qui la liait à NESTLE FRANCE des marges brutes de 322.457 € en 2005, 415.124 € en 2006, 571 722 € en 2007 ; que selon le compte de résultat versé aux débats, le montant des ventes de marchandises a été de 11.092.774 € en 2008, de 10.416.264 € en 2009, ces chiffres étant respectivement de 2 747 362 € et 2.186.340 € pour les résultats d’exploitation ; que la Cour ne pouvant toutefois constater que cette baisse de résultats soit due exclusivement à la perte du contrat ave NESTLE, et en l’absence de démonstration plus précise, évalue à 450 000 € le montant du préjudice résultant directement de l’insuffisance de préavis » ;

ALORS en premier lieu QU’en jugeant, pour considérer que le préavis de douze mois donné le 11 janvier 2008 par la société NESTLE FRANCE à la société CHARLES avant la résiliation du contrat conclu en 2003 était insuffisant, que la relation commerciale litigieuse comprenait la période allant de 1991 à 2003, au cours de laquelle la société CHARLES avait distribué les produits litigieux pour la société NESTLE MAROC, tout en admettant que les sociétés NESTLE FRANCE et NESTLE MAROC étaient des personnes juridiques distinctes et sans avoir relevé l’existence d’un avenant conclu entre la société NESTLE FRANCE et la société CHARLES par lequel les parties auraient entendu reprendre la relation contractuelle précédemment nouée avec la société NESTLE MAROC, au motif inopérant que cette précédente relation était rappelée dans le préambule du contrat conclu en 2003, la Cour d’appel a violé l’article L. 442-6,I,5° du Code de commerce ;

ALORS en deuxième lieu QU’en jugeant insuffisant le délai d’un an de préavis fixé au contrat par les parties, sans avoir préalablement recherché si ce délai contractuel était ou non raisonnable au regard de la durée du contrat et des usages commerciaux, au motif inopérant que le délai d’un an n’avait pas permis à la société CHARLES d’ « optimiser » ses commandes sur une année complète (arrêt, p. 4 § ), la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1134 du Code civil, ensemble l’article L. 442-6,I,5° du Code de commerce ;

ALORS en troisième lieu QU’en relevant que la société CHARLES n’avait pas pu assurer le ramadan 2009 dans les conditions habituelles pour juger du caractère insuffisant du préavis d’un an donné par la société NESTLE FRANCE le 11 janvier 2008 pour le 16 janvier 2009, préavis qui n’avait pour objet que de permettre à la société CHARLES d’assurer dans les conditions habituelles le ramadan 2008, la Cour d’appel a statué par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6,I,5° du Code de commerce ;

ALORS en quatrième lieu QU’en jugeant que la société NESTLE FRANCE n’aurait pas proposé à la société CHARLES de lui reprendre les stocks qui lui restaient à l’expiration du préavis, sans vérifier, ainsi qu’il lui était demandé (conclusions d’appel de la société NESTLE FRANCE, p. 12), si ce n’était pas la société CHARLES qui s’était opposée à cette reprise de stocks, en refusant notamment de communiquer l’état de ceux-ci comme l’établissaient les échanges de courriels entre les deux parties, la Cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 442-6,I,5° du Code de commerce ;

ALORS en cinquième lieu, subsidiairement, QUE les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu’il en résulte pour elle ni perte ni profit ; qu’en condamnant la société NESTLE FRANCE à payer à la société CHARLES la somme de 450.000 € au regard des marges brutes réalisées grâce au contrat litigieux en 2005, 2006 et 2007, sans tenir compte des bénéfices réalisés par la société CHARLES en 2009 grâce aux stocks constitués en 2008 dont elle a constaté l’existence et la vente en 2009 (arrêt, p. 3 in fine), la Cour d’appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice et l’article 1382 du Code civil, ensemble l’article L. 442-6,I,5° du Code de commerce.

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