Cour de cassation, Chambre commerciale, 6 novembre 2012, 11-23.363, Inédit

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Chronologie de l’affaire

Sur la décision

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 6 mai 2011), que les sociétés ER Finances (la société ER) et Ricoh France (la société Ricoh), venant aux droits de la société NRG France, venant elle-même aux droits de la société La Réseautique, ont conclu des contrats de vente, aux termes desquels la société Ricoh devait fournir des copieurs à la société ER et à ses clients et des contrats de prestations de services, confiant à la société Ricoh la mission d’assurer la maintenance de ce matériel et d’assurer le fonctionnement des connexions informatiques afférentes ; qu’à la suite d’un différend concernant des prestations de maintenance assurées par la société Ricoh, la société ER a refusé de régler l’ensemble des factures ; qu’après avoir résilié par anticipation douze contrats de prestations de services liant les parties , la société Ricoh a fait assigner la société ER en paiement de factures et d’indemnités de résiliation ; que la société ER a été mise en redressement judiciaire, la société Sudre étant désignée en qualité de mandataire judiciaire, puis de commissaire à l’exécution du plan ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société ER et la société Sudre, ès qualités, font grief à l’arrêt d’avoir fixé les créances de la société Ricoh au passif de la société ER Finances à la somme de 65 834,17 euros TTC, outre les intérêts de retard calculés conformément à l’article 6.3 des conditions générales des prestations de services au titre des factures impayées, alors, selon le moyen, que nul ne pouvant se constituer une preuve à lui-même, le juge ne peut valablement présumer la réalité de la prestation dont il est réclamé paiement par le fournisseur au seul vu de factures contestées par le client, en retenant qu’elles seraient corroborées par d’autres éléments, lesquels n’émanent que du seul prestataire de service ; qu’en décidant que la société ER Finances n’était pas fondée à contester la réalité des créances invoquées au vu des factures émises par la société Ricoh et d’un récapitulatif des prestations réalisées établi par ce même prestataire de service, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil ;

Mais attendu que, sous le couvert d’une violation de la loi, le moyen ne tend qu’à remettre en cause le pouvoir souverain des juges du fond quant à la preuve d’un fait juridique qui peut être rapportée par tous moyens ; que le moyen n’est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que la société ER et la société Sudre, ès qualité, font grief à l’arrêt d’avoir fixé les créances de la société Ricoh au passif de la société ER à 115 212,36 euros TTC au titre des indemnités de résiliation et d’avoir rejeté les demandes indemnitaires reconventionnelles de la société ER, alors, selon le moyen :

1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; qu’en se bornant à affirmer que le nombre et la nature des interventions litigieuses s’inscrivaient dans le cadre d’une exécution normale du contrat de service sans rechercher concrètement, ainsi qu’elle y était expressément invitée, si notamment le fait que la société La Réseautique (aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Ricoh) ait réalisé, en moins de trois ans, près de 250 interventions sur le copieur de type CLC 5000 ne caractérisait pas un grave manquement dans l’exécution sa prestation technique qui rendait dès lors abusive la rupture du contrat par ce prestataire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

2°/ que le juge est tenu de se prononcer sur tous les éléments de preuve produits aux débats de nature à exercer une influence certaine sur la solution du litige ; qu’en déclarant que la faute du prestataire de service n’était pas établie en ce qui concerne ses erreurs récurrentes de facturation sans examiner, même de façon sommaire, l’ensemble des courriers échangés pendant toute la durée de la relation contractuelle (2003-2006) entre le prestataire de service et le client ou sa filiale faisant état de ces nombreux dysfonctionnements, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, d’une part, qu’après avoir relevé que le seul différend ayant opposé les parties concernait le matériel CLC 5000, la cour d’appel, procédant à la recherche prétendument omise, a souverainement estimé, par motifs propres et adoptés, que s’agissant d’un matériel hautement technologique, le nombre et la nature des interventions réalisées sur ce matériel s’inscrivaient dans le cadre d’une exécution normale du contrat de services et qu’il ne pouvait être déduit du fait que des incidents techniques ayant conduit à un nombre élevé d’interventions de la société Ricoh avaient affecté le fonctionnement de l’un des copieurs objets des contrats litigieux que cette société aurait été défaillante dans l’exécution de ses prestations techniques ;

Et attendu, d’autre part, qu’ayant relevé, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des preuves, que pour remettre en cause le système de facturation de la société Ricoh, la société ER et ses filiales se bornaient à produire des courriers, pour la plupart anciens, émanant de ces sociétés et impropres à démontrer la réalité des erreurs de facturation ou de gestion du compte client imputés par elles à la société Ricoh, la cour d’appel n’avait pas à s’expliquer davantage sur les éléments de preuve qu’elle décidait d’écarter ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société ER Finances et la société Sudre, ès qualités, aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par Me Bouthors, avocat aux Conseils, pour la société ER Finances et la société Sudre, ès qualités

Premier moyen de cassation

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir fixé les créances de la société Ricoh France au passif de la société ER Finances à la somme de 65.834,17 euros TTC, outre les intérêts de retard calculés conformément à l’article 6.3 des conditions générales des prestations de services, au titre des factures impayées ;

aux motifs que Ricoh ne se borne pas à verser aux débats les factures de maintenance dont elle réclame paiement après déduction de règlements partiels ; que, pour solliciter paiement de 21 factures de maintenance, Ricoh verse aux débats non seulement lesdites factures, qui chacune détaille les sommes réclamées en se référant aux contrats et matériels correspondants, mais aussi les contrats de prestations de service et de réseautique sur la base desquels ces factures ont été établies ainsi qu’un récapitulatif des prestations réalisées au titre de ces contrats ; que ces éléments démontrent la réalité des créances invoquées ; que les appelants ne sont pas fondés à contester la facture A 63047 du 29 mai 2006 dès lors qu’aucune intervention postérieure au 16 mai 2006, date à laquelle Ricoh a, en raison des retards de paiement et en application de l’article 6.3 des conditions générales des contrats liant les parties, suspendu ses prestations de maintenance – n’y est comptabilisée et que les contrats n’ont été résiliés que le 2 février 2007 ; que le fait que les factures portent toutes l’entête ‘'La Réseautique, NRG France'' et auraient été adressées à ER par courrier du 5 février 2007, ne saurait établir qu’il s’agit de faux documents, étant rappelé que la société La Réseautique a été dissoute le 20 février 2006 dans le cadre d’une transmission universelle de patrimoine à la société NRG ; qu’aucune plainte n’a d’ailleurs été déposée en ce sens par les appelants ; qu’enfin, à supposer même que ces incidents de facturation régularisés aient opposé les parties antérieurement au présent litige, de tels incidents seraient sans lien avec les factures objet de la présente instance ; que la créance de la société Ricoh au titre des factures litigieuses étant justifiée et non utilement contestée à hauteur de la somme de 65.834,17 euros TTC, cette somme – outre les intérêts de retard calculés conformément à l’article 6.3 des conditions générales des prestations de services qui ne sont pas contestées et qui prévoient : ‘'En cas de retard de paiement supérieur à trente jours, le client sera redevable de plein droit… d’intérêts de retard calculés au taux de l’intérêt légal en vigueur à la date d’exigibilité de la facture augmenté de cinq points, à compter de la date d’exigibilité de la facture jusqu’à celle de son paiement effectif…'', sera fixée au passif de la société ER ;

alors que nul ne pouvant se constituer une preuve à lui-même, le juge ne peut valablement présumer la réalité de la prestation dont il est réclamé paiement par le fournisseur au seul vu de factures contestées par le client, en retenant qu’elles seraient corroborée par d’autres éléments, lesquels n’émanent que du seul prestataire de service ; qu’en décidant que la société ER Finances n’était pas fondée à contester la réalité des créances invoquées au vu des factures émises par la société Ricoh et d’un récapitulatif des prestations réalisées établi par ce même prestataire de service, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil.

Second moyen de cassation

Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’avoir fixé les créances de la société Ricoh France au passif de la société ER Finances à la somme de 115.212,36 euros TTC au titre des indemnités de résiliation et débouté la société ER Finances de ses demandes reconventionnelles tendant à se voir indemniser pour les nombreuses fautes contractuelles commises par la société La Réseautique, aux droits de laquelle vient la société Ricoh ;

aux motifs propre que Ricoh a, par LR avec AR du 2 février 2007, procédé à la résiliation anticipée des contrats conclus entre les parties portant les n° 113291 113293 113294, 113295, 113300, 118992,120213, 113296, 113298, 113299, 113284, 113285 ; qu’il résulte des éléments produits que (1) ER et Ricoh n’ont pas conclu un contrat mais plusieurs contrats, étant précisé qu’un contrat de service conclu à une date donnée regroupe parfois plusieurs contrats portant des numéros différents ; que chaque contrat est assorti, selon son objet, des conditions générales de prestations de service ou des conditions générales de prestations et de services réseautique ; que la durée de ces contrats était de cinq années pour du matériel neuf et de trois années pour du matériel reconditionné (art. 3 des conditions générales) ; (2) la tarification contractuelle est établie en fonction de volumes d’impression prévus par les contrats, le coût d’une impression étant d’autant moins élevé que le volume mensuel convenu était important ; (3) les facturations sont effectuées sur la base des volumes convenus pour chaque copieur, les régularisations ayant pour objet de facturer les copies réalisées en plus de volume prévu par le contrat, à l’exception d’une régularisation effectuée selon courrier de Ikon du 25 mars 2005 indiquant, s’agissant en particulier du site Espace Pro, accepter ‘'à tire exceptionnel de réaliser une régularisation négative sur un matériel qui n’aurait pas atteint le volume engagé à la condition que le total du volume réalisé sur le site ne soit pas inférieur au volume total engagé sur ce même site'', et de quelques régularisations d’avoirs en raison d’erreurs sur les forfaits copie convenus ; (4) les quatre matériels CLC700, CLC800, NP5060, CLC1000 ne sont pas concernés par les contrats objet de la résiliation du 2 février 2007 et il n’est sollicité aucune indemnité s’agissant de ces copieurs ; (5) les indemnités contractuellement prévues ne sont pas calculées sur la base des factures établies, mais sur la rémunération minimal prévue par les contrats en fonction des volumes d’impression convenus ;

qu’en effet, sur ce dernier point aux termes de l’article 13 des conditions générales des contrats : « en cas d’inexécution totale ou partielle comme en cas de violation totale ou partielle l’une seule des charges et conditions des présentes, le présent contrat sera résilié de plein droit si bon semble à la société Ikon Office Solutions… A cet effet, la société Ikon Office Solutions notifiera une lettre recommandée avec accusé de réception informant le client de la résolution intervenue ; la date de résolution du contrat est celle de la notification de la lettre recommandée. En cas de résiliation anticipée pour quelque cause que ce soit, le fournisseur aura la faculté d’exiger, outre le paiement de toutes sommes éventuellement dues, le paiement d’une indemnité forfaitaire égale à 80 % de la rémunération minimale à laquelle il aurait pu prétendre si le contrat s’était poursuivi jusqu’à son terme » ; que le tableau de calcul des indemnités versé aux débats par Ricoh détaille pour chacun des contrats concernés le volume mensuel prévu, le coût unitaire de la copie et donc son coût forfaitaire, la période contractuelle restant à courir, le coût total auquel aurait pu prétendre Ricoh et retient 80 % du montant ainsi obtenu ; que ce calcul conforme aux termes contractuels n’étant pas sérieusement contesté par les appelants, il convient de le retenir et de fixer à la somme totale de 115.212,36 euros TTC les indemnités de résiliation dues à Ricoh pour les 12 contrats en cause ;

que les appelants soutiennent que Ricoh a failli dans l’exécution de ses obligations contractuelles en n’exécutant pas de façon satisfaisante les prestations techniques, en faisant subir à ER la désorganisation de ses services administratifs et en cessant brutalement toute prestation de maintenance mettant en oeuvre de mauvaise foi l’exception d’inexécution et la clause résolutoire ; que ces fautes lui ont causé des préjudices justifiant qu’il leur soit alloué la somme de 150.000 euros de dommages et intérêts ;

que, sur le plan technique, les appelants invoquent un courrier du 5 novembre 2003 par lequel une filiale de la société ER a fait part à Ricoh de difficultés d’utilisation d’un copieur IR 105 et d’un copieur CLC 5000 ; que s’agissant du copieur IR 105, il s’agit de la seule réclamation effectuée et il n’est pas contesté que la société Ricoh est, conformément au contrat, intervenue pour résoudre le problème technique invoqué ; que s’agissant du copieur CLC5000, des dysfonctionnements ont été signalés par la filiale de la société ER de 2003 à 2006 ; qu’il est cependant établi que Ricoh n’a cessé de multiplier les interventions pour tenter de résoudre les difficultés signalées, faisant en outre intervenir les techniciens de la société Canon pour réviser complètement ce matériel ; que le seul différend ayant opposé les parties concerne ce matériel CLC5000 ; qu’ainsi que l’a relevé le tribunal, le nombre et la nature des interventions réalisées sur ce matériel s’inscrivent dans le cadre d’une exécution normale du contrat de service ; qu’il ne peut donc être reproché à faute à Ricoh d’avoir manqué à ses obligations contractuelles – ce qui aurait été le cas si, au contraire, elle n’était pas intervenue ; qu’il ne peut être déduit du fait que des incidents techniques, ayant conduit à un nombre élevé d’interventions de Ricoh, ont affecté le fonctionnement d’un des copieurs objets des contrats litigieux que Ricoh aurait été défaillante dans l’exécution de ses prestations techniques ; qu’en outre ce seul différend ne saurait justifier le refus de la société ER de procéder au règlement de l’ensemble des factures de maintenance portant pour l’essentiel sur d’autres matériels ;

que, sur le plan administratif, pour remettre en cause le système de facturation de Ricoh, les appelants se bornent à produire des courriers, pour la plupart anciens (2003 et 2004) émanant de la société ER ou de sa filiale et impropres à démontrer la réalité des ‘'erreurs de facturation et des errements dans la gestion du compte client'' imputés à Ricoh, étant au surplus rappelé que les quelques erreurs de facturation constatées en 2003 portaient sur des erreurs de forfait et ont été régularisées par Ricoh ; que les autres courriers produits concernent une période postérieure aux non paiements reprochés à ER ; que les appelants ne sont pas fondés à invoquer de ce chef des manquements contractuels de Ricoh ;

que s’agissant du grief invoqué par les appelants selon lequel Ricoh aurait mis en oeuvre de mauvaise foi l’exception d’inexécution et la clause résolutoire, il ne peut qu’être constaté que c’est du fait de l’absence de paiement par ER de ses factures de maintenance s’élevant le 16 mai 2006 à la somme totale de 58.476 euros que Ricoh a, conformément aux dispositions de l’article 6.3. des conditions générales des contrats, suspendu les prestations correspondantes ;

que c’est également, en l’absence de paiement, que Ricoh s’est, le 2 février 2007, prévalue des dispositions de l’article 13 des contrats pour résilier les 12 contrats correspondant aux factures de maintenance impayées ; que les appelants ne sont pas fondés à soutenir que la résiliation du contrat par Ricoh ne peut être imputée à la société ER ;

1°) alors que, d’une part, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi ; qu’en se bornant à affirmer que le nombre et la nature des interventions litigieuses s’inscrivaient dans le cadre d’une exécution normale du contrat de service sans rechercher concrètement, ainsi qu’elle y était expressément invitée (conclusions, p. 11 et s.), si notamment le fait que la société La Réseautique (aux droits de laquelle vient aujourd’hui la société Ricoh) ait réalisé, en moins de trois ans, près de 250 interventions sur le copieur de type CLC 5000 ne caractérisait pas un grave manquement dans l’exécution sa prestation technique qui rendait dès lors abusive la rupture du contrat par ce prestataire, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1147 du code civil ;

2°) alors que, d’autre part, le juge est tenu de se prononcer sur tous les éléments de preuve produits aux débats de nature à exercer une influence certaine sur la solution du litige ; qu’en déclarant que la faute du prestataire de service n’était pas établie en ce qui concerne ses erreurs récurrentes de facturation sans examiner, même de façon sommaire, l’ensemble des courriers échangés pendant toute la durée de la relation contractuelle (2003-2006) entre le prestataire de service et le client ou sa filiale faisant état de ces nombreux dysfonctionnements, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.

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