Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2012, 11-88.715, Inédit

Note

Chronologie de l’affaire

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Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— M. Daniel X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 16 novembre 2011, qui, pour complicité de diffamation publique envers un dépositaire de l’autorité publique, l’a condamné à 1 000 euros d’amende avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 23, 29, 31 de la loi du 29 juillet 1881, de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué a déclaré M. X… coupable du délit de diffamation publique envers une personne dépositaire de l’autorité publique et de l’avoir condamné au paiement d’une amende de 1 000 euros, de la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts au profit de la partie civile ;

« aux motifs que, le 4 décembre 2008, M. Y…- Z… engageait l’action publique au visa des articles 29, alinéa 1, et 31 de la loi du 29 juillet 1881 modifiée contre personne non dénommée à raison de deux extraits de l’ouvrage titré » L’affaire. L’histoire du plus grand scandale financier français " publié aux Editions du Seuil au mois d’octobre 2008 et présenté sous forme d’entretien entre M. X… et Mme A… ; que, mis en examen le 16 juin 2009 du chef de diffamation publique envers dépositaire de l’autorité publique, M. X… était renvoyé devant le tribunal correctionnel ; que, suite à la première citation, M. X…, le 30 décembre 2009, a fait signifier une offre de preuve, en application des dispositions de l’article 55 de la loi sur la liberté de la presse, dénonçant 67 pièces ; que le ministère public a, par acte, du 4 janvier 2010, fait signifier une offre de preuve contraire, conformément, à l’article 56 de la loi, comportant sept documents et trois témoins ; que les débats ont eu lieu le 13 avril 2010 et le jugement déféré a été prononcé le 1er juin suivant ; qu’âgé ce jour de 72 ans, M. X… n’a pas de condamnation à son casier judiciaire ; que les faits de l’espèce ont été exactement rapportés par les premiers juges ; que la cour adoptera sur ce point leur exposé ; qu’il sera rappelé par la cour que l’ouvrage en cause comprend en son chapitre onze intitulé « Les contorsions de l’AMF » les deux extraits incriminés ; que, dans ce chapitre et ainsi que le tribunal l’a exactement rapporté : " M. X… y expose comment l’AMF, qui l’a ailleurs auditionné, avait tous les éléments en main et pouvait déceler que, contrairement à ce qui avait été affirmé par la société Rhodia et sa maison mère, Rhône-Poulenc, notamment, dans un document qu’avait en son temps visé la COB, la première nommée n’avait pas acheté, par l’intermédiaire d’une société Donau-Albright & Wilson, au prix du marché, à la fair market value, mais à un prix convenu d’avance, pourtant, profitant de ce que beaucoup de ceux qu’elle avait également entendus, l’ignoraient, notamment, M. B… qui lors de son audition, avait défendu la thèse d’un portage, l’AMF s’est précipitée sur cette thèse, fausse, pour tenter d’exonérer Rhodia et Rhône-Poulenc, spécialement C… et D… ". Puis évoque les documents successivement rédigés par l’AMF, soit un premier rapport, du 20 janvier 2005, dans lequel les enquêteurs dénoncent clairement le montage imaginé par Rhodia pour acquérir Albright, habillé sous forme d’option, qui a été de nature à tromper le public et accusent Rhodia d’avoir fourni une information inexacte et trompeuse. Il affirme encore que, dans ce document, l’AMF reconnaît en toutes lettres que, le 15 mars 2000, l’acquisition d’Albright & Wilson s’est faite au prix qui, en 1999, avait été conclu à l’avance entre Rhodia et Donau et ce, contrairement à ce qui a été annoncé aux marchés, de sorte que les enquêteurs de l’AMF ont donc en main une preuve incontestable de l’escroquerie, ce qui est rarissime ; que, pourtant, ajoute-t-il, ils ne réagissent pas. C’est Mme A… qui mentionne un second rapport, en posant cette question, " ce pré-rapport d’enquête n’est pas publié, et il va être réécrit. Le 25 février 2005, M. C… est nommé ministre des Finances et, quelques jours plus tard, un nouveau rapport apparaît. Encore un tour de prestidigitation ? » ; Absolument. En se reniant et en trichant. C’est très grave car c’est la procédure d’acquisition à la valeur de marché qui garantit la valeur des actions de Rhodia, cette procédure n’est pas suivie et l’AMF ne dit rien ! Elle botte en touche, elle retient la thèse du portage, pourtant démentie par les commissaires aux comptes, le rapport E… et Rhodia elle-même. L’AMF. Le gendarme de la Bourse proclame que la trahison de sa propre signature. Signature destinée, de par la loi, à garantir la sincérité des informations diffusées au marché. N’a pas pu altérer la perception des investisseurs ! Tout cela pour sauver MM. C…, D… et F…… Et une telle phrase est écrite. Toute honte bue, sous la houlette de M. Y…- Z… président de la commission spécialisée du collège de l’AMF, membre honoraire du Conseil d’Etat » ; qu’il s’agit là du premier passage poursuivi. M. X… évoque ensuite « le couple C…- D… », le premier étant qualifié d’homme de paille, protégé par le second, président de Rhône-Poulenc mais qui, une fois nommé ministre, devient un bouclier qui protège M. D…, lequel sera lui-même blanchi dans des conditions miraculeuses. Grâce à des enquêtes de l’AMF, effectuées sous la période M. C…. A l’invitation de la journaliste (qui fait partie du collège de l’AMF ? qui s’est livré à une modification de ce rapport ?), M. X… évoque la composition de la commission du collège qui concerne cette affaire, commission qu’il définit comme un organe collégial qui valide les griefs, c’est-à-dire l’acte d’accusation ; qu’il passe en revue divers noms, notamment, celui de la partie civile, qui connaît très bien MM. D… et C…, puisqu’il a été président de la commission de contrôle des mutuelles, alors que MM. D… et C… étaient tous deux administrateurs d’Axa, commentant : On est entre soi ! C’est scabreux car il n’y a aucune garantie d’objectivité. Il n’y a pas de véritable indépendance. Il mentionne encore divers noms et les conflits d’intérêts dissimulés dans lesquels les intéressés se trouvent, puis revient à la partie civile, c’est le second passage poursuivi : " M. Y…- Z…, qui innocente M. C…, se voit, dans la semaine suivante, confier par le ministre C… une mission très particulière, et très rémunératrice sur la déontologie de la commercialisation de l’épargne ; que comme cela, il a la conscience tranquille. On va à confesse ! " M. X… poursuit son énumération des membres de la commission spécialisée, commentant encore. La tradition française des renvois d’ascenseur n’est certes pas glorieuse, mais, là, il s’agit du camouflage d’actions délictueuses ; que le chapitre se conclut par l’évocation de l’échec des procédures administratives ou judiciaires entreprises par diverses personnes lésées, et la stigmatisation du silence de l’AMF et de son secrétaire général qui n’a jamais répondu aux lettres de M. X… ; que ces précisions fournies, il incombe pour la cour de s’assurer, en premier lieu, du bien fondé de la motivation du tribunal en ce qu’il a jugé diffamatoire au regard de l’article 31 de la loi sur la presse, les deux extraits incriminés et de la portée des contestations du prévenu sur ce point ; que, sur le caractère diffamatoire, iI a été jugé par les premiers juges sur le premier passage qu’il contient l’imputation à M. Y…- Z… d’avoir participé, en sa qualité de président de la commission spécialisée, à une décision rendue sous sa houlette qualifiée de tricherie et de reniement, ayant consisté à ne pas retenir de grief concernant l’acquisition de la société Albright & Wilson, alors que l’autorité dont il était membre savait que celle-ci avait été achetée à un prix fixe convenu à l’avance et non au prix du marché comme annoncé, et donc nier l’évidence, en se fondant à tort, mais en toute connaissance de cause, sur une analyse erronée (la thèse du portage) dans le but de protéger la société en cause et surtout ses principaux dirigeants ; qu’ainsi qu’il n’est pas contesté, un tel fait est précis et contraire à l’honneur à la considération du membre d’une autorité de contrôle des marchés qui faillit, en toute connaissance de cause, à sa mission, au nom d’intérêts particuliers ; que, pour obtenir l’infirmation du jugement, le prévenu et son conseil, tout d’abord, procède à un examen séparé des phrases qui constituent le premier passage ; que, regroupant les deux premières phrases, le prévenu et son défenseur énoncent que l’imputation diffamatoire concerne exclusivement l’AMF et non M. Y…
Z… ; que, quant à la troisième phrase (celle dans le corps de laquelle il est écrit que c’est sous la houlette de M. Y…- Z… que le reniement et la tricherie ont eu lieu), il est conclu et plaidé qu’il n’y a pas eu diffamation car, néanmoins, le fait de l’avoir désigné comme président de la commission spécialisée du collège de l’AMF n’est pas en soi diffamatoire et n’est pas susceptible de poursuites ; Qu’en est-il de l’expression toute honte bue et sous la houlette de M. Y…- Z… ? Toute honte bue est une expression littéraire qui ne revêt en soi aucun caractère diffamatoire ; que, quant à l’expression sous la houlette de M. Y…- Z… ; qu’elle s’applique parfaitement et n’est pas en soi non plus diffamatoire ; que la houlette est un bâton de berger qui permet au berger de faire revenir dans le troupeau les animaux qui s’écartent du troupeau ; qu’être sous la houlette de quelqu’un c’est être sous sa direction morale ; que la cour n’adoptera pas ces prétentions et suggestions aux motifs que, s’il est exact que l’AMF a saisi la justice d’une action en diffamation à raison entre autres passages des deux premières phrases de cet extrait, elle n’a pas englobé dans sa saisine la troisième phrase, celle où il est dit que ceci a eu lieu sous la houlette de M. Y…- Z… ; qu’iI s’en déduit qu’il n’y a pas cumul des poursuites engagées par l’AMF et M. Y…- Z… ; que, de plus, la cour précise que la partie civile est visée personnellement et directement en ce qu’il lui est imputée la direction de cette entreprise illicite, ce qui ne se confond pas avec l’éventuelle diffamation commise envers l’organisme Autorité des marchés financiers, personne morale ayant une personnalité juridique distincte de ceux qui, comme au cas de l’espèce, la composent ; qu’il convient de tenir compte du passage en son entier et de constater, (ce constat découlant de la seule lecture du passage), qu’il est imputé à M. Y…- Z… la responsabilité de l’entreprise susvisée accomplie pour sauver MM. C…, D… et F… ; que la motivation pertinente des premiers juges doit être adoptée étant observé que les commentaires du prévenu et de son défenseur sur le caractère neutre ou dépourvu de connotation diffamatoire des expressions toute honte bue et sous la houlette sont sans effet ni incidence sur le fait constant, toujours dès la lecture du passage, que M. X… fait le choix de focaliser l’attention du lecteur sur M. Y…- Z… alors que les délibérations donnent lieu à une décision régie par le vote majoritaire que c’est le président qui, en cas de partage, a voix prépondérante ; qu’il n’a pas signé la lettre de grief ; qu’iI est affirmé par l’auteur des propos, (M. X…), que M. Y…- Z… a eu le rôle de directeur, sens de l’expression sous la houlette, une locution signifiant sous la conduite ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé à propos de son caractère diffamatoire envers personne dépositaire de l’autorité publique (article 31, alinéa 1, de la loi sur la presse), cette qualification ne faisant selon l’observation de la cour l’objet d’aucune contestation ou remise en cause structurée aux écritures d’appel ; que, sur le second passage, il a été apprécié par les premiers juges que le second passage poursuivi contient une seconde imputation, tout aussi diffamatoire, celle d’avoir accompli un acte de sa fonction de membre de l’AMF, celui qui est précisément stigmatisé dans la première imputation contre une récompense reçue à titre personnel, à savoir sa désignation pour une mission très particulière et très rémunératrice, désignation qui intervient dans les jours qui suivent et qui est le fait du principal bénéficiaire de l’acte litigieux, devenu entre temps ministre de l’économie et des finances ; qu’il importe peu au caractère diffamatoire du propos que la rémunération évoquée soit de nature pécuniaire, ce dont aucun lecteur ne peut cependant douter, le sens de l’adjectif utilisé étant univoque et dénué d’ambiguïté ou, comme le soutient en vain, le prévenu, qu’elle ait consisté en un avantage en terme d’image et de réputation, dès lors que, même si aucun détail n’est donné sur l’existence d’un accord préalable entre les deux intéressés, il résulte clairement du propos qu’un lien doit être établi entre la position de la partie civile dans le dossier Rhodia soumis à l’AMF et le choix du ministre ; que les contestations du prévenu et de son défenseur consistent, ainsi qu’il a été précédemment intégré au présent arrêt, à prétendre qu’il ressortait de l’évidence que, dans sa décision du 29 mars 2005, le collège de l’AMF avait voulu exonérer M. C… que M. Y…- Z… connaissait de longue date ; que de plus, il n’avait pas été énoncé que la mission effectivement confiée avait donné lieu à une rémunération en argent ; que la cour constate tout d’abord que l’argumentation en cause d’appel du prévenu et de son défenseur équivaut, pour l’essentiel, à revendiquer le caractère de vérité de ce qui est ainsi écrit ; que la cour doit relever que la vérité du fait diffamatoire est une procédure distincte de l’appréciation du caractère diffamatoire selon l’article 29, alinéa 1, de la loi sur la presse ; qu’ensuite, il s’impose que nulle objection, dirimante du raisonnement des premiers juges, n’a été soumise à son appréciation ; qu’il est diffamatoire d’énoncer qu’ayant pris la direction de l’entreprise ayant abouti à innocenter M. C…, M. Y…- Z… a obtenu de ce même M. C… devenu ministre une mission très particulière et rémunératrice, ce qui au moins insinue qu’il a été rétribué pour ses services, illicites, rendus à cette personne-ci ; que la cour adoptera, en conséquence, le jugement sur ce point ; qu’en définitive, sur le caractère diffamatoire, la cour confirmera le jugement en ce que les premiers juges ont à bon droit jugé ces deux extraits diffamatoires selon les articles 29, alinéa 1, et 31, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’il demeure pour la cour à rappeler que l’état de M. X… est celui de la personne dont les propos sont rapportés et publiés par Mme A… qui le questionne ; que cet état est redevable du délit de complicité de diffamation publique et les premiers juges se devaient de procéder à la requalification, (celle-ci étant autorisée en droit de la presse), en celle de complicité selon les articles 121-6 et 121-7 du code pénal, 29, alinéa 1, et 31, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 modifiée ; que c’est pourquoi, réformant sur ce point le jugement, la cour procédera à cette requalification, mise en débats lors de l’audience ; qu’il convient de se prononcer sur les autres contestations du prévenu qui concernent l’élément intentionnel du délit ; que la cour relève qu’en cause d’appel, il n’a pas été repris l’argumentation tendant à soutenir que l’offre de preuve avait produit son effet exonératoire selon l’article 35 de la loi sur la presse ; qu’avant d’examiner les demandes tendant à obtenir le bénéfice de la bonne foi, la cour précisera adopter le jugement en ce qu’il a jugé que M. X… avait échoué en son offre de preuve ;

«  et aux motifs que sur la bonne foi, il est de droit positif que, si les imputations diffamatoires sont réputées faites dans l’intention de nuire, le prévenu peut cependant justifier de sa bonne foi ; qu’il doit, à cette fin, établir qu’il poursuivait, en tenant les propos incriminés, un but légitime exclusif de toute animosité personnelle, qu’il a conservé dans l’expression une suffisante prudence et qu’il disposait des éléments lui permettant de s’exprimer comme il l’a fait, sans pour autant qu’il puisse être exigé de lui qu’il eût conduit une enquête complète, préalable et empreinte d’un effort d’objectivité, dès lors que, n’étant pas journaliste, il intervenait sur un dossier le concernant personnellement ; que M. X…, ainsi que le tribunal l’a consigné à son jugement, a été impliqué dans les événements qu’il relate, dès le mois d’avril 1999, en sa qualité d’administrateur délégué de la filiale de la société autrichienne Donau (liée à la société Rhône-Poulenc), qui acquiert au mois de mai 1999 pour le compte de Rhodia la société Albright & Wilson, puis de président de cette dernière société du 21 juillet 1999 au mois d’octobre suivant ; qu’il établit, par ailleurs, que sa responsabilité est toujours judiciairement recherchée à la suite d’une action engagée par un actionnaire de Rhodia, M. B… ; qu’il justifie avoir à la fin de l’année 1999 entamé une procédure à New-York, sans succès, et avoir à de nombreuses reprises écrit à l’AMF pour attirer son attention sur les faits qui constituent le sujet de l’ouvrage litigieux ; qu’il pouvait donc, légitimement, contribuer à l’information du public sur une affaire qui a, par ailleurs, largement suscité l’intérêt des médias et qui mettait de surcroît en cause, à le suivre, l’action d’une autorité publique indépendante, dans des conditions dont les citoyens devaient tout particulièrement avoir connaissance ; que rien dans les propos poursuivis ni dans aucun autre élément produit aux débats ne permet de retenir qu’au delà de ce but d’information du public, le prévenu aurait en fait été mu par une animosité de nature personnelle à l’encontre de la partie civile, laquelle n’est d’ailleurs mentionnée qu’à trois reprises dans l’ouvrage ; que ces deux premiers critères, ne faisant pas l’objet, de la part des parties, de contestations pertinentes, la cour adoptera cette motivation ; que demeure en débats la base documentaire dont M. X… disposait au moment de la parution de l’ouvrage, soit le mois d’octobre 2008, et le point de juger si elle suffisait pour justifier les deux imputations diffamatoires envers la partie civile ; que la cour, compte tenu des conclusions déposées par M. X… et son conseil, qui revendiquent l’application à l’espèce d’un arrêt prononcé le 28 mai 2011 par cette chambre dans une instance opposant l’AMF à M. X…, doit rappeler qu’en droit la mise en cause d’une institution publique comme l’est l’AMF est légalement possible en ce que l’article 10 de la Convention dite Convention européenne des droits de l’homme reconnaît une plus grande liberté d’expression lorsqu’il s’agit de dénoncer les dysfonctionnement d’une telle institution et qu’il s’agit d’un sujet d’intérêt général, la mise en cause d’une personne physique membre de cette institution ne peut impunément avoir lieu ainsi que l’a plaidé et conclu le conseil de la partie civile sans que le diffamateur disposât au moment de la publication d’une base documentaire ou factuelle suffisante pour légitimer ses propos et points de vue concernant la partie civile, la participation de M. Y…- Z… à une institution publique ayant connu du dossier Rhodia ne peut exonérer le diffamateur, selon le sens donné à l’article 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881 modifiée, de toute recherche documentaire effective, une appréciation différente s’imposerait dans l’hypothèse où la personne physique se confondrait avec l’institution ou si elle avait le pouvoir de la diriger seule, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, M. Y…- Z… n’étant ni le dirigeant de l’AMF ni en charge de rédiger les rapports de cet organisme mais comptant seulement comme membre de la commission spécialisée n° 1 ; que la solution arrêtée le 18 mai 2011 par la présente cour n’est pas transposable aux faits ici examinés pour ces quatre motifs ; que les premiers juges se sont fondés sur la base documentaire détenue par le prévenu et versée aux débats d’appel pour reconnaître le bénéfice de la bonne foi à propos du premier passage ; que, pour la cour, il s’impose, à la lecture de ces pièces, qu’aucune d’entre elle ne permet d’envisager que M. Y…- Z… a eu et exercé un pouvoir de fait de direction pour oeuvrer afin d’exonérer MM. C…, D… et F… ; qu’il résulte des écritures de la défense que lors de la séance du 22 mars 2005 ont délibéré MM. C…, G…, H…, I…, J… et Y…- Z… ; qu’il est établi que M. Y…- Z…, membre, avec cinq autres, de la commission spécialisée, ainsi qu’il a déjà été précisé au présent arrêt, n’est ni le président de l’AMF ni le signataire de la lettre de grief du 29 mars 2005 ; qu’il s’impose que si le fonctionnement de l’AMF peut ou pouvait être vilipendé, aucune pièce, nul témoignage n’autorisait M. X… à prêter à M. Y…- Z… le rôle de celui qui sous sa houlette, avait imposé un point de vue et un jugement exonérant MM. C…, D… et F… ; qu’il sera observé par la cour qu’aucun témoignage contemporain de l’affaire n’a jamais été versé aux débats alors que l’ouvrage a connu un retentissement certain dans les médias qui l’ont d’abondance commenté ; qu’en réalité, M. X… se fonde sur les éléments détaillés à ses conclusions sous la rubrique sur la qualité de M. Y…- Z… pour en déduire qu’il avait suivi de manière précise la ligne continue des transactions qu’il avait mis en place alors qu’il était le président du groupe des Banques populaires et aurait dû se déporter, lors de la séance du 22 mars 2005, et que M. C… connaissait M. Y…- Z…, ce qui légitime son point de vue ; que la cour ne suivra pas le prévenu dans ces déductions et affirmations péremptoires en ce qu’il est établi que M. Y…- Z… a quitté la direction du groupe bancaire au mois de juillet 1999 et en est devenu président d’honneur l’année suivante sans avoir exercé alors aucune fonction ni pris part à une décision quelconque ; qu’aucune pièce n’établit que la partie civile a connu personnellement M. C… au temps où celui-ci était administrateur de Rhodia et qu’il importe d’intégrer au présent arrêt que les dénégations de M. Y…- Z… n’ont pas été invalidées par M. X…. qu’il s’impose, contrairement à l’affirmation des premiers juges, que la mise en exergue diffamatoire du prétendu rôle directorial de M. Y…- Z… le 22 mars 2005 procède, au mieux, des seules affirmations de M. X… ; que s’il est possible de conduire des analyses sans concession des décisions des autorités publiques, encore faut-il pouvoir les accomplir sans recourir au procédé de l’extrapolation, empreinte d’amalgame ; qu’au cas d’espèce, à partir d’un document établissant une proximité, antérieure au mois de juillet 1999, du groupe bancaire que M. Y…- Z… dirigeait, avec la société Rhodia avec laquelle ses subordonnés et collaborateurs étaient en relation commerciale, M. X… extrapole sur l’existence de relations personnelles avec M. C… ; que M. X… mentionne aussi la date du 20 juin 2000, comme significative alors que M. Y…- Z… ne peut être concerné, étant parti à la retraite l’année précédente ; que le recours à ce procédé est pour la cour, exclusif de la bonne foi, qui sera refusée à raison de ce premier passage, le jugement déféré étant, en conséquence, réformé sur ce point ; que, sur le second passage, les premiers juges ont retenu le défaut de prudence chez M. X… ; qu’il est constant que la partie civile poursuivante a versé aux débats les pièces probantes établissant, que le principe de la mission confiée le 5 avril 2005 par M. C…, devenu ministre, à M. Y…- Z… avait été décidé à la fin de l’année précédente par son prédécesseur, M. K…, qu’aucune rémunération n’avait été perçue ; qu’il sera mentionné par la cour qu’il est de notoriété publique (cet événement, débattu lors de l’audience d’appel, a fait l’objet de commentaires publics nombreux) que le départ de ses fonctions ministérielles (février 2005) par M. K… a eu lieu à la suite de la parution subite d’articles de presse dont l’élaboration a, d’évidence, échappé à l’autorité politique, ce qui autorise le constat que la nomination de M. C…, démissionnaire de son poste d’administrateur de la société Rhodia en 2002, aux fonctions de M. K…, n’était pas prévisible ; qu’ainsi que l’a expliqué M. Y…- Z… à la cour, M. C… n’a fait qu’entériner la décision de son prédécesseur, ce qui réduit la portée de l’insinuation, personnelle à M. X…, que cette mission correspondait à une rémunération pour le service rendu le 22 mars 2005 ; qu’en définitive, pour ces motifs qui complètent ceux des premiers juges, la cour confirmera le refus de l’admission de M. X… au bénéfice de la bonne foi à raison de ce second passage et précisera en dernier lieu que les ingénieuses explications du prévenu sur le sens qu’il convient de prêter à l’expression mission très rémunératrice sont sans effet ni incidence ; que, sur l’action publique, la cour en définitive, requalifie le délit de diffamation envers dépositaire de l’autorité publique en celui de complicité de diffamation, juge établi en tous ses éléments constitutifs ce délit, l’excuse de bonne foi n’étant pas reconnue à M. X…, confirme la sanction prononcée ; que, sur les intérêts civils, la cour n’est saisie d’aucune contestation sur le principe de l’indemnisation ; qu’étant déclaré coupable après requalification, pour les deux passages incriminés, M. X… sera condamné au paiement des dommages-intérêts prononcés par les premiers juges qui ont fait une analyse exacte du préjudice moral directement et effectivement subi ; que la cour confirmera le jugement en toutes ses dispositions sur l’action civile ; qu’il n’y a lieu à prononcer d’autres mesures réparatrices que la publication du communiqué judiciaire détaillé au dispositif de l’arrêt et le surplus de la demande de la partie civile sera rejeté ; qu’en application de l’article 475-1 du code de procédure pénale, il est équitable de permettre à la partie civile de recouvrer la somme de 2 000 euros pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel ; que M. X… sera condamné au paiement de cette somme et débouté, étant déclaré coupable, de ses demandes reconventionnelles ;

1°) " alors que le bénéfice de la bonne foi doit être reconnu à l’auteur d’imputations diffamatoires lorsque celles-ci répondent à un intérêt légitime d’information du public, ne procèdent d’aucune animosité personnelle et résultent d’une enquête sérieuse ; que le fait pour M. X… d’avoir affirmé que le rapport, à juste titre critiqué, de l’AMF avait été rendu sous la houlette de M. Y… n’est pas exclusif de la bonne foi au motif, retenu par la cour d’appel, qu’il résulterait d’une extrapolation non confirmée par les pièces et informations dont disposait M. X…, dès lors que celui-ci affirmait sans être contesté
que M. Y…
Z… était l’un des membres de la commission spécialisée de l’AMF auteur de ce rapport, qu’il est membre honoraire du Conseil d’Etat et le plus ancien dans le grade le plus élevé l’ayant amené à présider cette commission en l’absence de son président et qu’en sa qualité d’ancien président de la commission de contrôle des assurances et de président honoraire de Natexis, il jouissait d’une autorité morale incontestable ; qu’en se bornant à relever qu’aucune pièce du dossier n’établissait le rôle directorial de la commission attribué à M. Y…- Z… et en déduisant finalement de l’absence de preuve de la vérité des faits diffamatoires l’absence de bonne foi du prévenu la cour d’appel a violé les textes susvisés ;

2°) " alors que l’imputation diffamatoire figurant au premier passage incriminé faisait état du rôle prééminent de M. Y…- Z… au sein de la commission spécialisée de l’AMF dont le rapport avait exclu toute critique de l’opération d’acquisition par la société Rhodia de la société Albright & Wilson à l’origine de la chute des cours de bourse ; qu’en se fondant, notamment, sur le fait qu’aucune pièce n’établissait que la partie civile avait connu personnellement M. C… pour en déduire l’existence d’extrapolation exclusive de la bonne foi la cour d’appel a statué par un motif inopérant en violation des textes susvisés ;

3°) " alors que la cour d’appel a relevé que l’ouvrage litigieux faisait état d’un premier rapport de l’AMF, en date du 20 janvier, dénonçant clairement le montage imaginé par Rhodia pour acquérir Albright & Wilson et accusant Rhodia, dont M. C… était alors administrateur, d’avoir fourni une information inexacte et trompeuse, puis d’une réécriture de ce rapport aboutissant à la décision de la commission, prise le 22 mars 2005, soit postérieurement à la nomination de M. C… en qualité de ministre de l’économie et des finances, qui supprime du nombre des griefs celui concernant l’opération d’acquisition de la société Albright & Wilson ; que ces faits n’ont pas été contestés pas plus que la désignation par M. C… de M. Y…- Z…, intervenue peu après cette décision, en qualité de responsable d’une mission sur la déontologie de la commercialisation de l’épargne ; que cette chronologie rendait vraisemblable la thèse émise par M. X… selon laquelle il existait un lien entre ces évènements et constituait un élément essentiel d’appréciation de la bonne foi ; qu’en omettant de tenir compte de la vraisemblance de l’imputation du second passage incriminé établissant précisément ce lien, à la date de parution de l’ouvrage, pour ne retenir que les explications et preuves fournies ultérieurement en cours de procédure par la partie civile et révélant, mais seulement a posteriori que ce lien ne s’imposait pas avec évidence, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

4°) " alors qu’il doit être tenu compte dans l’appréciation de la bonne foi de l’auteur des propos litigieux de son implication personnelle dans les faits qu’il dénonce ; qu’il résulte des propres termes de l’arrêt attaqué que M. X… avait été impliqué dans les faits qu’il relate en sa qualité de dirigeant de la société Donau laquelle avait acquis la société Albright & Wilson pour le compte de la société Rodhia et, ensuite, de dirigeant de la société Albright & Wilson et qu’en outre, sa responsabilité personnelle est toujours judiciairement recherchée, à la suite, d’une action engagée par un actionnaire de Rodhia et il avait écrit, à de nombreuses reprises à l’AMF, pour attirer son attention sur les faits qui constituent le sujet de l’ouvrage litigieux ; qu’en s’abstenant de rechercher, si cette implication personnelle de M. X…, dans les faits qu’il dénonçait n’était pas de nature à justifier les termes du second passage incriminé établissant un lien entre la participation de M. Y…- Z… à un rapport de la commission spécialisée de l’AMF aboutissant à exonérer M. C… de toute responsabilité, dans l’opération boursière, en cause, et le fait qu’il ait été désigné, très peu de temps après, pour accomplir une mission d’étude officielle, sur la déontologie de la commercialisation de l’épargne, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision ;

5°) " alors que la prudence requise pour que la bonne foi de l’auteur de propos diffamatoires soit admise s’apprécie en fonction de la qualité de l’auteur des propos litigieux ; qu’elle doit être appréciée avec moins de rigueur lorsque l’auteur des propos diffamatoires n’est pas un journaliste ayant pour profession d’informer ; que la cour d’appel a considéré que les éléments d’information dont disposait M. X… ne lui permettait pas de faire état d’un lien entre la mission confiée à M. Y…- Z… par le ministre de l’économie et des finances quelques semaines après la publication du rapport excluant tout grief contre ce dernier dans l’opération boursière litigieuse, en la présentant comme étant très rémunératrice, exigeant ainsi pour la démonstration de la bonne foi de M. X… la prudence qui est requise d’un journaliste professionnel mais pas d’un citoyen dénonçant un scandale financier violant par la même les textes susvisés ;

6°) " alors que, si la liberté d’expression peut subir des restrictions, dans un but de protection de la réputation ou des droits d’autrui, ces restrictions doivent apparaître absolument nécessaires, dans une société démocratique, au but poursuivi et être strictement proportionnées à ce but ; que, seuls, peuvent, en conséquence, être sanctionnés les propos qui excèdent, dans une société démocratique, ce qui est raisonnablement acceptable ; qu’en ne recherchant pas, si au regard des circonstances particulières de l’espèce, les propos tenus par M. X… visant la critique d’une institution publique, la commission spécialisé de l’AMF avec l’indication du nom de l’un de ses membres auteur de la décision critiquée, ne pouvaient être regardés comme n’excédant pas ce qui est raisonnablement acceptable dans une société démocratique, la cour d’appel a, encore une fois, privé sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés ;

7°) " alors que, dans le contexte de l’affaire dans lequel les propos litigieux s’inscrivaient, le prononcé de la condamnation pour diffamation n’était pas proportionné et, par conséquent, pas nécessaire dans une société démocratique au sens de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme que la cour d’appel a, ainsi, violé ;

Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel, à laquelle il ne saurait être reproché d’avoir méconnu les dispositions conventionnelles invoquées, dès lors que les propos en cause, même s’ils concernaient un sujet d’intérêt général relatif au traitement, par une autorité publique, d’une affaire financière ayant eu un retentissement important, étaient dépourvus de base factuelle suffisante et constituaient, à l’égard d’un membre de l’institution, une attaque personnelle excédant les limites de la liberté d’expression, a, par des motifs répondant aux conclusions dont elle était saisie, sans insuffisance ni contradiction, exposé les circonstances particulières invoquées par le prévenu et énoncé les faits sur lesquels elle s’est fondée pour écarter l’admission à son profit du bénéfice de la bonne foi ;

D’où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

DIT n’y avoir lieu à application au profit de M. X…, de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Monfort conseiller rapporteur, Mme Guirimand conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Téplier ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

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Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 octobre 2012, 11-88.715, Inédit