Cour de cassation, Chambre criminelle, 7 novembre 2012, 11-87.930, Inédit

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Chronologie de l’affaire

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Patrick Michaud · Études fiscales internationales · 21 février 2013

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Sur la décision

Référence :
Cass. crim., 7 nov. 2012, n° 11-87.930
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 11-87930
Importance : Inédit
Décision précédente : Cour d'appel de Pau, 14 septembre 2011
Dispositif : Cassation partielle
Identifiant Légifrance : JURITEXT000026740421

Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

— Mme Monique X…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 15 septembre 2011, qui, pour fraude fiscale et omission d’écritures en comptabilité, l’a condamnée à deux mois d’emprisonnement avec sursis et dit n’y avoir lieu à statuer sur la solidarité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 5 et 7 de la Convention conclue le 10 octobre 1995 entre la République française et le Royaume d’Espagne en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune, 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 121-3 du code pénal, 1741 et 1743 du code général des impôts, L. 227 du livre des procédures fiscales, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que l’arrêt attaqué déclaré Mme X… coupable de fraude fiscale et l’a condamnée à une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis ;

«  aux motifs propres qu’il ressort des pièces du dossier que la société gérée par la prévenue, certes de droit espagnol et domiciliée à San Sébastian, exerce son activité en France où elle sert ses principaux clients et réalise la quasi-totalité de son chiffre d’affaires ; que les clients s’adressent en réalité à la prévenue et lui expédient, à sa demande, documents et règlements, à son domicile, lieu d’activité de la société ; que c’est à juste titre que l’administration fiscale a considéré, au vu des éléments relevés lors de la vérification de comptabilité, que la société Ombak Bagus SL réalise un cycle complet d’opérations commerciales en France dans le cadre d’un établissement autonome, par l’intermédiaire d’un représentant sans personnalité professionnelle indépendante, et qu’en application des articles 5 et 7 de la Convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995, elle est assujettie à la TVA en France et aurait donc dû acquitter cette taxe dans les conditions identiques aux entreprises exerçant une activité similaire en France ; qu’il importe peu qu’elle n’ait pas facturé de TVA à ses clients français et que figure l’IVA sur certaines des factures qu’elle a produites de partenaires commerciaux espagnols ; qu’elle a du reste reconnu avoir agi ainsi sans remarques, observations ou conseil de l’avocat qui avait diligenté les formalités d’inscription en Espagne, aux Baléares ou de son expert-comptable en Espagne ; qu’elle ne saurait se dédouaner de l’infraction du fait de sa négligence ou de son ignorance ; qu’elle a également convenu ne pas tenir de comptabilité en France, obligation résultant de son assujettissement à la TVA ;

«  et aux motifs adoptés qu’il est reconnu que l’activité commerciale s’exerce exclusivement en France, depuis le domicile de la prévenue, de la conception à la vente ; que certes, Mme X… confie l’impression des catalogues à des artisans espagnols ; que toutefois, le lieu de l’activité réellement exercée, au sens d'« établissement stable », est bien situé en France, dès lors que les clients générateurs du chiffre d’affaires sont tous domiciliés en France ; que Mme X… qui a été gérante de plusieurs sociétés en France connaît parfaitement la réglementation et la façon de la contourner ;

«  1) alors que la Convention fiscale franco-espagnole du 10 octobre 1995 ne s’applique qu’à l’impôt sur le revenu, à l’impôt sur les sociétés, à la taxe sur les salaires et à l’impôt de solidarité sur la fortune ; que la cour d’appel ne pouvait valablement retenir que la société Ombak Bagus avait un établissement stable en France au regard de cette convention ;

«  2) alors qu’un établissement stable suppose la disposition personnelle et permanente d’une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à la prestation de service ; que la cour d’appel, qui a relevé que la société Ombak Bagus réalisait en France la quasi-totalité du son chiffre d’affaires avec des clients français et que ces derniers expédiaient leurs demandes, documents et règlements au domicile de la prévenue, mais qui n’a pas caractérisé la mise à disposition, à ce domicile, des moyens humains et techniques nécessaires à la prestation de service délivrée par la société en question, ne pouvait valablement retenir l’existence d’un établissement stable en France ;

«  3) alors que le délit d’omission de passation d’écritures comptable n’exige pas que les écritures comptables passées dans des documents tenant lieu de livre journal aient été réalisées en France ; que la cour d’appel, qui s’est bornée à constater que la société Ombak Bagus n’avait pas tenu de comptabilité en France sans rechercher, ainsi qu’elle y était invitée, si les documents comptables tenus en Espagne par cette société ne tenaient pas lieu de livre comptable et ne permettaient pas de regarder le délit d’omission de passation d’écritures comptables comme non établi, n’a pas légalement justifié sa décision ;

«  4) alors que le délit de fraude fiscale suppose une soustraction intentionnelle à l’établissement ou au paiement de l’impôt et ne peut résulter d’une simple faute d’imprudence ou de négligence ; qu’il résulte des propres constatations de l’arrêt que la société redevable facturait à ses clients français la taxe sur la valeur ajoutée espagnole sans que cela entraîne de remarque de l’avocat qui avait diligenté les procédures d’inscription en Espagne et de l’expert-comptable de la société ; que la cour d’appel ne pouvait valablement retenir que la négligence ou l’ignorance de la prévenue ne pouvait faire obstacle à la caractérisation du délit, sans constater l’intention qu’aurait eu l’intéressée de soustraire la société à l’établissement de la TVA ;

« 5) alors qu’en retenant que Mme X… avait une parfaite connaissance de la réglementation et de la manière de la contourner, du seul fait qu’elle avait été gérante de plusieurs sociétés, la cour d’appel s’est déterminée par une affirmation abstraite et générale et n’a pas légalement justifié sa décision » ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure que Mme X…, gérante de la société Omback bagus, domiciliée en Espagne, est poursuivie pour avoir frauduleusement soustrait cette société à l’établissement et au paiement de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, en s’abstenant de déposer les déclarations mensuelles de son chiffre d’affaires ; qu’il lui est également reproché d’avoir omis, pour la même période, de tenir ou faire tenir une comptabilité régulière ;

Attendu que, pour la déclarer coupable de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, l’arrêt prononce par les motifs propres et adoptés repris au moyen ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, qui établissent sans insuffisance ni contradiction que la société Omback bagus, de droit espagnol, a exploité en France un établissement stable, ayant une activité autonome, générant des profits, opérations au titre desquelles elle était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée et, ainsi, soumise aux obligations déclaratives et comptables en résultant, la cour d’appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu’intentionnel, les délits dont elle a déclaré la prévenue coupable, a justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées ;

D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Mais, sur le premier moyen, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, 7 du deuxième protocole additionnel à cette convention, 1745 du code général des impôts, 502, 509 et 593 du code de procédure pénale ;

«  en ce que la cour d’appel a dit que Mme X… avait limité son appel aux dispositions pénales du jugement et ne s’est pas prononcée sur les dispositions dudit jugement condamnant la prévenue, solidairement avec la société redevable, au paiement des impositions prétendument fraudées et aux pénalités afférentes ;

«  aux motifs qu’il ressort de la déclaration d’appel que le recours de la prévenue est limité aux dispositions pénales de la décision ;

«  1) alors que, sauf indications contraires expressément formulées dans la déclaration, l’appel porte sur l’ensemble des dispositions du jugement ; que la mention par laquelle le déclarant avait précisé, au moyen d’une formule pré-imprimée, que l’appel de Mme X… portait sur les dispositions pénales du jugement n’emportait, en l’absence de toute autre mention, aucune indication expresse limitant l’appel à ces seules dispositions ; que la cour d’appel ne pouvait dès lors valablement retenir le contraire ;

«  2) alors, en tout état de cause, que l’étendue de l’appel ne peut être limitée à certaines dispositions du jugement que si cette limitation résulte sans équivoque de la déclaration d’appel ; que la solidarité fiscale prévue par l’article 1745 du code général des impôts constituant une mesure à caractère pénal, il ne pouvait être déduit de la déclaration par laquelle la prévenue précisait que son appel portait uniquement sur les dispositions pénales du jugement que l’intéressée avait sans équivoque entendu limiter ce recours aux seules dispositions pénales prononcées sur l’action publique et en exclure celles par lesquelles, sur l’action exercée par l’administration fiscale, le tribunal correctionnel l’avait condamnée à payer, solidairement avec la société redevable, les impositions prétendument fraudées et les pénalités afférentes ; que la cour d’appel ne pouvait valablement retenir le caractère limité de l’appel » ;

Vu l’article 509 du code de procédure pénale, ensemble l’article 1745 du code général des impôts ;

Attendu que, d’une part, selon le premier de ces textes, l’affaire est dévolue à la cour d’appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et par la qualité de l’appelant ;

Attendu que, d’autre part, la solidarité prévue par l’article 1745 précité est une mesure que les juges peuvent prononcer en cas de condamnation pour l’un des délits prévus et punis par les articles 1741, 1742 et 1743 du code général des impôts ;

Attendu qu’après avoir retenu la culpabilité de Mme X… des chefs de fraude fiscale et d’omission d’écritures en comptabilité, les juges du tribunal correctionnel la condamnent à une peine d’emprisonnement avec sursis et la déclarent solidairement tenue, avec la société Ombak bagus, redevable légal des impositions, au paiement des impôts fraudés et pénalités afférentes ;

Attendu que, sur les appels de la prévenue et du ministère public, l’arrêt, après avoir relevé que le recours de la première était limité aux dispositions pénales du jugement, ne prononce pas sur la solidarité ;

Mais attendu qu’en omettant ainsi de statuer, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Pau, en date du 15 septembre 2011, mais en ses seules dispositions ayant omis de statuer sur la solidarité, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;

Et pour qu’il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel d’Agen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Pau et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Rognon conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : Mme Randouin ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;



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