Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 mai 2014, 12-25.900, Publié au bulletin

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Une base de données conçue pour permettre l’exercice d’un contrôle parental sur internet et constituée d’une sélection de sites dénommée "Guide junior" est éligible à la protection du droit d’auteur dès lors que cette sélection reflète des choix éditoriaux personnels, opérés en fonction de la conformité du contenu des sites à une charte qui gouverne la démarche du producteur de la base.

Justifie légalement sa décision une cour d’appel qui relève qu’une base de données construite sur le même principe présente un taux d’identité de 35,05% des adresses URL et 59,82 % des noms de domaine recensés dans la base protégée, pour en déduire que ces actes de reproduction constituent des actes de contrefaçon

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Sur la décision

Référence :
Cass. 1re civ., 13 mai 2014, n° 12-25.900, Bull. 2014, I, n° 85
Juridiction : Cour de cassation
Numéro(s) de pourvoi : 12-25900
Importance : Publié au bulletin
Publication : Bull. 2014, I, n° 85
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 26 juin 2012
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 4 novembre 2021
Identifiant Légifrance : JURITEXT000028944288
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2014:C100551
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Sur les parties

Texte intégral

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 27 juin 2012), que la société Xooloo, fondée par les consorts X…, qui avait mis au point un système de contrôle parental sur internet reposant sur le principe du « rien sauf » selon lequel aucun site n’est accessible aux mineurs sauf ceux répertoriés sur une « liste blanche » dénommée « Guide Juniors », a conclu le 16 août 2004, avec la société Wanadoo, aux droits de laquelle vient France Télécom, devenue la société Orange, un contrat de mise à disposition de son « Guide Junior » ; qu’ayant découvert que la société Optenet, avec laquelle elle était en pourparlers pour la fourniture d’une solution globale de contrôle parental, avait élaboré une même « liste blanche » qu’elle avait diffusée à des fournisseurs d’accès à Internet, la société Xooloo a assigné en contrefaçon de base de données et en concurrence déloyale les sociétés Optenet et Optenet Center, puis a assigné en intervention forcée la société France Télécom, devenue société Orange ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu que la société Orange fait grief à l’arrêt attaqué de la condamner, in solidum avec la société Optenet, à payer à la société Xooloo les sommes de 1 861 604,05 euros et 2 000 000 euros à titre de dommages-intérêts et à rembourser à la société Xooloo le prix d’une insertion dans trois publications de son choix, du dispositif du jugement et de la mention de l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’en condamnant la société France Télécom à réparer le préjudice de la société Xooloo sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ;

2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, la responsabilité de la société France Télécom était recherchée par la société Xooloo sur un fondement délictuel au titre de l’atteinte portée à ses droits d’auteur et de producteur de base de données ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement contractuel, en relevant d’office le moyen tiré de la responsabilité contractuelle de la société France Télécom, sans inviter au préalable les parties à s’en expliquer, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

3°/ que l’action en réparation de l’atteinte portée au droit d’auteur ou au droit du producteur de base de données ne tend pas aux mêmes fins que l’action en responsabilité contractuelle ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement contractuel, en relevant d’office le moyen tiré de la responsabilité contractuelle de la société France Télécom, la cour d’appel a modifié l’objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4°/ que le contrat conclu entre la société Xooloo et la société Wanadoo France, devenue France Télécom, avait pour objet l’intégration du « Guide junior » développé par la société Xooloo dans la solution de contrôle parental « Securitoo » développée par la société Optenet et commercialisée par Wanadoo France et sa filiale, Nordnet ; qu’il prévoyait le transfert de la base de donnée cryptée de Xooloo à la société Nordnet, le décryptage par cette dernière de cette base de données pour intégration dans le logiciel de contrôle parental puis un nouveau cryptage avant mise à disposition des utilisateurs ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement contractuel, en jugeant que France Télécom avait commis des fautes contractuelles parce qu’il incombait au fournisseur d’accès à Internet ou à Nordnet, et non à Optenet, d’intégrer la base de données de la société Xooloo dans le logiciel de contrôle parental Securitoo et de crypter la base destinée aux clients, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

5°/ que les dispositions des articles 1382 et suivants du code civil sont inapplicables à la réparation d’un dommage se rattachant à l’inexécution d’un engagement contractuel ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement délictuel, en condamnant la société France Télécom sur un fondement délictuel à raison de l’inexécution de ses obligations contractuelles, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la société Xooloo ayant, aux termes de ses écritures, recherché la responsabilité de la société France Télécom pour avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne mettant pas en oeuvre une solution de cryptage, en violant la clause de confidentialité et en acceptant que sa filiale ( Nordnet) viole délibérément les engagements contractuels souscrits par ses soins, c’est sans méconnaître le principe de la contradiction, ni modifier l’objet du litige, que la cour d’appel a retenu que la société France Télécom avait commis des fautes contractuelles qui avaient permis et facilité l’appropriation illicite de la base de données par la société Optenet et avaient concouru à la réalisation du dommage ;

Et attendu, en second lieu, qu’ayant relevé que l’article 3-5 du contrat conclu entre la société Wanadoo et la société Xooloo prévoyait que l’intégration du « Guide Junior » à l’offre de contrôle parental était assurée « par le fournisseur d’accès à Internet et /ou sa filiale Nordnet » et que celui-ci s’engageait à mettre en oeuvre toute mesure de protection de la base notamment par son cryptage, la cour d’appel a pu en déduire que le contrat mettait à la charge de la société Wanadoo et / ou de la société Nordnet les opérations d’intégration de la base de données dans le logiciel de contrôle parental et le cryptage de la base destinée aux clients ;

Que le moyen, qui manque en fait en ses première et cinquième branches, n’est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société Orange fait encore le même grief à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1°/ que seule l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données ayant requis un investissement substantiel peut être interdite par son producteur ; qu’en se fondant sur le pourcentage d’identité entre les adresses URL et les noms de domaines de la base de données de la société Optenet et ceux composant la base de données de la société Xooloo pour caractériser l’atteinte au droit du producteur de bases de données reconnu à cette dernière, sans constater que les données extraites devraient correspondre, quantitativement ou qualitativement, à un investissement substantiel de la société Xooloo, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que la protection d’une base de données par le droit d’auteur s’applique au choix ou à la disposition des données qu’elle contient, à l’exclusion de son contenu ; qu’en se fondant sur le pourcentage d’identité entre les adresses URL et les noms de domaines de la base de données de la société Optenet et ceux composant la base de données de la société Xooloo pour caractériser la contrefaçon résultant des actes de reproduction sans autorisation de son auteur de la base de données de celle-ci, sans constater qu’auraient été reproduits des éléments liés au choix ou à la disposition du contenu de cette base de données constituant une expression originale de la liberté créatrice de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1, L. 112-3, L. 122-5 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, tels qu’interprétés à la lumière des articles 3 et suivants de la directive n° 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données ;

Mais attendu que la cour d’appel, qui a apprécié souverainement l’importance des extractions litigieuses, a constaté que mille adresses URL complètes à l’octet près, et neuf cent soixante-quatorze noms de domaines de la « liste blanche » se retrouvaient dans la base incriminée, caractérisant ainsi l’extraction d’une partie substantielle de la base de données de la société Xooloo, sans l’autorisation de cette dernière ;

Et attendu qu’après avoir relevé que la base de données de la société Xooloo, construite sur le principe du « rien sauf », se présentait sous la forme d’une « liste blanche » (dénommée « Guide junior »), porteuse d’une sélection d’adresses URL et retenu que celle-ci reflétait des choix éditoriaux personnels, opérés au regard de la conformité des contenus qui la constituent à la charte qui gouverne la démarche de la société Xooloo, l’arrêt constate que la société Optenet a constitué une base de données fondée sur le même principe, dont la partie visible présentait avec la partie non cryptée de la base de données de la société Xooloo un taux d’identité s’élevant à 35,05 % des adresses URL complètes -parmi lesquelles des adresses dites « sentinelles » délibérément tronquées par Xooloo-, et à 59,82 % des noms de domaine, que la cour d’appel en a déduit que ces actes de reproduction constituaient des actes de contrefaçon de droit d’auteur, justifiant ainsi légalement sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Orange aux dépens, ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Optenet et Orange et condamne cette dernière à payer à la société Xooloo la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Marc Lévis, avocat aux Conseils, pour la société Orange

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société France Telecom, in solidum avec la société Optenet, à payer à la société Xooloo les sommes de 1 861 604,05 € et 2 000 000 € à titre de dommages et intérêts et d’AVOIR condamné, in solidum, la société France Telecom et la société Optenet à rembourser à la société Xooloo le prix d’une insertion dans trois publications de son choix, du dispositif du jugement et de la mention de l’arrêt, dans la limite de 6000 € par insertion, ainsi qu’au paiement à la société Xooloo d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE la société Xooloo fait grief à la société France Telecom d’avoir permis et facilité la commission des actes illicites précédemment retenus, en ayant rendu possible, au mépris des stipulations du contrat de mise à disposition du 16 août 2004, l’accès de la société Optenet à sa base de données ; qu’en exécution du contrat précité, la société Xooloo a mis à la disposition de la société Wanadoo France et de sa filiale Nordnet la base de données « Guide Juniors » en vue de son intégration dans le logiciel de contrôle parental Securitoo ; qu’or s’il est constant que logiciel Securitoo est fourni par la société Optenet, force est toutefois de relever que le contrat ne fait aucunement état de cette circonstance pas plus qu’il ne fait mention de la société Optenet ; qu’il énonce, en revanche, explicitement à l’article 3-5 in fine, que l’intégration du « Guide Juniors » à l’offre de contrôle parental est assurée par le Fournisseur d’Accès à Internet et/ou sa filiale Nordnet ; qu’il ajoute, à l’article 3-5, paragraphe 1, que les fichiers de la base de données et de la base de données mise à jour, sont envoyés cryptés sous format PGP du serveur de la société Xooloo au serveur FTP de la société Nordnet et à l’article 4-11, que le Fournisseur d’Accès à Internet s’engage à mettre en oeuvre toutes mesures de protection de la Base de données mise à sa disposition, notamment par le cryptage de celle-ci, afin de prévenir tous vols, utilisations abusives, détériorations de cette Base utilisation d’un mode de cryptage PGP entre Xooloo et Nordnet, et cryptage de la Base destinée aux clients dans un mode propriétaire à Nordnet ; qu’il met encore à la charge de la société Wanadoo France l’engagement de ne pas divulguer, directement ou indirectement, les informations confidentielles que Xooloo met à sa disposition pour l’exécution de la Prestation ; qu’il stipule, enfin, à l’article 4-3 que Le fournisseur d’accès à Internet se porte fort du respect des dispositions du présent contrat par la société Nordnet ; qu’or il ressort de l’audition par les services de police de Dominique Y…, directeur des opérations techniques de la société Nordnet, le 23 novembre 2006, que le fichier crypté en PGP déposé quotidiennement par la société Xooloo pour la mise à jour de la base « Guide Juniors » sur le serveur FTP de Nordnet réservé à cet usage, reste sur le serveur de Nordnet (…) et nous le décryptons pour transférer les URLS qu’il contient dans la base Guide Juniors présente sur le serveur de mises à jour grâce à une interface Optenet qui crypte à nouveau ces URLS avant de les injecter sur la base ; qu’il s’en infère que la société Nordnet transférait à la base de données de la société Xooloo, après l’avoir décryptée, à la société Optenet, laquelle la recryptait, avec sa propre solution de cryptage, pour l’intégrer dans le logiciel destiné à l’utilisateur final ; que ces informations ne sont pas démenties par la société Optenet, ni par la société France Telecom, laquelle discute la portée des stipulations contractuelles précitées, exemptes pourtant de toute ambiguïté en ce qu’elles mettent à la charge de la société Wanadoo et / ou de la société Nordnet, l’intégration de la base de données dans le logiciel de contrôle parental Securitoo et le cryptage dans un mode propriétaire à Nordnet de la base destinée aux clients, sans prévoir une quelconque dérogation à l’égard de la société Optenet ; qu’il suit des observations qui précèdent, d’où il ressort que l’intégration de la base de données de la société Xooloo dans le logiciel de contrôle parental Securitoo était effectuée par la société Optenet et que le cryptage de la base destinée aux clients était effectué par la société Optenet alors que l’une et l’autre de ces tâches incombaient expressément au fournisseur d’accès à Internet et/ou Nordnet, dans le but explicitement annoncé de protéger les droits de propriété intellectuelle attachés à la base de données, que la société Wanadoo (aujourd’hui France Telecom) a manqué à ses engagements contractuels et a permis l’accès de la société Optenet à la base de données de la société Xooloo dont elle devait préserver le caractère confidentiel ; qu’il résulte enfin des pièces de la procédure que la société France Telecom ayant été alertée dès le mois de juin 2006 des suspicions de la société Xooloo à l’endroit de la société Optenet a certes demandé à cette dernière des explications, mais n’a pris aucune mesure pour lui interdire l’accès à la base de données de la société Xooloo ainsi que l’exigeait une exécution de bonne foi du contrat ; que la société Xooloo est dès lors fondée à soutenir que la société France Telecom a commis des fautes contractuelles qui ont permis et facilité l’appropriation illicite de sa base de données par la société Optenet et ont concouru à la réalisation du dommage qui en est résulté ; que la société France Telecom sera dès lors condamnée in solidum avec la société Optenet à la réparation du préjudice de la société Xooloo ainsi que l’a pertinemment retenu le tribunal (arrêt, pp. 11 à 13) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE l’article 8- confidentialité stipule : « Chacune des parties s’engage à mettre en oeuvre les moyens appropriés pour garder le secret le plus absolu sur les informations et documents confidentiels et touchant notamment le savoir-faire du Prestataire (à savoir Xooloo) et auxquels elle aurait accès à l’occasion de l’exécution des prestations objet du présent Contrat. L’obligation se poursuivra après l’exécution du présent Contrat » ; que, dans ce cadre, seuls Wanadoo et/ou sa filiale Nordnet pouvaient avoir accès aux données cryptées fournies par Xooloo et que nulle part, dans le contrat figure une quelconque mention d’Optenet, il faut, donc, comprendre que l’intégration du Guide Junior de Xooloo, dans le produit Securitoo, composé de la liste blanche de Xooloo et du logiciel fournit par Optenet dans le cadre du contrat qui la liait Wanadoo depuis 2002, devait être réalisée par Nordnet ; que, de façon surabondante, « le Fournisseur d’Accès à internet s’interdit directement ou indirectement, de réaliser toute autre opération et notamment toute utilisation, reproduction, cession, concession, diffusion, ou transfert de la base de données, du moteur de recherche et de l’annuaire de sites mises à sa disposition par le Prestataire qui en demeure seul propriétaire » ; qu’il n’en a pas été ainsi, puisque France Telecom a admis qu’en fait c’était la société Optenet et non Nordnet, comme prévu au contrat, qui réalisait l’intégration de la base cryptée de Xooloo dans le produit Securitoo comme le confirme implicitement Optenet dans un courrier adressé à France Telecom le 1er février 2007 : « nous tenons à vous confirmer que ni Optenet société ni son distributeur français, la société Optenet Center, n’ont procédé à une quelconque utilisation du contenu du Portail internet Guide Junior » et des listes blanches élaborées par Xooloo, hébergées par Nordnet et protégées par cryptage, à des fins étrangères à l’exploitation du logiciel de filtrage Securitoo, au sein desquels ce portail et ces listes sont intégrées » ; que France Telecom n’apporte pas la preuve qu’elle avait reçu l’autorisation de Xooloo pour fournir à Optenet la base cryptée de Xooloo, le tribunal dira qu’en agissant ainsi, France Telecom a eu une application fautive du contrat, qu’elle s’est mise en contradiction avec l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle et que les moyens présentés par France Telecom pour démontrer qu’elle a exigé d’Optenet des garanties de confidentialité sont inopérants (jugement pp. 10 et 11) ;

1/ ALORS QUE le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu’en condamnant la société France Telecom à réparer le préjudice de la société Xooloo sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ;

2/ ALORS, subsidiairement, d’une part, QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu’en l’espèce, la responsabilité de la société France Telecom était recherchée par la société Xooloo sur un fondement délictuel au titre de l’atteinte portée à ses droits d’auteur et de producteur de base de données ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement contractuel, en relevant d’office le moyen tiré de la responsabilité contractuelle de la société France Telecom, sans inviter au préalable les parties à s’en expliquer, la cour d’appel a violé l’article 16 du code de procédure civile ;

3/ ALORS, d’autre part, QUE l’action en réparation de l’atteinte portée au droit d’auteur ou au droit du producteur de base de données ne tend pas aux mêmes fins que l’action en responsabilité contractuelle ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement contractuel, en relevant d’office le moyen tiré de la responsabilité contractuelle de la société France Telecom, la cour d’appel a modifié l’objet du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

4/ Et ALORS, au demeurant, QUE le contrat conclu entre la société Xooloo et la société Wanadoo France, devenue France Telecom, avait pour objet l’intégration du « Guide junior » développé par la société Xooloo dans la solution de contrôle parental « Securitoo » développée par la société Optenet et commercialisée par Wanadoo France et sa filiale, Nordnet ; qu’il prévoyait le transfert de la base de donnée cryptée de Xooloo à la société Nordnet, le décryptage par cette dernière de cette base de données pour intégration dans le logiciel de contrôle parental puis un nouveau cryptage avant mise à disposition des utilisateurs ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement contractuel, en jugeant que France Telecom avait commis des fautes contractuelles parce qu’il incombait au fournisseur d’accès à Internet ou à Nordnet, et non à Optenet, d’intégrer la base de données de la société Xooloo dans le logiciel de contrôle parental Securitoo et de crypter la base destinée aux clients, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1147 du code civil ;

5/ ALORS, subsidiairement, et en toute hypothèse, QUE les dispositions des articles 1382 et suivants du code civil sont inapplicables à la réparation d’un dommage se rattachant à l’inexécution d’un engagement contractuel ; qu’à supposer la condamnation prononcée sur un fondement délictuel, en condamnant la société France Telecom sur un fondement délictuel à raison de l’inexécution de ses obligations contractuelles, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil.

SECOND MOYEN DE CASSATION, subsidiaire

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR condamné la société France Telecom, in solidum avec la société Optenet, à payer à la société Xooloo les sommes de 1 861 604,05 € et 2 000 000 € à titre de dommages et intérêts et d’AVOIR condamné, in solidum, la société France Telecom et la société Optenet à rembourser à la société Xooloo le prix d’une insertion dans trois publications de son choix, du dispositif du jugement et de la mention de l’arrêt, dans la limite de 6000 € par insertion, ainsi qu’au paiement à la société Xooloo d’indemnités au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

AUX MOTIFS PROPRES QU’il est (…) établi, au vu du constat effectué par l’APP le 4 avril 2006, que la société OPTENET a été en mesure de livrer au fournisseur d’accès à Internet Club-Internet une base de données et un portail thématique « les kids du net » ; qu’il est (…) justifié, par le rapport de l’APP du 26 octobre 2007, d’un pourcentage d’identité de 35, 05 % des adresses URL complètes à l’octet près, soit mille adresses, et de 59, 82% pour les noms de domaine, soit 974 noms de domaine, au terme de l’examen comparatif entre d’une part, le portail thématique « les kids du net », constituant la partie visible de la base, à la date du 4 avril 2006, et, d’autre part, la partie non cryptée de la base de données déposée par la société Xooloo à l’APP le 7 février 2006 ; que pour justifier de pourcentages plus faibles, la société Optenet produit une étude de M. Z…, laquelle n’est cependant pas concluante dès lors qu’elle prend pour termes de comparaison la partie non cryptée de la base fournie à Club-Internet d’une part, et la base de données, cryptée et non cryptée, de la société Xooloo et que force est de relever que la société Optenet n’a pas estimé opportun de communiquer une étude incluant les données de la partie cryptée de sa base ; que la société Optenet prétend encore que des similitudes seraient inévitables dès lors que les bases de données visent un même public ; qu’une telle observation est dénuée de pertinence au regard de la présence dans la version commercialisée de la base de la société Optenet, relevée dans le procès-verbal de l’APP du 4 avril 2006, et qui ne saurait être fortuite, de cinq adresses « sentinelles » de la base de la société Xooloo (délibérément tronquées de manière à marquer l’origine de la base), de quatre adresses « techniques » (issues de la partie cryptée de la base de la société Xooloo, nécessaires à l’affichage des sites référencés mais dont l’indexation en partie visible ne présente aucun intérêt pour l’utilisateur final) et de onze adresses « exotiques » (adresses complexes, particulièrement originales) ; que la société Optenet fait valoir enfin que la base de données déposée le 7 février 2006, soit postérieurement à l’ordonnance du 2 février 2006 autorisant la saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Optenet Center, pourrait avoir été modifiée pour les besoins de la cause ; que l’argument est toutefois inopérant dès lors que la société Xooloo ne disposait à cette date d’aucun document de référence émanant de la société Optenet ; qu’il n’est pas démenti que la société Optenet a en outre pourvu la société Telecom Italia à des conditions de prix que la société Xooloo ne pouvait accepter, que l’ensemble des observations ci-avant établissent à la charge de la société Optenet une appropriation non autorisée d’une partie substantielle de la liste blanche de la société Xooloo pour la réalisation d’un produit à un coût inférieur à celui qu’aurait nécessité une conception autonome et caractérisent une extraction frauduleuse au sens des dispositions de l’article L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle, attentatoire aux droits du producteur de base de données définis à l’article L.341-1 du même code et ouvrant droit à réparation ; que les observations qui précèdent établissent en outre, à la charge de la société Optenet, des actes de reproduction sans autorisation de la base de données de la société Xooloo sans autorisation de son auteur et caractérisent une contrefaçon (arrêt, p. 10 et 11) ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE sans être démentie, l’Agence pour La Protection des Programmes sollicitée par Xooloo trouve, dans la base non cryptée d’Optenet du 4 avril 2006, tel qu’indiqué dans son constat du 4 avril 2006, onze adresses « exotiques » et « techniques » qui proviennent de la base cryptée de Xooloo et cinq adresses que l’on peut qualifier de sentinelles issues de la base cryptée de Xooloo, le tribunal compte tenu du fait que Optenet, de son propre aveu ne disposait pas de l’équivalent, du Guide Junior, début 2006, qu’elle a réalisé un produit concurrent en moins de trois mois, alors que Xooloo avait mis plusieurs années à le construire, dira que de sa base en avril 2006, Optenet avait copié des données extraites de la partie cryptée de la base de Xooloo, à laquelle il est établi qu’elle avait accès, dans des proportions qui ne peuvent être précisées avec certitude, mais qui témoignent d’une volonté significative d’utiliser, frauduleusement, la base de données d’un concurrent (jugement p. 13 et 14) ;

1/ ALORS, d’une part, QUE seule l’extraction et/ou la réutilisation de la totalité ou d’une partie qualitativement ou quantitativement substantielle du contenu d’une base de données ayant requis un investissement substantiel peut être interdite par son producteur ; qu’en se fondant sur le pourcentage d’identité entre les adresses URL et les noms de domaines de la base de données de la société Optenet et ceux composant la base de données de la société Xooloo pour caractériser l’atteinte au droit du producteur de bases de données reconnu à cette dernière, sans constater que les données extraites devraient correspondre, quantitativement ou qualitativement, à un investissement substantiel de la société Xooloo, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 341-1 et L. 342-1 du code de la propriété intellectuelle ;

2/ ALORS, d’autre part, QUE la protection d’une base de données par le droit d’auteur s’applique au choix ou à la disposition des données qu’elle contient, à l’exclusion de son contenu ; qu’en se fondant sur le pourcentage d’identité entre les adresses URL et les noms de domaines de la base de données de la société Optenet et ceux composant la base de données de la société Xooloo pour caractériser la contrefaçon résultant des actes de reproduction sans autorisation de son auteur de la base de données de celle-ci, sans constater qu’auraient été reproduits des éléments liés au choix ou à la disposition du contenu de cette base de données constituant une expression originale de la liberté créatrice de son auteur, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 111-1, L. 112-3, L. 122-5 et L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, tels qu’interprétés à la lumière des articles 3 et suivants de la directive n° 96/9/CE du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données.

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